Journal de Dominique-Prades 2025, suite et fin (2)

5h 07. Bip de mon téléphone…

(Au contraire de mon Nokia précédent, je suis obligée de le laisser allumé si je veux avoir la fonction alarme, c’est malin)

… on m’a envoyé un message. Comme je suis entre deux phases de sommeil, je le consulte, on ne sait jamais : « Lauryne ? »

5h 09. « Non » (l’envoyeur du message a de la chance que j’aie un portable à touches : trop long d’en écrire davantage ; sinon, il aurait reçu un truc du genre, Non mais ça va pas la tête d’envoyer des sms à cette heure-ci, y’en a qui dorment).

5h 12. « Pardon, bonne journée ».

7h 15. Sonnerie du réveil. Je ne vais pas à la séance de 9h…

(La Loi du marché de Stéphane Brizé, autre réalisateur invité. Excellent film -vu à Troyes avec JC- mais dont la caméra mouvante m’avait donné mal au cœur : pas envie de retenter l’expérience)

… et reste tranquillement dans ma chambre afin d’écrire.

14h. A l’âge de 20 ans, un DUT électronique en poche, à part des Louis de Funès et des Belmondo le dimanche soir à la télévision, Stéphane Brizé…

(Seul cinéaste que N. T. Binh ait jamais vu venir présenter ses films AVANT  la projection en plus d’être là après. Demain, Claire Burger fera de même. Bonne ‶contagion‶ ?)

… n’avait jamais vu de film…

(Quatrième enfant d’une famille qui en compte cinq, il vient d’un milieu modeste -père fonctionnaire-, sans appétence pour le cinéma. Pas d’argent pour y aller. « Ça n’est pas pour nous ». Mais en quoi ça ne l’est pas ?)

… ni (excepté Le Rouge et le noir, pour un cours de français) lu un livre.

1987.  Il  monte  à  Paris.  Il  écrit  un  long  métrage  et  l’envoie  à un  producteur  qui l’accepte mais lui dit que ça serait bien s’il commençait par faire un court métrage. Ce sera Bleu dommage (1993. « Mademoiselle Solange aime son travail, c’est bien dommage… ») de et avec (« J’avais. 27 ans et douze kilos de moins »). Pour faire sérieux, crée un story-board (ce qu’il ne refera jamais). Sur le tournage, il se rend compte que jouer ne l’intéresse pas : sa carrière d’acteur s’arrête au bout de trois jours. Au contraire, à l’instant où il est sur le plateau, il se sent chez lui. 

(2012. « A 48 ans, Alain Evrard est obligé de retourner habiter chez sa mère. Cohabitation forcée qui fait ressurgir toute la violence de leur relation passée. Il découvre alors que sa mère est condamnée par la maladie. Dans ces derniers mois de vie, seront-ils enfin capables de faire un pas l’un vers l’autre ?) »)

… second film de Stéphane Brizé avec Vincent Lindon.

Le point de départ : un documentaire, Le choix de Jean, qui suit un protocole de suicide assisté. Cependant, le sujet du film est l’histoire d’amour entre un fils et sa mère.

Annie Cordy (elle avait tenu un rôle dramatique dans Les Passagers de la pluie) : pressentie pour jouer le rôle de la mère. Lorsque Stéphane Brizé la rencontre, elle tient un bichon dans les bras et lui dit qu’elle ne comprend pas comment on peut empoissonner son chien…

(Mais si tu n’as pas pigé qu’elle ne le fait pas par mauvaiseté mais que c’est un acte désespéré pour reprendre contact avec son fils sans perdre la face, c’est que tu es conne, Annie)

… alors le cinéaste sait que ce ne sera pas elle.

La mort d’Hélène Vincent. Les six premières prises, ça ne marchait pas. Histoire de timing : elle pleurait trop tôt, Il faut que tu retiennes la vanne et c’est quand tu lui prends la main que tu lâches tout. Seuls les très grands acteurs peuvent faire ça. Et la huitième prise fut magique. La totalité du film repose sur ce moment-là.

Le bébé. Filmer des bébés est très délicat. On ne peut tourner que très peu de temps (une demi-heure ?) avec eux dans une journée. C’est pourquoi on fait appel à des jumeaux. Encore faut-il qu’ils pleurent (si besoin) au moment voulu. Or les bébé pleurent quand ils ont faim → il faut tout calculer pour qu’ils soient affamés et décaler les biberons plusieurs jours avant. L’un d’eux ne pleurant quand même pas, Stéphane Brizé l’a regardé d’un air méchant et ça a marché. Il faut aussi que la mère ne soit pas dans la même pièce afin de ne pas distraire l’enfant.

N.T. Binh, qui anime la discussion, soulève la responsabilité des critiques. Il se souvient qu’au moment d’une projection, Stéphane Brizé lui avait recommandé de dire tout de suite s’il avait aimé son film mais d’attendre six mois dans le cas contraire. 

Le cinéaste se rappelle un critique qui lui avait dit du bien d’un de ses films mais l’avait démoli lors d’une émission de télévision. Quand il lui en avait demandé la raison, le critique avait répondu qu’un autre ayant aimé le film il s’était senti obligé d’être négatif afin d’animer  le débat.

Autre cas : une critique travaillant pour un journal de gauche lui avait pareillement dit du bien d’un de ses films. Aussi fut-il très surpris de lire un mauvais papier de sa part. Également questionnée, la journaliste avoua qu’avant d’écrire son article elle était allée voir ce qui avait été précédemment écrit sur le cinéaste dans son journal. Ne trouvant que du négatif, elle en avait suivi la ligne éditoriale.

Une mauvaise critique est quelque chose de très violent. 

Il pleut.

@@(2023. « Nine et Thaïs, deux adolescentes de 16 ans, passent leurs journées au city stade. À l’approche du nouvel an, elles vont devoir faire tomber leur maillot de foot pour leur première soirée en boîte de nuit »).

… de Lili Cazals…

(Originaire de Leucate, a étudié à la Ciné Fabrique, école de cinéma établie à Lyon et Marseille) 

… dont Bernard Payen, responsable de programmation à la Cinémathèque française et de Court-circuit sur Arte, dit beaucoup de bien.

Fille est suivi de

(2024. « Sur une île volcanique isolée que tout le monde veut quitter, la petite Nana apprend à rester. Sa mère Nia quitte l’île de Fogo, au Cap Vert, pour trouver une vie meilleure en Amérique du Nord. Nana grandit dans la famille de son père, elle est bien entourée. Un jour, Nia réapparaît soudainement après des années d’absence. La proposition de sa mère de quitter l’île avec elle pousse Nana à se demander où est sa place »)

… coproduction suisse, portugaise et cap-verdienne de Denise Fernandes, en compétition pour le prix Solveig Anspach. Joli film poétique dans lequel un vieil homme de l’île et un vulcanologue japonais conversent sans connaître la langue de l’autre. Note : 3, et je regretterai de ne pas lui avoir attribué un 4. 

(1979. Milos Forman. Vu il y a longtemps, je me souviens seulement qu’il y est question de la guerre du Vietnam pour laquelle un jeune s’apprête à partir)

… prévue dans le parc du château Pams, est rapatriée au Lido pour cause de risques d’intempéries. Elle conserve néanmoins son horaire tardif de 21h 30, et je reste sagement dans ma chambre.

Jeudi 24 juillet

(2005. « 50 ans, huissier de justice, le cœur et le sourire fatigués, Jean-Claude Delsart a depuis longtemps abandonné l’idée que la vie pouvait lui offrir des cadeaux. Jusqu’au jour où il s’autorise à pousser la porte d’un cours de tango »)

… de Stéphane Brizé qui, après avoir tourné Le Bleu des villes, se retrouve avec difficulté. Sentiment d’illégitimité. Tétanie absolue. Il se demande s’il va continuer.

C’est à la vision d’un documentaire sur un hôpital gériatrique qu’il retrouve son chemin, face à des gens qui racontent ce qu’ils n’ont pas fait de leur vie → il va s’accrocher.

Je ne suis pas là pour être aimé : plaisir de revoir ce film dont j’avais oublié des détails, par exemple la présence de Georges Wilson… 

(Dont, malgré les années, je garde un souvenir ébloui dans Maître Puntila et son valet Matti au TNP du temps où il était à Chaillot, avec, aussi, Charles Denner -ah ! Charles Denner !- et Judith Magre)

… dans le rôle du père, brutal, de Patrick Chesnais.  On retrouve quelque chose de cette rudesse dans la famille du cinéaste : Georges Wilson = son grand-père. A la mort de ce dernier, on a trouvé dans une malle des choses intimes qu’on n’aurait pas imaginé qu’il avait pu conserver (de même, le personnage d’Hélène Vincent dans Quelques heures de printemps est inspiré par sa mère). 

Question casting masculin, tous les acteurs cotés à Paris reçurent le scénario et tous refusèrent le rôle…

(Jean-Pierre Bacri prétexta qu’il ressemblait à ceux qu’il avait l’habitude d’interpréter mais répondit dans la semaine quand d’autres mirent des mois à le faire)

… personne n’avait pensé à Patrick Chesnais.

Pour le casting féminin, on a fait danser des actrices avec lui pour voir avec laquelle ça fonctionnait le mieux → choix d’Anne Consigny dont la carrière, qui était au plus bas, fut relancée.

Dans le rôle du fils : Cyril Couton que Stéphane Brizé avait rencontré lors d’un stage. Tragique et drôle à la fois.

Le personnage de Patrick Chesnais exerce une fonction sociale mal aimée : huissier, avec l’idée d’aller voir ce qu’il y a derrière la rugosité affective. Ce sont des gens qui se font insulter dans l’exercice de leur métier : il faut savoir encaisser (une huissière a laissé tomber son boulot pour devenir directrice d’une maison de retraite).

Musique composée par deux des trois musiciens du groupe Gothan Project. 

La caméra est toujours très loin des acteurs. Le cinéaste utilise une longue focale pour la faire oublier, ainsi que le dispositif cinéma.

Consignes données à Patrick Chesnais et Anne Consigny : vous allez oublier tout ce que vous avez appris. Se détacher de ce qu’on sait faire. L’important, c’est qu’ils vont bien ensemble.

Importance de la psychanalyse pour Stéphane Brizé. Il en commence une à l’âge de 27 ans, pour survivre, sinon il se serait éteint. C’est le début d’un chemin de liberté. Compréhension des mécanismes de la psyché.

(2018. « Malgré de lourds sacrifices financiers de la part des salariés et un bénéfice record de leur entreprise, la direction de l’usine Perrin Industrie décide néanmoins la fermeture totale du site. Accord bafoué, promesses non respectées, les 1100 salariés, emmenés par leur porte-parole Laurent Amédéo, refusent cette décision brutale et vont tout tenter pour sauver leur emploi »)

… de Stéphane Brizé encore. Je ne l’avais jamais vu, sans doute rebutée par le titre, d’ailleurs le cinéaste avoue que le producteur n’en avait pas voulu (trouvait qu’il n’est pas porteur) → le change, provisoirement, pour Un autre monde, qui sera celui de son film suivant.

En guerre se nourrit du conflit de Continental et de son leader Xavier Mathieu, qui a inspiré le personnage de Vincent Lindon. Stéphane Brizé a rencontré une trentaine de personnes de chaque bord (dont Xavier Mathieu) afin d’avoir le point de vue de chacun.

Dans l’Est, aucune usine n’accepte d’accueillir le tournage. Finalement c’est  dans la région d’Agen qu’on trouve une usine de métallurgie qui, après avoir employé plus de 3000 salariés, n’en comptait plus que 18.

Vincent Lindon : le seul acteur professionnel. Pour le casting, 600 personnes furent auditionnées pendant une heure (discussion d’une demi-heure suivie d’une autre demi-heure de bouts d’essai au cours desquels chacun joue ce qu’il est dans la réalité, cadre ou ouvrier). Ce sont deux langages qui s’opposent.

Dans le conflit d’Air France en 2015, les dirigeants se font déchirer leurs chemises. Dans le film, c’est une voiture qu’on retourne. Las ! Un peu avant ce moment-là, j’ai un gros coup de mou, je ferme les yeux (en continuant à entendre ce qui se dit mais alors, tout étant action, il n’a pas dû se dire grand-chose) et je loupe cette scène. Quand je rouvre les yeux, j’apprends que quelque chose s’est passé qui a fait capoter les négociations. Je ne saurai ce dont il s’agit que par le commentaire de Stéphane Brizé. Dommage. Il faudra que je revoie le film.

La caméra documentaire ne peut pas aller partout : le personnage incarné par Vincent Lindon (il pense qu’il ne sert à rien) n’a pas pu convoquer celle du film pour la scène de l’immolation → celle-ci est filmée avec un portable. Jamais personne ne va filmer le suicide de personnes licenciées en sachant ce qu’elles vont faire.

Cynisme du journaliste qui annonce que les personnes qui ont retourné la voiture ne seront pas poursuivies.

Stéphane Brizé pensait que son film allait provoquer une révolution mais rien ne s’est passé, tout comme les films de Ken Loach n’ont pas changé le monde. Il s’attendait néanmoins à un soutien des syndicats, mais son « tort » est d’avoir montré un combattant qui perd. Je ne peux pas me présenter devant les gens et leur annoncer des choses négatives, lui dit un syndicaliste qui joue dans le film.

En guerre n’a pas coûté très cher. Stéphane Brizé (il n’a gardé que le nécessaire pour la vie de tous les jours) et Vincent Lindon ont mis leur salaire dans la production. 

