Un film qui a dérouté plus d’un spectateur, à Montargis comme ailleurs. Quelle lecture en faire ? Sylvie a apporté plusieurs clés au moment de la présentation et dans son post de blog. En ce qui me concerne, j’ai eu du mal à me détacher de l’affaire au sens strict. J’avais suivi les deux procès de Fabienne Kabou, en leur temps : celui de Saint-Omer et celui de la cour d’appel de Douai. Or Alice Diop veut s’éloigner des faits, des verdicts pour recentrer son film sur la représentation de la femme noire dans l’imaginaire collectif. Son film est d’une grande beauté formelle à travers les cadrages du visage de l’accusée notamment et le choix des couleurs avec ces harmonies de marron dans les vêtements, les boiseries. Elle rend cependant bien compte de la dimension mythique et psychologique de la maternité avec l’extrait du film Médée de Pasolini et l’explication scientifique des chimères, ces cellules qui vont de la mère à l’enfant mais aussi de l’enfant à la mère, thèse développée par l’avocate. La maternité est un grand chamboulement, avec des interrogations multiples voire inavouables et tout cela est bien rendu y compris avec le personnage de Rama, enceinte, en difficulté dans la relation avec sa mère : Aimera t’elle son enfant ? Mais au moment du procès réel, les deux chroniqueurs judiciaires que je suis habituellement, Stéphane Durand-Souffland du Figaro et Pascale Robert-Diard du Monde (créditée au générique du film) avaient eux-aussi été frappés par la grande intelligence de l’accusée et son niveau de langage exceptionnel. Je n’avais cependant ressenti aucune condescendance dans leurs propos. Fabienne Kabou avait été fort « malmenée » par l’avocat général de Douai qui ne voulait pas entendre parler des rapports d’expert qui attestaient d’une altération du discernement et les deux chroniqueurs s’en étaient fortement émus. Mais l’accusée pouvait être cassante, répondant à ce même avocat général « Vous dites n’importe quoi ! ». Or, comme chacun sait une cour d’assises est un théâtre où chacun a son rôle et cette attitude lui a beaucoup nui. Mais Fabienne Kabou n’admettait pas la qualification par les psychiatres de délirante paranoïaque. Elle privilégiait la thèse de l’envoûtement et du grand danger que courait sa petite fille. Daniel Zagury, un grand psychiatre qui a expertisé l’accusée et est intervenu au procès a déclaré : « L’intelligence ne protège pas de la maladie mentale. Le malade mental le plus célèbre de l’histoire, Schreber, était président de la cour d’appel de Dresde »
« Que fais-tu ce week-end ? » « Je vais voir des films roumains contemporains. Veux-tu venir ? » « C’est une blague ? » Voici la réaction des quelques personnes à qui j’ai fait cette proposition. Ils ont bien eu tort et gageons que leur week-end a été bien moins réjouissant que le mien. Les Cramés de la bobine proposaient cinq films et une conférence à l’Alticiné de Montargis, animés par Raluca Lazar, une journaliste enseignante roumaine, vivant en France et ce fut très intéressant.
Tout d’abord « Au-delà des collines » de Cristian Mungiu, un réalisateur né en 1968, auteur des « Contes de l’âge d’or », emblématique du cinéma roumain, film dans lequel il oppose l’humour à la dictature avec de multiples anecdotes dont celle du policier qui se voit offrir un porc vivant. Rien de tel avec « Au-delà des collines », l’histoire bouleversante des retrouvailles de deux amies d’enfance orphelines : Voichita et Alina. Voichita vit maintenant dans un monastère dirigé par un prêtre se faisant appeler « Papa » et y fait toutes sortes de corvées. Alina compte bien l’emmener avec elle mais Voichita a rencontré l’amour de Dieu. Film terrible qui montre la difficulté à se libérer de ses chaines, le joug communiste remplacé par l’intégrisme religieux. Cette histoire est inspirée d’un fait divers survenu en 2005 à Tanacu près de Vaslui, situé en Moldavie roumaine où une jeune femme était venue visiter une des sœurs d’un couvent orthodoxe, décédée un peu plus tard après un supposé exorcisme.
