LYNX, documentaire de Laurent Geslin

Week-End Jeunes Réalisateurs 26 et 27 mars 2022 
7 films, 7 mondes 

Tourné dans le Jura, côté suisse.

Enfant, Laurent Geslin apprend que le lynx a été réintroduit dans son milieu naturel. Il n’aura de cesse d’aller à sa rencontre pour le filmer.

Sa réintroduction a pour but d’installer à nouveau ce prédateur en haut de la chaîne alimentaire, et de réensauvager la forêt. La biodiversité s’avère nécessaire à l’équilibre de l’écosystème.

Dès les premières images ont voit sortir d’une cage un lynx, qui va découvrir à toute vitesse son nouvel élément naturel enneigé. L’homme est intervenu pour le déplacer pour éviter une consanguinité néfaste à l’espèce.

Les images sont superbes. On est immergé dans la vie d’un couple. Trois petits naissent de cette union. 

On se demande par quelle prouesse le réalisateur a pu filmer ces animaux réputés très farouches. Pourtant, deux randonneurs tombent presque nez à nez avec un lynx en plein repas !

La chasse joue un rôle important. Mais dans la forêt les diverses espèces animales s’allient pour donner l’alerte et mettre en déroute le plus grand félin d’Europe, qui n’hésite pas à convoiter et dévorer un chamois, bien plus gros que lui.

J’avoue avoir pensé plus d’une fois au dessin animé Bambi, en voyant filmés de façon si admirable chouettes, faons, chamois. On apprend qu’un chaton est tué par un braconnier. Un autre se fera écraser par un automobiliste.

Les hommes ne sont jamais très loin. Pourtant, le lynx a besoin d’un immense territoire pour survivre.

C’est peut-être le cri d’alarme du réalisateur et son message : en filmant ces lynx dans leur milieu naturel, en interaction avec les autres animaux, il fait preuve de pédagogie par l’émerveillement.

Plus qu’un long discours, à l’aide de sublimes images, il développe l’importance des parcs naturels dans nos sociétés.

Pour moi, comment oublier ce face-à-face avec un bouquetin, vieux mâle solitaire dans le Vercors, avec ses énormes cornes ? Ou ce chamois avec son petit qui ne détale pas, ce qui me surprend, jusqu’à ce que je comprenne qu’il est aveugle !

Un film qui me touche car c’est une rencontre avec la  vie sauvage, la vraie .

Gérard

Mes frères et Moi-Yohan Manca

Week-End Jeunes Réalisateurs 26 et 27 mars 2022 
7 films, 7 mondes 

Le bouquet final ? Une fin en apothéose ? Comment qualifier Mes frères et moi, le dernier film de notre week-end Jeunes Réalisateurs ? Il nous a tellement émus avec sa fratrie incroyable autour de la mère mourante. Et pourtant aucune mièvrerie dans ce très beau film de Yohan Manca, une histoire romanesque et captivante qui se passe en banlieue.

Tout d’abord les frères. Abel, l’aîné, interprété par Dali Benssalah, qui semble bourré de certitudes pour que la famille tienne debout mais sous ses airs rudes, nous voyons tout son amour pour ses frères et sa mère. La scène de la mort de cette dernière est poignante et révèle  la vulnérabilité et la grande sensibilité d’Abel. Mo, le fanfaron aux airs d’Aldo Maccione amuse la galerie mais est-il si joyeux ou veut-il le paraître ? Hedi, l’incontrôlable, voleur, violent, drogué. C’est le  premier rôle de Moncef Farfar au cinéma, incroyable, non ? Et Nour, Maël Rouin-Berrandou qui crève l’écran. Le réalisateur a hésité : qui choisir ? Un chanteur qui jouerait la comédie ou un acteur qui serait doublé pour le chant ? Ce sera un acteur et il saura chanter. Maël Rouin-Berrandou n’a pas voulu être doublé, il a pris des cours de chant avec un professeur pendant trois mois et s’est révélé capable de chanter et très bon comédien. Il faut dire qu’avec l’actrice et chanteuse Judith Chemla, tout semble possible tant elle aussi est magnifique sur ce film et emporte l’enthousiasme de tous dans son sillage.

Et l’oncle ? Manu ? Quand il est apparu, j’ai eu l’impression de déjà le connaître. Mais oui, bien sûr ! Il est même venu à l’Alticiné pour un précédent week-end des jeunes réalisateurs en 2016. Olivier Lousteau,  réalisateur du film La fille du patrondans lequel il a le premier rôle au côté de Christa Théret.

Mes frères et moi a enchanté tous nos spectateurs et nous aurons tous de nouvelles images en tête en écoutant la Traviata ou Una furtiva Lagrima. Il est donc possible de faire un feel-good movie avec une histoire qui se passe en banlieue, il suffit d’avoir du talent, de la générosité, d’excellents acteurs et aussi un très bon directeur de la photographie, Marco Graziaplena, qui a déjà filmé la ville de Sète pour les deux  Mektoub, My Love d’Abdellatif Kechiche.

