Charles Gérard (1922-2019)

L\'acteur Charles Gerard, le 5 décembre 2016 à Paris.

Ses parents avaient fui l’Arménie soviétique en 1920, car son père était un général tsariste et Charles était né sous le prénom de Gérard en 1922 à Istambul qui s’appelait, alors, Constantinople.
Emigrés en France courant des années 20, les Adjémian s’étaient installés à Marseille puis au Pré-Saint-Gervais.
Sous l’occupation, Gérard Adjémian se retrouve seul. Il a 20 ans.

Boxeur souvent KO, c’est autour du ring qu’il fait la connaissance, et deviendra ami pour la vie, de Jean-Paul Belmondo qui l’emmène dans le monde du Cinéma où, sous le nom de Charles Gérard, il s’essaie à l’écriture de scénario et à la réalisation.
Mais c’est comme acteur, dans une soixantaine de films pour, entre autres, Claude Lelouch, Henri Decoin, Nadine Trintignant, Gérard Oury, Philippe de Broca, Henri Verneuil, Francis Veber, Claude Zidi, Georges Lautner, Elie Chouraqui, qu’il fera carrière.
Pour Lelouch, depuis « Un homme et une femme », il était Charlot.
Immédiatement sympathique, il incarnait à merveille le pote de toujours, la bienveillance, le soutien inconditionnel.

Aujourd’hui, on mesure combien Charles Gérard nous était familier.

Les Arbres remarquables (2)

Les Arbres Remarquables, un patrimoine à protéger : Affiche

Documentaire de Georges Feterman, Jean-Pierre Duval et Caroline Breton
Soirée-débat lundi 16 septembre 2019
Animée par :
Bérengère Metzger de l’Association Ecolokaterre pour l’Arboretum des Barres et de Maxime Fauqueur Présidentde l’Association A.R.B.R.E

Dans la vie, je me tiens plutôt éloignée des arbres, des arbres de la forêt, dressés vers le ciel, serrés, menaçants, étouffants à tel point que, dès le premier pas dans une forêt, mon souci est d’en sortir, de m’en sortir. Au secours !
Alors le documentaire d’hier soir, m’a agréablement surprise. Les arbres qu’on y rencontrent sont des arbres à part, solitaires, libres, autoclonés parfois, plantés parmi les hommes, visibles et remarquables déjà parce qu’on ne peut pas ne pas les voir, et remarquables par leur âge, leurs formes, leurs racines ancrées ici ressortant plus loin, régénérées, renouvelées. Des forces de la nature ! Ces arbres-là sont des refuges, des œuvres d’art qu’on a envie d’observer longuement comme on observe les tableaux qui nous plaisent, globalement et minutieusement, infiniment.
Faire la connaissance de ces êtres lumineux et obscurs, délicieusement verts, profondément sombres, majestueusement tordus, bossus, aux formes élargies, étendues ou stoppées, improbables, rafistolés parfois, a été un réel plaisir.
Arbres remarquables et précieux.
Hier, j’ai pensé à d’autres individus feuillus moins remarquables,  parfois remarqués d’un seul, de moi, de toi, de lui, d’un autre, d’une autre avant, en leurs temps, d’enfants qu’ils ont fait grandir.
La place de la République était alors un terrain de jeux. Quel bonheur de s’y retrouver, de s’éparpiller, envolées de moineaux qui vivaient dans la ville. Il y avait l’école, les courses effrénées dans le quartier et puis le rassemblement, les retrouvailles  des gamins du quartier, toujours sur la place, à l’ombre des platanes.
Quand, en 2010 on a fait disparaître des arbres de son enfance, un vieil homme a pleuré. Un enfant, né en 1926, inconsolable qu’on ait coupé ses platanes remarquables. 

 

L’image contient peut-être : arbre, ciel, plein air et nature

« L’arbre tordu vit sa vie, l’arbre droit finit en planche »
Proverbe chinois

Marie-No

PS : La musique … dommage
On laisse le mot de la fin au vieux monsieur « Il va pas bientôt l’arrêter, son truc ? »
Sans compter qu’il va falloir le redescendre le piano droit rouge incongru.

 

Les arbres remarquables de Georges Feterman, Jean-Pierre Duval-Caroline Breton

A propos des arbres Francis Hallé  Biologiste, Botaniste, spécialiste des Forêts tropicales écrit :

« Je me demande si le rapport premier aux arbres n’est pas d’abord esthétique, avant même d’être scientifique. Quand on rencontre un bel arbre, c’est tout simplement extraordinaire » 

Dans plaidoyer pour l’arbre il ajoute : 

Lorsqu’on abat un ramin, une angélique, ou un maobi on réduit la surface d’échange de la planète de 300 hectares, rien d’étonnant que le climat s’en ressente, surtout si le chantier abat 80 arbres par jour. Aucun être vivant n’approche même de très loin, les surfaces d’échange d’un grand arbre ». 