Puis deux films de Cornéliu Porumboiu, né en 1974 : « Les siffleurs », un film noir brillamment mis en scène, un film élégant divisé en chapitres, chacun portant le nom d’un personnage. Un film virtuose qui joue avec les flash-back, les ellipses et qui nous propose de nombreuses citations :
l’héroïne se nomme Gilda, le réceptionniste se prend pour Norman Bates dans Psychose, la bande-son avec ses airs d’opéra nous emmène du côté de Kubrick et le scénario est alambiqué à souhait à la manière d’un film noir américain. On s’y perd un peu, surtout au début mais ce n’est pas grave. Le personnage principal ne croit plus à sa vocation de policier et passe du côté de la mafia : faut-il y voir une allusion au problème récurrent de corruption de la Roumanie ? Le second film de Porumboiu était « 12 h 08 à l’Est de Bucarest », très drôle. Nous avons pu vérifier la capacité d’autodérision des Roumains évoquée par Raluca Lazar, notre guide sur ce week-end. Il s’agit de savoir, 16 ans après la fuite de Caucescu en hélicoptère, si la population d’une petite ville à l’est de la capitale a, elle — aussi, été héroïque et a fait la révolution. Pour ce faire, le propriétaire d’une chaine de télévision va demander à deux invités d’évoquer leur attitude ce jour-là. Étaient-ils sur la place ou en train de se saouler comme le prétendent des téléspectateurs au téléphone ?
Le samedi soir, les Cramés ont proposé un film qu’ils n’avaient pas osé proposer à sa sortie, malgré son Ours d’Or à Berlin : « Bad Luck banging or loony porn » de Radu Jude, cinéaste né en 1977.
La scène inaugurale est très chaude et nous n’avons pas été déçus : en raison de problèmes techniques, nous l’avons vue deux fois. Personne, à ma connaissance, n’a perdu la vue. Plus sérieusement, ce film était très intéressant. En Roumanie comme chez nous, avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, la vie privée devient parfois publique et ce qui choque le plus n’est pas toujours le plus obscène. La réunion des parents d’élèves et leur réquisitoire contre la professeure est l’occasion de libérer les opinions les plus viles, racistes et de mauvaise foi. En Roumanie comme chez nous, les enfants sont sur internet et regardent n’importe quoi et ce sont ceux qui devraient y veiller, les parents, qui s’en offusquent et accusent les autres d’en être responsables. La fin du film est à la carte. Le réalisateur propose plusieurs versions, dont l’une avec la prof en Superwoman qui enserre les parents, hommes et femmes et le prêtre dans son filet et les oblige à la fellation d’un sex-toy. Cette fin outrancière montre bien la situation désespérée dans laquelle se trouve cette enseignante brillante et estimée de ses collègues.
Le dimanche matin, Raluca nous a proposé une conférence très intéressante sur le cinéma roumain, son histoire, les principaux réalisateurs et les thèmes récurrents, tout en se référant à son enfance, à son expérience, aux traditions et nous avons vraiment fait connaissance avec le peuple roumain et son cinéma.
Pour clôturer le week-end, un film qui rassemblait tout ce que Raluca avait évoqué : « Sieranevada » de Cristi Piu, né en 1967. Quelque part à Bucarest, trois jours après l’attentat contre Charlie Hebdo et quarante jours après la mort de son père, Lary – 40 ans, docteur en médecine – va passer son samedi au sein de la famille réunie à l’occasion de la commémoration du défunt. Sont évoqués tous les thèmes abordés par Raluca : la famille, le poids de la tradition, l’emprise de l’église, la place de chacun au sein de la fratrie, le passé et ses répercussions, le huis clos, la ville de Bucarest encombrée, bruyante, les conducteurs qui s’insultent… Un film très intéressant mais franchement un peu long (2 h 53), j’ai un peu dormi mais cela n’a pas nuit à la compréhension.