  (2024. « Josée a dix ans, elle approche doucement de l’adolescence. Sa mère, Gloria, jusqu’ici peu présente, décide de la retirer de son terrain de foot pour l’emmener faire les boutiques dans un centre commercial »)

… court métrage de Lili Cazals, est suivi de

(2024. « Une famille recomposée ukrainienne passe les derniers jours des ses vacances sur l’île de Tenerife. Suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, ils se retrouvent alors coincés sur l’île et se confrontent à l’isolement, à leurs responsabilités, à leurs craintes… De touristes, ils passent à réfugiés »)

… film polonais de Damian Kocur, en compétition pour le prix Solveig Anspach. Note : 3.

Et c’est tout pour aujourd’hui : j’ai vu cette année le film de 21h, Langue étrangère de Claire Burger, troisième invitée des Ciné-Rencontres. 

Vendredi 25 juillet

(2008. « Samuel est comédien et vit à Paris. Il est de retour dans sa vile d’origine, Forbach, pour y recevoir une médaille d’honneur du maire -Forbach est une ville de l’Est de la France, qui vivait des mines de charbon et qui fait face à des difficultés économiques et sociales-. C’est aussi l’occasion pour lui de renouer avec sa mère et son frère »)

… ville natale de Claire Burger.

Ce court métrage (préquel de Party girl) est suivi de

(2018. « Depuis que sa femme est partie, Mario tient la maison et élève seul ses deux filles. Frida, 14 ans, lui reproche le départ de sa mère. Niki, 17 ans, rêve d’indépendance.  Mario, lui, attend toujours le retour de sa femme »)

… que je revois avec plaisir. 

Claire Burger continue à parler de Forbach à travers l’histoire de son père. Ses difficultés après que sa femme l’a quitté.  

Elle recrée une famille avec des gens de milieux sociaux différents (l’interprète d’une des filles a des parents producteurs, l’autre vient d’un milieu plus modeste) et s’apparente à la plus jeune sœur, Frida. 

Thèmes de prédilection : les bouleversements intimes et la société (la famille est une société).

Le père : un peu autiste (tout le monde se moquait de lui). Féru de culture. Mélomane et goût pour le théâtre. Emmenait ses filles à des expositions. N’expliquait rien mais  leur a transmis quelque chose.

La culture : sa dimension sociale (elle crée des liens).

Bouli Lanners : a quelque chose d’enfantin. Il a voulu que la cinéaste et lui se rencontrent non pas à Liège ou à Paris mais à Forbach, dans la maison même où a elle grandi, avec son père à côté. Claire Burger brouille les frontières. Les femmes peuvent être fortes et les hommes avoir une part féminine.

Le spectacle final. Découverte du talent des gens  → leur fierté. Dimension sociale : crée du lien. La chorégraphie est inspirée de Le Parc d’Angelin Preljocaj.   

Il y avait des gens de toutes tendances politiques, dont le RN. Créer une utopie dans un film : envie que des habitants de la ville s’embrassent. 

Envie aussi de faire dialoguer la poésie du réel et la poésie de la fiction. Claire Burger n’a pas envie de militantisme au premier degré.

Un film : ne peut pas changer le monde mais peut changer des personnes.

Le titre : manque peut-être un point d’interrogation. L’amour n’est pas la même chose pour tout le monde.

15h 45. Table ronde avec Claire Burger, animée par Bernard Payen.

Originaire, donc, de Forbach, ville minière de Moselle. Après la fermeture des mines, elle a vu le basculement de ses habitants dans le désœuvrement ce qui, ajouté à ses problèmes familiaux, lui a créé une enfance et une adolescence angoissées → son envie de partir.

Elle apprend à tourner en faisant des reportages pour une télé locale. Elle choisit de faire du cinéma pour creuser ses sujets. Etudie le montage à la Femis mais n’a pas envie de faire des films parisiens. Cherche à être authentique : propose aux gens de se représenter eux-mêmes. 

Découvre John Cassavetes qui faisait des films avec sa famille et ses amis → elle tourne Forbach avec son ami Samuel Theis…

(Il donne des cours de théâtre à des enfants et monte avec elle à Paris afin de ne pas stagner à Forbach) 

je ne le revois pas : je m’en souviens bien) qui s’inspire de l’histoire de la mère de Samuel et pour lequel on lui disait, Isabelle Huppert sera formidable dans le rôle, mais elle ne lui plaisait pas.

Party girl : difficile pour les comédiens non professionnels de dire un texte appris par cœur, il n’y a pas de spontanéité → Claire Burger leur expliquait les enjeux de la séquence et ils utilisaient leurs propres mots.

Angélique s’est comportée comme une star. Ainsi elle refusa que la demande en mariage de Michel se fasse au micro dans le car qui les emmenait à Strasbourg (c’était pourtant une bonne idée).

(2025. Autriche-Slovaquie. « Au début des années 1980 à Vienne, artiste et mère célibataire, Perla a reconstruit sa vie avec sa fille, Júlia, et son partenaire, Josef, un tibétologue. Vivant en exil, elle a essayé de laisser derrière elle les traumatismes de sa jeunesse en Tchécoslovaquie communiste »)

… d’Alexandra Makarova, elle-même slovaque-autrichienne qui a déménagé à Vienne pour vivre avec sa mère artiste.

Mais la mère du film est une idiote. Bien qu’ayant fait un mariage heureux avec un Autrichien, elle revient en Tchécoslovaquie pour revoir (ça peut se comprendre) le père de sa fille qui a été libéré du camp où il a été enfermé suite à leur tentative avortée de fuir le communisme. Il prétendait avoir un cancer mais dès qu’ils se retrouvent il lui annonce, Je suis guéri. Ça devrait lui mettre la puce à l’oreille mais, après un premier mouvement de révolte, elle s’obstine à le revoir et laisse mari et enfant repartir à Vienne pour aller retrouver le menteur dans leur village (ils font l’amour furieusement) sous le prétexte de rapporter les urnes de ses parents (deux gros trucs pas faciles à transporter). 

Lors d’une fête (?), les filles sont poursuivies par les mecs (société de merde où ils ont tous les droits) qui, après avoir sonné dans une trompe, les aspergent d’eau en plein hiver (ça a l’air d’être une tradition). Alors qu’elle s’apprête à repartir malgré tout, Perla est rattrapée par son ‶amoureuxʺ. Il sonne à son tour dans une trompe pour appeler les aspergeurs qui lui mettent la main dessus et la portent jusqu’à un ruisseau dans lequel ils la jettent. Furax, elle récupère sa valise et s’en va (l’‶amoureuxʺ la suit sur la route et la supplie de rester) prendre le car afin de rentrer pour de bon à la capitale.

 De retour dans sa chambre d’hôtel, elle téléphone à son mari pour lui dire qu’elle va prendre le train pour Vienne. A peine a-t-elle raccroché qu’on frappe à la porte, mais au lieu de la femme de chambre annoncée c’est une commissaire du peuple qui est là, encadrée par deux policiers. Qui m’a dénoncée ? Devinez. 

J’entends un spectateur dire qu’elle n’est pas idiote, elle est naïve. Mais, parfois, quelle est la différence entre naïveté et bêtise ? (« … capable d’être aussi la première ado nunuche venue prête à prendre n’importe quelle mauvaise décision par désir et égoïsme » peut-on lire sur le site « Le Polyester »).

Note : 2.

Perla sortira en salle dans une quinzaine de jours et Le Canard enchaîné  le classera dans « les films qu’on peut voir cette semaine ». « Tout est réussi dans ce film, fort bien accueilli dans les festivals où il a été présenté : scénario, construction, cadrage, musique, décor, costumes et interprétation d’un quatuor d’acteurs tout simplement impressionnants » Pourquoi pas.

19h et des poussières. Je rentre à la villa Lafabrègue et, pour la première fois depuis que nous venons, trouve la porte fermée. Je passe le bip devant la lumière rouge qui clignote au-dessus d’un digicode sans code connu : une lumière verte s’allume quelques secondes à côté de la lumière rouge mais j’ai beau pousser la porte, elle reste obstinément fermée. Après plusieurs tentatives…

(Jamais eu l’occasion de me servir du bip. Toujours trouvé la porte ouverte même de retour d’une séance à minuit et si Nick m’a un jour montré comment ça marche, j’ai oublié) 

… je vais à l’Hostalrich où les copains doivent être en train de se restaurer afin d’emprunter un portable… 

(J’ai laissé le mien dans la chambre. Le soir, Annie m’enverra un sms : « Puis-je me permettre de te recommander de prendre ton portable chaque jour avec toi même si on le ferme pendant le cinéma. Actuellement c’est un outil indispensable. Ce soir par exemple tu aurais pu appeler avec devant la porte sans être obligée de revenir jusqu’ici ». D’accord, ma cocotte, mais où ailleurs que là pouvais-je satisfaire l’envie de faire pipi qui me tenaillait les entrailles ? Et j’ai trop peur d’oublier d’éteindre mon portable au ciné, comme ça m’est arrivé le 5 juillet à la Cinémathèque où, cinq minutes avant le début de la séance, dring dring il a sonné -farfouiller dans mon sac afin de le trouver et l’éteindre- c’était toi qui m’appelais, heureusement que le film n’était pas commencé, ça aurait été la honte)

 … et composer le numéro de mes hôtes. Personne ne décroche et je me vois déjà passer la nuit à l’Hostalrich où il doit bien rester une ou deux chambres libres. 

Afin d’essayer de trouver ce qui cloche, Georges (je ne saurai jamais s’il aurait trouvé le truc, dommage) m’accompagne jusqu’à la villa. Mais entretemps Nick et Kate sont revenus. Nick me montre comment faire : après avoir passé le bip devant la lumière rouge, le descendre le long du digicode, voilà à quoi sert ce dernier !…

21 h. Je ne retourne pas voir Une Vie de Stéphane Brizé et le regretterai un peu.

Ayant vu tous les films du matin (Hors saison et Un autre monde de Stéphane Brizé dont je me souviens bien), je ne vais pas au Lido avant 

15h 45. Animée par N. T. Binh, table ronde avec Stéphane Brizé au cours de laquelle nous sont projetés des extraits de Le Bleu des villes, son premier long métrage.

1ère séquence : une contractuelle essaie de glisser un PV sur le pare-brise d’un très haut véhicule. Forme de cocasserie, de ridicule. Le cinéaste prête attention au travail des gens…

(Il raffole des émissions de télévision où on voit des gens passionnés par leur métier, qu’ils soient mécaniciens ou boulangers, même si lui-même n’y connaît rien) 

… à ceux qui acceptent d’occuper une fonction dans laquelle ils ne sont pas aimés. 

2ème extrait : présence de la mort. Il y a toujours quelque chose de trivial dans le fait de mettre un corps dans une boîte (voir aussi celui d’Hélène Vincent dans Quelques heures de printemps) puis le cercueil dans la tombe : nous ne sommes que « ça ». Fragilité de notre condition.

3ème extrait : la contractuelle retrouve une amie d’enfance devenue présentatrice météo. Se demandant si elle n’est pas passée à côté de sa vie, elle envisage de devenir chanteuse et, croyant que son amie a ses entrées dans le monde du spectacle, lui demande de l’aider à percer. Stéphane Brizé nous apprend qu’il a lui-même été sollicité et qu’il s’est trouvé bien embêté.

Une fois son DUT en poche, le cinéaste travaille trois mois à FR3 Le Mans. Il écrit des sketches et touche 2000 euros par mois, ce qui rassure son père. Puis il va à Paris où il a son premier choc en voyant Les Aventures de Reinette et Mirabelle d’Eric Rohmer. Quelque chose résonne en lui. Il s’inscrit au cours Florent et essaie ensuite toutes les écoles en tant qu’acteur. Refusé partout. Il écrit un scénario qu’il envoie par la poste à un producteur (voir le 23 juillet).

Il dit qu’il n’a pas beaucoup d’imagination mais a un grand sens de l’observation.

Je renonce également au film de 17h, Lumière, l’aventure continue (2025, Thierry Frémaux) parce que je l’ai vu cette année et que je me réserve pour ce soir.

21h. Soirée de clôture où sont annoncés :

• Le coup de cœur du jury jeunes : Une Vie de Stéphane Brizé qui, ému, vient recevoir son prix.

• Le prix du court métrage : Wesh Rimbaud

(2024, France. « Arthur habite dans une ville de banlieue où tout le monde le surnomme Rimbaud, car il a toujours été un élève brillant. Il vient d’ailleurs d’être admis en hypokhâgne. Au cours d’un examen oral, son accent va trahir ses origines sociales »)

… de Dimitri Lucas. C’est mérité.

• Et le prix Solveig Anspach est attribué à : On vous croit. Bravo. L’un des deux réalisateurs, en vacances dans le sud de la France, fait le déplacement pour recevoir son prix. Sa co-réalisatrice, restée en Belgique, nous envoie une vidéo. 

Après l’annonce des dates des prochaines Ciné-Rencontres (18-25 juillet 2026), place au film de clôture, la Palme d’or de Cannes :

(« Iran, de nos jours. Un homme croise par hasard celui qu’il croit être son ancien tortionnaire. Cependant, face à ce père de famille qui nie farouchement avoir été son bourreau, le doute s’installe »)

… de Jafar Panahi dont N. T. Binh nous retrace les problèmes (plusieurs arrestations, interdiction de quitter le territoire) qu’il a eus avec le régime iranien.

