Pour Michel, par Gérard.

Annie m’a raconté qu’il y a quelques mois, Michel, déjà très malade et affaibli par la maladie, s’était remémoré une chanson de Hugues Aufray, écoutée alors qu’il avait une vingtaine d’années, et qu’il désirait qu’on lise le texte le jour de ses obsèques.

Annie lui en avait fait la promesse, et je l’aide à la tenir.

Voici le texte intitulé

« Près du cœur les blessures »

Un jour ou l’autre sur sa route,
Alors qu’on s’est cru le plus fort
L’angoisse vient et puis le doute
On est debout parmi les morts.
Deux fleurs fanées sur une tombe
On se souvient que l’on aimait.
Près du cœur, les blessures 
Ne se ferment jamais.

Michel était doué d’une grande sensibilité et bon photographe. Je le reverrai toujours dans le jardin, à 4 pattes dans l’herbe, à photographier les petites bêtes et les fleurs, entre 2 parties de ping-pong.

Avec moi il s’était inscrit au cercle Pasteur de Montargis, où il était apprécié. Il ne venait pas pour gagner, mais pour jouer et s’amuser.

Et j’imagine qu’au golf il a passé autant de temps à photographier les écureuils qu’à taper dans la balle…

Doux et lunaire, du côté de la poésie et de la beauté du monde, c’est pour cette raison qu’on l’appréciait et qu’on ne l’oubliera pas.

LYNX, documentaire de Laurent Geslin

Week-End Jeunes Réalisateurs 26 et 27 mars 2022 
7 films, 7 mondes 

Tourné dans le Jura, côté suisse.

Enfant, Laurent Geslin apprend que le lynx a été réintroduit dans son milieu naturel. Il n’aura de cesse d’aller à sa rencontre pour le filmer.

Sa réintroduction a pour but d’installer à nouveau ce prédateur en haut de la chaîne alimentaire, et de réensauvager la forêt. La biodiversité s’avère nécessaire à l’équilibre de l’écosystème.

Dès les premières images ont voit sortir d’une cage un lynx, qui va découvrir à toute vitesse son nouvel élément naturel enneigé. L’homme est intervenu pour le déplacer pour éviter une consanguinité néfaste à l’espèce.

Les images sont superbes. On est immergé dans la vie d’un couple. Trois petits naissent de cette union. 

On se demande par quelle prouesse le réalisateur a pu filmer ces animaux réputés très farouches. Pourtant, deux randonneurs tombent presque nez à nez avec un lynx en plein repas !

La chasse joue un rôle important. Mais dans la forêt les diverses espèces animales s’allient pour donner l’alerte et mettre en déroute le plus grand félin d’Europe, qui n’hésite pas à convoiter et dévorer un chamois, bien plus gros que lui.

J’avoue avoir pensé plus d’une fois au dessin animé Bambi, en voyant filmés de façon si admirable chouettes, faons, chamois. On apprend qu’un chaton est tué par un braconnier. Un autre se fera écraser par un automobiliste.

Les hommes ne sont jamais très loin. Pourtant, le lynx a besoin d’un immense territoire pour survivre.

C’est peut-être le cri d’alarme du réalisateur et son message : en filmant ces lynx dans leur milieu naturel, en interaction avec les autres animaux, il fait preuve de pédagogie par l’émerveillement.

Plus qu’un long discours, à l’aide de sublimes images, il développe l’importance des parcs naturels dans nos sociétés.

Pour moi, comment oublier ce face-à-face avec un bouquetin, vieux mâle solitaire dans le Vercors, avec ses énormes cornes ? Ou ce chamois avec son petit qui ne détale pas, ce qui me surprend, jusqu’à ce que je comprenne qu’il est aveugle !

Un film qui me touche car c’est une rencontre avec la  vie sauvage, la vraie .

Gérard

45 ans

 

45 ANS
Ours d’Argent du Meilleur acteur pour Tom Courtenay et de la Meilleure actrice pour Charlotte Rampling
 

 

Article de Gérard Jonval-16.03-2016  

Comme l’a dit Martine Paroux., la fin du film est « ouverte ».

On peut imaginer beaucoup de choses et notamment que Kate va faire sa valise. Pourquoi?

C’est à cette question qu’on peut essayer de répondre en reprenant la chronologie des faits.

Il y a plus de 50 ans, Geoff a connu une histoire qui a duré 3 ou 4 années et qui s’est achevée par la disparition de sa compagne.

On apprend cette tragédie dès le début du film.

Lorsque Geoff a rencontré Kate, il n’a pas jugé utile de revenir sur un passé douloureux. Quand bien-même il l’aurait fait, j’imagine que Kate n’aurait pu faire que compatir.

Geoff avait tourné la page pour commencer une nouvelle histoire qui semble, pour avoir passé 45 années communes, avoir été faite avec plus de hauts que de bas, sinon comment expliquer cette longévité du couple.

Il faut souligner aussi qu’ils se préparent à fêter leurs 45 ans d’union, faute d’avoir pu fêter les 40 ans en raison de la maladie de Geoff. Cet évènement (différé) suppose une certaine complicité.

D’ailleurs, dans son petit discours, Geoff exprime de façon maladroite et touchante, l’amour qu’il continue de porter à Kate.

Alors, est-ce que c’est cette nouvelle, faisant ressurgir un lointain passé, qui bouleverse la vie du couple, ou plus précisément la vie de Kate (car comme cela a été dit le film tel qu’il est tourné montre le regard de Kate sur son mari et sur le passé et non l’inverse)?

Je pense que non. Oui Geoff se serait marié avec son amour du passé. Il y a 50 ans. Kate ne faisait pas partie de sa vie. On ne peut même pas dire qu’il y a prescription puisqu’il n’y a pas eu trahison.

Alors où est le problème? D’où vient cette douleur exprimée dans le regard de Kate (à cet égard le choix de Charlotte Rampling s’imposait pour le rôle).

C’est peut être à cet instant qu’on est tenté de porter un regard sur soi-même. L’interrogation de l’âge, du vieillissement qui vient trop vite, de l’avenir incertain (sauf l’issue!).

J’ai retenu deux images qui montrent le désarroi de Kate et qui lui font prendre conscience de la réalité.

La première est celle de la salle de bain, le spectacle d’un homme physiquement vieilli, affublé d’un slip qui ne soigne pas la mise en valeur.

La seconde où Kate inspecte son visage, image filmée directement dans le miroir, volontairement terne ou en demi-teintes, regard triste et douloureux.

J’en reviens à la question initiale, pourquoi? Pour quoi faire? Rejoindre un autre homme qui n’existe pas? Se consacrer aux enfants et petits enfants qu’elle n’a pas?

Ce qui la rend malheureuse, ce ne sont pas les 45 années passées, mais c’est la prise de conscience qu’il faut continuer avec le vieillissement du corps et de l’esprit, les accidents de la vie et l’échéance inexorable.

S’il faut donner une suite à la fin « ouverte » du film, ce n’est pas forcément une image d’espoir. Mais on pourrait suggérer à Kate de faire sienne la parole de Jacques Salomé qui disait que « vieillir ensemble ce n’est pas ajouter des années à la vie, mais de la vie aux années ».

Gérard Jonval