Encore un beau week-end de cinéma avec les Cramés.
Week-End Jeunes Réalisateurs 26 et 27 mars 2022 7 films, 7 mondes
Le bouquet final ? Une fin en apothéose ? Comment qualifier Mes frères et moi, le dernier film de notre week-end Jeunes Réalisateurs ? Il nous a tellement émus avec sa fratrie incroyable autour de la mère mourante. Et pourtant aucune mièvrerie dans ce très beau film de Yohan Manca, une histoire romanesque et captivante qui se passe en banlieue.
Tout d’abord les frères. Abel, l’aîné, interprété par Dali Benssalah, qui semble bourré de certitudes pour que la famille tienne debout mais sous ses airs rudes, nous voyons tout son amour pour ses frères et sa mère. La scène de la mort de cette dernière est poignante et révèle la vulnérabilité et la grande sensibilité d’Abel. Mo, le fanfaron aux airs d’Aldo Maccione amuse la galerie mais est-il si joyeux ou veut-il le paraître ? Hedi, l’incontrôlable, voleur, violent, drogué. C’est le premier rôle de Moncef Farfar au cinéma, incroyable, non ? Et Nour, Maël Rouin-Berrandou qui crève l’écran. Le réalisateur a hésité : qui choisir ? Un chanteur qui jouerait la comédie ou un acteur qui serait doublé pour le chant ? Ce sera un acteur et il saura chanter. Maël Rouin-Berrandou n’a pas voulu être doublé, il a pris des cours de chant avec un professeur pendant trois mois et s’est révélé capable de chanter et très bon comédien. Il faut dire qu’avec l’actrice et chanteuse Judith Chemla, tout semble possible tant elle aussi est magnifique sur ce film et emporte l’enthousiasme de tous dans son sillage.
Et l’oncle ? Manu ? Quand il est apparu, j’ai eu l’impression de déjà le connaître. Mais oui, bien sûr ! Il est même venu à l’Alticiné pour un précédent week-end des jeunes réalisateurs en 2016. Olivier Lousteau, réalisateur du film La fille du patrondans lequel il a le premier rôle au côté de Christa Théret.
Mes frères et moi a enchanté tous nos spectateurs et nous aurons tous de nouvelles images en tête en écoutant la Traviata ou Una furtiva Lagrima. Il est donc possible de faire un feel-good movie avec une histoire qui se passe en banlieue, il suffit d’avoir du talent, de la générosité, d’excellents acteurs et aussi un très bon directeur de la photographie, Marco Graziaplena, qui a déjà filmé la ville de Sète pour les deux Mektoub, My Love d’Abdellatif Kechiche.
Synopsis : Daniel, 20 ans, se découvre une vocation spirituelle dans un centre de détention pour la jeunesse mais le crime qu’il a commis l’empêche d’accéder aux études de séminariste. Envoyé dans une petite ville pour travailler dans un atelier de menuiserie, il se fait passer pour un prêtre et prend la tête de la paroisse. L’arrivée du jeune et charismatique prédicateur bouscule alors cette petite communauté conservatrice.
La communion fait partie des victimes du premier confinement. Les Cramés auraient vraiment aimé le programmer. Il est passé à l’Alticiné, en VF et au cours des vacances d’été, quel dommage. Je viens de me rattraper en le visionnant en VO sur Canal+. Il a été nommé aux Oscars dans la catégorie Films étrangers mais le jury lui a préféré Parasite.