N. T. Binh nous dit aussi avoir fait partie du jury qui lui a attribué la Caméra d’Or à Cannes pour Le Ballon blanc en 1995.

Un simple accident : si le contexte et le traitement sont très différents, le sujet est le même que celui de La Jeune fille et la mort de Roman Polanski.  

Surprise (et bonheur) de voir une femme dans la rue sans foulard.

Le Journal de Dominique-Prades 2024 (4)

            Sur mon portable, un sms : « Info trafic : Votre train 877658 du 25/07 (départ 12h 14) est impacté en raison de contraintes de production. En conséquence la gare de  n’est plus desservie ». On pourrait savoir de quelle gare il s’agit ?

            (A mon retour à Montargis, un mél m’en apprendra un peu plus : « Bonjour, Nous vous informons que la circulation de votre train 877658 du 25/07 à destination de  PERPIGNAN est perturbée en raison de contraintes de production. En conséquence la gare de  PRADES – MOLITG-LES-BAINS n’est plus desservie. Nous vous invitons à vous rendre sur les canaux habituels pour avoir plus d’informations sur la possibilité de suivre votre voyage ». Il était temps de me prévenir, le message datant du 27, soit le lendemain de notre voyage présumé)

            Heureusement que nous avions annulé les billets… 

            (2004. « Irène est en tournée avec « Sale Affaire », un One Woman Show, dans le nord de la France. Elle rencontre Dries, un porteur de géants… C’est le début d’une histoire d’amour ! Histoire d’amour, qui a d’étranges résonances avec le spectacle qu’Irène joue sur scène[1]… »)

            … que Yolande Moreau a co-réalisé avec Gilles Porte, son directeur de la photographie. Elle pensait que le film passerait sur Arte à minuit mais il reçoit deux César (meilleur premier film et meilleure actrice) ainsi que le prix Louis Delluc. Il bénéficie du bouche à oreille → bien qu’elle n’aime pas les biopics, possibilité de faire Séraphine (Elle est attirée par ce qui est borderline +, à l’âge de 17 ans, a fait de la peinture parce qu’elle était interdite de sortie -voir plus bas-. Elle aime l’écriture cinématographique, proche de la peinture).

            Film qui traite de la solitude des acteurs pendant leurs tournées. Quand elle jouait Sale Affaire, Yolande Moreau était parfois seule, parfois avec son mari. Elle se souvient de la vieille DS dans laquelle il lui arrivait de dormir.

            Le titre fait référence…

            (« Quand la mer monte / J’ai honte j’ai honte / Quand elle descend / Je l’attends / A marée basse / Elle est partie hélas / A marée haute / Avec un au autre »)

             … à la chanson de Raoul de Godewarsvelde.

            Dans les dunes, les nattes qui s’envolent sont soulevées par un fil à pêche.

            10h 45. Salle Jean Cocteau, rencontre avec Yolande Moreau.

            Vient d’une famille de trois enfants avec pas beaucoup d’argent. En boulle avec ses parents qui posaient beaucoup d’interdits quand elle voulait vivre. Fulminait de ne pouvoir sortir avec des garçons.

            A l’âge de 21 ans, se sépare du père de ses deux enfants en bas âge qu’il s’agit de faire vivre.

            Prend des cours de diction.

            Commence par faire des spectacles pour enfants.

            A un déclic en voyant un spectacle de Zouc.

            Fait une école de clown à Paris. Son prof lui dit, Tu dois écrire. C’est flatteur et  déterminant.

            Vit de petits boulots et d’impros dans les cafés bruxellois (pas de hiérarchie comme à Paris) où elle passe, masquée, cinq minutes entre deux autres, essaie des choses devant les gens, encouragée par un ami magicien qui la pousse, Tu penses pas à l’avance, tu vas sur scène. Se souvient que la première fois elle est restée sans rien dire, au bout d’un moment elle a tapoté le micro, ça a fait rire, alors elle l’a retapoté. Mais ensuite il faut bien trouver autre chose.

            Repérée à Avignon par Agnès Varda qui l’engage pour son court métrage 7 p., cuis., s. de b., … à saisir et lui dit, A bientôt pour un long. Ce sera Sans toit ni loi. Agnès Varda : la femme la plus surprenante et anti-conventionnelle qui soit. Ses scénarios tiennent sur deux pages, elle écrit ses dialogues sur le capot d’une voiture. Travaille avec une équipe soudée, On se revoit.

            Rejoint en 1989 la troupe de Jérôme Deschamps et Macha Makeieff. Interprète Lapin chasseur et C‘est magnifique dont des extraits nous sont projetés. Confiance envers les toutes petites choses. Pendant douze ans (1993-2002) : fait partie de Les Deschiens sur Canal +, aux côtés (entre autres) de François Morel et Philippe Duquenne. C’est avec ce dernier qu’elle teste sa popularité en se rendant très lentement aux toilettes d’un café pour voir si les autres consommateurs les reconnaissent (ne nous dit pas si ce fut le cas, je gage que non).

            Difficile de faire autre chose (il faut une autorisation de sortie) quand on fait partie de la troupe Deschamps. Joue, contre son avis, dans le film, pas très bon, Tout doit disparaître, ce qui lui vaut un tsss désapprobateur quand elle le revoit.

            Fait une apparition dans Le Hussard sur le toit

            Parcours marginal : théâtre, cinéma à plus de 50 ans → syndrome d’imposture.

            Dix ans ce sont passés entre chacun des films qu’elle a réalisés, Si je fais le prochain… En 2016, a néanmoins tourné, en trois semaines, un documentaire pour Arte, Nulle part en France, sur la jungle de Calais, C’était agressant de venir filmer là, dit-elle. Raconte le camp à travers l’histoire d’un jeune. Il y a peu de femmes, ce n’est pas évident pour elles. Poèmes de Laurent Gaudé sur la distance, le vent.

            14h. Je fais l’impasse sur The Queen de Stephen Frears…

(Mais comme j’assiste à la projection du septième épisode de State of the union, je bénéficie de la présentation que N. T. Binh fait du film, à savoir que :

            S. Frears est un peintre ironique de la société britannique mais il échappe aux étiquettes.

            Il a été surpris de la réception chaleureuse qu’a reçue le film en France et en Espagne.

            C’est la suite d’un téléfilm, The Deal, qui a pour sujet la rivalité entre Tony Blair et son concurrent Gordon Brown.

            Le scénariste a ensuite écrit la série The Crown.

            Stephen Frears vient de terminer un tournage épuisant. Il est réconforté par l’accueil que lui fait Prades. Richesse des échanges avec le public, inconcevable en Grande Bretagne)

…revu il y a peu, pour aller à l’Espace Martin Vivès où sont exposées des marines du peintre pradois, il était temps qu’on le retrouve en lieu et place des photos de films qu’on y voyait depuis plusieurs années en cette époque.

            Au passage, je découvre le rideau métallique baissé…

(Il était temps, une dame arrive pour ouvrir la boutique -une librairie-, Ça vous plaît ? Oui)

… peint de lecteurs à minces corps rouges et grosses têtes vertes (des grenouilles ?) affublées de lunettes. A côté, sur le mur d’une étroite galerie, une jeune femme assise dans une barque (La Justinette, nom d’une boulangerie-pâtisserie) tient sous son bras gauche une baguette tandis qu’au dessus de sa main droite se tient, entouré d’un halo de lumière quasi divine (ce qui n’a pas empêché la boutique de fermer), un gâteau crémeux aux fraises.

17h. L’Amour du monde

(Suisse, 2023. « Sur les rives du lac Léman, la douce Margaux, 14 ans, rencontre Juliette, une enfant rebelle de 7 ans placée dans un foyer, et Joël, un pêcheur récemment rentré d’Indonésie suite au décès de sa mère. Trois âmes solitaires qui cherchent leur place dans la vie et qui, dans la moiteur fiévreuse de l’été, se soutiennent mutuellement pendant un bref moment. Un port de pêche idyllique devient leur lieu de retraite, le lac et la nature leurs alliés, jusqu’à ce que la réalité fasse à nouveau éclater ce trio[2] »)

… de Jenna Hasse. Encore un truc d’adolescents. Quatre films sur les six en compétition pour le prix Solveig Anspach ont pour sujets des teenagers ou des jeunes adultes à comportement d’ados. Y’en a marre !

21h. Les Vœux

(2008. « Une jeune femme fait deux promesses. Ainsi débute le conte amoureux de Bjorn le tailleur et de Colbrune la brodeuse[3] ».

Bien que l’héroïne promette son corps et non son âme -quoique-, il s’agit d’un pacte avec le diable dont elle se tire grâce à la ténacité de son amoureux)

… court métrage de Lucie Borleteau est suivi de

A mon seul désir

(2023. « Vous n’avez jamais été dans un club de strip-tease ? Mais vous en avez déjà eu envie … au moins une fois… vous n’avez pas osé, c’est tout. Ce film raconte l’histoire de quelqu’un qui a osé[4] »)

… de la même.

Regard féminin sur le strip-tease.

Intérêt pour l’ailleurs.

Le film aborde aussi la vie sentimentale (compliquée du fait de leur activité) de ses deux protagonistes principales et leurs aspirations artistiques (être actrice) plus « sérieuses ».

 La réalisatrice, qui devait être là ce soir, a été retenue à Montpellier par le tournage d’une série. On ira la chercher demain.

            Je zappe la séance de 9h. Pas envie de revoir Chanson douce (Lucie Borleteau, 2019) vu avec JC parce qu’il aimait bien Karin Viard, mais le sujet… Et un peu de repos ne me fera pas de mal.

            Je  me  pointe  au  restaurant   vers 12h 15.  La  table  habituelle  des  Cramés  est  vide

d’occupants → j’attends dans le canapé du palier. A 12h 25, personne n’est arrivé. Je retourne

dans la salle de resto et c’est là que je les aperçois, à une autre table, en compagnie de Stephen Frears et de N. T. Binh ! Toutes les chaises sont occupées. Constatant mon embarras, la dame qui prend les tickets me trouve une place avec le jury jeune.

Bientôt, Annie vient me trouver. Elle me dit que le cinéaste et le critique, voyant deux places libres, leur ont demandé s’ils pouvaient déjeuner avec eux : il n’était of course pas question de dire, Non, nous attendons Dominique Bonnet (qui ça ?). Mais ce qui me fait marronner, c’est qu’elle m’apprend qu’ils ont pris des photos avec eux. Merde alors !

Pendant que je mange mon poisson plein d’arêtes en essayant de ne pas en avaler  m’étrangler avec pour finir à l’hosto comme le grand Def, je cogite sec cerveau en ébullition. Et après avoir attendu la fin du dessert (une sorte de brazo de gitano bourré de crème), je prends mon courage à deux mains : je me lève, me dirige d’un pas ferme vers la table et, m’adressant à Stephen Frears, je dis…

(Quand je rapporterai ma phrase à mon amie Annick, je ne m’appliquerai pas à bien prononcer et elle s’en amusera, Oh, l’accent ! -Du pur Maurice Chevalier-)

… avec mon meilleur anglais sorti du fin fond de ma mémoire : I am a Cramée de la bobine like all the people (excepté le barbudo mais je ne le dénonce pas) around the table. I heard they took a photo with you. Could I have one too ?

Inutiles efforts linguistiques puisque le bruit de la salle couvre ma voix, seul m’entend N. T. Binh qui répète ma demande au cinéaste, lequel acquiesce tandis que très élégamment (ah merci merci) le critique se lève, me laissant sa place près de Stephen Frears et s’offrant à prendre le (les, sur les premières je suis un peu crispée mais la quatrième est la bonne) cliché(s) du siècle. Et quand les autres ont une photo de groupe (j’en prendrai ensuite une, superbe, de tous les deux), j’ai Mr Frears pour moi toute seule. Na na nè reu !

Après quoi je regagne ma table vidée de ses occupantes (le jury jeune : rien que des filles, mais où sont les garçons ?) et, lassée de ma solitude, vais me rasseoir dans le canapé du palier quand, dans le fauteuil d’à côté, j’avise un monsieur aux yeux fermés derrière ses lunettes, on dirait bien… Stephen Frears, cependant les lunettes… Mais quand le barbudo lui apporte un café, qu’il ôte ses verres et dit avec un délicieux petit accent anglais, Le sommeil… mais oui, c’est bien lui, ce sont les lunettes (première fois que je le vois en porter) qui m’ont perturbée ! Alors, discrète telle Shéhérazade, je m’éclipse afin de le laisser se reposer et qu’il ne croie pas que je le harcèle…

Ce soir, N. T. Binh annoncera qu’à la demande de son assistante le cinéaste était censé rentrer à Londres hier. Obliger un vieux monsieur de 83 ans à prendre l’avion en fin de journée après son intervention sur The Queen ! L’Inhumaine ! Mais il s’est doucement  rebellé (thank you Mr Frears), Vous voulez que je reste, Oui, Eh bien je reste. Et c’est cet après-midi seulement, après sa courte sieste dans le fauteuil susmentionné, qu’on l’a emmené à Blagnac, là où les avions sont plus beaux.