Le film était superbe, avec des défauts pardonnables, sans doute un peu trop long et trop ponctué par des accords musicaux parfois (mais pas toujours)  trop sirupeux,  appuyés et dérangeants. Mais les arbres ! 

Tout d’abord, pour débattre ce film, il y avait deux intervenants Bérangère Metzger de Ecolokaterre et Maxime Fauqueur de ARBRES.  Différents spectateurs m’ont questionné : ils se connaissaient ? Non ils ne se connaissaient pas ai-je répondu, mais ils se reconnaissaient bien. Ils avaient en commun une même chose. Tous deux sont des militants, c’est-à-dire des gens qui consacrent une large partie de leur vie à une cause qu’ils entendent faire partager. Au bout du compte, c’est par des gens comme eux qu’avancent nos prises de conscience, et très modestement mais sans aucun doute, la civilisation.  Ici la cause des arbres. C’est superbe de se dire, puisque je vis,  je vais parler des arbres, les faire connaître et… être leur avocat. Que ces « passeurs » soient remerciés pour cette soirée, pour leur conviction, leur compétence et leur gentillesse. 

Le film nous présente de très harmonieux et majestueux arbres, et aussi d’autres, vieux, très vénérables, (j’ai lu que les arbres étaient immortels, c’est-à-dire que contrairement aux animaux dont l’homme, ils n’ont pas  la mort programmée dans leurs gènes, les causes de leur mort sont totalement déterminées de l’extérieur, en d’autres termes un arbre ne meurt pas sans être tué). Et tout de même en attendant l’agent de leur fin de vie, quel élan vital ! Des arbres noueux, meurtris,  aux branches tordues,  cassées, beaux par leur dimension et leurs stigmates. Parfois même, ils sont couchés, ou leurs troncs  sont emplis de cavités. Mais ils sont là, bien  vivants, depuis des siècles, vénérables. Et le film nous signale discrètement, qu’ils s’entraident, « perfusent » celui  d’entre eux qui ne peut plus y arriver seul. L’arbre est un être social,  capable de coopération et de don  de soi (1).

Le film est ponctué d’interventions toutes remarquablement choisies, en premier lieu,  celles de Francis Hallé et d’Alain Baraton, tout autant pour exemple, celles de Georges Feterman ou de Maxime Fauqueur. 

Je retiens de ce documentaire et du débat, qu’à travers les arbres c’est de l’histoire humaine, de l’ambivalente histoire humaine dont il est question. Les arbres ont commencé leur vie sur terre il y a 380 millions d’années, et nous, nous n’y sommes que depuis 200 mille ans. Ils n’ont que faire de nous ! Dans cette histoire, l’homme met des mots sur les choses : il nomme, accorde des propriétés et… s’approprie – puis…si bon lui semble, se donne tout autant des droits de vie et de mort des arbres sur sa propriété.  Car comme le faisait remarquer M.Fauqueur, la propriété est un droit absolu (qui ne laisse donc aucune place au bien commun).

Si l’on se place du point de vue de l’homme, l’arbre a dès l’aube de l’humanité  constitué  sa condition d’existence, lui permettant de  se protéger,  se nourrir, se chauffer… de construire, de s’outiller. Il fut la condition même de notre possibilité d’existence puis de notre civilisation . Si l’on se place de celui de l’arbre, on peut dire qu’il a rencontré en l’homme son plus constant prédateur. 

Et c’est une force de ce film de nous  montrer qu’il existe aussi et depuis tous temps et maintenant plus qu’hier,  une relation entre les hommes et l’arbre chargée d’attention de bons soins et d’amour, de nous dire qu’elle est possible et que certains la vive.  (N’empêche, la tronçonneuse selon chacun et sans permis est une calamité !)