L’histoire qui a inspiré le film est vraie. Elle a fait la une des journaux en Pologne : un jeune homme s’est fait passer pour un prêtre pendant environ trois mois. Il s’appelait Patryk et il avait 19 ans à l’époque. Mateusz Pacewicz, le scénariste qui est aussi journaliste, avait écrit un article sur cette histoire et c’est de là que vient le film. Son nom a été changé en Daniel mais les personnages sont similaires, ainsi que son parcours dans une petite ville de province. Le jeune homme avait célébré des mariages, baptêmes et enterrements. Il était fasciné par tout ça et voulait réellement devenir prêtre.
A partir de ce fait divers le réalisateur et le scénariste ont ajouté le centre de détention pour mineurs et la tragédie qui a frappé ce village. Déjà, dans la réalité toute la polémique était née du fait qu’il était bien meilleur que le vrai prêtre et n’avait pas hésité à s’éloigner du dogme officiel mais les gens étaient satisfaits et il avait attiré de nouveaux fidèles.
Bartosz Bielenia qui joue le personnage de Daniel est impressionnant : il joue aussi bien le jeune délinquant prisonnier de ses pulsions que l’être fragile et sensible saisi par la grâce. Une vraie prouesse. Finalement il sait parler à ces villageois endeuillés et en colère, les mettre en face de leur colère et tout ce qu’elle engendre, ainsi qu’à la jeunesse désœuvrée qui s’ennuie.
Nulle moquerie de la religion dans ce film, au contraire même. Daniel aurait-il été attiré par cette voie s’il n’avait pas eu ce passé difficile ? Peut-être pas mais ce film a aussi le mérite de nous montrer une Pologne loin des villes aux prises avec ses contradictions. Le réalisateur précise : « Depuis que nous sommes rentrés dans l’Union européenne, les gens parlent à nouveau des valeurs fondamentales. Le conservatisme et le libéralisme s’affrontent. Notre pays a enduré beaucoup d’épreuves sur le plan historique. Mais aujourd’hui, nous sommes capables d’en parler et nous avons trouvé un équilibre. Nous débattons de ces valeurs comme nous débattons de la place de l’Eglise dans la société. Mon film reflète cet esprit très polonais. Parce que des gens se sentent exclus de la marche du monde, de la révolution numérique, ils se sentent abandonnés et se tournent vers une politique conservatrice. »
Même si ce prêtre new-look ressemble fort à un prédicateur et, bien qu’il conduise les paroissiens à une réflexion sur leur conduite, sur la durée il n’aurait sans doute rien eu à envier à un autre personnage, Elmer Gantry, le charlatan, incarné par Burt Lancaster dans le film éponyme sorti en 1961, réalisé par Richard Brooks.
Rebecca réalisé par Ben Wheatley avec Lily James, Armie Hammer et Kristin Scott Thomas sorti le 21octobre sur Netflix.
Synopsis : Une jeune femme plutôt naïve épouse un riche veuf et part s’installer avec lui dans son manoir gigantesque. Mais elle constate que le souvenir de la première épouse maintient une emprise sur son mari et les domestiques.
« J’ai rêvé l’autre nuit que je retournais à Manderley… » On rêve déjà, nous aussi en entendant cette phrase. Le magnifique manoir anglais perdu dans les Cornouailles, l’innocente nouvelle Mrs de Winter dont nous ne connaîtrons jamais le prénom, la présence du fantôme de Rebecca, la précédente épouse mystérieusement noyée en mer alors qu’elle faisait du bateau au large de Manderley. Autant le dire tout de suite, Hitchcock peut dormir tranquille, cette nouvelle version ne nous fait pas trembler une seconde. Les personnages principaux sont trop lisses, il y a des longueurs (cette nouvelle manie de faire des films de plus de deux heures) mais c’est beau à regarder et, comme nous connaissons l’intrigue, nous nous laissons faire. Seule Kristin Scott Thomas incarne à merveille la terrible gouvernante Mrs Denver et la scène mythique du bal est très réussie.