14h. Nievaliachka – La Poupée qui ne tombe pas, court métrage documentaire (2003) de Lucie Borleteau, pas très clair pour moi. Elle accompagne dans sa famille en Russie une amie dont je ne comprends pas très bien qui elle est : elle dit que sa mère, qui avait quitté son pays pour la France, lui envoyait des cadeaux pour Noël (et encore pas tous les Noël) alors qu’elle-même semble vivre aussi en France (elle parle un français comme vous et moi). Les deux n’ont-elles pas vécu ensemble ? Bref soit je suis idiote (ou fatiguée) soit le film n’est pas maîtrisé, (me fait l’effet d’un brouillon). Il est suivi de

Fidélio, l’Odyssée d’Alice

(2014. « Alice, 30 ans, est marin. Elle laisse Félix, son homme, sur la terre ferme et embarque comme mécanicienne sur un vieux cargo, le Fidelio. A bord, elle apprend qu’elle est là pour remplacer un homme qui vient de mourir et découvre que Gaël, son premier grand amour, commande le navire[5] ». Sexe et désir, déjà)

… premier long métrage (romanesque et intime à la fois ; femme seule au milieu d’hommes) de Lucie Borleteau (elle a fait l‘expérience du voyage sur un porte-container), que j’ai plaisir à revoir et qui est, à mon avis, son meilleur.

Emotion quand un personnage se met à chanter quelques vers de Mémère.

17h. Je n’assiste pas à la projection de 1996 ou les malheurs de Solveig de Lucie Borleteau. Pas plus qu’à la rencontre qui suit avec elle, tant pis, besoin de prendre un peu le large pour me préparer, ce soir à

21h 15, à la soirée de clôture et la remise des prix.

Coup de cœur du jury jeunes : Séraphine. Parfait.

Mention spéciale : Emilia Pérez. Bravo.

Prix du court métrage : Maman t’avait dit

(France, 2023. « Dans la peau d’une femme qui rentre tard chez elle après une soirée… sous la forme d’un jeu vidéo[6] »)

… de Cécile Cournelle. Très bien.

Prix Solveig Anspach : Young hearts. Bof… De toute façon, pour mon goût aucun ne méritait le prix, alors pourquoi pas celui-là, au moins il est bien réalisé.

Le film qui met fin à ces belles rencontres : En fanfare

(France, 2024. « Thibaut est un chef d’orchestre de renommée internationale qui parcourt le monde. Lorsqu’il apprend qu’il a été́ adopté, il découvre l’existence d’un frère, Jimmy, employé́ de cantine scolaire et qui joue du trombone dans une fanfare du nord de la France. En apparence tout les sépare, sauf l’amour de la musique. Détectant les capacités musicales exceptionnelles de son frère, Thibaut se donne pour mission de réparer l’injustice du destin. Jimmy se prend alors à rêver d’une autre vie[7]… »)

… d’Emmanuel Courcol.

Comédie d’auteur portée par les comédiens (Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin).

« Attention les trompettes, je voudrais qu’on attaque ensemble ». Et je pense à l’orchestre d’amateurs dans lequel la maman de JC jouait du violon et à la remarque du chef, Là, vous êtes censés terminer tous ensemble… Ça me fera toujours rire.


[

            DansL’Indépendantdu jour, interview de Stephen Frears. Il y déclare avoir appris un mot qui lui était inconnu : laïcité. Qu’un homme cultivé comme lui, au courant de faits de société, n’en ait jamais entendu parler en dit long sur le multiculturalisme d’Etat britannique. Un sujet de film ?

1] https://www.lacid.org/fr/films-et-cineastes/films/quand-la-mer-monte

[2] https://www.youtube.com/watch?v=rPPhahZPaBQ

[3] https://www.unifrance.org/film/29718/les-voeux-histoire-de-colbrune-et-bjorn

[4] http://distrib.pyramidefilms.com/pyramide-distribution-a-l-affiche/a-mon-seul-desir.html

[5] https://store.potemkine.fr/dvd/3760129730475-fidelio-l-odyssee-d-alice-lucie-borleteau/

[6] Catalogue des Ciné-Rencontres

[7] https://diaphana.fr/film/en-fanfare/

Le Journal de Dominique-Prades 2024-(3)

            (2008. « Quelque part en Picardie, le patron d’une entreprise vide son usine dans la nuit pour la délocaliser. Le lendemain, les ouvrières se réunissent et mettent le peu d’argent de leurs indemnités dans un projet commun : faire buter le patron par un professionnel[1] »)

            … tourné en un mois par Gustave Kervern et Benoît Delépine, en vacances de Groland sur Canal +. Ils ont envie d’aller plus loin en se tournant vers le cinéma et une histoire (le film ne se fera pas tel quel) d’handicapés qui ont envie d’aller en Finlande voir Aki Kaurismaki. Quant à leur deuxième réalisation, expérimentale, elle est hermétique.

            Louise Michel : inspiré d’un fait divers. Toujours des sujets graves de société.

            Kervern et Delépine : pas de laïus sur la psychologie des personnages. Ne font pas beaucoup de prises. Sont contre la direction d’acteurs. L’acteur espère aller dans le sens voulu par le réalisateur, il est friand de ce qu’on peut lui proposer → Bouli Lanners regrette un manque d’indications (« on nous parle pas ») → au lieu de ça, Kervern applaudit.

            La fiction au cinéma : tant mieux si en sortant on a un sujet de réflexion, si on en est un peu grandi.

            Bonheur de revoir le Familistère, dehors d’abord, avec la statue de Godin, dedans ensuite, grande cour sous verrière, étages d’appartements. Mais celui des parents de Bouli Lanners était-il réellement l’un d’entre eux ? Pas sûr.

Plus tard. Au départ, Yolande Moreau refuse de jouer dans Mammuth parce qu’elle trouve le film misogyne. Un jour, elle reçoit un coup de fil de Depardieu : « Ils envoient le gros au charbon ! ». Elle et lui doivent s’embrasser : « Depardieu a un gros ventre, moi aussi » (petit rire dans les yeux). Ça a été très vite, en deux prises.

14h. Henri

(2013. « Henri, la cinquantaine, d’origine italienne, tient avec sa femme Rita un petit restaurant près de Charleroi, « La Cantina ». Une fois les clients partis, Henri retrouve ses copains, Bibi et René, des piliers de comptoirs. Ensemble ils tuent le temps devant quelques bières en partageant leur passion commune, les pigeons voyageurs. Rita meurt subitement, laissant Henri désemparé[2] »)

… deuxième film (en solo) de Yolande Moreau, le seul d’elle (ou avec elle) de la sélection que je n’ai jamais vu (ne connaissais même pas son existence).

Avec Pippo Delbono, comédien italien qui déteste les pigeons et a pris sur lui pour le rôle.

Avec aussi Miss Ming, rencontrée lors du tournage de Louise Michel. Comédienne atteinte de handicap…

(Comme les acteurs de la compagnie roubaisienne de l’Oiseau-mouche, souffrant tous d’un déficit mental,  que Yolande Moreau  embauche  « pour la  totalité  du tournage pour

effectuer de la figuration voire quelques seconds rôles de plus grande importance[3] »)

… ce qui la relie à Pippo Delbono qui avait sorti Bobò de l’asile…

( « Atteint de microcéphalie et sourd-muet, Bobò [est] interné à partir de 1952 dans un hôpital psychiatrique à Aversa [où] il est remarqué par le metteur en scène italien Pippo Delbono, venu organiser un atelier théâtre en 1995. « Il avait quelque chose de doux et de poétique. Une tendresse… quelque chose de rare ». Delbono le prend en charge et en fait dès lors son comédien fétiche, le plaçant au cœur de toutes ses mises en scène. Bobò meurt des suites d’une pneumopathie bronchique le 1er février 2019[4] »)

… et qu’il a intégré à tous ses spectacles jusqu’à sa mort.

Pas eu l’autorisation d’utiliser le nom de Les Papillons blancs

(Association « créée par des parents d’enfants en situation de handicap mental en 1949, « les Papillons blancs de Paris », régie par la loi de 1901, œuvre pour la défense des intérêts matériels et moraux, la recherche de l’épanouissement, le développement de l’autonomie des personnes en situation de handicap mental/cognitif ; et le soutien de leurs familles. Elle contribue à la sensibilisation de la société au handicap[5] »)

… comme titre du film → Henri, un peu terre à terre.

Rencontre d’un homme éteint avec quelqu’un qui a envie de normalité.

Pas de flot de paroles qui explique tout.

Yolande Moreau affectionne les petits personnages dans la vastitude de grands espaces + les films pas bavards (mais elle aime bien les mots). Il y a plein de manières de faire des films.

17h. Slow

(2023. « Elena, danseuse et Dovydas, interprète en langue des signes se rencontrent et tissent un lien profond. Alors qu’ils se lancent dans une nouvelle relation, ils doivent apprendre à construire leur propre type d’intimité[6] »)

… film lituano-hispano-suédois de la Lituanienne Marija Kavtaradze. Du sexe et de la danse filmée en plans rapprochés, ce qui est une aberration → le prix de la mise en scène au festival de Sundance aussi.

21h 15. Dans le parc du château Pams. My beautiful laundrette

(1985. « Dans la banlieue sud de Londres, un jeune immigré pakistanais entreprend par tous les moyens de sortir de la pauvreté. Son oncle Nasser, un affairiste douteux, lui confie alors une laverie automatique décrépite. Avec l’aide de Johnny, un voyou anglais, il va tenter d’en faire une affaire rentable[7] »)

… de Stephen Frears, en sa présence (ça y est, il est arrivé ! En 2012, à l’occasion des JO de Londres, les Ciné-Rencontres avaient déjà organisé une rétrospective de ses films   mais sans lui). Ovation.

N.T. Binh : Comment trouvez-vous Prades ? S. Frears : Je ne savais pas que ça existait.

Il dit que le scénario…

(De Hanif Kureishi, qui est venu à lui. C’est le deuxième grand écrivain d’origine pakistanaise né en Grande Bretagne. Il fait partie de la seconde génération de Pakistanais -les pères sont arrivés par bateau-. Voulait faire une sage façon Le Parrain)

… de My beautiful laundrette lui avait semblé stupide mais qu’il l’avait fait rire. Choix de faire une comédie légère mais avec quelque chose en plus.

Pour le rôle de Johnny, Daniel Day-Lewis l’a emporté sur Tim Roth et Kenneth Branagh grâce aux filles (« Il est beau ! »).

Mardi 23 juillet

            Quand j’écrivais avoir vu tous les films de Stephen Frears projetés en ces Ciné-Rencontres, j’aurais dû préciser « de fiction » car je ne connais pas celui de

            9h, A personal history of british cinema (1995), partie d’un projet international pour les 100 ans du cinéma. Récit à plusieurs voix : entretiens d’une part de Frears avec un critique et Alexander Mackendrick, réalisateur américain…

(Né à Boston de parents émigrés mais, suite à la mort de son père, élevé à partir de l’âge de sept ans par son grand-père écossais. Il étudia à la Glasgow School of Art)

… qu’en raison de son nom et de nombre de ses films je croyais britannique, d’autre part avec des cinéastes anglais (Michael Apted et Alan Parker) ayant fait carrière aux USA.

Film autobiographique (ses propres mémoires cinéphiliques) d’un réalisateur aimant le cinéma. Appartient à une génération nourrie des classiques hollywoodiens. A commencé comme assistant avec la Nouvelle vague britannique.

            10h 45. Espace Jean Cocteau, rencontre avec Stephen Frears.

            A fait ses classes sur Charlie Bubbles (1967) d’Albert Finney.

            Puis a travaillé sur If  (Lindsay Anderson, 1968).

            Reçoit ensuite une subvention du British Film Institute pour réaliser un film de trente minutes se passant en Afrique du Sud (The Burning, 1968) et tourné à Tanger.

            Rencontre le scénariste Neville Smith qui écrit son premier long métrage, Gumshoe, histoire d’un personnage incarné par Albert Finney qui « passe son temps à s’identifier aux personnages de détectives privés imaginés par Dashiell Hammett ou par Raymond Chandler. Fasciné jusqu’à l’obsession par Humphrey Bogart, il fait passer une annonce dans les journaux sous le nom de Sam Spade[8] ». Les Britanniques : obsédés par la culture américaine. Travaille pour la BBC (c’est très mal payé mais on a une totale liberté) comme Ken Loach…

(Il a inventé les téléfilms et révolutionné la façon de filmer : si on peut tourner une semaine en extérieur, pourquoi pas un film entier)

… et Mike Leigh, tous trois individus excentriques issus de l’éducation britannique, dont l’ego ne se met pas en avant au détriment de l‘histoire.

Va à Hollywood…

(Tous les cinéastes du Royaume-Uni veulent aller aux USA mais Hollywood est une industrie dure : difficile de survivre là-bas)

…  mais en gardant les pieds sur terre. S’est aperçu combien c’est effrayant…

(Hitchcock a pris son temps avant de faire des films américains. Son premier film aux USA a été Rebecca qui se passe en Angleterre et est interprété par des acteurs britanniques)

… mais personne n’a été méchant avec lui. A eu la chance qu’après avoir vu My beautiful laundrette Martin Scorsese lui demande de réaliser Les Arnaqueurs.

A eu un projet (non réalisé) sur Martin Luther King après The Queen. Reçoit alors celui d’une adaptation de Colette, Chéri (voir plus bas).

