A quoi fait penser le mot Dahomey ? Pour les plus anciens, à une ancienne colonie française de l’AOF, mais parmi les plus jeunes, un certain nombre d’entre eux ne sait pas que depuis le 30 novembre 1975, république du Bénin est le nom donné à la république du Dahomey.
Le film Dahomey, ours d’or de la dernière Berlinale, réalisé par la réalisatrice franco-sénégalaise Mati Diop, née en 1982 à Paris d’un père musicien sénégalais et d’une mère française photographe, est un film hybride mêlant fiction fantastique et documentaire.
A travers la voix sortie des limbes de l’un de ses artefacts royaux, le film nous plonge dans un voyage saisissant, dont la charge politique est amplifiée par cette atmosphère fantastique très puissante, identique à celle qui parcourait le film Atlantique en 2019.
Ce film est construit à partir de la restitution, par la France le 10 novembre 2021, à l’issue d’un processus long de plusieurs années, de 26 trésors royaux au Bénin, colonie française jusqu’en 1960. Ces 26 œuvres ont été volées en 1892, sous le règne du roi Béhanzin, lors du sac d’Abomey par les troupes du colonel Dodds, lui-même métis originaire de St. Louis du Sénégal et ont été remises au musée d’ethnographie du Trocadéro. Une première demande de restitution a été formulée pendant la présidence de François Hollande qui l’a refusée. Celle-ci a été renouvelée par Patrice Talon , élu président de la République du Bénin en 2016, et acceptée par Emmanuel Macron.
Cette restitution est certes la première et a pris du temps. Il a fallu voter une loi au Parlement car ces œuvres étaient la propriété inaliénable de la république française.
Pour Mati Diop, il était important de donner un point de vue aux œuvres, qu’elles soient actrices ou narratrices de leur épopée. Ce parti pris a structuré la manière d’approcher ces séquences au quai Branly et pour tout le parcours à suivre.
Elle voyait le conservateur qui avait été missionné depuis le quai Branly pour accompagner le retour des œuvres jusqu’au Bénin comme un gardien garant des œuvres qu’il accompagnait d’un monde à l’autre, qu’il partageait un langage secret avec elles et que nous avions l’impression d’assister à un rite funéraire.
Il était important de faire parler toute cette communauté d’âmes à la première personne, à travers l’expérience d’un homme exilé qui rentre au pays.
Je tenais, dit-elle, à ce que la voix des trésors, en langue fon, soit écrite par une écrivaine ou écrivain haïtien. En effet, Haïti est peuplé de descendants d’esclaves qui ont été déportés du golfe du Bénin. Le royaume du Dahomey est le berceau de la spiritualité du vaudou qui a traversé l’Atlantique jusqu’en Haïti.
Dans la deuxième partie du film, Mati Diop interroge sur la façon dont les jeunes de l’université d’Abomey Calavi ont perçu cette restitution. Elle redonne à ce débat toute sa complexité et saisit l’opportunité de laisser s’exprimer une jeunesse qui n’avait jamais été entendue sur la question.
Elle-même, en tant qu’afrodescendante, opère, depuis 2008, un processus de retour vers ses origines africaines qui s’apparente à un processus de désoccidentalisation. Pour elle, il faut, en premier lieu, décoloniser nos imaginaires.
Puis-je vous faire une confidence : pour moi ce film est une pépite, même si je ne suis pas sûre d’être objective !
Marie-Christine