Mais si l’on y réfléchit bien, cette Rebecca qui nous est montrée sous un jour si sombre n’avait qu’un défaut, vouloir s’émanciper et vivre à sa guise dans ce manoir figé dans le passé et les convenances. Et nous appelons happy end un féminicide non puni et admis par la nouvelle épouse. Aïe, je me fais du mal, j’ai tellement aimé ce roman lu à l’adolescence et le film de Hitchcock. Au cinéma et en littérature, tout est permis… Non ?
Au cours de sa conférence sur Bernardo Bertolucci, Jean-Claude Mirabella nous a indiqué la couleur du Dernier tango à Paris : orange. Parce que tous les films de Bertolucci ont une couleur et s’inspirent d’un peintre : ici, c’était Francis Bacon. Mais pour l’actrice principale, Maria Schneider, je crains que la couleur n’ait plutôt été le noir. La scène du viol par sodomie qui lui a été infligée n’était pas prévue au scénario. Nous l’avons brièvement évoquée le jour de la conférence mais les avis étaient divergents sur la présence ou non de cette scène au scénario. Dans une vidéo datant de 2013, Bertolucci a admis avoir piégé Maria Schneider : «J’ai été horrible avec Maria, je voulais sa réaction en tant que fille et non en tant qu’actrice, je voulais qu’elle se sente humiliée…» Il dit en avoir eu l’idée le matin, au petit-déjeuner avec Marlon Brando en beurrant des tartines. Brando devait garder le silence et surprendre Maria. La scène était simulée, nous sommes tout de même au cinéma mais les dégâts qu’elle a causés dans la vie de cette jeune actrice de 19 ans, mineure à l’époque, en rupture familiale depuis ses quinze ans, furent irréparables. Elle ne savait pas qu’elle aurait pu, à l’aide d’un avocat, faire couper cette scène non écrite au montage.
Si ce sujet vous intéresse, je vous encourage à lire le très beau récit écrit par sa cousine Vanessa Schneider journaliste au journal Le Monde. Quand Maria avait quitté sa mère, elle était allée vivre chez son oncle maternel, elle y est restée un an avant de devoir partir de nouveau : un bébé allait naître, Vanessa Schneider. Elle reviendra, souvent, de manière imprévisible, dans des états épouvantables ou joyeuse, trop joyeuse…
Laurence
Tu t’appelais Maria Schneider Vanessa Schneider Grasset
Présenté par Laurence Guyon Film français (novembre 2017, 1h47) de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Jacques Boudet, Anaïs Demoustier, Robinson Stevenin et Yann Tregouët
Distributeur : Diaphana Distribution
Présenté par Laurence Guyon
Nous sommes toujours plus exigeants avec ceux que nous aimons et c’est parfois injuste.
Effectivement. Rassembler dans une même œuvre la fin d’un monde et le refus du nouveau, la fuite après la noyade d’un enfant et le retour après une longue absence, les dissensions au sein d’une fratrie, la mort prochaine d’un vieillard, la perte d’un bien ou sa reconversion inexorable, l’ascension sociale d’une jeunesse avec des projets différents et incompris, des histoires d’amour naissantes…
Cela n’est pas raisonnable. Je parle bien sûr de La Cerisaie d’Anton Tchékhov, cette pièce de théâtre qui a eu la destinée que l’on sait.
Robert Guédiguian a pourtant su rendre tout cela magistralement dans son dernier film en choisissant cette petite calanque comme scène de théâtre, en filmant les magnifiques lumières des matins et des soirs d’hiver, le port éclairé, ses fidèles acteurs qui se comprennent d’un regard. La mort est pourtant partout présente : celle de Maurice, prochaine, celle de Martin et Suzanne qui l’ont choisie, celle de ce quartier populaire destiné aux promoteurs et aux touristes, celle des idéaux de gauche. Mais Guédiguian, contrairement au bruit des haches de Tchékov qui abattaient les arbres de la cerisaie a choisi les cris d’enfants réfugiés qui jouent avec l’écho du nom de leur petit frère. La Cerisaie était un crépuscule, La Villa est une aurore porteuse d’espoir.