Qu’est-ce que la justice a à voir avec la loi ? demande Stephen Frears à propos de je ne sais plus quoi, avant d’ajouter avec un rire dans la voix, Je dis n’importe quoi…

14h. Chéri

(2009. « Dans le Paris du début du XXème siècle, Léa de Lonval finit une carrière heureuse de courtisane aisée en s’autorisant une liaison avec le fils d’une ancienne consœur et rivale, le jeune Fred Peloux, surnommé Chéri. Six ans passent au cours desquels Chéri a beaucoup appris de la belle Léa, aussi Madame Peloux décrète-t-elle qu’il est grand temps de songer à l’avenir de son fils et au sien propre[9]… »)

Juliette Binoche est d’abord pressentie mais elle est trop jeune pour le rôle qui échoit finalement à Michelle Pfeiffer.

Provoquer l’adhésion du spectateur envers un personnage (Chéri) plus ou moins antipathique.

Derrière la façade couve un volcan : ce monde va disparaître avec la Première guerre mondiale.

Allez savoir pourquoi…

(It’s a disaster, dit Stephen Frears de son film. Il a fait une erreur dès le début mais ne tient pas à nous dire laquelle. Tout ce que nous saurons c’est que, intimidé par la mythologie qui entoure Colette, il n’a pas trouvé la manière de la filmer)

… le cinéaste n’aime pas Chéri. Les spectateurs lui trouvant des qualités, J’aurais dû avoir cette conversation avec vous avant de faire le film, conclut-il.

Ce que je ne m’explique pas : pourquoi alors avoir mis le paquet sur Chéri (choix de le projeter + une photo du film sur l’affiche des Ciné-Rencontres) ?

Quoi qu’il en soit, Michelle Pfeiffer « Nounoune » habitant l’hôtel Mezzara, ça me donne la joie de revoir la belle façade (je ne saurais dire avec certitude si les intérieurs sont aussi les siens, l’escalier peut-être) de cette œuvre d’Hector Guimard visitée avec JC le samedi 9 décembre 2017 (sept ans, déjà).

17h. Paradise is burning

(2023. « Dans une région ouvrière de Suède, trois jeunes sœurs se débrouillent seules, laissées à elles-mêmes par une mère absente. La vie est joyeuse, insouciante et anarchique, loin des adultes, mais interrompue par un appel des services sociaux qui souhaitent convoquer une réunion. Laura, l’aînée, va alors devoir trouver quelqu’un pour jouer le rôle de leur mère sous peine d’être emmenées en famille d’accueil et séparées[10]… »

Mouais…

            Et c’en est fini pour moi aujourd’hui. Ce soir c’est Séraphine et la projection a lieu en plein air dans le parc du château Pams, à point d’heure (21h30), il faut attendre que la nuit soit tombée, en plus je l’ai revu récemment, l’ai bien en tête et besoin de me reposer.


[1] https://www.senscritique.com/film/louise_michel/432284

[2] https://www.unifrance.org/film/35400/henri#

[3] https://www.lavenir.net/regions/wallonie-picarde/2012/10/19/un-casting-des-plus-heteroclites-DJGNJ74S

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Bob%C3%B2

[5] https://www.lespapillonsblancsdeparis.fr/notre-association/

[6] Catalogue des Ciné-Rencontres

[7] Id.

[8] https://www.senscritique.com/film/gumshoe/376923

[9] https://www.google.com/search?q=ch%C3%A9ri+film&sca_esv=0d4a60feda95d33d&source=hp&ei=

[10] Catalogue des Ciné-Rencontres

Le Journal de Dominique-Prades 2024 (2)

            9h. The Hit (Le tueur était presque parfait)…

(1984. «Le gangster Willie Parker dénonce ses comparses. Dix ans plus tard, il coule des jours heureux en Espagne mais deux hommes ont été engagés pour le faire disparaître. The hit va retracer la dérive de ces trois hommes à travers la péninsule entre le moment où le gangster est enlevé et celui où le contrat sera finalement honoré[1]… »)

            … deuxième long métrage de Stephen Frears (le premier : Gumshoe), les scénarios pour la télévision étant plus intéressants.

Projet de The Hit prévu d’emblée pour le cinéma.

Film de genre (gangsters) tourné de manière somptueuse. C’est finalement Terence Stamp…

(Après être parti dans un ashram en Inde, il souhaite ne plus jouer les jeunes premiers mais faire des rôles de composition)

… qui interprète le rôle de Willie, prévu initialement pour Ian McKellen, icône du cinéma britannique.

Premier film de Tim Roth.

John Hurt : connu pour ses rôles de composition.

Stephen Frears a conçu le personnage du tueur en pensant à Margaret Thatcher mais en moins cruel.

Ce qui lui plaît : tourner en Espagne.

Musique d’Eric Clapton (générique) et Paco de Lucía.

De ce film, je me souvenais surtout que la décontraction dont fait preuve Terence Stamp vole en éclat quand arrive, à l’improviste, le moment fatal.

10h 45. Hommage à Michel Ciment à travers le film Le Cinéma en partage de Simone Lainé et le témoignage de N.T. Binh.

Pour Michel Ciment, le cinéma est la synthèse de tous les arts → il faut s’intéresser à tout, particulièrement à la peinture. Il a légué sa collection de livres d’art à l’Institut Lumière.

Il attendait les films et les cinéastes guettaient ses appréciations. Il lui était douloureux d’être déçu par l’un d’eux. Pas de préjugés : être prêt à changer d’avis.

S’est excusé auprès de Catherine Breillat au nom de la critique qui avait descendu 36 Fillette.

Cultivait l’art de la polémique.Regrettait qu’aujourd’hui le cinéma soit devenu plus prévisible.

Les sept vertus cardinales pour lui :

• L’information : préparer chez soi.

• L’analyse : savoir dire pourquoi.

• Le style : la critique est un genre littéraire.

• La passion : il faut de l’enthousiasme.

• La curiosité.

• Le sens de la hiérarchie : le critique doit se mouiller.

• Le coup d’œil : quand on ne sait rien d’un film et qu’on remarque que quelque chose vaut la peine.

14h. Un court métrage documentaire réalisé par une classe de collège avec un slameur est suivi d’autres en compétition pour le prix Bernard Jubard.

17h. Young hearts

(2024, d’Anthony Schatteman. « Elias, 14 ans, vit dans un petit village de Flandre. Lorsqu’Alexander, son nouveau voisin du même âge venant de Bruxelles, emménage en face de chez lui, Élias réalise qu’il est en train de tomber amoureux pour la première fois. Il devra alors faire face au chaos intérieur provoqué par ses sentiments naissants afin de vivre pleinement son histoire avec Alexander et de la révéler à tous[2]… »)

… que la sélectionneuse nous présente comme étant proche de l’univers de Lukas Dhont. Certes il y a un peu de Close. Mais ici (si on excepte quelques gamins qui harcèlent les amis au début et qu’on ne reverra plus, le coming out se passe à merveille, tout le monde il est gentil tout le monde il est compréhensif aimant : le grand-père, la mère, le père chanteur populaire, le frère, la bande de copains, jusqu’à l’ancienne petite amie, c’est l’harmonie parfaite. Un vrai conte de fée. Ce que le film est peut-être, au final.

21h. Arrivée triomphale de Yolande Moreau qui, sous les applaudissements, nous salue de l’allée en levant sa canne…

(En bois, à poignée courbe, comme celle qu’avait mon grand-père Germain. Une canne de famille ?) 

… avant de recevoir une standing ovation…

(Après quoi Louis Héliot chante La Brabançonne dont les paroles défilent sur l’écran sur fond de drapeau belge, c’est la fête nationale en Belgique aujourd’hui)

… et d’aller diner pendant la projection de La Fiancée du poète

(2023. « Amoureuse de peinture et de poésie, Mireille s’accommode de son travail de serveuse à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville-Mézières tout en vivant de petits larcins et de trafic de cartouches de cigarettes. N’ayant pas les moyens d’entretenir la grande maison familiale des bords de Meuse dont elle hérite, Mireille décide de prendre trois locataires. Trois hommes qui vont bouleverser sa routine et la préparer, sans le savoir, au retour du quatrième : son grand amour de jeunesse, le poète[3] »)

… que j’ai vu à sa sortie en octobre dernier mais que j’ai grand plaisir à revoir.

            Photo : Yolande Moreau par Dominique Bonnet

Yolande Moreau (de retour pour nous parler du film) avait choisi d’intituler son film : Même au milieu des ruines comme signe de résistance par rapport au monde d’aujourd’hui mais le distributeur n’en a pas voulu. Cependant elle aime bien le nouveau titre.

            Film sur les faussaires (→ le faux cerf !) avec un côté ludique, la cinéaste faisant sienne la phrase de Paul Valéry selon laquelle, sans eux, le monde serait bien triste. Tous trichent, même le curé.

            Sans donner de leçon de morale, Yolande Moreau pose la question des valeurs qu’on nous oblige à avoir et celle de la désobéissance. Trouver d’autres codes que ceux qu’on nous a inculqués.

            Le rêve : une nécessité. Besoin d’utopie.

            Pourquoi tourner à Monthermé ? Parce que c’est une région que la cinéaste connaît bien : elle a jadis vécu à une quinzaine de kilomètres de là, parmi une communauté hippie vivant dans des cabanes en plastique à Oignies-en-Thiérache, sur un terrain mis à sa disposition par un bûcheron qui haïssait les tronçonneuses et ne jurait que par la hache.

            Film fait avec des copains. Faire des choses avec des gens qu’on aime = le luxe de la vieillesse. Si la scripte, Héloïse Moreau, est la fille de Yolande, en revanche c’est un hasard (un signe ?) si la coscénariste (Frédérique) porte le même patronyme, elle n’est pas de sa famille.

            Le brouillard de la fin (partir sans savoir où on va) est réel et, s’il y en a beaucoup l’hiver dans le coin, ça n’était pas facile d’en trouver en juillet. Il fut repéré par le mari de la cinéaste, Le moustachu…

(Ne me retournant pas, je ne le verrai que demain, il a en effet de belles moustaches grises tombantes)

… dans le fond de la salle.

Dans le rôle du faux poète plombier : Sergi Lopez, qui n’était pas le premier choix de Yolande Moreau (elle avait d’abord écrit à Benoît Poelvoorde, il ne lui a pas répondu). Problème d’accent mais il est très bien et lui correspond mieux côté corpulence.

Et la phrase « Ce n’est pas le poète »…

(Il en fallait un qui ne soit pas trop connu ou soit un peu oublié → André Pieyre de Mandiargues qui, dans la bouche de Sergi Lopez, devient comiquement « André Pieyre de Mandiarguesse »)

… « qui aurait débouché tes canalisations »  me fait autant rire que la première fois, de même que ricanent bêtement les quatre bras cassés qui, derrière la porte de Mireille retranchée dans sa chambre, tentent de l’attendrir.

            9h 30. Louise Michel

            (2008. « Quelque part en Picardie, le patron d’une entreprise vide son usine dans la nuit pour la délocaliser. Le lendemain, les ouvrières se réunissent et mettent le peu d’argent de leurs indemnités dans un projet commun : faire buter le patron par un professionnel[4] »)

            … tourné en un mois par Gustave Kervern et Benoît Delépine, en vacances de Groland sur Canal +. Ils ont envie d’aller plus loin en se tournant vers le cinéma et une histoire (le film ne se fera pas tel quel) d’handicapés qui ont envie d’aller en Finlande voir Aki Kaurismaki. Quant à leur deuxième réalisation, expérimentale, elle est hermétique.

            Louise Michel : inspiré d’un fait divers. Toujours des sujets graves de société.

            Kervern et Delépine : pas de laïus sur la psychologie des personnages. Ne font pas beaucoup de prises. Sont contre la direction d’acteurs. L’acteur espère aller dans le sens voulu par le réalisateur, il est friand de ce qu’on peut lui proposer → Bouli Lanners regrette un manque d’indications (« on nous parle pas ») → au lieu de ça, Kervern applaudit.

            La fiction au cinéma : tant mieux si en sortant on a un sujet de réflexion, si on en est un peu grandi.

            Bonheur de revoir le Familistère, dehors d’abord, avec la statue de Godin, dedans ensuite, grande cour sous verrière, étages d’appartements. Mais celui des parents de Bouli Lanners était-il réellement l’un d’entre eux ? Pas sûr.

Plus tard. Au départ, Yolande Moreau refuse de jouer dans Mammuth parce qu’elle trouve le film misogyne. Un jour, elle reçoit un coup de fil de Depardieu : « Ils envoient le gros au charbon ! ». Elle et lui doivent s’embrasser : « Depardieu a un gros ventre, moi aussi » (petit rire dans les yeux). Ça a été très vite, en deux prises.

14h. Henri

(2013. « Henri, la cinquantaine, d’origine italienne, tient avec sa femme Rita un petit restaurant près de Charleroi, « La Cantina ». Une fois les clients partis, Henri retrouve ses copains, Bibi et René, des piliers de comptoirs. Ensemble ils tuent le temps devant quelques bières en partageant leur passion commune, les pigeons voyageurs. Rita meurt subitement, laissant Henri désemparé[5] »)

… deuxième film (en solo) de Yolande Moreau, le seul d’elle (ou avec elle) de la sélection que je n’ai jamais vu (ne connaissais même pas son existence).

Avec Pippo Delbono, comédien italien qui déteste les pigeons et a pris sur lui pour le rôle.