Laurence

L’été l’éternité de Emilie Aussel

Week-End Jeunes Réalisateurs 26 et 27 mars 2022
7 films, 7 mondes

L'Été l’éternité

L’été, l’éternité
Commencer par celui-là, évidemment.
L’histoire d’un groupe de jeunes entre l’adolescence et l’âge adulte, à la période charnière de l’après bac, qui s’apprêtent à prendre leur envol, se lancer (enfin!) dans la vraie vie, partir peut-être, se voir moins souvent, s’oublier un peu, pas trop …

Mais toi qui connais tous mes secrets, jamais je ne te quitterai ! Comment pourrais-je vivre sans toi ?
Ils rient, et dansent, se frôlent et s’embrassent. Il y a le ciel, le soleil et la mer …
Ils ont 18 ans et ils sont immortels

Quand la mort s’impose dans leur paysage, c’est sidérant.
Les coeurs sont chavirés à jamais. Cette douleur, c’est comme la vague d’une tempête qui les submerge, Lise en première ligne, Malo et puis les autres, qui les asphyxie, leur coupe le souffle.
Eux qui respiraient si bien dans la série interminable de leurs journées de vacances, sont, soudain, frappés d’hypoxie, devenus tout petits et inconsolables …
Les eaux bénies de leur enfance se sont refermées sur eux. Comment comprendre l’incompréhensible, accepter l’inacceptable ? Comment trouver le chemin vers son histoire ré-écrite, trouver l’impulse pour remonter au soleil de la jeunesse abandonnée et trouver quand même belle la surface de l’eau, troublée pourtant, désormais, par un clapotis incessant, entêtant, inquiétant, laissé là pour la vie, abandonné par cette lame de fond.
Apprendre alors à respirer autrement, à voir ce qu’on ne voyait pas, à sentir ce qu’on ne sentait pas et retrouver dans l’air, dans la musique, dans les autres le goût de vivre et accueillir sereinement l’empreinte floue de ceux qui sont morts.
Dans L’Été l’éternité, son premier long métrage, Émilie Aussel nous invite à réfléchir en douceur à la violence particulière d’un deuil vécu à l’âge tendre de l’insouciance.

Le drame fait de la mer un des personnages principaux de l’histoire. Un ennemi, un animal sauvage que les protagonistes tentent, chacun à leur manière d’approcher à nouveau, de ré-apprivoiser, un mystère où ils décideront, par instinct, un jour, de re-plonger pour renaitre.
Leurs visages, souvent filmés en gros plan, expriment les tourments de leurs âmes, aucun mot ne saurait occuper les silences de leur sidération

Les jeunes acteurs sont tous épatants, Agathe Talrich, Lise, toute en réserve, incarne parfaitement l’absence ponctuelle et nécessaire de soi-même, Marcia Guedj-Feugeas, Lola, pétillante croquant la vie comme un bonbon acidulé, Matthieu Lucci, (L’Atelier de Laurent Cantet) en Malo devenu opaque.
Et Nina Villanosa en Rita, (quelle présence !) en Rita re-née et Idir Azougli (Shéhérazade de Jean-Bernard Marlin) en Marlon. Ils crèvent l’écran.

L’Été l’éternité se savoure, sans hâte, comme l’adolescence.

L’Été l’éternité, c’est l’histoire de cet été-là où la mort s’est invitée dans la vie, greffée pour l’éternité.

Marie-No

En bref sur « Nos Âmes d’Enfants de Mike Mills

Film américain (vo, janvier 2022, 1h48) de Mike Mills avec Joaquin Phoenix, Gaby Hoffmann, Woody Norman
Titre original C’mon C’mon

Autant le film a été bien présenté et remarquablement défendu, par Marie-Annick dont le retour est une joie pour nous tous, autant, certains d’entre nous ont vertement critiqué ce « Nos âmes d’enfants ».

C’est typiquement le genre de film qui suscite des réactions vives qui s’appuient pour nombre spectateurs sur leur expérience professionnelle ou familiale de l’éducation des enfants.

En début de débat, Laurence souligne d’une manière nuancée ses réserves quant aux techniques de développement personnel et en fin de débat Henri remarque la pauvreté de la construction du film. Je regrette de ne pas avoir noté les critiques remarquables des spectateurs, (notamment les objections sur la question de l’apprentissage de la frustration) de sorte qu’il ne me reste plus que mon opinion sur le film, elle n’est pas bien bonne :

Ce film nous dit changeons notre mentalité et tout devient possible. Aidons-nous les uns les autres à en changer. Et l’enfant Jesse apprend à son oncle à  être présent à l’autre, à se relaxer, il l’invite à être plus résilient etc.  On imagine la plasticité mimétique de l’enfant à se plier à tous les fantasmes éducatifs des parents et éducateurs, à reprendre leurs termes tout en pensant qu’il le fait librement.

