Vu à Fontainebleau : Voici un film rare, ne serai-ce que par sa durée, 1heure23. Aller voir ce film, c’est tout de suite se sentir dans l’atmosphère familière des Cramés de la Bobine, son cinéma du monde, la place faite au cinéma iranien qui est souvent un cinéma remarquable. Ce qui manque hélas, c’est le public des cramés. Peut être en avez-vous lu la présentation, peut-être avez vous lu dans Télérama un article de Frédéric Strauss qui commence ainsi :
« Sous une cloche d’air pollué, Téhéran s’affaire, comme n’importe quelle métropole. La belle Niloofar, 35 ans, y vit heureuse, en femme urbaine d’aujourd’hui. Elle veille sur sa vieille mère, organise le travail des ouvrières de son atelier de couture, passe chez le garagiste pour faire réparer sa voiture et trouve le temps de flirter avec un homme charmant. Mais quand les médecins ordonnent à sa maman d’aller respirer le bon air de la campagne, tout change pour Niloofar. Son frère et sa soeur décident qu’elle partira, elle aussi ; son atelier sera vendu. Et elle n’a rien à dire ».
La toile de fond du film c’est Téhéran, elle nous apparaît voilée dans sa pollution, n’importe quel coup de vent serait un vent de liberté, ne serait-ce que celle des voies aériennes de ses habitants. Et ce voile-là, qui recouvre les grandes villes du monde, n’est pas islamique. Il sacrifie à un autre dieu sur un autre hôtel. Voici le temps du grand embouteillage de Comencini, à dimension planétaire. Partout, pour se transporter dans les grandes villes, tout est organisé d’une manière « rationnelle », pour que chacun se déplace muni d’une tonne et quelque de ferraille autour de lui et roule, dans le meilleur des cas, à la vitesse moyenne d’une bicyclette de facteur. Il y a eu le siècle des lumières qui fut celui des idées, comment appellera-t-on le nôtre ? C’est un mérite du cinéma et de ce film de ne pas craindre de montrer quelques secondes ce genre d’interrogation en toile de fond.
On ajoutera dans «un vent de liberté », l’omniprésence du téléphone portable. Finis les héros fumeurs, la fumée est partout désormais, alors voici venir celui des téléphoneurs, le temps de ceux qui sont sans cesse sonnés ou en attendent de l’être… Le temps des portables. Voici pour le décor, l’air du temps pourrait-on dire.
Demeure le film, à Prades, Jean Pierre Améris remarquait le rôle dévolu à certaines personnes dans les familles, celle qu’on peut railler et qui ne dit jamais rien, celle que l’on charge de tout et qui se sacrifie sans faire d’histoire. Bref, le rôle et l’usage des bonnes pâtes .
Ajoutons aussi que partout dans le monde, des filles, souvent plus très jeunes, « se sacrifient » pour leur mères vieillissantes, c’est un fait sociologique documenté.
Alors, Benham Bezhadi, nous montre un sujet universel. Et c’est à Niloofar, le rôle principal, interprété par la remarquable Sahar Dolatshahi, à qui était dévolu le rôle de sacrifiée d’office. Mais, elle a de la trempe et du panache. Alors, comment va souffler le vent de liberté ? C’est le sujet même du film. J’ajouterai que le rôle de Niloofar dépasse le sujet en nous faisant entrevoir ce vent de liberté, qui souffle ici comme ailleurs, sur la société iranienne. Ce film aux contenus parfois dramatiques a quelque chose de résolument optimiste et réjouissant. Au total, les bons films de juillet et d’août existent, j’en ai rencontré.