Dimanche 21 juillet

9h. The Hit (Le tueur était presque parfait)…
(1984. «Le gangster Willie Parker dénonce ses comparses. Dix ans plus tard, il coule des jours heureux en Espagne mais deux hommes ont été engagés pour le faire disparaître. The hit va retracer la dérive de ces trois hommes à travers la péninsule entre le moment où le gangster est enlevé et celui où le contrat sera finalement honoré[1]… »)
… deuxième long métrage de Stephen Frears (le premier : Gumshoe), les scénarios pour la télévision étant plus intéressants.
Projet de The Hit prévu d’emblée pour le cinéma.
Film de genre (gangsters) tourné de manière somptueuse. C’est finalement Terence Stamp…
(Après être parti dans un ashram en Inde, il souhaite ne plus jouer les jeunes premiers mais faire des rôles de composition)
… qui interprète le rôle de Willie, prévu initialement pour Ian McKellen, icône du cinéma britannique.
Premier film de Tim Roth.
John Hurt : connu pour ses rôles de composition.
Stephen Frears a conçu le personnage du tueur en pensant à Margaret Thatcher mais en moins cruel.
Ce qui lui plaît : tourner en Espagne.
Musique d’Eric Clapton (générique) et Paco de Lucía.
De ce film, je me souvenais surtout que la décontraction dont fait preuve Terence Stamp vole en éclat quand arrive, à l’improviste, le moment fatal.
10h 45. Hommage à Michel Ciment à travers le film Le Cinéma en partage de Simone Lainé et le témoignage de N.T. Binh.
Pour Michel Ciment, le cinéma est la synthèse de tous les arts → il faut s’intéresser à tout, particulièrement à la peinture. Il a légué sa collection de livres d’art à l’Institut Lumière.
Il attendait les films et les cinéastes guettaient ses appréciations. Il lui était douloureux d’être déçu par l’un d’eux. Pas de préjugés : être prêt à changer d’avis.
S’est excusé auprès de Catherine Breillat au nom de la critique qui avait descendu 36 Fillette.
Cultivait l’art de la polémique.Regrettait qu’aujourd’hui le cinéma soit devenu plus prévisible.
Les sept vertus cardinales pour lui :
• L’information : préparer chez soi.
• L’analyse : savoir dire pourquoi.
• Le style : la critique est un genre littéraire.
• La passion : il faut de l’enthousiasme.
• La curiosité.
• Le sens de la hiérarchie : le critique doit se mouiller.
• Le coup d’œil : quand on ne sait rien d’un film et qu’on remarque que quelque chose vaut la peine.
14h. Un court métrage documentaire réalisé par une classe de collège avec un slameur est suivi d’autres en compétition pour le prix Bernard Jubard.
17h. Young hearts…
(2024, d’Anthony Schatteman. « Elias, 14 ans, vit dans un petit village de Flandre. Lorsqu’Alexander, son nouveau voisin du même âge venant de Bruxelles, emménage en face de chez lui, Élias réalise qu’il est en train de tomber amoureux pour la première fois. Il devra alors faire face au chaos intérieur provoqué par ses sentiments naissants afin de vivre pleinement son histoire avec Alexander et de la révéler à tous[2]… »)

… que la sélectionneuse nous présente comme étant proche de l’univers de Lukas Dhont. Certes il y a un peu de Close. Mais ici (si on excepte quelques gamins qui harcèlent les amis au début et qu’on ne reverra plus, le coming out se passe à merveille, tout le monde il est gentil tout le monde il est compréhensif aimant : le grand-père, la mère, le père chanteur populaire, le frère, la bande de copains, jusqu’à l’ancienne petite amie, c’est l’harmonie parfaite. Un vrai conte de fée. Ce que le film est peut-être, au final.
21h. Arrivée triomphale de Yolande Moreau qui, sous les applaudissements, nous salue de l’allée en levant sa canne…
(En bois, à poignée courbe, comme celle qu’avait mon grand-père Germain. Une canne de famille ?)
… avant de recevoir une standing ovation…
(Après quoi Louis Héliot chante La Brabançonne dont les paroles défilent sur l’écran sur fond de drapeau belge, c’est la fête nationale en Belgique aujourd’hui)
… et d’aller diner pendant la projection de La Fiancée du poète…
(2023. « Amoureuse de peinture et de poésie, Mireille s’accommode de son travail de serveuse à la cafétéria des Beaux-Arts de Charleville-Mézières tout en vivant de petits larcins et de trafic de cartouches de cigarettes. N’ayant pas les moyens d’entretenir la grande maison familiale des bords de Meuse dont elle hérite, Mireille décide de prendre trois locataires. Trois hommes qui vont bouleverser sa routine et la préparer, sans le savoir, au retour du quatrième : son grand amour de jeunesse, le poète[3] »)
… que j’ai vu à sa sortie en octobre dernier mais que j’ai grand plaisir à revoir.