Et c’est un joli paradoxe, dans la vraie vie, Jesse s’appelle Woody, et il joue, le rôle d’un enfant qui doit saisir et faire siens les « codes libérateurs de son oncle et de sa mère ». Et il le fait dans le cadre très contraint du cinéma où il n’y a que peu de place pour la liberté.

En fin de compte, je trouve  étonnant que l’Amérique ne produise pas davantage de films de ce tonneau-là, qui évince les déterminants sociaux, politiques et économiques etc. et particularise tout. 

Ce film appartient à une idéologie dont l’objectif est de nous expliquer par quelle méthode on doit se connaître- À trouver en soi-même,  sa vérité – Celle de l’individu, début, centre et fin  de tout  et qui en dernier ressort, quand ça ne fonctionne pas,   peut  se dire : « Je n’ai qu’à m’en  prendre qu’à moi-même ! » 

Viva Il Cinema de Tours 9ème edition (2)

L’Agnello de Mario Piredda 2019, a obtenu le Prix du Jury de Tours comme il l’avait obtenu à Annecy ou l’accueil chaleureux de Villerupt. Le réalisateur était là, idéalement habillé comme un soldat nordiste de la guerre de sécession.

En Sardaigne des habitants décèdent suite à des cancers provoqués par de la radioactivité. Mario Piredda le réalisateur et enfant du pays montre du doigt un fait réel et négligé, la Sardaigne n’est pas seulement un magnifique site touristique, c’est aussi une base militaire, et les essais de missiles, fusées ont dispersé pendant des années des produits toxiques et cancérigènes dans l’atmosphère. Voilà pour le décor.

Jacopo un modeste berger, veuf, il vit avec sa fille Anita. Ils s’aiment et sont très complices, Anita est à la fois facécieuse et résolue, c’est un poème ! Jacopo est malade, très, Anita veut l’aider. Mais écoutons ci-dessous Mario Piredda parler de son film. 

Mario Piredda nous a livré diverses anecdotes de tournage, mais la plus belle, c’est l’histoire entre Nora Stassi (Anita) et Luciano Curreli (Jacopo). Dans leur vraie vie, Nora n’a pas de père et Luciano n’a pas d’enfants. Assez vite Nora a appelé Luciano papa. Après le film, elle a continué. Entre la fin du tournage et maintenant, Nora a eu un enfant et Luciano dit : je suis grand-père.Qu’ajouter ? Mario Piredda est un réalisateur à garder en mémoire. Quant à son film il faut le voir dès que possible.

Avec Californie de Casey Kauffman et Alessandro Cassigoli Voici un film à la limite du documentaire, nous suivons Khadija une jeune fille qui n’arrive pas trop bien à s’intégrer et qui cherche le chemin pour le faire, et comme elle le démontre, bien qu’à peine adolescente, sait se débrouiller dans la vie et chercher son chemin. C’est une belle tranche de vie d’une jeune qui sait ce qu’elle ne veut pas, mais qui veut naïvement. Quelle énergie chez cette gamine !

A Chiara de Jonas Carpiniano sort au mois d’avril en France, voici son synopsis : Chiara, 16 ans, vit dans une petite ville de Calabre. Claudio, son père, part sans laisser de trace. Elle décide alors de mener l’enquête pour le retrouver. Mais plus elle s’approche de la vérité qui entoure le mystère de cette disparition, plus son propre destin se dessine. Et voici un film de facture classique sur le sujet de la mafia ou de la camorra…et dont les conclusions sont dans la lignée de celle de Léonardo Sciascia. (écrivain Sicilien 1921-1989)

Punta Sacra de Francesca Mazzoleni en sa présence. Ce documentaire, sur les traces de Pasolini à Naples est un chef-d’œuvre. Pasolini n’y apparaît pas… Mais la réalisatrice se pose dans la zone où il a séjourné et été assassiné. En revanche, il est question des habitants, des pauvres et des projets qu’on forme pour eux (ailleurs !). Aux habitants qui visionnaient ce film et le commentaient en disant : Ce film n’est pas politique ! Elle répondit : il le sera ! Quant à Pasolini il y est en filigramme, on y retrouve son engagement et sa démarche et son esthétisme. Avec l’enthousiasme d’un ami italien de Pasolini, David Grieco présent dans la salle.

(David Grieco à réalisé entre autres, Notarangelo : ladro di anime, (voleur d’âmes) un magnifique documentaire).

Viva Il Cinéma de Tours 2022 (9ème édition)

Nous voici donc dans cette belle ville de Tours pour sa 9e édition du Festival Viva Il Cinema, un événement national. Joyeux d’y assister de nouveau, dehors il y a un air de Printemps, nous sommes un peu en Italie.

Nous ne voulions pas louper la soirée d’ouverture, et c’était « Tornare » en présence de Christina Comencini, le dernier film de sa longue liste de réalisations, un film trop longtemps privé de salle pour cause de Covid. Et c’est ainsi que nous avons retrouvé la salle Thélème. Cette salle immense vient d’être entièrement rénovée, car elle était inconfortable, elle l’est demeurée. Le mieux serait d’avoir des jambes amovibles. « Tornare » c’est film qui a eu la malheur de couvrir toute la période COVID, C.Comencini fait le pari impossible qui consiste à faire vivre et dialoguer l’enfant, l’adolescente et l’adulte d’un même personnage, au même moment, dans une même situation. Tout cela ponctué d’une musique tenace et lancinante. Je ne suis pas amateur de cette forme de film.

