Agra, une famille indienne (2024) de Kanu Behl

A Agra, nord de l’Inde, dont le célèbre Taj Mahal, ne sera jamais à l’image, il s’agit d’entrer dans la maison et dans la tête du personnage principal, Guru en éclairant la face cachée de la structure patriarcale rythmée par les frustrations et répressions, dont sexuelles.
Le réalisateur nous met en face du quotidien étouffant de Guru (1er rôle au cinéma pour Mohit Agarwal, acteur de théâtre), asphyxié par le manque d’espace qui lui est réservé et par la multitude de tabous qui le harponnent et attisent sa colère. Sa situation le rend tout bonnement « fou ».
Cantonné au rez-de-chaussée de la maison avec sa mère, il rêve de récupérer, au premier étage, où vit son père avec sa nouvelle compagne, l’espace « terrasse » pour en faire son appartement et pouvoir s’installer. Plus précisément avoir une chambre avec un lit et Mala dedans.
Il en rêve nuit et jour. Et quand il apprend que, de cette terrasse, sa cousine va faire un cabinet dentaire, son projet tombe à l’eau et il perd espoir.
Sans lieu de vie à soi, il est exclu de pouvoir se marier.

Le jour Guru, employé d’un centre d’appels, dans sa tête malade de solitude, serre contre lui , et très intimement, sa collègue Mala qui ignore tout d’une quelconque position de « fiancée » car, de fait, Guru, dans la réalité, ne peut que la « manger des yeux ».
Le soir et dès qu’il a un moment de libre, sur son portable, Guru est branché sur des chats de « rencontres » où il tente d’apprivoiser sinon calmer sa libido exacerbée de jeune homme de 24 ans. Il se montre très agile de sa main droite sur le clavier et sa main gauche a aussi une grande dextérité ! (alors, comme ça, quand il le veut vraiment, un homme pourrait être multi tâches ? 😉)

Guru a peut-être un problème à la base mais si cette situation d’enfermement et de frustration perdure, c’est l’hôpital psychiatrique qui l’attend !
(En Inde, Agra est la ville où se situe le plus grand hôpital psychiatrique du pays)

Heureusement, il va faire une rencontre inattendue, décisive et salvatrice : Priti
Au moins pour un temps, avant que démons et hallucinations ne le reprennent comme le dernier plan le laisse entrevoir. Dans sa tête, jamais guérie, il voit LA belle jeune femme, celle d’avant, Mala, qui lui dit qu’elle est là, qu’elle l’attendait.
Malgré une activité sexuelle très soutenue avec Priti, c’est reparti … (syndrome de l’homme viscéralement insatisfait, éternellement en chasse ?)

Kanu Behl place au centre de son film les répressions sexuelles dont la jeunesse indienne est victime, un thème très important qu’il voulait mettre en avant pour chercher à comprendre les frustrations qui génèrent colère et violence et provoquent un chaos à rendre fou.
Un film aux formes multiples qui, comme c’était le cas de Joyland film pakistanais de Saim Sadik, a le mérite d’alerter sur la position des femmes mais aussi sur celle des hommes dans la société indienne (pakistanaise pour Joyland) et où l’entraide, parfois surprenante, occupe un rôle prépondérant.

Après Titli en 2015, Kanu Behl signe avec Agra, une famille indienne, son fulgurant 2ème long métrage (en hindi), un très beau film d’auteur qui n’a pas manqué de susciter des réactions après sa projection lors de notre Week-end Cinéma indien des 25 et 26 mai 2024 accompagné par Vaiju Naravane qui nous a fait le grand plaisir de l’animer.

Marie-No

Laisser un commentaire