ADAM- Maryam Touzani

J’ai testé la bibliothèque numérique que nous propose Agorame en allant voir sur la Boutique  UniversCiné comment ça se passait. Nous avons droit à 5 ou 6 films par mois, gratuitement, en streaming ou téléchargement. Mais je ne sais pas jusqu’à quand. (tant que les médiathèques sont fermées ?…)

Adam, fut mon « coup de coeur » donc je me permets de vous en dire quelques mots. Ce n’est pas une critique de film.

  • Réalisation :  Maryam Touzani
  • Scénario : Maryam Touzani et  Nabil Ayouch
  • Récompenses : prix Agnès au FIFF de Namur 2019 et prix le Valois des Étudiants Francophones au  (FFA), Festival du Film Francophone à Angoulème
  • Maroc France Belgique

Présenté dans la sélection Un certain regard à Cannes, en 2019 et sorti en février 2020, je ne suis pas sûre que nous ayons eu le temps de le voir à Montargis.

Samia, une jeune femme enceinte, a quitté son village marocain afin de ne pas porter  honte à  sa famille. Presque à terme, elle erre dans la médina de Casablanca en quête d’un travail et surtout d’un toit. Elle offre donc des services de « bonne à tout faire » moyennant gîte et couvert, elle n’en demanderait pas plus.

Mais les portes ne s’ouvrent pas facilement, et découvrant son état, les personnes sollicitées sont réticentes à employer une fille de mauvaise vie.

Un soir Samia (Nisrin Erradi) frappe chez Abla (Lubna Azabal) ; à l’étage la jolie frimousse rieuse d’une petite fille de 8 ans, Warda, nous laisse espérer…Las, la maman dit qu’elle n’a besoin de personne.

Abla est veuve, encore jeune, mais murée dans une austérité qui lui sert de carapace, lui permet entre autres, de repousser sèchement les avances du charmant Slimani.

Samia s’apprête à passer la nuit dehors dans une encoignure de porte, juste en face de chez Abla.

Cette dernière a du mal à trouver le sommeil et finit par aller chercher Samia, non sans dédain et brusquerie, afin qu’elle dorme à l’intérieur.

L’ambiance rigide et monotone de la maison va s’en trouver perturbée. Le film avance tout doucement sur la relation des deux femmes, qui tentent de s’apprivoiser.

Les plans sur les visages comme des tableaux de Georges de la Tour, clair obscur dans une lumière dorée : de très belles photographies.

Je ne vais pas raconter le film, ce serait un frein à le découvrir.

J’ai apprécié la sobriété, la justesse des propos, la sensualité qui se dégage d’un simple éclairage sur la peau huilée du ventre de Samia, l’intelligence de coeur de la petite Warda.

J’ai admiré le jeu des deux actrices  dans le rôle de deux femmes blessées et courageuses.

Oui, sobre et juste.

Annick

L’AUTRE COTE DE L’ESPOIR Aki Kaurismäki (2)

Berlinale 2017 : Ours d’Argent du Meilleur réalisateur
Du 27 avril au 2 mai 2017
Soirée-débat mardi 2 à 20h30

Présenté par Marie-Annick Laperle

Film finlandais (mars 2017, 1h38) de Aki Kaurismäki avec Sherwan Haji, Sakari Kuosmanen et Ilkka Koivula .
Titre original : Toivon tuolla puolen

«  Le Havre », leprécédent film d’Aki Kaurismäki se terminait sur l’embarquement possible d’un jeune clandestin africain vers l’Angleterre. « L’Autre Côté de L’Espoir « s’ouvre avec un jeune émigré syrien qui débarque noir de charbon, d’un cargo accostant dans le port d’Helsinski.. Il s’avance dans la nuit émaillée de belles lumières, métaphore de sa sombre errance illuminée de belles rencontres..

Quel bonheur de retrouver Aki Kaurismäki six ans après « Le Havre » ! Bonheur de retrouver la trogne et la dégaine de ses personnages atypiques, la nostalgie de sa musique rock folk, le design d’objets démodés qui se rappellent à notre bon souvenir:un réveil des années soixante, un téléphone à cadran, un juke box sorti des oubliettes ou une limousine russe collector.

Comme c’est savoureux de déguster ses dialogues minimalistes, ciselés au burin de l’humour caustique où chaque mot est pesé à l’aune de son efficacité !

Mais si la forme est légère, le propos social reste toujours aussi fort chez Kaurismäki qui fait se rejoindre dans ce film, le monde des migrants et celui des perdants. Pour exprimer son propos, le cinéaste ne s’embarrasse pas de fioriture, de psychologie, de finasserie.Il n’y a pas de superflu chez lui . Il dégraisse la mise en scène jusqu’à l’os pour aller droit au but.

Emergé de son tas de charbon, Khaled, le jeune réfugié syrien demande une douche. La caméra montre seulement une eau noire qui dégouline sur ses pieds et s’évacue dans les égouts.La crasse réelle et symbolique accumulée par Khaled au cours de ses longs mois d’errance à travers les pays d’Europe, retourne là d’où elle n’aurait jamais du sortir : les égouts de la » déshumanité «  qui avilit autant celui qui rejette que celui qui est rejeté.

Le cinéaste n’hésite pas non plus à recourir à l’ellipse qui permet d’aller à l’essentiel..Avec lui, on ne tergiverse pas pour échanger quelques coups de poing mais encore moins pour se réconcilier, pour venir en aide ou pour montrer sa solidarité.Une porte qui s’ouvre pour Khaled, au bon moment grâce à une employée compatissante ; un camionneur qui prend des risques en cachant  Miriam sa sœur. Tout est dans la générosité spontanée.

Pas de temps à perdre non plus avec l’émotionnel, avec l’apitoiement sur soi. Khaled débite aux autorités finlandaises son histoire effroyable comme s’il s’agissait d’un compte-rendu clinique , précis et froid. En face, pas le moindre signe d’empathie. Personnellement, j’attribuerai la palme de l’économie de mot, de geste et d’émotion, à la scène de rupture entre Wikhstrom et sa femme.. Un trousseau de clés et une alliance posés sur la table par le mari. Deux regards qui se croisent. La femme qui entérine la situation en écrasant avec sa cigarette, l’anneau au fond du cendrier puis se sert un verre de vodka. Scène muette qui dit tout.

« J’agis sinon je meurs. Je joue. », dit la chanson du vieux rocker de rue. Les deux personnages principaux agissent et jouent. Wikhstrom joue au poker pour réaliser son rêve de restaurant. Khaled arpente l’Europe pour trouver un futur meilleur. Tous les deux jouent leur avenir. Et comme l’a fait remarquer un spectateur, « ça passe ou ça casse ».

Comme c’est réjouissant de retrouver ces personnages kaurismakiens qui restent debout face aux défis de la vie et gardent l’élégance des résistants impassibles et silencieux.

Comme c’est réjouissant cette dignité humaine qui émerge comme un phare , pour lancer le message d’Aki Kaurismäki : « C’est de la solidarité du peuple que viendra notre salut. »

Tchin tchin Aki ! Santé

Marie-Annick