Avec aussi Miss Ming, rencontrée lors du tournage de Louise Michel. Comédienne atteinte de handicap…

(Comme les acteurs de la compagnie roubaisienne de l’Oiseau-mouche, souffrant tous d’un déficit mental,  que Yolande Moreau  embauche  « pour la  totalité  du tournage pour

effectuer de la figuration voire quelques seconds rôles de plus grande importance[6] »)

… ce qui la relie à Pippo Delbono qui avait sorti Bobò de l’asile…

( « Atteint de microcéphalie et sourd-muet, Bobò [est] interné à partir de 1952 dans un hôpital psychiatrique à Aversa [où] il est remarqué par le metteur en scène italien Pippo Delbono, venu organiser un atelier théâtre en 1995. « Il avait quelque chose de doux et de poétique. Une tendresse… quelque chose de rare ». Delbono le prend en charge et en fait dès lors son comédien fétiche, le plaçant au cœur de toutes ses mises en scène. Bobò meurt des suites d’une pneumopathie bronchique le 1er février 2019[7] »)

… et qu’il a intégré à tous ses spectacles jusqu’à sa mort.

Pas eu l’autorisation d’utiliser le nom de Les Papillons blancs

(Association « créée par des parents d’enfants en situation de handicap mental en 1949, « les Papillons blancs de Paris », régie par la loi de 1901, œuvre pour la défense des intérêts matériels et moraux, la recherche de l’épanouissement, le développement de l’autonomie des personnes en situation de handicap mental/cognitif ; et le soutien de leurs familles. Elle contribue à la sensibilisation de la société au handicap[8] »)

… comme titre du film → Henri, un peu terre à terre.

Rencontre d’un homme éteint avec quelqu’un qui a envie de normalité.

Pas de flot de paroles qui explique tout.

Yolande Moreau affectionne les petits personnages dans la vastitude de grands espaces + les films pas bavards (mais elle aime bien les mots). Il y a plein de manières de faire des films.

17h. Slow

(2023. « Elena, danseuse et Dovydas, interprète en langue des signes se rencontrent et tissent un lien profond. Alors qu’ils se lancent dans une nouvelle relation, ils doivent apprendre à construire leur propre type d’intimité[9] »)

… film lituano-hispano-suédois de la Lituanienne Marija Kavtaradze. Du sexe et de la danse filmée en plans rapprochés, ce qui est une aberration → le prix de la mise en scène au festival de Sundance aussi.

21h 15. Dans le parc du château Pams. My beautiful laundrette

(1985. « Dans la banlieue sud de Londres, un jeune immigré pakistanais entreprend par tous les moyens de sortir de la pauvreté. Son oncle Nasser, un affairiste douteux, lui confie alors une laverie automatique décrépite. Avec l’aide de Johnny, un voyou anglais, il va tenter d’en faire une affaire rentable[10] »)

… de Stephen Frears, en sa présence (ça y est, il est arrivé ! En 2012, à l’occasion des JO de Londres, les Ciné-Rencontres avaient déjà organisé une rétrospective de ses films   mais sans lui). Ovation.

N.T. Binh : Comment trouvez-vous Prades ? S. Frears : Je ne savais pas que ça existait.

Il dit que le scénario…

(De Hanif Kureishi, qui est venu à lui. C’est le deuxième grand écrivain d’origine pakistanaise né en Grande Bretagne. Il fait partie de la seconde génération de Pakistanais -les pères sont arrivés par bateau-. Voulait faire une sage façon Le Parrain)

… de My beautiful laundrette lui avait semblé stupide mais qu’il l’avait fait rire. Choix de faire une comédie légère mais avec quelque chose en plus. Pour le rôle de Johnny, Daniel Day-Lewis l’a emporté sur Tim Roth et Kenneth Branagh grâce aux filles (« Il est beau ! »).


[1] Id.

[2] Catalogue des Ciné-Rencontres.

[3] https://www.google.com/search?q=la+fianc%C3%A9e+du+po%C3%A8te&sca_esv=12268370a69439

[4] https://www.senscritique.com/film/louise_michel/432284

[5] https://www.unifrance.org/film/35400/henri#

[6] https://www.lavenir.net/regions/wallonie-picarde/2012/10/19/un-casting-des-plus-heteroclites-DJGNJ74S

[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Bob%C3%B2

[8] https://www.lespapillonsblancsdeparis.fr/notre-association/

[9] Catalogue des Ciné-Rencontres

[10] Id.

Journal de Dominique-Prades 2024-

            Ciné-Rencontres, année d’exception. En effet, sont invités : Stephen Frears…

(Dont j’ai vu tous les films présentés, mais pour certains, besoin de me rafraîchir la mémoire) 

… et Yolande Moreau ! Aussi, Lucie Borleteau.

Le programma débute à

            14h par Les Liaisons dangereuses

(1988. « Deux aristocrates brillants et spirituels, la marquise de Merteuil et le séduisant Vicomte de Valmont, signent un pacte d’inviolable amitié à la fin de leur liaison. C’est au nom de celui-ci que la marquise demande à Valmont de séduire la candide Cécile de Volanges qui doit prochainement épouser son ex-favori, M. de Bastide, mais Valmont a entrepris de séduire la vertueuse Mme de Tourvel[1] »)

… de Stephen Frears dont la carrière, nous apprend N. T. Binh, a eu du mal à démarrer. Ce sont les films qu’il a tournés pour la télévision (BBC, Channel 4) qui ont fait sa réputation (My beautiful laundrette a été d’abord un téléfilm en 16mm avant d’être projeté au cinéma). Emergence de scénaristes à la même époque.

            Les Liaisons dangereuses est sa première grosse production, avec des stars américaines confirmées (John Malkovich, Glenn Close) ou montantes (Michelle Pfeiffer). Le scénario est de Christopher Hampton qui avait écrit une pièce d’après le roman épistolaire de Choderlos de Laclos.

            Quand Milos Forman fait de son Valmont (tourné la même année) une comédie sociale, Stephen Frears réalise un thriller amoureux, en s’appuyant sur le jeu des stars. Il décide des gros plans qui font passer les émotions, leurs répressions et les mensonges, s’attirant l’incompréhension du créateur des somptueux costumes, mais au contraire, lui objecte le réalisateur, les gros plans les mettent en valeur. Costumes et maquillages sont au service du film.  

Stéphen Frears et Dominique

Musique de  thriller, comme celle des films d’Hitchcock.

Stephen Frears n’a jamais arrêté de tourner, même pendant le covid. Il se partage entre plateformes et grand écran.

            Importance des scénarios, qu’il reçoit par la poste et dont il fait des films quand il est emballé. Depuis une quinzaine d’années, ceux-ci sont inspirés par des histoires réelles.

            La problématique de son cinéma : dichotomie et ambigüité.

            Chaque film de Stephen Frears est précédé d’un épisode (dix minutes) de la première saison de la série State of the union qu’il a tournée en 2009. Le pitch : les discussions d’un couple avant qu’il n’aille en thérapie de couple. Avec Rosamund Pike et Chris O’Dowd.

17h. Je zappe la projection de The Lost king

(Complicité avec Sally Hawkins, double casquette de Steve Coogan, scénariste et interprète du rôle du mari)

… vu aux Cramés cette année.

21h. Avant-première d’Emilia Pérez

(Jacques Audiard, 2024. « Surqualifiée et surexploitée, Rita use de ses talents d’avocate au service d’un gros cabinet plus enclin à blanchir des criminels qu’à servir la justice. Mais une porte de sortie inespérée s’ouvre à elle : aider le chef de cartel Manitas à se retirer des affaires et réaliser le plan qu’il peaufine en secret depuis des années : devenir enfin la femme qu’il a toujours rêvé d’être[2] »)

… Prix du jury et quadruple prix d’interprétation féminine…

(Zoe Saldaña, danseuse de formation ; Karla Sofía Gascón, actrice trans ; Selena Gómez, revue récemment chez Woody Allen ; Adriana Paz)

… au dernier festival de Cannes.

Au départ, Jacques Audiard hésite entre un opéra, une comédie musicale et un thriller d’action. Il cherche un compositeur, Clément Ducol, mais celui-ci n’a pas le temps d’écrire un opéra sur demande : ce sera donc une comédie musicale (Jacques Audiard engage un chorégraphe) doublée d’un thriller.

Film original, étonnant, Palme d’Or de cœur de Positif.

            9h 30. Philomena

(2013. « Irlande, 1952. Philomena Lee, encore adolescente, tombe enceinte. Rejetée par sa famille, elle est envoyée au couvent de Roscrea. En compensation des soins prodigués par les religieuses avant et pendant la naissance, elle travaille à la blanchisserie, et n’est autorisée à voir son fils Anthony qu’une heure par jour. A l’âge de trois ans il lui est arraché pour être adopté par des Américains. Pendant des années, Philomena essaiera de le retrouver[3] »)

… de Stephen Frears.

            Film de la filière irlandaise, dont le réalisateur aime les contradictions religieuses et l’esprit rebelle par rapport à l’establishment britannique.

            Judy Dench : actrice (quasi aveugle, ce qu’on ne remarque pas) très estimée (comme Helen Mirren et Maggie Smith) qui a le droit de choisir ses réalisateurs. Stephen  Frears n’est pas convaincu par le scénario mais il est attiré par l’idée de travailler avec elle. C’est en même temps une croix : il faut qu’il soit à la hauteur.

            Philomena : catholique fervente quand le journaliste…

            (Steve Coogan : à l’origine, un comique d’improvisation. Le réalisateur lui impose de respecter le texte : une impro ne sera jamais aussi bonne que ce qui est écrit.

Il est aussi co-scénariste : c’est lui qui choisit le sujet, l’autre écrit le scénario qu’ensuite il embellit. Tel Hugh Grant qui en a eu assez de faire des comédies et a voulu grandir un peu, Steve Coogan, ennuyé par ce qu’il était devenu, a voulu avancer)

            … s’est détaché de la religion.

            Comédie romantique dans laquelle deux personnages que tout oppose finissent par tisser un lien très fort, sur le modèle de New York-Miami que Stephen Frears a fait voir à son équipe. Allusion aussi à M. Smith au Sénat. Le film dit beaucoup sur le monde politique.

            Eléments de Psychose (sœur Hildegarde, vieille nonne méchante aigrie frustrée qu’on aperçoit s’éloignant en s’appuyant sur ses cannes et qui disparaît à un tournant de couloir, je suppose)

            14h. Courts métrages en compétition pour le prix Bernard Jubard.

            17h. Deux courts métrages réalisés par des collégiens sont suivis de

Jezdeca/Riders, film…

(2022. « Slovénie, printemps 1999. Deux amis d’un petit village transforment leurs mobylettes en choppers et partent en voyage, traversant les rêves du passé et les visions de l’avenir, à la recherche de la liberté et de l’amour. Sur la route, ils traversent la Slovénie et la Croatie, deux pays qui viennent tout juste d’être séparés de la Yougoslavie, accompagnés par un motard et une jeune femme en fuite avec un passé mystérieux. Les valeurs personnelles sont mises à l’épreuve et le libre arbitre remis en question. Un road-movie qui dépasse les contrastes entre le vie à la campagne et à la ville, effleurant les temps et les espaces[4] »)

… slovène de Dominik Mencej en compétition pour le prix Solveig Anspach.

            Inégal. Ne m’emballe pas.

            20h 30. Passés recomposés

            (Dix courts métrages réalisés lors d’un atelier de création de films sur le thème du souvenir. Partage de petits bouts de vie)

            … est suivi de

El Vasco/Dear grandma

            (2022. « Mikel a décidé que sa vie avait besoin d’un changement radical. Il accepte donc l’invitation d’un parent éloigné à se rendre en Argentine pour y refaire sa vie. Mais peu de temps après son arrivée, Mikel se rend compte que son « oncle » Chelo n’est rien d’autre qu’un joyeux drille alcoolique et accro au jeu, qui n’a absolument rien à lui offrir. Comme si cela ne suffisait pas, les choses commencent à se gâter lorsque la grand-mère Dolores, la mère de Chelo, se réveille d’un sommeil de dix ans après avoir entendu Mikel chanter une berceuse en langue basque et le confond avec Juanito son frère et le grand-père de Mikel[5] »)

… film hispano-argentin (2022) de Jabi Elortegi, également en compétition pour le prix Solveig Anspach.

            A le mérite d’avoir une histoire construite et d’être une comédie.

           

Journal de Dominique, À Prades (5)

Vendredi 21 juillet

10 HEURES :

(2023. « Serbie, 1996. Pendant les manifestations étudiantes contre le régime de Miloševic, Stefan, 15 ans, mène dans le feu des événements sa propre révolution : voir dans sa mère une complice du crime et trouver la force de la confronter[1] »)

                      

            … du Serbe Vladimir Perišić. En compétition pour le prix Solveig Anspach.

            Un film fort. Quand, les yeux enfin dessillés, Stefan ramasse des cailloux, on espère que, se joignant à la révolte, il va affronter la police. Mais quand il en remplit son sac à dos, le cœur se serre. Oh mon dieu non, il ne va pas faire ça, il n’est pas tout seul, il a une petite amie qui le cherche et un père à Sarajevo.

Mon seul regret concernant le film : le manque d’ouverture de la fin.

14h. Dernière séance de courts métrages.

17h. Le Ravissement

(2023. « Lydia, sage-femme très investie dans son travail, est en pleine rupture amoureuse. Au même moment, sa meilleure amie, Salomé, lui annonce qu’elle est enceinte et lui demande de suivre sa grossesse. Le jour où Lydia recroise Milos, une conquête d’un soir, alors qu’elle tient le bébé de son amie dans ses bras, elle s’enfonce dans un mensonge, au risque de tout perdre[2]… »)

… film français d’Iris Kaltenbäck.