Le lendemain succède « Il Legionaro » de Hlep Papou en présence de Germano Gentile c’est l’acteur principal il a le physique de l’emploi et le talent en plus. Nous sommes conviés à partager la vie d’un CRS, l’esprit de corps CRS, la fraternité CRS, tout se passe pour le mieux dans les meilleurs des mondes matraqueurs possibles, jusqu’au jour où survient un conflit de loyauté ! Ce film est bien vu, il a du rythme, mais ce n’est sans doute pas le meilleur de la sélection.

Palazzo di giustizia (palais de justice) de Chiara Bellosi, oui Cristina était à l’honneur, mais avouons que les femmes dans le cinéma italien ne sont pas majoritaires. La réalisatrice était là pour parler de son film. Alors peut-on encore faire un film original sur un palais de justice ? Essayons de taper la requête « procès ou film au tribunal » sur notre clavier, et nous allons rapidement être débordés. Mais Chiara Bellosi a su contourner tout cela avec maestria. Qu’est-ce qu’un procès, c’est d’abord un lieu d’attente mais que se passe-t-il dans cet entre-deux ? La caméra va de la salle du tribunal à la salle d’attente. Dans l’une et l’autre salle, nous voyons par touches légères se produire des choses essentielles. Je ne vais pas vous raconter le film, mon désir serait que ce film soit diffusé en France. Vous allez aimer ce film !

Piccolo corpo (petit corps) un film de Laura Samani, ce film est actuellement distribué en France, il passe en ce moment, et les cramés de la bobine l’ont déjà sélectionné pour le mois d’avril. Dépaysement garanti, l’actrice Celeste Cescuti tout à fait étonnante, les paysages sont étrangement beaux. Et le jury des jeunes spectateurs de Tours lui a décerné son prix…

Aria ferma Leonardo di Costanzo (prison). Tout comme « Palazzo di giustizia » le thème de la prison est courant. Mais là encore le réalisateur arrive à faire du neuf. Une prison au milieu d’un vaste somptueux décor ferme ses portes. Pour des raisons qu’on ignore, douze prisonniers doivent attendre leur transfert. Une aile de la prison demeure en fonction et une brigade de gardien est requise sous la responsabilité du plus ancien d’entre eux. Un homme qui n’avait jamais eu de responsabilité de commandement. Toni Servillo, Silvio Orlando sont les deux principaux personnages.

Il nous reste qu’à espérer que ces films seront distribués en France, et que nous pourrons les visionner ici-même à l’Alticiné aux Cramés de la Bobine.

A suivre…

Vu à l’Alticiné : Maigret de Patrice Leconte

Inhabituel format du commissaire Jules Maigret qui n’a jamais aussi mal porté son nom et qui ressemble davantage au détective Néro Wolfe de Rex Stout. Les deux sont psychologues, mais autant Néro est visuel que Maigret auditif. Comment procédez-vous pour enquêter ? J’écoute ! dit le commissaire. Sans doute Jean Gabin était plus fidèle au physique, mais Patrice Leconte ne peut pas faire d’erreur. Souvenons nous de son Monsieur Hire. Gérard Depardieu saisi l’essence même du personnage. C’est son géni. Le personnage de Maigret décrit par Simenon, c’est un costaud musculeux et plein d’aisance qui en impose. Mais qui écrit ? C’est Simenon.

Et Simenon en dépit de ses bonnes intentions, dès qu’il a une feuille de papier devant lui est saisi par la « glauquitude » des choses. Celle des lieux, celle des passions humaines souvent tristes. Il y a les décors d’après guerre, ceux luxueux aux relents de marché noir ou de collaboration, et la pauvreté qui affleure partout ailleurs, les pavés mouillés, les quartiers perdus qui sont des personnages à part entière tant ils reflètent les gens qui y vivent. Et puis, il y a la fatigue d’un vieux commissaire qui va devoir décrocher, et qui sait ce que signifie décrocher. Et dans tout cela sa compassion pour les filles perdues ou en train de se perdre, fragiles, évanescentes…les proies. Je ferais toutefois un reproche à Patrice Leconte, il va désormais m’être difficile d’imaginer Maigret autrement qu’en Depardieu

