The Old Oak- Ken Loach

Le jour même où la CMP s’accordait cette loi nommée en « novlangue » immigration, intégration, asile, nous avons vu The Old Oak, de Ken Loach.

Nous sommes dans un village qui fut minier et qui n’est plus habité que par des familles pauvres et en déclassement (l’immobilier s’y effondre). Arrive en car dans ce village, des familles Syriennes fuyant la guerre et les tortures d’Al Assad. Elles sont affectées là. Pourquoi chez nous se disent des habitants ? (Ils savent bien pourquoi). Très rapidement se forme un conflit dans cette population entre les « pro- accueil », les « anti » et les « indifférents ».

Les « anti » sont le plus souvent les plus pauvres parmi les pauvres et ils voient d’un mauvais œil l’attention qu’on porte à ces Syriens tandis qu’eux sont délaissés… En fait c’est la thèse principale de Ken Loach : Le racisme des pauvres serait pour l’essentiel la peur que de plus pauvres viennent leur prendre le peu qu’ils ont, où pire encore, qu’ils soient mieux reconnus qu’eux.

Yara, une jeune syrienne qui parle parfaitement anglais, qui n’a pas froid aux yeux, exige qu’un villageois opposant violant qui avait cassé son appareil photo lors de sa sortie de l’autocar, le lui rembourse. Et c’est ainsi qu’elle fait connaissance de Ballantyne propriétaire du pub « The Old Oak ». Alors se développe une belle histoire d’amitié, puis d’intégration par le courage, la fraternité, et la convivialité.

C’est donc un film gentil, où les bons sentiments ne manquent pas, qui cherche à unir, il est bienvenu, tant la tendance xénophobe est encouragée de toutes parts et pas seulement dans cette Angleterre qui est le pays le moins accueillant d’Europe. (Précisons-le).

Pendant ce temps, en France, les spécialistes de la démographie ont eu beau montrer que le nombre d’étrangers pour 10 000 habitants n’a quasi pas varié en France depuis des décennies qu’importe les faits !

De notre côté, nous avons  eu ce jour là, le film de Ken Loach et en rentrant chez nous, cette loi de préférence nationale !

Pour Jean-Claude

Testament par Denys Arcand

Allons voir Testament réalisé par Denys Arcand, c’est un film comme on n’en fait guère. Il est interprété par Sophie Lorain (Suzanne), Rémy Girard (Jean-Michel), deux acteurs sur mesure, idéaux pour ce film qui est à la fois profond par ses thèmes et léger par son élégance, son ton et son humour.

En même temps qu’il raconte comment deux personnages qui se connaissent bien finissent par se rencontrer, elle, Suzanne qui dirige un foyer pour personnes âgées, ne faisant qu’une avec son travail, et lui Jean-Michel vieil homme, archiviste en retraite partielle de son état, songeant à l’inanité de son existence présente et… passée dans un monde qu’il pense n’être plus le sien…

Il raconte aussi la vie qui ne se laisse certainement pas si facilement enfermer dans des ruminations ou dans ce cadre d’apparence si tranquille. Dans le hall de cette belle maison, chacun peut voir un tableau représentant l’arrivée de Jacques Cartier au Canada… Tableau qui va ouvrir un débat sur l’histoire passée du Canada et sur sa contemporanéité, avec son langage, ses sujets politiques, ses codes, sa culture et… sa cancel culture.

Ce film est remarquable parce qu’il nous montre une jolie histoire humaine dans la grande et parfois « si petite » histoire sociale. il faut aller le voir, nous n’étions que deux en Salle 1 à l’Alticiné, un bien grand écran pour ce petit bijou. Il ne va pas rester longtemps encore, dépêchons-nous !

Georges

Fremont de Babak Jalali

Donya, réfugiée afghane, a 22 ans. Elle « s’en est sortie » et a « atterrie » à Fremont dans la banlieue de Frisco, elle parle anglais, elle travaille. Mais le soir Donya est seule et ne peut pas dormir.
La vie d’un ou d’une réfugiée ne s’arrête pas à la survie.
Fremont, en noir et blanc, format 4 :3, est un curieux objet cinématographique, et c’est un bonheur de se laisser mener là où on ne s’attend pas à aller.
L’héroïne est bloquée entre deux rives de sa vie, la culpabilité d’avoir quitté son pays et ses proches et la fureur de vivre qui bouillonne en elle.
Le cinéaste Babak Jalali explique: «Quand on rencontre un réfugié ou une personne déplacée, on a envie de leur demander: “Comment c’était là-bas? Qu’est-ce que tu as subi? ” Évidemment, ce sont des questions importantes. Mais on demande rarement: “Quels sont tes hobbies? Quel type de musique tu écoutes? Quelle est ton équipe de sport préférée?”»
Fremont refuse de réduire Donya à sa condition de réfugiée. «Au fond, cette Afghane de 22 ans n’est pas si différente d’une Française de 22 ans ou d’une Colombienne de 22 ans. Elle veut se sentir sereine lorsqu’elle s’endort le soir. Elle veut se réveiller le lendemain en ayant quelque chose à faire. Elle veut, avec un peu de chance, avoir de la compagnie» poursuit Babak Jalali.
Anaita Wali Zada a elle-même quitté l’Afghanistan pour les Etats-Unis quelques mois avant d’être choisie pour incarner Donya. Presque de tous les plans, l’actrice non professionnelle est fascinante.
Le film aborde les rapports entre différentes communautés d’immigrés et fait exister tous les personnages, même les plus secondaires avec toujours un zeste d’humour : le vieil homme afghan qui tient un restaurant et qui passe ses soirées à regarder un feuilleton, le psy (Gregg Turkington) qui préfère parler de son amour pour Croc-Blanc que du stress post-traumatique de Donya, Joanna, la collègue et amie de Donya. Pour Hilda Schmelling qui était la décoratrice de plateau sur son précédent film, Babak Jalali a écrit spécialement le rôle de Joanna «Pour fêter la fin de mon précédent film, on a fait une soirée karaoké. Tout le monde chantait un peu bourré, jusqu’au moment où elle s’est levée et s’est mise à chanter une chanson de Pat Benatar. Tout le monde s’est tu tellement c’était incroyable. Je ne l’ai jamais oublié et j’y ai repensé en écrivant le film.» Le fait est que sa voix est bouleversante.
Et dans le film, la chanson de Joanna provoque un déclic chez Donya qui s’autorise enfin à écouter ses rêves.
Dans la dernière partie du film, l’héroïne voit son horizon s’élargir lorsqu’elle croise la route d’un homme timide et charmant (Jeremy Allen White).
Le film est toujours en noir et blanc mais les cadres se desserrent et les décors sont plus larges, à tel point qu’on a l’impression d’avoir vu l’épilogue en couleur !
Fremont est à la fois une chronique sociale et poétique, une comédie dramatique, un récit d’apprentissage … un bonbon acidulé.

Un film émouvant, tendre et profond que je vous recommande

Marie-No