Photo : Yolande Moreau par Dominique Bonnet
Yolande Moreau (de retour pour nous parler du film) avait choisi d’intituler son film : Même au milieu des ruines comme signe de résistance par rapport au monde d’aujourd’hui mais le distributeur n’en a pas voulu. Cependant elle aime bien le nouveau titre.
Film sur les faussaires (→ le faux cerf !) avec un côté ludique, la cinéaste faisant sienne la phrase de Paul Valéry selon laquelle, sans eux, le monde serait bien triste. Tous trichent, même le curé.
Sans donner de leçon de morale, Yolande Moreau pose la question des valeurs qu’on nous oblige à avoir et celle de la désobéissance. Trouver d’autres codes que ceux qu’on nous a inculqués.
Le rêve : une nécessité. Besoin d’utopie.
Pourquoi tourner à Monthermé ? Parce que c’est une région que la cinéaste connaît bien : elle a jadis vécu à une quinzaine de kilomètres de là, parmi une communauté hippie vivant dans des cabanes en plastique à Oignies-en-Thiérache, sur un terrain mis à sa disposition par un bûcheron qui haïssait les tronçonneuses et ne jurait que par la hache.
Film fait avec des copains. Faire des choses avec des gens qu’on aime = le luxe de la vieillesse. Si la scripte, Héloïse Moreau, est la fille de Yolande, en revanche c’est un hasard (un signe ?) si la coscénariste (Frédérique) porte le même patronyme, elle n’est pas de sa famille.
Le brouillard de la fin (partir sans savoir où on va) est réel et, s’il y en a beaucoup l’hiver dans le coin, ça n’était pas facile d’en trouver en juillet. Il fut repéré par le mari de la cinéaste, Le moustachu…
(Ne me retournant pas, je ne le verrai que demain, il a en effet de belles moustaches grises tombantes)
… dans le fond de la salle.

Dans le rôle du faux poète plombier : Sergi Lopez, qui n’était pas le premier choix de Yolande Moreau (elle avait d’abord écrit à Benoît Poelvoorde, il ne lui a pas répondu). Problème d’accent mais il est très bien et lui correspond mieux côté corpulence.
Et la phrase « Ce n’est pas le poète »…
(Il en fallait un qui ne soit pas trop connu ou soit un peu oublié → André Pieyre de Mandiargues qui, dans la bouche de Sergi Lopez, devient comiquement « André Pieyre de Mandiarguesse »)
… « qui aurait débouché tes canalisations » me fait autant rire que la première fois, de même que ricanent bêtement les quatre bras cassés qui, derrière la porte de Mireille retranchée dans sa chambre, tentent de l’attendrir.
Lundi 22 juillet
9h 30. Louise Michel…
(2008. « Quelque part en Picardie, le patron d’une entreprise vide son usine dans la nuit pour la délocaliser. Le lendemain, les ouvrières se réunissent et mettent le peu d’argent de leurs indemnités dans un projet commun : faire buter le patron par un professionnel[4] »)
… tourné en un mois par Gustave Kervern et Benoît Delépine, en vacances de Groland sur Canal +. Ils ont envie d’aller plus loin en se tournant vers le cinéma et une histoire (le film ne se fera pas tel quel) d’handicapés qui ont envie d’aller en Finlande voir Aki Kaurismaki. Quant à leur deuxième réalisation, expérimentale, elle est hermétique.
Louise Michel : inspiré d’un fait divers. Toujours des sujets graves de société.
Kervern et Delépine : pas de laïus sur la psychologie des personnages. Ne font pas beaucoup de prises. Sont contre la direction d’acteurs. L’acteur espère aller dans le sens voulu par le réalisateur, il est friand de ce qu’on peut lui proposer → Bouli Lanners regrette un manque d’indications (« on nous parle pas ») → au lieu de ça, Kervern applaudit.
La fiction au cinéma : tant mieux si en sortant on a un sujet de réflexion, si on en est un peu grandi.
Bonheur de revoir le Familistère, dehors d’abord, avec la statue de Godin, dedans ensuite, grande cour sous verrière, étages d’appartements. Mais celui des parents de Bouli Lanners était-il réellement l’un d’entre eux ? Pas sûr.
Plus tard. Au départ, Yolande Moreau refuse de jouer dans Mammuth parce qu’elle trouve le film misogyne. Un jour, elle reçoit un coup de fil de Depardieu : « Ils envoient le gros au charbon ! ». Elle et lui doivent s’embrasser : « Depardieu a un gros ventre, moi aussi » (petit rire dans les yeux). Ça a été très vite, en deux prises.
14h. Henri…
(2013. « Henri, la cinquantaine, d’origine italienne, tient avec sa femme Rita un petit restaurant près de Charleroi, « La Cantina ». Une fois les clients partis, Henri retrouve ses copains, Bibi et René, des piliers de comptoirs. Ensemble ils tuent le temps devant quelques bières en partageant leur passion commune, les pigeons voyageurs. Rita meurt subitement, laissant Henri désemparé[5] »)
… deuxième film (en solo) de Yolande Moreau, le seul d’elle (ou avec elle) de la sélection que je n’ai jamais vu (ne connaissais même pas son existence).
Avec Pippo Delbono, comédien italien qui déteste les pigeons et a pris sur lui pour le rôle.
Avec aussi Miss Ming, rencontrée lors du tournage de Louise Michel. Comédienne atteinte de handicap…