Bien sûr, ce qui nous a été montré, c’est pour l’essentiel, l’arbre des villes, dans son agencement urbain, monuments,  châteaux et églises, jardins, promontoires…mais c’est un pas. Constatons d’ailleurs que le sauvage fait toujours peur et cette peur est ancrée en nous, comme l’affirmait François Terrasson(*2) dans les années 1980, de là une cascade de conséquences(*3) : « L’homme a tendance à détruire ce qui lui fait peur. Il ne va pas demander qu’on abatte la forêt, mais qu’on fasse reculer la ronce, le reptile et l’inconnu. Bref, il réclame le nettoyage des sous-bois, l’ouverture de nouveaux chemins et l’installation d’écriteaux rassurants. Derrière les discours de technocrates aménageurs, (…) se cacherait l’antique crainte de la nature sauvage »…

Soit ! N’empêche, ce film tout comme la littérature de vulgarisation sur les arbres indique que les temps changent, et il y a un public de plus en plus nombreux pour ça . Il devient plus difficile de défendre l’idée que les arbres sont de simples choses utilitaires ou décoratives. Et certains élus qu’Alain Baraton (4) dénonce, ont du souci à se faire pour assouvir leur passion d’exister uniquement par le bétonnage. Les humains qui considèrent l’arbre avec émotion, tendresse et respect sont de plus en plus nombreux et ils se battent (5). On monte des marches, rappelons-nous qu’il a fallu le même effort insensé pour que les esclaves soient considérés comme des hommes ! (*6 ) Alors, en dépit des études scientifiques, voir l’arbre comme vivant et sensible demeure un chemin à faire.

L’éventuel lecteur  de mes digressions intempestives qui serait allé au bout m’excusera, et s’il veut bien  garder une seule chose de ces lignes ce pourrait être  : Allez voir « Les arbres remarquables », c’est un documentaire qui non seulement nous montre de beaux arbres mais en outre, donne à voir des rapports profonds et responsables de l’humain à l’arbre… et si vous l’avez vu, conseillez-le tout simplement !

(1) Dès les années 1930, un écologue japonais, Kinji Imanashi avait décrit des mécanismes de coopération inter-espèces et dans une même espèce in  » le Monde des êtres vivants ». Edition Wildproject, domaine Sauvage 2009. Depuis, les observations en ce sens n’ont cessé de se multiplier.

2 et 3) François Terrasson, « La peur de la Nature » édition Sang de la Terre 1988, commenté par Marc Ambroise-Rendu in le Monde 1988 (bien heureux d’avoir conservé l’article dans le livre!)

4) Alain Baraton « La haine de l’Arbre » Actes Sud 2013, il cite de nombreux cas prouvés d’allégations de maladies pour abattre des arbres, et depuis de grands projets inutiles qu’il cite n’ont pas manqué, pour le plus grand bonheur des prêteurs et du BTP et la mauvaise fortune des arbres gênants)

5) Que la spectatrice et militante soit remerciée pour sa sensible et pertinente intervention concernant le Boulevard de Belles Manières, la politique c’est d’abord ça!

6) Ecouté il y a peu, T.Piketty à la radio qui disait que lors de la fin de l’esclavage aux USA, on n’a pas indemnisé les esclaves, mais leurs »maîtres ».

La Femme de mon frère-Monia Chokri

Film canadien (juin 2019, 1h57) de Monia Chokri avec Anne-Elisabeth Bossé, Patrick Hivon et Sasson Gabai

Synopsis :Montréal. Sophia, jeune et brillante diplômée sans emploi, vit chez son frère Karim. Leur relation fusionnelle est mise à l’épreuve lorsque Karim, séducteur invétéré, tombe éperdument amoureux d’Eloïse, la gynécologue de Sophia…

Présenté par Marie-Noël Vilain

Lors de sa présentation Marie-No nous signalait toutes les proximités entre Monia Chokri et son équipe et Xavier Dolan.
Et jusqu’à l’image remarquait-on. Demeure l’humour, ça on ne peut pas dire qu’il a été emprunté à Xavier Dolan. On peut même dire que Monia Chokri volontairement ou non s’en sépare sur ce point. Dans les films de Xavier Dolan pour  ce que j’ai pu en voir, ce sont les affects passionnels qui dominent, débordent le film et  nous les spectateurs sommes pris dans une sorte de syndrome de Stockholm, subjugués par ce réalisateur   qui  a rendu si lourde de souffrances la vie de ses personnages… Et donc un temps la nôtre ! Nous l’en aimons que davantage. Dolan sidère ses spectateurs dans les deux sens du terme. Le film de Monia Chokri est bien différent, lisons ce que dit Xavier Dolan : 