Le cinéma russe contre la guerre en Ukraine

La bataille de Sébastopol

Ils sont quinze. Tous femmes et hommes de cinéma – réalisateurs/réalisatrices, acteurs/actrices, chefs opérateurs, producteurs : Alexandre Rodnianski, Evgeniy Tsyganov, Niguina Saïfoullaeva, Veniamin Smekhov, Mikhaïl Mestetski, Youri Bykov, Andreï Zviaguintsev, Yuliya Aug, Roman Vasyanov, Elena Koreneva, Kira Kovalenko, Ilia Khrjanovski, Oksana Karas et Kantemir Balagov, autour de Anton Vladimirovitch Dolin, célèbre critique de cinéma en Russie et rédacteur en chef de Isskustvo Kino (Le cinéma comme art) – mensuel culte du cinéma en Urss puis en Russie, depuis 1931. Ils et elles se succèdent à l’image, face caméra, pour expliquer, à la première personne du singulier, les raisons de leur engagement contre la guerre, derrière une déclaration liminaire : « La guerre ne peut se passer sans effusion de sang, la guerre est toujours un désastre. Il est du devoir de la culture (y compris le cinéma) de s’opposer à la violence, au  le sang versé, aux  atrocités. Il est grand temps de se rappeler les vieux slogans soviétiques, qui restent toujours d’actualité : la paix dans le monde, pas de guerre. Aujourd’hui, alors que trop de citoyens de notre pays sont effrayés et ont peur de tirer leurs propres conclusions sur ce qui se passe, il est du devoir des artistes de s’exprimer clairement contre le mensonge et la violence. Voici la réalisation du montage de nos déclarations. » 

La vidéo a été mise en ligne le 26 février 2022, sur la chaîne « Radio Dolin » habituellement dédiée à la sortie des nouveaux films, deux jours après l’entrée des forces armées russes en Ukraine.

Leurs biographies parlent pour eux. Certain.es sont russes ET ukrainiens. Comme Alexandre Rodnianski, né à Kiev, l’un des producteurs les plus prolifiques du cinéma russe,  initiateur du festival de Kinotarv, le plus important de Russie, soutenu par les autorités russes, ouvert aux œuvres des Républiques voisines, celles de l’ex Urss, à commencer par l’Ukraine. On doit à Rodnianski les plus belles œuvres d’Alexandre Sokourov, Andreï Zviaguintsev, Kantemir Balagov, Vera Kovalenko, Pavel Tchoukhraï, Fiodor Bondartchouk, dont certaines ont été programmées par les Cramés de la Bobine. Parmi tous les films produits par Rodnianski, « Le 9e escadron » de  Bondartchouk fait figure de singularité, puisque cette superproduction très antimilitariste, sur fond de guerre en Afghanistan, fut applaudie et soutenue à sa sortie en 2005 par un certain… Vladimir Poutine. « La guerre avec l’Ukraine, je ne pouvais pas y croire, quand les Roquettes sont tombées près de Kiev, dit-il. Cela m’a renvoyé à mes parents, mes grands-parents, qui tous sont nés en Ukraine, mon fils, mes amis, la langue dans laquelle j’ai grandi. Ce n’est pas possible. La Russie, elle, va s’enfoncer dans l’isolement, et pas seulement économique. C’est une faute tragique. » 

Kira Kovalenko, cinéaste originaire du Caucase et au nom ukrainien, qui a fait ses classes à l’école de Sokourov, économe en paroles, est hésitante, sidérée : « Ce qui arrive est effrayant. Et pourtant nous ne devons pas avoir peur. Chacun de nous doit pouvoir agir sur ce qui arrive. Avec les mots. Pour que la démocratie résiste. »

Mais le moment le plus fort de cette déclaration à quinze voix, « contre la guerre, contre la mort » est le silence final de Kantemir Balagov, le jeune réalisateur (31 ans) de Tesnota et Dilda, compagnon de Kira Kovalenko. Une minute vide de mots qui dit tout de l’horreur qui a envahi le monde. 

Malgré l’engagement de ces artistes « contre leur camp », des voix en Europe demandent en représailles contre Moscou, le boycott de la culture russe, en particulier de ses films. Le réalisateur ukrainien Sergueï Loznitsa leur a répondu. La voix de l’auteur du remarqué « Donbass » sur la guerre entre Ukrainiens et séparatistes pro-russes, film en treize séquences comme tournées en « absurdistan », présenté au Festival de Cannes en 2018, doit être entendue : 

« Le 24 février 2022, alors que les régiments russes venaient juste d’envahir l’Ukraine, le tout premier message que j’ai reçu émanait de mon ami Viktor Kossakovski, metteur en scène russe : « Pardonne-moi. C’est une catastrophe. J’ai tellement honte. » Puis, plus tard dans la journée, Andreï Zviaguintsev, très faible encore après une longue maladie, enregistrait le sien en vidéo. De nombreux amis et collègues, cinéastes russes, se sont élevés contre cette guerre insensée. Lorsque j’entends, aujourd’hui, des appels visant à interdire les films russes, ce sont ces personnes qui me viennent à l’esprit, ce sont des gens bien, des gens dignes. Ils sont tout autant que nous les victimes de cette agression.
Ce qui se déroule sous nos yeux en ce moment est affreux, mais je vous demande de ne pas sombrer dans la folie.
Il ne faut pas juger les gens sur leurs passeports. On ne peut les juger que sur leurs actes. Un passeport n’est dû qu’au hasard de la naissance, alors qu’un acte est ce qu’accomplit lui-même l’être humain.
 »

