Here de Bar Devos

En y repensant, ce matin, , c’est la « ritournelle » de L’invitation au voyage qui me vient à l’esprit
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté

He, her, Here il, à elle, ici
Merveilleux film
Bar Devos pose sa signature sur un film qui offre 1h22 de quiétude, de silence, de beauté, dans une atmosphère où on s’installe, pas tout de suite mais presque et alors pour de bon, pour des moments suspendus au cœur du monde, zoomant sur deux humains parmi les autres et le vivant qui les enveloppe. Il se passe beaucoup de choses et il y a tant à voir !
On les regarde marcher, respirer chacun de son côté d’abord, on les scrute.
On fait le rapprochement avec la fleur, observée au cours de leur cheminement bientôt côte à côte, cette plante à tiges dont les capsules un jour vont s’ouvrir et aller plus loin s’enraciner.
Here invite à voir plus grand au microscope, « plus loin que le bout de son nez » pour avancer, en confiance. Oser quitter les sentiers battus et prendre les chemins de traverse vers l’inconnu comme Stefan (Stefan Gota) qui, mis en congés pour quatre semaines, comme abandonné par le chantier, ses tiges de fer, le béton, le bruit et aussi de ses camarades qui parlent sa langue, le roumain et qui, eux aussi, s’empressent de partir là-bas, de rentrer chez eux. Au pays.
Lui Stefan a quelques jours à passer avant de partir et il se retrouve « inactif « seul, étranger dans la ville. On suit avec intérêt son quotidien. Primo, dormir … Se reposer, se délester, ne plus vraiment s’habiller, essayer de retrouver son rythme, le normal. Vers Vilvoorde il va marcher en direction du garage où il a confié son véhicule à un compatriote qui sans doute a pu ouvrir son affaire parce que c’est Vilvoorde, Vilvoorde oubliée, délaissée par l’Industrie, dévaluée.
Anecdote sans intérêt (sauf pour moi), hier à Vilvoorde, j’ai pensé à Mr Onst … du temps de mon activité dans l’industrie automobile, Mr Onst, mon correspondant chez Renault Vilvoorde, qui jamais au grand jamais et même pour un empire n’aurait accepté de parler français ! c’est sans doute cette aversion (son « foutu » caractère, aussi) qui fait que je me souviens de lui. Faute de pouvoir le faire en flamand, c’est toujours en anglais que nous avons communiqué. J’entends encore sa voix. . Mr Onst, si on m’avait dit qu’un jour, dans une salle obscure, je penserais à lui. Ah, le cinéma !
Vers Vilvoorde , Stefan marche en longeant la voie ferrée, bifurquant sur le chemin de verdure, passant par la parcelle cultivée par des citadins dont Saadia (Saadia Bentaïeb, à la voix reconnaissable entre mille, Nour dans Anatomie d’une chute, Naïma dans Le Règne animal, Baya dans Première affaire), et plonge dans la mousse qu’observe à la loupe, une bryologiste, chinoise (Lyio Gong, vue dans Jeunesse de Wang Bing)
Revoir la scène en début de film où l’étudiante de ladite scientifique, présente dans un exposé sa plante imaginaire qui pourrait aider à calmer les eaux. Une plante qui fleurirait parce que c’est plus joli. Toute la scène est jolie. L’étude, la présentation, le calme qui règne, la bienveillance qu’on lit sur le visage de la professeure, la confiance sur celui de l’étudiante.
Pendant ce temps-là, dans son studio sans âme, Stefan prend le temps de voir par la fenêtre et d’admettre qu’ici, c’est où il vit, c’est chez lui. Il le dit même à voix haute « c’est chez moi, ici ». Pour en prendre conscience . Le début de la suite.
En attendant, il vide son frigo et fait du borsch, comme on fait toujours dans les Balkans, chacun le sien. Avec des betteraves, évidemment. Il va porter sa soupe réconfortante chez son pote garagiste, roumain comme lui. Nourrir, partager. Donner. Recevoir. Quelle madeleine cette soupe … « en pour », l’épave sera remise en état de marche pour lundi au lieu de mardi !
Sauf que lundi, de l’eau aura couler sous les ponts. Le cheminement aura eu lieu, le partage entouré de mousses se sera fait, un improbable caillou aura réussi à se glisser dans l’épaisse chaussure lacée étroitement jusqu’à la cheville, sa main aura saisi la sienne … Déjà, sans le savoir, ils parlent la même langue. Là, tout n’est qu’ordre et beauté, luxe, calme et volupté 
Ah, quel bonheur de vivre dans les bryophytes, le tumulte ambiant couvert par les pépiements. Il semble que rien ne peut être plus beau que cette palette de verts si vivants, rien ne peut parvenir à couvrir le chant des oiseaux.
L’image est belle, les plans fixes captivants, les travellings, tranquillisants, avec la promesse d’un après en scène finale. Avant lundi, Stefan aura déposé du borsch pour elle dans le restaurant de la tante chinoise … pas d’erreur, une rencontre a eu lieu.
Le visage lumineux de la jeune femme s’en trouve encore illuminé !
et celle qui l’empêchera de la vivre n’est pas née. Qu’elle ose seulement essayer !

Marie-No

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