Vierge sous Serment (1)

Les Vierges Jurées :

Signalons 3 sites internet très éclairants sur cette question. Il semble que la première référence ait largement été utilisée par certains critiques du film.

-Laurence Herault 2009 -Les vierges jurées en Albanie-https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00438673/document

-Les dernières « vierges jurées » d’Albanie – Vidéo Ina.fr

Jill Peters www.jillpetersphotography.com

Jacqueline Derens*(1) nous conseille une lecture  :

-L’étude anthropologique d’Antonia Young traduite par Jacqueline Derens qui vient d’être publiée aux editions Non Lieu complétée par une introduction de Nicle Pellegrin et le reportage de Jacqueline Derens  sur celles qu’elle a rencontrées en Albanie en 2007.

…Et aussi le roman qui a librement  inspiré le  scénario  :

-Evira Donès : Vergine giurata, Milano : Feltrinelli, 2007

 

Nb :*(1)  Signalons mais c’est un autre sujet,  que parmi les ouvrages  de Jacqueline Derens il existe aussi : Dulcie September Le Cap 1935-Paris 1988. Une vie pour la liberté ? de Jacqueline Dérens co-édition Arcueil Non lieu.

Avant de voir Jodorowski’s Dune, un coup d’œil au Blog de Léo.

JODOROWSKI’S DUNE
Présenté par Marie-Annick Laperle en présence d’Erik Nicolas écrivain et administrateur de ce site sur Dune

Film américain (mars 2016,1h25) de Frank Pavich avec Alejandro Jodorowsky, Michel Seydoux et H.R. Giger

Amis Cramés bonjour,

Je profite de cette future projection de mai pour vous signaler le  blog vif, rafraîchissant, spirituel,  bien documenté   de notre ami cramé de la bobine,  Léo :

POPCORN AU CAVI’ART…

Popcorn au Cavi’Art #1 – Le Mouvement Surréaliste au …

particulièrement la partie consacrée au surréalisme… Un plaisir!

G

 

A PERFECT DAY

A PERFECT DAY
Goya de la meilleure adaptation, sélectionné à la quinzaine des réalisateurs
Soirée-débat mardi 26 à 20h30

Présenté par Danièle Sainturel
Film espagnol (vo, mars 2016,1h46) de Fernando León de Aranoa avec Benicio Del Toro, Tim Robbins, Mélanie Thierry et Sergi López

Chers amis cramés,

Nous étions nombreux et, comme ça arrive parfois,  plutôt silencieux dans la salle au moment du débat. Il est vrai que les commentaires étaient éclairants.

Tout de même, c’est un superbe film qui nous a été présenté :  L’essentiel du film  tourne autour d’un puit… avec dedans, flottant,  un cadavre humain bien gonflé. Cette situation est vécue du point de vue  de courageux et opiniâtres travailleurs d’une ONG spécialisée dans l’assainissement et la surveillance de l’eau. On est  quelque part dans les Balkans, c’est la guerre.

Drame, horreur et absurdité de la guerre, on a déjà vu ? Non pas comme ça. Il y a un ton, un mélange de situations tragi-comiques, d’horreur, de danger, de violence, de tendresse et  d’humour, tout à la fois, et jamais de cynisme. En outre c’est très bien filmé, il y a du rythme, ça avance.

Tout ça pour vous dire que si parmi les cramés, l’un d’entre nous nous offrait son commentaire, nous serions bien heureux de le lire, car je suis sûr que beaucoup ont aimé ce film.

G

 

 

 