Encore une fois le coeur se serre au fur et à mesure que Lydia (Hafsia Herzi) s’enfonce dans le mensonge, comment va-t-elle pouvoir s’en sortir ?

            Aujourd’hui, rien que des bons films en compétition pour le prix Solveig Anspach.

Samedi 22 juillet

9h. Kitchen…

(2005. « Une jeune femme prépare une recette de homard à l’américaine, qui prévoit de découper par morceau le homard vivant, avant de le jeter, toujours vivant, dans l’huile bouillante. Seule dans sa cuisine, face aux deux homards qui bougent encore, elle essaye de les tuer le plus proprement possible[3]… »)

… court métrage d’Alice Winocour…

(Troisième invitée des Ciné-Rencontres. Elle précise que les homards étaient vivants à l’issue du tournage…)

… est suivi de

Augustine

(2012. « À l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le professeur Charcot étudie une mystérieuse maladie : l’hystérie. Augustine, 19 ans, devient son cobaye favori, la star de ses démonstrations d’hypnose[4] »)

… premier long métrage de la réalisatrice et premier pour Vincent Lindon dans un film d’époque.

Film sur le regard, celui porté sur les malades et le développement des symptômes.

La révolte s’exprime par le corps. Charcot n’a pas réduit l’hystérie à une maladie de femmes : elle peut être aussi masculine.

Les maladies évoluent avec les époques.

Histoire racontée du point de vue du rat de laboratoire.

Séquences d’examen filmées comme des scènes sexuelles. L’hystérique est dénudée à l’époque des corsets. Mélange de science et d’érotisme. Fantasmes des hommes sur les femmes. Mise en scène de la maladie.

Œuvre inspirée par les films d’horreur (L’Exorciste) en voyant des bonus (corps agités par des cordes) sur des DVD. Iconographie de peep show.

Il semblerait qu’Augustine se sauve habillé en homme. Moi, je vois surtout qu’elle se mêle à la foule invitée au grand spectacle organisé par l’ambitieux Charcot pour impressionner ses confrères de l’Institut où il rêve de se faire élire.

13h 30. Piña colada

(2008. « Sandrine travaille dans un grand palace parisien et vit à distance de Vincent, son mari américain. La veille de son départ, elle doute de cette relation et hésite à le rejoindre. Alors que son avion décolle dans quelques heures, Sandrine part dans un hippodrome[5] »)

… court métrage d’Alice Winocour avec Aurore Clément, est suivi de

Maryland

(2015. « De retour du combat, Vincent, victime de troubles de stress post-traumatique, est chargé d’assurer la sécurité de Jessie, la femme d’un riche homme d’affaires libanais, dans sa propriété « Maryland ». Tandis qu’il éprouve une étrange fascination pour la femme qu’il doit protéger, Vincent est sujet à des angoisses et des hallucinations[6] »)

… second long métrage de la réalisatrice qui, suite à un accouchement où elle-même et sa fille ont failli mourir, s’intéresse aux situations post-traumatiques (voir aussi Revoir Paris que, tout comme Proxima dont nous souvenons bien, nous n’avons pas revu.).

Alice Winocour aime les scènes d’action, de destruction, de failles chez les personnages.

Rapport au corps.

Film tourné à la villa Eilenroc sur la Côte d’Azur.

Au cours de la table ronde qui s’ensuit avec Alice Winocour, j’apprends aussi que Revoir Paris fait référence à Psychose : Virginie Efira s’arrête dans le café fatal à cause de la pluie.

17h. Le Temps d’aimer

(2023. « 1947. Sur une plage, Madeleine, serveuse dans un hôtel restaurant, mère d’un petit garçon, fait la connaissance de François, étudiant riche et cultivé. La force d’attraction qui les pousse l’un vers l’autre est à la mesure du secret dont chacun est porteur. Si l’on sait ce que Madeleine veut laisser derrière elle en suivant ce jeune homme, on découvre avec le temps ce que François tente désespérément de fuir en mêlant le destin de Madeleine au sien[7] »)

… film sentimental en avant-première de Katell Quillévéré, décevant par rapport à la formidable série Le Monde de demain vue sur Arte l’année dernière. De plus, Vincent Lacoste ne me convainc pas. Mis à part dans Les Beaux gosses et Illusions perdues, je ne suis pas très fan.   

21h 15. Soirée de clôture avec la remise des prix.

Coup de cœur du jury jeunes : Proxima (Bof. S’il suffisait de se désinfecter en se frottant énergiquement avant un vol spatial, à quoi sert la quarantaine à laquelle sont soumis les astronautes ? Les rapports d’Eva Green avec sa fille en général, d’accord, mais son manque de rigueur professionnel final fiche tout en l’air) et mention spéciale à Six weeks (bien).

Prix du court métrage : Délivrez-nous du mâle (2022. « Tandis qu’elle subit les brimades de son subalterne sexiste, Naomi, jeune policière promue, enregistre l’audition de David. Celui-ci a laissé son père alcoolique entre la vie et la mort pour l’empêcher de battre sa mère[8] ») de Tony Le Bacq. Bravo.

Et le prix Solveig Anspach est attribué à (Alice Winocour fait durer le suspense en dépliant son papier) : Le Ravissement. Mon cœur balançait entre trois films, celui-ci en faisait partie, c’est parfait.

Après quoi est projeté Rosalie

(2023. « Rosalie est une jeune femme dans la France de 1870 mais elle n’est pas comme les autres, elle cache un secret : depuis sa naissance, son visage et son corps sont recouverts de poils. Elle est ce qu’on appelle une femme à barbe mais n’a jamais voulu devenir un vulgaire phénomène de foire. De peur d’être rejetée, elle a toujours été obligée de se raser. Jusqu’au jour où Abel, un tenancier de café acculé par les dettes, l’épouse[9] »)

… de Stéphanie Di Giusto, avec la star montante Nadia Tereszkiewicz et Benoît Magimel qu’on retrouve partout mais je ne m’en plains pas.

Et c’est la fin des Ciné-Rencontres. Mon grand souvenir…

(Même si je n’ai pas bien pu profiter de la conversation, j’étais à un bout de la table -de huit- et lui à l’autre. Merci à Annie d’avoir répété certains de ses propos pour moi.

Ce que j’apprends :

Pour Des goûts et des couleurs, Rebecca Malder a passé le casting en cinquième position et c’était elle.

Lors du tournage de Le Nom des gens, Jacques Gamblin a piqué une grosse colère contre son réalisateur, ce qu’on peut voir en bonus sur le DVD du film.

Il a réalisé quelques épisodes de la série Fais pas ci, fais pas ça et c’était un plaisir de travailler avec des acteurs rodés comme Valérie Bonneton.

Ce que j’arrive à entendre -même si c’est dérisoire- de mes propres oreilles :

Il prononce « Montargisse », On dit « Montargi »,  Ah oui, c’est comme Paris, on ne dit pas « Parisse »)

… avoir déjeuné en compagnie de Michel Leclerc.


[1] https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=lost+country+vladimir+perisic

[2] https://www.unifrance.org/film/56510/le-ravissement

[3] https://www.festival-cannes.com/f/kitchen/

[4] https://www.senscritique.com/film/augustine/379062

[5] https://www.unifrance.org/film/30044/pina-colada

[6] https://www.senscritique.com/film/maryland/13554039

[7] https://www.senscritique.com/film/le_temps_d_aimer/46655985

[8] https://cinema-series.orange.fr/cinema/tous-les-films-au-cinema/movie-delivre-nous-du-male_2022.html

[9] https://www.premiere.fr/film/Rosalie

Journal de Dominique, Un jour à Prades (3)

Lundi 17 juillet

            9h. Pingouin & Goéland et leurs 500 petits

            (2020. « C’est l’histoire d’un couple qui ne pouvait pas avoir d’enfants et qui en a eu des centaines. C’est l’histoire d’intellectuels, anarchistes, pacifistes, syndicalistes et féministes.  C’est l’histoire de résistants qu’on a pris pour des collabos. C’est l’histoire d’Yvonne et Roger Hagnauer que tout le monde appelait Goéland et Pingouin. C’est l’histoire de la maison d’enfants de Sèvres, une expérience unique de liberté, de pédagogie et d’ouverture au monde. Et puis c’est aussi mon histoire puisque ma mère, sauvée par ce couple, a passé dans cette maison toute son enfance[1] »)

… que les Cramés ont programmé mais sur lequel, à ma grande honte, nous avions fait l’impasse.

Mix d’archives privées :

Fêtes filmées en Super 8 dans les années 1970.

L’interview d’Yvonne et Roger Hagnauer : filmée en VHS par une ancienne pensionnaire de la maison de Sèvres. Récupérée trente ans plus tard par Michel Leclerc.

Et aussi des films de journalistes : reportage d’Igor Barrère en 1999.

Pas de héros évident.

Le montage : il a duré huit mois et a constitué le plus gros du travail. Il ne suit pas la chronologie (explication de ce qu’avait été l’institution avant de parler d’épuration) et changeait en fonction de l’arrivée de nouveaux documents, telle l’interview du mime Marceau en 1978. Michel Leclerc a commencé son film en ignorant les liens existant entre Marceau et sa mère.

Il a mis du temps (il en avait l’idée depuis vingt-cinq ans) à oser réaliser un film à la première personne, à ne pas faire comme s’il n’avait rien à voir avec cette histoire dont il se sentait l’héritier.

14h. West side story.

Premier musical en décors naturels → un prologue exceptionnellement long.

Premier film aussi à utiliser un hélicoptère pour des prises de vue plongeantes.

Tourné en Scope afin de faire concurrence à la télévision en donnant aux gens envie de sortir de chez eux.

17h. Les Damnés ne pleurent pas

(2023. « Fatima-Zahra traîne son fils de 17 ans, Selim, de ville en ville, fuyant les scandales qui éclatent sur sa route. Quand Selim découvre la vérité sur leur passé, Fatima-Zahra lui promet un nouveau départ. Ils arrivent alors à Tanger, où de nouvelles rencontres leur donnent l’espoir d’atteindre la légitimité qu’ils recherchent tant[2] »)

… du réalisateur anglais d’origine marocaine Fyzal Boulifa. Troisième film en compétition pour le prix Solveig Anspach.

Exploitation sexuelle féminine et masculine, impossibilité de changer de vie.

Un bon film.

21h. Dans les jardins de l’Hôtel de Ville, concert…

(Suivi de la projection de La Lutte des classes à laquelle je ne reste pas. Idem, demain, pour Le Nom des gens, j’ai vu -et même, pour ce dernier, revu récemment à la télévision- le film au cinéma et m’en souviens très bien)

… de Michel Leclerc.

Accompagné de deux musiciens (clavier et guitare) et de son accordéon, il interprète des chansons de ses films, qu’il a toutes composées. Son bonheur à chanter fait plaisir à voir.

Mardi 18 juillet

            10h. Somewhere over the chemtrails

(2022. « Lorsqu’un villageois est blessé par une voiture lors d’une fête, le pompier Brona est immédiatement convaincu qu’il s’agit d’une attaque perpétrée par un « Arabe ». Son collègue Standa voit les choses différemment…[3] »)

           

            … film…

            (Sur le racisme et le conspirationnisme,  les « chemtrails » étant, selon la définition de Wikipédia, ces « traînées blanches créées par le passage des avions en vol [censées être] composées d’agents chimiques ou biologiques délibérément répandus en haute altitude par diverses agences gouvernementales pour des raisons dissimulées au grand public » et dont les effets nocifs sont censés être annulés par le vinaigre…)

… tchèque d’Adam Rybansky qui, dans une courte vidéo, se présente à nous en contre-jour un verre à la main et j’aime ça, tout comme son film dont l’humour me rappelle celui des cinéastes tchécoslovaques des années 1960. Note : 4/5.

14h. Six weeks

(2022. « Zsofi, adolescente butée et rebelle rêve d’une grande carrière sportive, mais elle attend un enfant non désiré qu’elle veut confier à l’adoption, et ce malgré la désapprobation de sa mère. Fait-elle le bon choix ? Selon la loi, elle aura six semaines pour changer d’avis. Le portrait saisissant d’une jeune fille confrontée à un choix qui pourrait bouleverser sa vie[4] »)

… de la hongroise  Noémi Veronika Szakonyi.

Etonnant le fait que la mère biologique puisse rencontrer les potentiels parents adoptifs. Inconfortable pour ces derniers : comment s’attacher à un bébé en sachant qu’il peut vous être retiré dans les six semaines suivant l’acte d’adoption ?

Un bon film, le cinquième en compétition pour le prix Solveig Anspach.


[1] https://www.dulacdistribution.com/film/pingouin-goeland/157

[2] http://meliesmontreuil.fr/FR/fiche-film-cinema/M5SSSC/les-damnes-ne-pleurent-pas.html

[3] https://www.senscritique.com/film/somewhere_over_the_chemtrails/46727536

[4] https://www.arrasfilmfestival.com/six-weeks/

Journal de Dominique, Un jour à Prades (2)

Dimanche 16 juillet

            9 h 30. Le Poteau rose (2002), neuvième court-métrage de Michel Leclerc, est « l’histoire d’un amour avec un début, un enfant et une fin[1] ».