En 2015, le film « Bataille pour Sébastopol » (« Résistances » en français) tourné avant la première guerre du Donbass en 2014, était sorti en même temps sur les écrans russes et ukrainiens : l’histoire d’une jeune Ukrainienne, envoyée au front en 1941 à 25 ans et distinguée comme « Héros de l’Union Soviétique » pour avoir tué 309 ennemis en moins d’un an. Son réalisateur Sergueï Mokritskï, qui a grandi en Ukraine mais vit en Russie, disait à l’époque : « J’espère que, ne serait-ce que pendant deux heures, Russes et Ukrainiens seront unis pour partager notre histoire commune ».

Sylvie

*Du 24 au 29 mars prochain, les Cramés de la Bobine programment « Les poings desserrés » de Kira Kovalenko(soirée débat le mardi 29 à 20h30)

A l’Alticiné, Un autre monde de Stéphane Brizé

Epoustouflant, magistral, brillant, émouvant, bouleversant, un tour de force dérangeant : ces qualificatifs s’adressent aussi bien au nouveau film de Stéphane Brizé, Un autre monde, qu’à la performance de Vincent Lindon, Philippe Lemesle, cadre dirigeant d’une usine du groupe Elsonn , sommé de mettre en place un plan de restructuration: réduction de 10% de son personnel et ce malgré les bénéfices affichés par l’entreprise. Un ‘classique’ du monde globalisé et du capitalisme. Et pourtant….
Un autre monde vient clore une trilogie qui avait commencé avec La loi du marché (2015), puis En guerre (2018), enfin ce dernier volet au titre moins explicitement ‘combatif’ que les précédents, comme si, malgré les combats, les luttes, les efforts pour résister, s’opposer, et survivre dans un monde de brutes sans pitié et sans états d’âme, l’issue ne pouvait qu’être celle qui vous fait basculer dans un ailleurs non envisagé.
Vincent Lindon aura porté ces trois films sur ses épaules. Dans ce dernier opus, il est montré comme un cadre méticuleux, en attestent les scènes où il se prépare pour aller à l’entreprise, nouant soigneusement sa cravate, celles où seul devant ses dossiers, stylo et surligneur en main, il essaie de trouver une solution qui permettra de sauver les salariés, retournant toutes les possibilités dans tous les sens comme on le ferait avec les pièces d’un puzzle, puzzle qu’il tente de reconstruire au mieux alors qu’on lui demande de supprimer des pièces…
Dans sa vie professionnelle, Philippe Lemesle est un homme seul : seul face à ses collègues cadres, à ses ouvriers, seul dans son bureau, seul face à la dirigeante Claire Bonnet-Guérin (Marie Drucker impressionnante dans ce rôle de dirigeante sans pitié que rien n’ébranle et dont les mots sont comme des lames prêtes à trancher des têtes). Sans parler de la confrontation avec le Big Boss, Mr Cooper, en visioconférence, sourire jusqu’aux oreilles, on ne voit que les mâchoires prêtes à mordre, scène perverse s’il en est, sommet de cynisme glaçant et d’humiliation féroce : c’est ça le monde du travail, soit vous jouez avec les cartes qu’on vous distribue, soit vous quittez la table. Jeu perdu d’avance pour vous, les cartes sont truquées….


Seul il l’est aussi dans sa vie privée parce que sa femme Anne (Sandrine Kiberlain toujours très juste) a demandé le divorce, n’en pouvant plus de cette vie de couple qui n’en est plus une depuis que Philippe occupe ce poste de dirigeant, « Je ne suis pas mariée avec Olsonn, moi » lui lance-t-elle lors de la scène d’ouverture où chacun, avec son avocat, tente de trouver un accord, « combien de weekends avons-nous passé ensemble depuis 7 ans ? Je les ai comptés : six ». Enfin, dans cette famille qui se décompose il y a Lucas, le fils étudiant, qui se retrouve à l’hôpital psychiatrique après un burn-out : scène terrifiante de la visite des parents dans la chambre d’hôpital : Lucas est préoccupé par des données chiffrées qui ne supportent pas l’approximation concernant le temps que ses parents ont mis à parcourir les kilomètres depuis leur lieu d’habitation jusqu’à l’hôpital, ou cette autre scène tout aussi terrifiante, en présence du père et de la psychiatre, dans laquelle Lucas veut qu’on lui apporte des livres pour « se mettre à jour et rattraper les cours perdus » car il est persuadé qu’il va pouvoir travailler pour Facebook, Mark Zuckerberg lui ayant dit qu’il avait besoin de quelqu’un comme lui…. Un autre cauchemar pour Philippe et Anne, un labyrinthe dont personne ne pourra sortir indemne, un autre monde là encore….
Des mondes où chacun cherche un terrain d’entente…