L’Armée des ombres

Film mythique sur la Résistance tant de fois projeté à la télévision, « L’Armée des ombres » gagne à être vue au cinéma, tant pour son atmosphère froide et oppressante, accentuée par une image sépia et la couleur automnale des paysages, bleutée des intérieurs que pour une amplification dramatique que l’on n’ose qualifier d’épique : en effet, cet opus de Melville tient moins de la reconstitution historique que de l’hagiographie gaulliste, avec l’apparition quasiment surnaturelle du Général décorant à Londres Gerbier et Jardie, et surtout du film noir virant au fantastique.
On ne voit pas en effet – ou si peu – les Nazis mais, fulgurants, l’arrestation de Félix ou le masque défiguré, tuméfié de Jean-François ou de son ami recruteur après leur torture par un officier allemand : on perçoit des ombres, au sens guerrier de combattants clandestins, comme au sens sépulcral de spectres, de morts-vivants, de combattants promis tôt ou tard au supplice ou à une élimination inéluctable, attestée par le hors-champ du générique final et de la nécrologie en médaillons – Gerbier lui-même refusant cette fois de courir devant le peloton d’exécution… Cette noirceur policière – s’il en est – tient de l’épure car les Résistants sont traqués mais d’une traque souterraine, invisible, imprévisible, à l’image de leur action – le danger pouvant surgir de partout, d’une voiture – celle de la Milice s’arrêtant à la hauteur de Félix pour l’arrêter et l’emmener à la Gestapo, ou celle de camarades transformés en « tueurs » pour éliminer Mathilde la vaillante, la sacrificielle au terme d’une âpre discussion, bien loin de l’épopée « résistante » : soumise par l’Occupant à un odieux chantage car elle a commis l’imprudence de garder sur elle la photo de sa fille, elle doit ou livrer ses camarades ou voir son enfant arrêtée, et peut-être tuée… Dès lors, malgré son dévouement, bien qu’elle ait tenté, en vain, déguisée en infirmière, de sauver Félix, et réussi à arracher Gerbier à la mitrailleuse grâce à une corde miraculeuse, elle doit être éliminée : la décision est prise par Jardie parce qu’elle-même – prétend-il sans en être trop sûr – en prierait ses amis… Oui, si l’on ne peut véritablement parler d’épopée collective, c’est que le combat commun implique une totale dépersonnalisation, par l’action nocturne, la clandestinité, le déguisement, l’oubli des liens familiaux ou amicaux, et bien sûr l’abnégation, fût-elle parfois peu incompréhensible : ainsi de l’apparente lâcheté de Jean-François écrivant à ses amis qu’il ne se sent pas assez fort pour poursuivre le combat mais se dénonçant dans une lettre anonyme aux Allemands pour être emprisonné auprès de Félix et peut-être le sauver…
Pour autant, on ne peut, dénier à ce film paradoxal, une vraie dimension historique, nous parût-elle tronquée ou contestable : on nous montre ici non la résistance communiste, l’action immédiate ou efficace – distributions de tracts ou sabotages en tout genre – mais l’effort permanent de protection des chefs et d’organisation au sommet, même si ce parti-pris relève d’une certaine vision aristocratique, illustrée par le baron : ce personnage pittoresque, voire haut en couleurs, offrant son domaine pour cacher Gerbier ou permettre l’atterrissage de parachutistes, ne le paiera pas moins de sa vie…
Reste une œuvre prenante, palpitante, ce dont témoignent de subtils raccords ou effets de montage : on passe d’une ruelle marseillaise à une agence de théâtre lyonnaise, du couloir d’hôtel londonien parcouru par Gerbier au long corridor de la Gestapo vers la salle de torture où agonise Félix. Terrible image de la vie qui télescope les contrastes et ne ménage pas toujours, surtout en temps de drames, les transitions !

Claude

10949 femmes

 

 

En présence de la réalisatrice Nassima Guessoum

Film documentaire Algérien (avril 2016,1h16) de Nassima Guessoum

Article de Laurence

À Alger, Nassima Hablal, héroïne oubliée de la Révolution algérienne, me raconte son histoire de femme dans la guerre, sa lutte pour une Algérie indépendante. C’est un récit universel qui met à l’épreuve la question de la liberté : qu’est ce que la liberté ? Quel est son prix

10949 femmes de Nassima Guessoum, projeté dans le cadre du Festival des films de la Méditerranée

10949 femmes est une des belles surprises de cette année. Que savions-nous de cette jeune cinéaste ? Peu de choses : qu’elle avait fait des études d’histoire et de cinéma, qu’elle était franco-algérienne, qu’elle avait fait un beau portrait de la slameuse Tata Milouda. Nous savions que ce film serait également un portrait : celui d’une des 10949 femmes combattantes de la guerre d’indépendance de l’Algérie. Et ce fut une magnifique rencontre ou plutôt deux rencontres : l’une avec la cinéaste Nassima Guessoum présente à l’Alticiné ce soir là et l’autre avec son héroïne Nassima Hablal. Deux Nassima. Dorénavant ce prénom sera pour moi synonyme de grande personnalité.