            Ses huit premiers courts : tournés de façon classique sans recevoir le moindre écho. Celui-ci, dans la continuité de ses rubriques pour Télé Bocal (chaîne de télévision associative locale d’Ile-de-France), a une forme libre apparue sur la table de montage. Film autobiographique évitant les clichés, fait de rush tournés auparavant (aucun plan n’a été tourné exprès, à part le réalisateur et son accordéon), narcissique tout en faisant preuve d’autodérision façon Nanni Moretti (l’humour évite la complaisance), qui touche les gens -une amie pleure en le voyant- et va dans des festivals.

Suit J’invente rien…

(2006. « Paul n’a pas de but précis dans la vie, et Mathilde, qui subvient aux besoins de leur ménage, désespère qu’il s’en trouve un. Si ça continue comme ça, elle risque de le planter là. Alors Paul se dit qu’il va inventer un truc, ça lui fera un but, et il se met en tête de trouver une idée qui lui apportera gloire, argent et beauté sans trop se fatiguer et qui redonnera à Mathilde le goût de l’aimer[2] »)…

… une comédie du remariage ou comment réapprendre à rire ensemble. Michel Leclerc est fasciné par les couples créatifs.

Il travaille pour la première fois avec de vrais comédiens et y prend goût.

Personnages plus ou moins dépressifs qui, comme M. Sim, ne savent pas où se situer.

La « poignette » : existe vraiment. Il fallait que l’invention soit quelque chose de ce type puisque le personnage est un branleur. Essayer de trouver de la poésie dans les objets.

Episode du clown : comme dans tout bon suspense, le spectateur détient des éléments que les personnages n’ont pas, mais il faut être très précis dans la mise en scène pour que ça fonctionne.

Son distributeur n’a pas cru dans le film, c’est pas drôle, c’est raté. Il envisage une seule sortie technique. J’invente rien sort quand même en salle, à la mi-août. Kad Merad n’en assure pas la promo, préférant faire, en septembre, celle de Je vais bien, ne t’en fais pas → c’est un bide.

Baya Kasmi : une machine à idées. Il la rencontre en 2001 alors qu’il travaille sur une série dont il réalise quelques épisodes. Ce qu’elle écrit est bien meilleur que ce qu’il écrivait lui. Désormais, elle sera coauteur de ses films, son alter ego, sa compagne.

14h. La Vie très privée de M. Sim

(2015. « Monsieur Sim n’a aucun intérêt. C’est du moins ce qu’il pense de lui-même. Sa femme l’a quitté, son boulot l’a quitté et lorsqu’il part voir son père au fin fond de l’Italie, celui-ci ne prend même pas le temps de déjeuner avec lui. C’est alors qu’il reçoit une proposition inattendue : traverser la France pour vendre des brosses à dents qui vont « révolutionner l’hygiène bucco-dentaire »[3] »)

… que nous avons vu au Vox à sa sortie, pour Jean-Pierre Bacri.

Jean-Pierre Bacri. Après avoir essuyé un refus de sa part pour deux films précédents (parmi lesquels Le Nom des gens), Michel Leclerc propose le rôle à Alain Chabat qui dit non. Et cette fois, JPB accepte, Pourquoi tu l’as proposé à Chabat ?

Le personnage : pas un râleur. Quelqu’un qui, à la fin, se retrouve en s’étant perdu.

Le film : une sorte de documentaire sur l’acteur. S’adapter au comédien, à la situation. Etre créatif. Projection dans la dépression d’un autre. Humour au départ. Renvoi à un monde clos.

Il y a un côté faux cul à dire, quand une scène est nulle, c’est génial mais on la refait.

Adaptation littéraire, plus facile à faire accepter par un producteur qu’un scénario original.

D’après un roman de Jonathan Coe (travail de transposition en France) qui doit, dans une semaine, signer avec quelqu’un d’autre. Michel Leclerc apprend qu’il est à Paris, s’arrange pour le rencontrer, le fait boire et changer d’avis.

L’écrivain aime le film à part une scène, qu’il trouve trop violente, où Jean-Pierre Bacri pousse un enfant dans une fosse à orties → Michel Leclerc la change et la tourne à nouveau (l’enfant tombe tout seul et JPB se contente de le regarder sans l’aider).

Le réalisateur aime les fins heureuses et d’ailleurs, même si logiquement il ne devrait pas rester en vie, dans le roman il ne meurt pas non plus (mais il ne retrouve pas le bateau).

            17h. Tigru

            (2023. « Vera, 31 ans, est vétérinaire de zoo d’une petite ville de Transylvanie. Après avoir perdu son nouveau-né, elle est obsédée par l’idée de donner les rituels d’enterrement orthodoxe de l’Est, passant plus de temps au travail et s’éloignant de son mari, Toma. Un jour, le tigre du zoo s’échappe…[4] »)

            … du roumain Andrei Tănase. Premier film en compétition pour le prix Solveig Anspach. Deux sujets sans aucun lien. Note : 2/5.

            21h. Lullaby

            (2022. « Jeune maman, Amaia, vit dans une grande ville espagnole. Souvent seule car son compagnon est absent durant de longues périodes, elle décide de retourner dans la maison familiale dans un village pittoresque sur la côte basque du nord de l’Espagne dans l’espoir que ses parents puissent s’occuper d’elle et de son bébé. Bientôt sa mère tombe malade, Amaia n’a pas d’autre choix que de prendre soin d’elle et s’occuper de la maison[5] »).

            … ou Cinco lobitos de l’Espagnole Alauda Ruíz de Azúa. Deuxième film de la compétition. Intéressant début (baby blues) mais devient ensuite plus banal.

https://www.senscritique.com/film/Le_Poteau_rose/8194102] https://www.senscritique.com/film/j_invente_rien/411289[1] https://www.senscritique.com/film/la_vie_tres_privee_de_monsieur_sim/1612985https://www.liff-mons.be/fr/filmtigru]https://www.senscritique.com/film/lullaby/52325988

Journal de Dominique, un jour à Prades -1-

Samedi 15 juillet

 

Nous arrivons à temps à Prades pour (re)voir, à 17h, Top Hat avec le divin Fred Astaire. Yann Tobin nous a concocté un programme « Joyaux du musical hollywoodien » et, dans sa présentation du film, ne m’apprend rien que je ne sache déjà si ce n’est que, si Fred Astaire n’est pas crédité au générique du statut de co-réalisateur, c’est à lui qu’on doit la prise de vue des danseurs en entier et la continuité des numéros dansés…

(Seule entorse à la règle de toute sa carrière -si je ne m’abuse- : les quelques plans sur ses pieds et ceux de Ginger au tout début de The Piccolino)

la découpe en divers types de cadrage étant…

(Et je suis bien d’accord, les cameramen et monteurs d’aujourd’hui devraient en prendre de la graine)

… une horreur qui gâche tout.

Le son des claquettes était postsynchronisé : si Fred Astaire dansait son rôle, ce que Yann Tobin ne dit pas (mais n’est pas sans savoir), c’est que le chorégraphe Hermes Pan doublait Ginger Rogers (j’ignore en revanche si les deux hommes dansaient chacun de leur côté ou bien « cheek to cheek » et ça m’intrigue…)

21h. Soirée d‘ouverture avec Des goûts et des couleurs du premier invité de ces Ciné-Rencontres, Michel Leclerc.

Mon Dieu qu’il est sympathique ! Son sourire chaleureux (je pense à Jean-Pierre Améris) fait illico ma conquête.

Des goûts et des couleurs : « Marcia, jeune chanteuse passionnée, enregistre un album avec son idole Daredjane, icône rock des années 1970, qui disparait soudainement. Pour sortir leur album, elle doit convaincre l’ayant droit de Daredjane, Anthony, placier sur le marché d’une petite ville, qui n’a jamais aimé sa lointaine parente et encore moins sa musique[1] ».

La place des chansons dans la vie.

Après Brassens, Brel etc., comment en écrire encore ?

Michel Leclerc et son ami guitariste

Ni moi ni aucun Cramé présent n’avions entendu parler de ce film. Pas étonnant, dit Michel Leclerc, il est sorti fin juin juste après le confinement.


[1] https://www.senscritique.com/film/les_gouts_et_les_couleurs/46391730

Jeanne Dielman-Chantal Akerman (3)

Je vois enfin Jeanne Dielman 23, quai du Commerce 1080 Bruxellesde Chantal Akerman. Pas vu lors de sa sortie en 1976. Effrayée par sa longueur (3h 18), par son sujet…

(« Trois jours de la vie d’une mère veuve qui se prostitue chez elle pour joindre les deux bouts[1] »)

… et par la perspective de voir Delphine Seyrig éplucher des pommes de terre pendant des plombes (en fait elle en prend quatre mais n’en épluche que deux et la scène est courte par rapport -par exemple- à celle où elle malaxe la viande hachée avec un œuf.

« Jeanne fait des passes à domicile et c’est ce qui lui permet de survivre dans une sorte d’indifférence, prise qu’elle est entre ce rituel sexuel lucratif et l’épluchage de pommes de terre.

Le sujet et le parti pris esthétique de Chantal Akerman se fondent sur l’épuisement, exténuation d’une vie d’une part et épuisement plastique d’autre part revendiqué à une époque où l’art conceptuel est aux postes de commande des autres arts.

La puissance du film est intacte aujourd’hui car son ambition fut de donner l’illusion que le déroulement diégétique correspondait au dévidement du temps réel. Pourtant, les cadrages, les infimes mouvements d’appareil et l’impassibilité de Delphine Seyrig parviennent contre toute attente à imprégner le banal appartement d’une « inquiétante familiarité » freudo-hitchcockienne.

Si le film opère, quarante années plus tard, un tel effet dramatique et visuel, et dont la restauration récente accentue encore l’efficience, c’est au travail de lumière qu’on le doit également. L’invention de Chantal Akerman se loge pour partie dans cette virtuose utilisation de la lumière du jour qui change lentement et les formes variables que projettent les lumières artificielles de la ville »…

(Dans la salle à manger, reflets de néons clignotants -une enseigne lumineuse ?- derrière Delphine Seyrig)

« de laquelle Jeanne s’isole[2] ».

De son lever à son coucher la vie de Jeanne est une succession de rites dénoncés par le film, Chantal Akerman…

(Elle a réalisé son film à l’âge de 25 ans, à une époque où, mise à part Agnès Varda, il n’y avait pas de réalisatrices)

… venant d’une famille juive polonaise émigrée à Bruxelles en 1938 et vivant au rythme des rituels imposés par les hommes qui ne parlaient que yiddish et refusaient d’apprendre toute autre langue, nous apprend Françoise qui présente le film pour les Cramés. Car oui, il passe à Montargis ! Ressorti il y a environ un mois à Paris avec une unique séance journalière débutant à 15h 30 et ne me permettant donc pas de rentrer par un train décent. Aujourd’hui, mûre pour le voir, je regrettais de devoir y renoncer quand…

La vie de Jeanne bascule petit à petit lorsque des grains de sable viennent la perturber. C’est d’abord le couvercle de la soupière où elle range son argent qu’elle oublie de remettre en place, puis les pommes de terre mises à bouillir pendant qu’elle reçoit son deuxième client qui sont trop cuites, et pas question d’en faire de la purée, ce n’est pas le jour de la purée.

(Les repas aussi sont ritualisés : le mardi c’est daube et pommes de terre, le mercredi  escalope viennoise avec carottes, petits pois et les éternelles patates. Mais quelle grâce a Delphine Seyrig lorsqu’elle mange sa soupe ! L’élégance de son geste quand elle porte sa cuillère à sa bouche !)

Le lendemain, elle oublie d’attacher un bouton de sa robe de chambre (ce que lui fera remarquer son fils et elle s’empressera de réparer l’erreur), la brosse à faire reluire les chaussures du garçon lui échappe des mains, la Poste où elle va porter son argent est fermée, une femme est assise à la place qu’elle a coutume d’occuper dans le bar où elle a ses  habitudes et la serveuse a changé (elle paie son café et part sans l’avoir bu). Et ainsi de suite jusqu’à ce qu’avec le troisième client se produise l’impensable : on pénètre dans la chambre à coucher pour la première fois pendant l’acte et on assiste à l’évènement, qui a lieu sur l’habituelle serviette posée par Jeanne sur le couvre-lit, l’homme est sur elle immobile…

(Immobilité impossible dans la réalité, tout comme, la veille, celle de la vieille dame devant le guichet de la Poste pendant que Jeanne remplit ses papiers)

…et son visage à elle, face à nous, sa main qui étreint l’oreiller, trahissent seuls ce qui est en train d’arriver. (En plus l’homme -sacrilège !-, en pleine béatitude après l’étreinte, roule sur le dos à côté de la serviette).

Une énième entorse au rituel, existentielle cette fois, et la vie de Jeanne s’écroule. Supprimer la cause du dérapage est tout ce qu’elle peut faire, afin de… quoi ? Pouvoir continuer, non pas à vivre, seulement à exister ? Mais peut-elle encore être après le désastre ?

On aura peine à le croire mais le film contient de l’humour. Si si : le fils de Jeanne parle avec l’accent flamand (normal, c’est un Flamand qui l’interprète ; dans les années 1990 il deviendra député) mais ce qui est moins ordinaire, c’est qu’il est censé l’avoir pris volontairement parce qu’il étudie dans un lycée flamand où ses camarades se moquaient de son accent wallon (et Jeanne se demande s’il sait encore prononcer les r comme elle). Et la récitation (à deux reprises !) d’un poème de Baudelaire sur un ton monocorde et avec moult hésitations est un grand moment surréaliste.


[1] https://www.cinematheque.fr/film/56833.html

[2]Dominique Païni, https://www.cinematheque.fr/film/56833.html