La caméra de Stéphane Brizé serre les personnages au plus près : les visages sont omniprésents, à la fois impénétrables et transparents, des visages perdus, ravagés par la douleur et l’incompréhension, on sait par avance quels mots vont sortir de ces bouches ; d’autres visages, blancs, on pourrait presque dire ‘sans vie’, des visages fabriqués tels ceux des robots qui ressemblent à s’y méprendre à des humains, car ceux-là n’ont plus rien d’humain, ils sont secs, tranchants, pas un seul trait ne bouge, pas l’ombre d’une émotion ne transparaît, ceux-là ne savent plus ce que le mot « humain » veut dire, d’ailleurs le connaissent-ils, l’ont-ils appris un jour? Ils n’ont que des chiffres et des statistiques dans la bouche, seuls les faits comptent, comme le martèle le Mr Gradgrind des Temps difficiles (Hard Times) de Dickens: la révolution industrielle faisait elle aussi des ravages qu’il fallait dénoncer…

Nous sommes dans un monde – des mondes — fermé : tout se passe en huis clos, et c’est bien l’enfer…
Anne l’a dit de ses sept dernières années de mariage, « Vous lui avez fait vivre un enfer » insiste son avocate s’adressant à Philippe qui n’en revient pas, qui ne peut pas laisser dire cela, lui qui l’avait prévenue qu’en acceptant ce poste de dirigeant ce ne serait pas facile ; mais, fait-il remarquer, il y a eu des compensations financières dont tous deux ont profité….


L’Enfer, c’est ce dont traite Stéphane Brizé, l’Enfer que le monde globalisé du travail construit pour nous, l’Enfer que, sans en être toujours conscient, nous construisons nous-mêmes autour de nous, car en fait, l’Enfer, est-il toujours bien « les autres » ? Que faut-il pour que nous ouvrions enfin les yeux ? Il nous faut des chocs, ou parfois tout simplement un grain de sable, pour qu’en un clin d’œil s’écroule notre monde, celui qu’on s’était appliqué à construire (comme en témoignent tous les cadres avec des photos accrochés au mur dans le long plan du début), et qu’ainsi bascule tout ce à quoi on a cru, cette satisfaction d’une vie accomplie et réussie, tout ce qui nous faisait vivre chaque jour sans que nous nous posions de questions : tout ce qui nous semblait ‘aller de soi’ ne serait-il qu’un leurre ? Comment ce ‘tout’ peut-il voler en éclat de façon si brutale tel un tsunami qui met tout le monde à terre et où les rescapés sont rares?
Le burn-out de son fils Lucas lui tend un miroir : la métaphore du pantin désarticulé que Lucas essaie de faire marcher en tendant judicieusement les ficelles est lourde de sens, à l’instar de la course sur tapis en salle de sport que s’impose Philippe, course effrénée qui le fait suer et cracher, course sur place, inutile et absurde qui ne mène nulle part si ce n’est à la souffrance du corps le ramenant à sa propre solitude puisqu’il est entouré de silhouettes fantômatiques, ainsi qu’à l’absurdité de ce que la société Elsonn attend de lui.
Il appartient à Philippe d’être ou pas une marionnette, de se laisser broyer ou non, de continuer à mentir, à se mentir et de savoir pour finir s’il pourra toujours se regarder dans un miroir. Sa vie est à la croisée de deux chemins, le choix est là, mais a-t-il vraiment le choix ? Dans ce monde d’illusions, et de rôles, lequel veut-il vraiment jouer ? Jusqu’où est-il prêt à aller ? Qui sont les plus courageux, ceux qui restent ou ceux qui partent ? Ceux qui obéissent ou ceux qui ont le courage de dire « non »?
Quand tout s’effondre, comment se relever si ce n’est en restant ce que l’on pense être soi-même ? En restant digne dans un monde où le mot dignité a perdu son sens…


Même si on a déjà vu les deux films précédents (La loi du marché et En guerre) ou d’autres qui évoquent le monde sans pitié du travail, Nos batailles de Guillaume Senez, Ceux qui travaillent d’Antoine Russbach, ou récemment Ouistreham d’Emmanuel Carrère, Un autre monde nous entraîne plus loin : c’est un film violent qui, comme les autres cités ne laisse pas indifférent, nous secoue dans notre confort et nous laisse cloué sur notre siège, ne sachant trop si l’on pourra s’en relever, un film qui force l’admiration, se terminant sur une scène où seuls les visages de Philippe et d’Anne apparaissent tour à tour sur un fond flou, tandis qu’Anne, seule, répond aux questions des visiteurs fantômes parcourant l’appartement qui a été mis en vente, Philippe restant muré dans le silence…
Et nous dans notre stupeur et nos interrogations.

Chantal


Ouistreham d’Emmanuel Carrère

Emmanuel Carrère avait écrit des scénarios pour ses propres romans, « la Classe des neiges » réalisée par Claude Miller, et « l’Adversaire » par Nicole Garcia. Cette fois-ci, il est réalisateur et scénariste du récit d’une autre, Florence Aubenas journaliste, reporter internationale, et sans  aucun doute avec « le Quai de Ouistreham », écrivaine.

