Synopsis : Une ville de province dans le sud de l’URSS en 1962. Lioudmila est une fonctionnaire farouchement dévouée au Parti Communiste. Sa fille décide de participer à la grève d’une usine locale et les événements prennent une tournure tragique. Les autorités dissimulent la violence de la répression. Lioudmila se lance alors dans une quête éperdue à la recherche de sa fille disparue.
Nous avons eu beaucoup de chance de voir ce film d’Andreï Kontchalovski, la présentation de Sylvie et le débat étaient particulièrement éclairants concernant les intentions du réalisateur et cet événement des premiers jours de juin 1962, connus du reste du monde 30 ans après.
En matière d’esthétique, il y a ces images noires et blanches, éclatantes, dans un format 1.33 et un cadrage digne des grands cinéastes Russes.
C’est à la fois une reconstitution historique d’une « impensable » et pourtant fatale grève ainsi que des manifestations violemment réprimées de début juin dans l’usine de construction de locomotives de Novotcherkassk.
C’est aussi un film captivant par l’histoire de son personnage, une mère célibataire, petite apparatchik locale, jusqu’au bout des ongles loyale au pouvoir et à l’idéologie en cours, comprenant la nécessaire répression des ouvriers. Mais…elle apprend que son adolescente de fille a filé vers des sentiers de la grève et des manifestations. Or, on a tiré sur la foule, l’armée ou des snipers du KGB ? Il y a eu des morts. Où est la jeune fille ? Les forces de l’ordre ont enterré secrètement des cadavres dans des tombes désafectées des cimetières alentour… Peut-être la fille de Lioudmila s’y compte-t-elle ?
Et c’est sans doute un film qui ne nous parle pas seulement au passé, souvent nous avons vu et toujours nous voyons, partout dans le monde, de semblables événements. Un peuple face à un pouvoir violent, dans l’exercice de la « violence légitime ». Nos souvenirs fourmillent de ces images. L’histoire de la France recèle les mêmes répressions violentes, en 1961, à la même époque donc, a eu lieu la plus violente répression d’après guerre contre des manifestants d’origine algérienne.
Dans « Chers Camarades » on voit et on entend la population louer Staline, le père de Loudmilia ressortir d’une vieille malle, une icône et son costume de l’armée Blanche, et Loudmilia, fervente communiste retrouver dans son inquiètude extrême, les gestes de la foi chrétienne. Le film nous montre les contradictions des personnages, peut-être sont-elles fécondes ?
Avec « Chers Camarades » nous sommes sous N.Kroutchtchev, celui-là même qui a vigoureusement dénoncé la politique répressive de Staline, l’homme dont les réformes ont influencé celles d’un Gorbatchev… dont la disgrâce est présente et permanente. Ce qu’on nous montre ici de la période N.K, c’est un évènement qui toute proportion gardée, le rapproche par sa violence et ses méthodes du bien aimé petit père des peuples, Staline. (le film ne le montre pas, mais on a aussi fusillé des « meneurs ») et ce qu’on nous fait entendre sur Staline, c’est le regret du peuple qu’il ne soit plus là.
L’univers mental des personnages ne fait-il pas écho à l’ambivalence mémorielle actuelle du peuple Russe, peut-être politiquement entretenue ? Aujourd’hui, sur internet, on peut voir dans un organe d’information Russe, « Russia Beyond *» le Président Poutine déposant des fleurs rouges devant la stèle commémorant cet événement.
L’Histoire, comme notre propre mémoire et au service d’un usage dans le présent. On se contentera donc d’admirer l’art d’Andreï Kontchalovski avec toujours à l’esprit que l’écran du cinéma ne doit pas faire écran au réel !
Georges
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