Enfin, un portrait de femme combattante ! Vous trouvez peut-être que j’exagère, souvenez-vous de notre déception à l’issue de la projection du documentaire Les Jours heureux, où étaient les femmes résistantes ? Et dans « L’armée des ombres » que nous avons présenté à Ciné-culte. Et à chaque fois, une forme hagiographique, pontifiante, voir de l’autocongratulation. Dans 10949 femmes, rien de tel. Nassima Guessoum a choisi de filmer une relation, une histoire incarnée et avec quel brio ! Nous sommes chez cette combattante, âgée de 80 ans qui offre le café, raconte sa jeunesse, sa vie, le tout dans une apparente simplicité. Evidemment, rien n’est simple dans ce splendide documentaire, il est au contraire magnifiquement construit et propice à l’expression de la parole. Les moments difficiles concernant la torture, le viol de son amie Baya, l’emprisonnement avec Nelly Forget à la ville Sésini, (un centre de torture) sont filmés avec beaucoup de délicatesse. Il m’a semblé reconnaître les poupées africaines avec lesquelles Victoria surmontait sa vie difficile dans le film de Jean-Paul Civeyrac Mon amie Victoria, autre très beau film programmé par les Cramés. Et avec un tel sujet, Nassima Guessoum a réussi le tour de force de nous apporter énormément de connaissances et de faire en même temps un film solaire et joyeux. Sa combattante chante beaucoup, des chansons que nous connaissons, que nous avons envie de fredonner avec elle.

Nassima Guessoum avait avec Nassima Hablal une relation de grand-mère à petite fille. Si j’osais, je proposerais bien à la cinéaste d’être ma troisième fille. Il faut absolument voir ce film, c’est un petit miracle d’hommage à toutes les combattantes et un merveilleux moment de partage.

Laurence

Laurence nous conseille vivement de lire une critique qui vient de paraître dans : 

http://www.critikat.com/actualite-cine/critique/10949-femmes.html

La Isla Minima

LA ISLA MINIMA
Récompensé au Goya – 10 prix ! 2 prix au Festival du Film Policier de Beaune, au Festival du Cinéma Espagnol de Nantes, au Festival de San Sebastian 
Lundi 25 avril 20h30

Présenté par Laurence Guyon

Film espagnol (vo, juillet 2015, 1h44) de Alberto Rodriguez avec Raúl Arévalo, Javier Gutiérrez et Antonio de la Torre

Allons nous laisser tous les commentaires de cet excellent film s’évaporer?

NON, Cramés de la bobine, vous êtes toujours bienvenus…A vos plumes!

L’armée des ombres

L’ARMÉE DES OMBRES
Semaine du 21 au 26 avril 2016
Soirée-débat dimanche 24 à 20h30

Présenté par Jean-Loup Ballay
Film français (1969, 2h20) de Jean-Pierre Melville avec Lino Ventura, Simone Signoret, Paul Crauchet, Jean-Pierre Cassel, Nathalie Delon, Paul Meurisse et Serge Reggiani

Peu de monde pour ce film Ciné-Culte déjà bien diffusé à la télévision et connu du public. Comme le remarque Claude, c’est tout autre chose de le voir au cinéma. C’est pour ma part la quatrième fois que je vois ce film, je ne me rappelais même pas qu’il était en couleur. Jean-Loup assure qu’on est mieux placé pour apprécier ce film lorsqu’on l’a vu à sa sortie en 1969. Sans connaître ses raisons, j’ai tendance à l’approuver, en 1969, nombre spectateurs dans les salles de cinéma avaient connu la guerre. Le spectateur de 2016 est un autre, il n’a plus la même préparation pour recevoir ce film. Nous n’avons plus le même imaginaire collectif.

Or, voici un film sur la résistance qui ne montre rien de l’action de résistance à proprement parler. Il nous fait ressentir dès la première image le climat d’oppression puis celui de la résistance. Il y transpire la méfiance et l’inquiétude, la mort guette à chaque instant. …Les corbeaux, les nazis, la milice, les forces de l’ordre, les espions… Il nous montre aussi l’esprit de résistance où seule l’abnégation est estimable. Il décrit une organisation interne, pyramidale, cloisonnée, avec un mode de communication prudent, un système de décision souvent binaire, dicté par les seules nécessités de survivre en tant que mouvement de Résistance.