« Je suis incroyablement fier du film « La femme de mon frère », de mon amie Monia Chokri. Dans une époque caractérisée par l’univers de l’influence et la facilité d’une plateforme publique, écrire et réaliser un film est un geste artistique singulier, fort, unique. À l’image de ce geste, le style de la cinéaste est qui plus est si personnel qu’il fait de cette œuvre un objet qui est entièrement propre à Monia, à son univers, ses préoccupations, ses instincts esthétiques, politiques, philosophiques. Il est tellement rare de voir un film et de penser : je n’ai jamais rien vu de tel! Hormis les associations faciles et systématiques, La femme de mon frère de Monia Chokri est un film qui n’aurait pu être fait que par Monia Chokri. Mais quel bonheur d’en plus pouvoir dire que ce film fait par une artiste est aussi fait pour tous. Que tous pourront apprécier son humour, son goût, son émotion, son interprétation si simple, et complexe, et humaine (Anne-Elisabeth!!!). Monia prend tellement de plaisir, de passion à filmer et réfléchir à ce que veut dire filmer. En découvrant son film, je me suis énormément remis en question. J’ai réalisé l’importance de la mise en scène. Je me suis souvenu de sa valeur et de sa vitalité! Merci Monia » (MSN.com). 

S’il signale gentiment une faiblesse du film (Les associations faciles et systématiques), il en remarque l’humour.  Et en effet,  nous rions et sourions, en tout confort, car il n’y a dans « la femme de mon frère » aucune méchanceté. Pourtant les scènes de ce film sont souvent  un peu comme un oreiller percé après une bataille d’oreiller, c’est encore drôle, mais ça ne l’est plus tout à fait, et les plumes tombent légères.  

C’est une fonction de l’humour de mettre une distance entre les choses dramatiques de la vie et nous-même. On se souvient la première image avec cette femme au visage rond qui parle avec dédain et drôlerie invonlontaire de  quelque chose, on ne sait pas trop quoi encore, on ne sait d’ailleurs même pas où on est, on se croit au théâtre, et ça nous amuse. Puis zoom, champ, contre champ, échange entre des personnages, on se rend compte que c’est la délibération d’une thèse de Doctorat et que l’impétrante, debout en retrait,  Sophia (Anne-Elisabeth Bossé), appartiendra au monde des Docteurs, mais à la marge, on comprend que sa thèse qui n’est pas dans les canons, porte sur un sujet  certes passionnant (A.Gramsci) ne prépare à rien d’autre qu’enseigner et que ses chances d’enseigner sont des plus  minces. Plus tard nous connaitrons les frais d’études  48 000 dollars… sa vie post-universitaire sera compliquée. Sophia n’a pas les codes, elle ne les a jamais eu ! Mais la manière de voir cette femme du jury, c’est celle de Sophia, avec ce regard, tout va bien.


Plus loin dans le film, on est chez les parents,   Sophia y est avec son frère Karim (Patrick Ivon). L’intérieur,  c’est celui d’intellectuels modestes, il  est plein de livres. Les parents, sont drôles, tellement complices. Et ces quatre-là éprouve une joie peu commune de se retrouver, d’être ensemble. Hichem (Sasson Gabai) le père est un idéaliste joyeux, un immigré, cordial buveur, Lucie la  mère (Micheline Bernard) une femme drôle et décidée.  Nous apprendrons Incidemment que l’un et l’autre sont séparés, et que lui, sans travail, vit dans le garage aménagé (des revenus de sa femme)-Une sorte de je t’aime, moi non plus- 

Il y a dans ce film un humour libérateur et un humour protecteur, celui qui évite l’affrontement et préserve l’intégrité de ceux qui en use, et mieux que ça, renforce…  Monia Chokri conjugue avec élégance le drame et la comédie, la légereté de l’humour recouvre les pesanteurs  de la vie. Et ce qui fait l’élégance, c’est l’humour.

Et Sophie, son personnage principal a une faculté d’autodérision que Woody Allen ne désavouerait pas.  

J’ai aussi été intéressé par le rapport fraternel Karim/Sophie, leur complicité ambivalente qui joue avec l’inceste sans jamais y tomber (Par exemple, la scène qui se présente comme un baiser, mais qui n’en est que le simulacre, l’objectif de Karim  est de mordre le nez de sa sœur) et plus tard, la manière dont Sophie finit par se départir de sa possessivité envers Karim. La résolution par le face-à-face avec Eloïse (Evelyne Brochu), la femme de son frère est très réussie.

Et tout comme les images du début du film, j’aimerais revoir cette image des  multiples frères et sœurs sur une barque, ils ne se regardent pas mais ils sont ensemble, leur regard tombe l’un sur l’autre et ils se sourient, il y a entre eux une confiance permanente. Et comme Sophie et Karim ont été également aimés de leurs parents, on projette les mêmes sentiments sur ces frères et soeurs là.   

Avec ce premier long métrage à la fois grave et joyeux, Monia Chokry devient  une réalisatrice à suivre.