Je suis encore ébloui par la forte impression que m’a laissée la puissance de ce grand film qu’est « Les graines du figuier sauvage ». J’ai été saisi par la paranoïa qui s’est emparée de toute la société iranienne sous l’emprise des mollahs, comme par le déchirement, puis la destruction totale d’une famille qui au début du film paraît unie, aimante, heureuse. J’aime assez l’interprétation symbolique de Françoise de la fin du film, où Iman représenterait la tyrannie de l’Etat islamique, les trois femmes ses citoyens révoltés – tempérée toutefois par l’observation très juste de Jean-Mi sur l’évolution en sens opposés des deux parents au cours du film.
Pour rester dans le symbolique, je voudrais revenir sur le titre du film, sur lequel il y a eu par écrit tout au début des indications rapides et, à mon sens, insuffisantes. J’avais déjà remarqué que dans le titre anglais, « The Seed of the Sacred Fig », le figuier est « sacré » plutôt que « sauvage » et intrigué, j’ai fait quelques recherches là-dessus. Le terme « sacré » réapparaît dans le titre allemand, « Die Saat des HEILIGEN Feigenbaums », et ce doit être une traduction littérale du titre iranien original. Il s’agit d’une espèce particulière de figuier, originaire du sous-continent indien, dont le nom scientifique est « ficus religiosa » parce que cet arbre est sacré pour quatre religions : l’hindouisme, le bouddhisme, le djaïnisme et le sikhisme. Cette plante a la particularité de s’enlacer au niveau des racines autour des autres arbres pour les étrangler, d’où la « sauvagerie » privilégiée par la traduction française.
Il est assez évident que cette image peut s’appliquer à l’Etat islamique à deux niveaux : théocratie, il est de ce point de vue « sacré », mais il est « sauvage » parce qu’il étrangle ses citoyens aux sens propre et figuré. Le rôle des « graines » dans le titre est moins évident, mais j’ai pensé au proverbe « Qui sème le vent récolte la tempête », la notion de « semence » étant commune aux deux images. Si on veut pousser l’allégorie jusqu’au bout, les « graines » pourraient être la répression de l’Etat islamique dont la récolte serait la tempête, l’explosion de colère populaire que nous avons vue cueillie sur le vif par les smartphones des jeunes Iraniens.
Don