Ajoutons à cette tonalité angoissante, la tonalité des rapports humains altiers, aristocratiques des chefs de guerre avec leur base. Nous ne connaissons plus ces codes de domination vieille France –Il y en a d’autres désormais– La vision élitaire de Melville concernant les chefs de la Résistance est confortée par sa direction d’acteurs.

Tonalité angoissante, tonalité autoritaire, ce film est sorti en salle en novembre 1969, donc après mai 1968. En avril 1969, Charles de Gaule cesse d’exercer ses fonctions de Président de la République et si parmi les ombres de « l’armée des ombres » plane celle du Général et du monde d’hier, c’est aussi qu’elle plane dans l’esprit de Jean-Pierre Melville au moment où il réalise son film.

Georges

Un jour avec, un jour sans

Étrange film que le dernier opus de Hong Sangsoo, qui mêle incertitude amoureuse et exercice de style rohmérien, indécision du quotidien et expérimentation narrative – avec sa construction en diptyque rappelant « Smoking, no smoking » : mais là où Alain Resnais semblait marivauder, jouer avec le spectateur, créer une œuvre interactive – les possibles d’une rencontre, les balbutiements d’un dialogue, la timidité mi-jouée, mi-sincère d’un cinéaste étonnamment maladroit avec la jeune peintre entrevue au seuil du temple nous semblent découler naturellement du hasard d’une arrivée prématurée, de deux solitudes bégayantes, d’un désir confus – de complicité, d’amitié, d’amour peut-être …

Le pari du cinéaste sud-coréen est de nous donner à voir, à imaginer en longs plans-séquences les développements que pourrait prendre – qu’aurait pu prendre – une relation si elle ne se déroulait pas comme la vie en a décidé : la liberté sartrienne, « l’insoutenable légèreté de l’être » dont parle Kundera condamnent en effet à ne jamais pouvoir rejouer son existence, ni même à s’essayer comme en un brouillon repris ou corrigé à chaque fois en fonction des leçons de l’expérience !

Ici, en revanche, l’histoire de Han le cinéaste et de Yoon la peintre a une seconde chance, pas forcément meilleure d’ailleurs mais à la fois plus insolite et plus grotesque. Ce sont peu ou prou les mêmes plans qui associent les deux « héros », refusant systématiquement le champ-contrechamp, mais les dialogues changent, les situations se modulent. La seconde visite du cinéaste à l’atelier, loin de l’éloge convenu (ou gêné ?) de la première fois, est sincère, Han osant dire à Yoon que son art ne lui appartient pas vraiment, qu’il ne vient pas des tripes – honnêteté critique qui est souvent le début d’une relation vraie entre deux êtres ; dans un tout autre registre, si l’enivrement des deux personnages est plus prononcé, il donne lieu à une dérive à la fois plus vraisemblable dans cet état et surtout plus loufoque, Han improvisant un strip-tease assez ridicule avec ses bourrelets et ses complexes devant la libraire et son employée horrifiées ! Le cinéma rejoint ici la vie, souvent faite de ces coups de folie, de ces déraillements sociaux, surtout chez un homme mûr mais cabossé par l’existence, las de ce prestige artistique dont il jouait si facilement dans la première version : qui n’a eu parfois envie, confit de réussite ou de reconnaissance, de tout envoyer cul par-dessus bord, tant l’image sage ou l’étiquette officielle lui collait à la peau ! Yoon sera surprise et amusée, en tout cas bien plus profondément séduite par cet écart qu’elle n’admirait le créateur en carton pâte, dont du reste elle n’avait jamais vu un seul film ! Ainsi, à la fin, oui, elle se rend à une projection-débat, et s’intéresse à la création de Han  : elle est passée, comme dialectiquement, d’une adoration conventionnelle à une authentique curiosité pour le cinéaste, en passant par le regard amusé sur l’homme… De même, le cabotinage histrionique auprès de Yoon et la mauvaise humeur du conférencier misanthrope face au public et à l’animateur du débat, après l’intermède de folie libératrice, auront laissé place à un rapport vrai avec les spectateurs – d’écoute, d’explication et de respect pour sa propre démarche… Du reste, Yoon ne s’y trompe pas : « à partir de maintenant, j’irai voir tous tes films. »

Ce curieux jeu de l’amour et du hasard, cette carte du Tendre déclinée entre amour et amitié n’amènent sans doute pas une vraie rencontre, mais nous interrogent sur la comédie des sentiments, sur la difficulté de la séduction et l’ambivalence de la parole, écran mais aussi témoin fébrile du désir. La beauté du cinéma est de traduire cette palpitation dans un plan : une femme vue de dos dans son atelier, puis regardant de profil son tableau, l’homme, filmé de face, la regardant enfin… Désir d’amour par la médiation de l’art.