(Comme les acteurs de la compagnie roubaisienne de l’Oiseau-mouche, souffrant tous d’un déficit mental, que Yolande Moreau embauche « pour la totalité du tournage pour
effectuer de la figuration voire quelques seconds rôles de plus grande importance[6] »)
… ce qui la relie à Pippo Delbono qui avait sorti Bobò de l’asile…
( « Atteint de microcéphalie et sourd-muet, Bobò [est] interné à partir de 1952 dans un hôpital psychiatrique à Aversa [où] il est remarqué par le metteur en scène italien Pippo Delbono, venu organiser un atelier théâtre en 1995. « Il avait quelque chose de doux et de poétique. Une tendresse… quelque chose de rare ». Delbono le prend en charge et en fait dès lors son comédien fétiche, le plaçant au cœur de toutes ses mises en scène. Bobò meurt des suites d’une pneumopathie bronchique le 1er février 2019[7] »)
… et qu’il a intégré à tous ses spectacles jusqu’à sa mort.
Pas eu l’autorisation d’utiliser le nom de Les Papillons blancs…
(Association « créée par des parents d’enfants en situation de handicap mental en 1949, « les Papillons blancs de Paris », régie par la loi de 1901, œuvre pour la défense des intérêts matériels et moraux, la recherche de l’épanouissement, le développement de l’autonomie des personnes en situation de handicap mental/cognitif ; et le soutien de leurs familles. Elle contribue à la sensibilisation de la société au handicap[8] »)
… comme titre du film → Henri, un peu terre à terre.
Rencontre d’un homme éteint avec quelqu’un qui a envie de normalité.
Pas de flot de paroles qui explique tout.
Yolande Moreau affectionne les petits personnages dans la vastitude de grands espaces + les films pas bavards (mais elle aime bien les mots). Il y a plein de manières de faire des films.
17h. Slow…
(2023. « Elena, danseuse et Dovydas, interprète en langue des signes se rencontrent et tissent un lien profond. Alors qu’ils se lancent dans une nouvelle relation, ils doivent apprendre à construire leur propre type d’intimité[9] »)
… film lituano-hispano-suédois de la Lituanienne Marija Kavtaradze. Du sexe et de la danse filmée en plans rapprochés, ce qui est une aberration → le prix de la mise en scène au festival de Sundance aussi.
21h 15. Dans le parc du château Pams. My beautiful laundrette…
(1985. « Dans la banlieue sud de Londres, un jeune immigré pakistanais entreprend par tous les moyens de sortir de la pauvreté. Son oncle Nasser, un affairiste douteux, lui confie alors une laverie automatique décrépite. Avec l’aide de Johnny, un voyou anglais, il va tenter d’en faire une affaire rentable[10] »)
… de Stephen Frears, en sa présence (ça y est, il est arrivé ! En 2012, à l’occasion des JO de Londres, les Ciné-Rencontres avaient déjà organisé une rétrospective de ses films mais sans lui). Ovation.
N.T. Binh : Comment trouvez-vous Prades ? S. Frears : Je ne savais pas que ça existait.
Il dit que le scénario…
(De Hanif Kureishi, qui est venu à lui. C’est le deuxième grand écrivain d’origine pakistanaise né en Grande Bretagne. Il fait partie de la seconde génération de Pakistanais -les pères sont arrivés par bateau-. Voulait faire une sage façon Le Parrain)
… de My beautiful laundrette lui avait semblé stupide mais qu’il l’avait fait rire. Choix de faire une comédie légère mais avec quelque chose en plus. Pour le rôle de Johnny, Daniel Day-Lewis l’a emporté sur Tim Roth et Kenneth Branagh grâce aux filles (« Il est beau ! »).

[1] Id.
[2] Catalogue des Ciné-Rencontres.
[3] https://www.google.com/search?q=la+fianc%C3%A9e+du+po%C3%A8te&sca_esv=12268370a69439
[4] https://www.senscritique.com/film/louise_michel/432284
[5] https://www.unifrance.org/film/35400/henri#
[6] https://www.lavenir.net/regions/wallonie-picarde/2012/10/19/un-casting-des-plus-heteroclites-DJGNJ74S
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Bob%C3%B2
[8] https://www.lespapillonsblancsdeparis.fr/notre-association/
[9] Catalogue des Ciné-Rencontres
[10] Id.