L’HOMME LE PLUS HEUREUX DU MONDE-Teona Strugar Mitevska

Des pas féminins sur un trottoir nous conduisent jusqu’à un hôtel de Sarajevo où se déroule un speed dating. Cette journée fonctionne comme une allégorie de la guerre. Trente ans plus tard, le feu couve toujours sous les braises mal éteintes de la guerre de Bosnie.

Une comédie noire passionnante et singulière avec, en écho, l’histoire de l’ex-Yougoslavie, c’est ainsi qu’est qualifié ce film qui a été sélectionné au festival de Venise de 2022.

Pour la réalisatrice macédoniene, Teona Strugar Mitevska, ce film représente une forme de poème et une façon de célébrer ce que furent la Yougoslavie et Sarajevo, la plus belle ville du monde avec les plus belles personnes du monde. Le scénario de ce film est inspiré de la vie de son amie Elma..

Lors de ce speed dating, se rencontrent dans le huis-clos d’un hôtel dont les fenêtres donnent sur le cimetière de Kovaci où tant de Bosniaques furent enterrés pendant le conflit de 1992 et dont les salles portent le nom de villes suisses, symbole de neutralité, des hommes et des femmes en quête d’amour.

Certains y cherchent peut-être uniquement l’amour mais avec certaines conditions : l’ethnie, la religion, le parti politique, pas un amour idéal et pur mais un amour à leur convenance, alors que d’autres y viennent toutes les semaines pour passer le temps et surtout ne pas être seuls. L’un des participants aux cheveux gris informe sa partenaire d’un jour qui a la cinquantaine bien tassée qu’il veut des enfants !!

Les personnages principaux, Asja et Zoran qui se construisent et se déconstruisent en direct, sont en fait deux victimes aux traumas inguérissables mais qui finissent par se réconcilier dans la nuit apaisée de Sarajevo.

En effet, Zoran est un homme triste. Sa situation est celle de nombreux soldats qui ont été enrôlés contre leur gré, même s’ils ont quand même fait un choix. Il est aussi victime de son environnement, de l’Histoire, de l’égo des hommes, de la masculinité absurde et inutile. Son existence quotidienne est son purgatoire et on peut avoir de la peine pour lui.

Quant à Asja, une personne passe-partout, à la limite de l’invisibilité, a un travail régulier et son seul problème est son incapacité à rencontrer quelqu’un qu’elle puisse aimer. Comme n’importe qui, elle cherche le bonheur.

Lorsque Zoran, qui est venu chercher son pardon, lui annonce qu’il est le sniper qui lui a tiré dans le dos un soir du siège de Sarajevo et qui l’a blessée lors de son premier tir, elle ne le croit d’abord pas puis elle laisse apparaître sa rage.

Au moment où elle entame le procès de Zoran dans la salle où se déroule ce speed dating, tout devient, à ce moment, surprenant et violent. Elle déchire les rideaux pour l’attacher à sa chaise afin qu’il ne puisse pas s’enfuir et prend les personnes présentes à témoin. Tous les participants donnent leur avis très divers et quittent l’hôtel.

Nous constatons au travers de ce film qu’il est impossible de mettre fin à une guerre sans guérir la douleur, les pertes et les traumatismes mais ce film se termine sur des vues splendides de la ville de Sarajevo à différents moments de la journée.

Marie-Christine

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