Claude

 

 

Ce sentiment de l’été


Film français (février 2016,1h46) de Mikhaël Hers avec Anders Danielsen Lie, Judith Chemla, Féodor Atkine, Jean-Pierre Kalfon et Marie Rivière. 

Soudain l’été dernier, le cœur de Sasha de battre s’est arrêté. Cette belle trentenaire gracile, aux jambes fines, dont la nudité s’éveille dans les draps poissés d’aube fine aux côtés de Lawrence, rayonne de vie et d’enthousiasme, mais avec la légèreté d’un oiseau et l’élégance d’un bonheur discret, d’une âme bien née – à moins qu’il ne faille voir dans cette présence effacée une préfiguration du destin… Nous suivons en tout cas un bon quart d’heure cette épaule dévoilée, ce regard assouvi et panoramique vers les arbres du parc, comme un bonheur confirmé, ce déshabillé encore frémissant d’une nuit d’amour, ses gestes ténus pour se vêtir puis la marche décidée vers le bâtiment des beaux-arts, la montée d’un escalier, l’entrée dans un atelier de sérigraphie, la pose d’un cadre enduit de peinture bleue et le travail de la pâte, l’impression en relief obtenue : le geste de l’amour, du travail cette fois, la satisfaction tranquille du résultat désiré. Sasha repart, son œuvre sous le bras, traversant, dans une lumière ouatée, mais comme saturée, une pelouse impeccable – et soudain, sa silhouette déjà lointaine s’affaisse, s’évanouit – bien plus qu’elle ne semble s’écrouler : la jeune femme meurt, d’une crise cardiaque semble-t-il, mais on n’en saura pas plus…

Une mort absurde, presqu’irréelle et douce aussi d’être inattendue, saisit, fauche la jeunesse et la beauté. Le spectateur est également déçu, saisi, décontenancé : comment faire exister une histoire dont l’héroïne disparaît presque d’emblée (comme Janet Leigh dans Psychose d’Hitchcock) ? Comment construire un scénario sur une absence ? Dire à la fois le désert et l’oasis, le dépérissement et la sensation qui renaît, comme dans le beau récit de Colette, Les Vrilles de la vigne ? C’est le pari impossible et pourtant réussi de Mikhaël Hers de filmer le travail du deuil, de cristalliser autour du fantôme de Sasha souvenir, souffrance et renaissance à la vie pour ses proches – et tout particulièrement pour son ami, Lawrence, joué par Andezrs Danielsen Lie.

Visage anguleux, regard absent, si loin, si proche (à la Daniel Auteuil ou François Cluzet) qu’éclaire parfois un mystérieux sourire, démarche à la fois souple et accablée, l’acteur norvégien, déjà si bouleversant de solitude et de désespoir dans « Oslo 31 août », et dont la caméra semble épouser le flux de conscience, erre entre Berlin, Paris et New York, promenant sa silhouette fantomatique de réunion familiale en boîte de nuit, de promenade à vélo en longues marches dans ce décor mi-urbain, mi-sylvestre – d’un Berlin blessé et à reconstruire – où les traces de Sasha disent l’enfermement du deuil comme l’échappée vers une nature apaisante. « Feu follet », tout en silences et en regards, il réapprend à vivre en cette paradoxale saison de l’été où la lumière caressante a la brûlante cruauté du destin : Marie Rivière, mère bouleversante ici, déjà, dans Le Rayon vert de Rohmer, souffrait de cette ironique saison de l’ennui existentiel et de la solitude amoureuse. Grâce rohmérienne de Hers sans la spontanéité un peu précieuse des dialogues… « Le soleil ni la mort ne se peuvent regarder en face » – écrivait La Rochefoucauld : il le faut bien pourtant – et ce sont les traces de ce deuil, si pudiquement filmé, les linéaments d’une reconstruction que « Ce sentiment de l’été » nous invite à reconnaître et à épouser dans les ellipses d’un récit, dans la caresse du vent, la solitude vous poignant au cœur d’un groupe.