Adapter c’est toujours se donner une liberté, Florence Aubenas a d’ailleurs laissé carte blanche à Emmanuel Carrere. Comme toujours, il y a ce que peut un livre et ce que peut un film. On sait les limites de l’adaptation du roman au film, rien ne peut rendre la tonalité parfois moqueuse du livre, particulièrement à l’adresse des employeurs. De son côté le cinéma restitue tout d’un même mouvement, les personnages, leurs expressions, les clapotis de la mer, les entrepôts, les petits matins fuligineux, la cigarette qu’on fume avant de rejoindre le ferry… Dans les deux cas, il s’agit de la condition de femmes de ménage. Elles sont des travailleuses horaires, précaires, pauvres, corvéables, silencieuses et invisibles.

Une interpretation aussi libre fut-elle n’est réussie que si elle conserve l’esprit du livre.

Sur ce plan, Ouistreham a été apprécié par la critique et particulièrement celle du masque et la plume mais il a parfois été mal reçu, à l’exemple de « la grande table critique de France Culture » :

Une part de cette critique questionne la vraisemblance du film, telle l’apparence de Juliette Binoche, pas bien habillée, pas maquillée pour faire vrai, alors que ses « collègues » femmes de ménage sont bien habillées et maquillées. C’est un mauvais procès. Florence Aubenas dit elle-même qu’elle était habillée comme à l’ordinaire et qu’elle était la moins bien vêtue, la seule pas maquillée etc.

Ouistreham est une mise en abîme à tous les étages, Florence Aubenas observe ses « collègues » femmes de ménage et Emmanuel Carrere observe sous le nom de Marianne Winkler, une réplique d’Aubenas en train d’observer les Femmes de ménage, tandis que Juliette Binoche joue une journaliste qui joue la femme de ménage.

Le dernier tiers du film met l’accent sur le subterfuge de l’infiltration. Il questionne cette tromperie qui consiste à se faire passer pour ce qu’on n’est pas. Même si cette tromperie a un mobile altruiste, il regarde comme le dit Eric Neuhoff : « A quel point les journalistes sont capables d’aller pour trouver un sujet ». C’est un virage du film. Etait-il souhaitable ? 

Emmanuel Carrere est sensible à cette question de la vérité et du mensonge, de la trahison et de la duplicité. Dans l’un de ses romans : « un roman russe » il parle de son grand-père fusillé à la fin de la guerre pour fait de collaboration. Dans l’adversaire, il s’intéresse à Jean-Claude Roman, ce fabulateur qui fait croire durant 18 ans qu’il est médecin chercheur, avant que, risquant d’être découvert, il trucide toute sa famille. Dans « le Royaume » il s’imagine un instant infiltrer un groupe de pellerins se rendant dans un lieu saint avant de prendre conscience qu’il désapprouvait cette technique et qu’il ne pourrait pas faire ça.

Il nous montre que celle qui dit ce qu’elle n’est pas, même pour la bonne cause, est un être qui laisse une empreinte affective ambivalente auprès des gens qu’elle a trompés. Il montre aussi l’asymétrie sociale du mécanisme. Aucune des personnes trompées ne peut prendre la place de l’imposteur. Jamais Christelle ne pourra être Marianne Winkler ! Il met donc en lumière le point de vue bourgeois dominant de cette expérience sociale. 

Et Juliette Binoche cette magnifique actrice qui très souvent prend des risques, joue à merveille quelqu’un qui joue un rôle (elle l’avait déjà fait cela dans Sils Maria d’O.Asayas), parmi les vrais agents d’entretien et faux acteurs, elle est naturellement crédible à la fois comme femme de ménage puis comme bourgeoise intellectuelle dominante.

Certes, on peut discuter la qualité cinématographique du film, que pour ma part je trouve bonne,  ces actrices de circonstance sont formidables. Toutefois on ne peut pas en éliminer ce qui en fait le propos, les gens ne sont pas des moyens au service de fins. Mais si leurs employeurs avaient eu cette éthique, ce livre et ce film seraient sans objet.

Demeure cette question : Infiltrer ou ne pas infiltrer ? Ici il s’agissait de l’infiltration de gens sympahtiques et on voit le problème que ça pose. Sur ce plan, Emmanuel Carrere avec ses excès vise juste, dans une interview Florence Aubenas rend compte des effets de sa duperie et nous constatons que le stratagème blesse l’affectivité de ces femmes.  

Mais, cette pratique existe depuis toujours dans le journalisme elle a produit non pas de banales nouvelles mais des révélations explosives où des systèmes et parfois des personnes sont mises en cause. Il nous faut alors concevoir que les infiltrés sont aussi des gens ne veulent surtout pas l’être, à l’image du film BlacKkKlansman.

Le film arrive au moment où l’enquête « les fossoyeurs » tombe !  Les films sur le thème de l’infiltration ne manquent pas, quelque chose nous dit que ce ne sera jamais le cas.

Georges