Grand Prix au Festival International du Film d’Amiens
Du 7 au 13 juin 2017
Soirée-débat mardi 13 à 20h30
Présenté par Laurence Guyon
Film birman (vo, mai 2017, 1h43) de Midi Z avec Kai Ko, Wu Ke-Xi, Wang Shin-Hong
Il y a certes une interprétation par spectateur mais je prétends avoir bien étudié le film et ses personnages. Concernant Liang, Georges nous dit : « D’abord, ne plus être pauvre ». Je ne suis pas d’accord. Liang recherche avant tout une dignité, un statut social conforme à ses études menées jusqu’à la fin du lycée. Elle sait qu’avec des papiers, dans un premier temps, elle gagnera moins d’argent qu’à l’usine. Ce qu’elle vise, c’est un ailleurs plus digne et c’est précisément ce qu’elle achète en se livrant une seule fois (j’insiste) à la prostitution. Comment, d’une autre manière acquérir ces papiers hors de prix ? Et c’est précisément ce besoin de reconnaissance sociale qui fait qu’elle ne fera pas de la prostitution son métier. Elle n’a pas suivi le chemin de sa cousine et de sa colocataire, elle n’avait cependant aucune naïveté sur la nature de leur activité.
S’il n’y avait pas eu cette fin tragique, elle serait à Taïwan, comme le réalisateur et aurait une vie épanouissante dans un métier choisi, conforme à ses études qu’elle aurait même prolongées.
Merci Marie-No pour « Mandalay » par Frank Sinatra.
Oscar du Meilleur film, du Meilleur acteur dans un second rôle, du Meilleur scénario adapté (1)Du 13 au 18 avril 2017Soirée-débat mardi 18 à 20h30 Présenté par Laurence Guyon
Film américain (vostf, février 2017, 1h51) de Barry Jenkins avec Alex R. Hibbert, Ashton Sanders et Trevante Rhodes.
Je suis vraiment heureuse que Moonlight ait plu au public des Cramés hier soir. J’avais une crainte, la même que celle de Barry Jenkins : que les spectateurs n’acceptent pas certains partis pris esthétiques du film, radicaux, quasi agressifs, engagés à certains moments pour s’approcher au plus près du héros. A la première vision, j’ai moi-même été gênée par l’usage excessif du flou, certains effets « chichiteux » mais, hier soir, je ne l’ai pas vu ainsi, j’ai lâché prise et j’ai trouvé ma première réaction injuste. Barry Jenkins ne voulait surtout pas faire un film terne et misérabiliste. Au contraire. C’est volontairement qu’il a filmé ainsi, il souhaitait que l’on voit la beauté des lieux, les couleurs, l’architecture, la végétation luxuriante, ce bleu symbole du rêve. Un magnifique écrin pour mettre en valeur ses personnages si fragiles et si forts.
C’est vrai, Marie-No, c’est injuste que ces moments de reconnaissance aient été volés à Barry Jenkins et Tarrel Alvin Mc Craney à la cérémonie des Oscars. Comme tu le disais dans un précédent article : « Quel bazar aux states » !
Barry Jenkins a confié au magazine américain Entertainment Weekly le discours qu’il avait préparé, au cas où :
: « Tarell Alvin McCraneyet moi sommes ce gamin. Nous sommes Chiron. Et ce gamin ne sera jamais nommé à huit Oscars. Ce n’est pas un rêve qu’il a le droit d’avoir. Je ressens toujours la même chose. Je ne pensais pas que c’était possible. Mais je regarde maintenant les autres gens qui m’observent, et si je pensais que ce n’était pas possible, comment pourraient-ils le croire eux-mêmes ? Mais c’est arrivé. Donc laissons de côté ce que je pense. Cette chose est arrivée ».