Tout le film semble construit sur ces non-dits, ces palpitations, ces reviviscences dont le rythme, d’un été à l’autre, d’une ville à l’autre, dessine en creux, sur trois années, l’histoire d’une résilience : Zoé et son fils Niels marchant sur leurs ombres, mauvaise sieste de Lawrence sur un inconfortable divan – plus éloquente qu’une scène de funérailles ou de cimetière (l’annonce du choc ou la violence première de la douleur se voyant rejetés en hors-champ), promenade à vélo où le temps semble immobiliser Zoé et Lawrence dans un travelling latéral tout frémissant de vent et de sensualité, pièces vides où l’absence semble tant s’incarner que se dépasser dans la présence spirituelle d’objets intimes chers à Sasha, regard chaviré du jeune homme dans une boîte de nuit, irruption bénie de la sensation pour Zoé et Lawrence dans une partie improvisée de hand-ball (au sens premier du terme), soudain éloignement des parents au sortir de la famille du restaurant – comme si toute la tendresse du monde ne pouvait étouffer l’escorte de la solitude, elle est revenue, là voilà, chantait Barbara – avant que ne scintille l’épiphanie finale d’un autre étrangement aux autres, heureux cette fois : Lawrence déclinant l’offre d’un autre verre au terme d’une sortie nocturne avec leurs amis, pour partir avec Ida, en une marche lente et silencieuse, soudain figée en un baiser du jeune homme à l’employée de sa sœur. Détachement et retour à soi, recul et retour aux autres : on se saurait mieux dire la naissance d’un amour et la renaissance à soi-même, auxquelles la scène suivante apportera un couronnement – Lawrence faisant l’amour à Ida, retrouvant de l’union des corps les gestes sûrs et fébriles, le sourire caressant de sa partenaire pour saluer sa réconciliation avec lui-même plus encore que son propre plaisir.

Le pari – la force – de Hers est aussi de jouer même sur des virtualités narratives, pour mieux les refuser, le spectateur ne ressentant la frustration apparente que comme une vraisemblance, une attente ? et une élégance : ainsi, la relation amicale entre Lawrence et Zoé, sœur de la disparue, qui parcourent les rues, se retrouvent à New York, ou s’émeuvent d’une photo, d’un dessin d’enfant, d’un mobile bleu, ne se fera pas amoureuse, si confusément désiré que ce romanesque facile ait été du spectateur : la tendresse et la tension tiendront lieu d’histoire d’amour, plus belle de se se refuser peut-être, de décliner aussi toute explication. Pourquoi Zoé (Judith Chema tout en éclats et fêlure) s’est-elle séparée de son compagnon, apparemment si chaleureux, si présent pour accompagner le deuil ? Liberté et incompréhension à l’image de la vie. Renaissance pourtant, scandée par les accords d’une musique pop qui investit, sans les envahir, personnages et situations : chanson de Jonathan Richman, « That summer feeling », qui donne son titre au film, de Nick Garrie, « Stephanie City », ou des Unterstones, « Teenage Kick », pour accompagner la libération corporelle et psychique du héros malheureux…

Dans la scène finale, Lawrence et Ida, sa nouvelle amie, se promènent sur la plage. Le deuil, la tristesse rémanente surtout, seraient-il surmontés ? La vie est en tout cas un risque à courir, si ténu soit-il, une conquête à tenter : on se souvient, dans Jaffa de Karen Yedaya, du couple, déchiré par la haine et la guerre de leurs familles, se retrouvant au bord de la mer, l’enfant évoluant en funambule sur un muret, comme un mince trait d’union entre ses parents. Dans le bleu céruléen de la mer, la couleur préférée de Sasha, le regard-caméra de Lawrence suit les longues jambes d’Ida, ses pieds nus tentant l’épreuve de l’eau fraîche et de la robe mouillée, pas même retroussée : images un peu sépia, tournées en super 8, comme un resurgissement du passé dans un présent retrouvé. Des cuisses nues de Sasha au mollet hésitant d’Ada frémissent « les jambes des femmes (…) compas qui arpentent le monde en tout sens et qui lui donnent son équilibre et son harmonie », selon la belle formule de Charles Denner, dans L’Homme qui aimait les femmes de François Truffaut.

Claude