Jeanne Moreau 23 janvier 1928 – 31 juillet 2017

Jeanne Moreau qu’on aime,

depuis qu’on aime le cinéma,

depuis longtemps, depuis toujours.

Adieu

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1949 : Dernier Amour de Jean Stelli
1950 : Meurtres ? de Richard Pottier
1950 : Pigalle-Saint-Germain-des-Prés d’André Berthomieu
1951 : Avignon, bastion de Provence, court-métrage J. Cuenet
1951 : L’Homme de ma vie de Guy Lefranc
1952 : Il est minuit, Docteur Schweitzer d’André Haguet
1952 : Dortoir des grandes d’Henri Decoin
1953 : Julietta de Marc Allégret
1953 : Touchez pas au grisbi de Jacques Becker
1954 : La Reine Margot de Jean Dréville
1954 : Secrets d’alcôve d’Henri Decoin
1954 : Les Intrigantes d’Henri Decoin
1955 : Gas-oil de Gilles Grangier
1955 : Les Hommes en blanc de Ralph Habib
1955 : M’sieur La Caille d’André Pergament
1956 : Le Salaire du péché de Denys de La Patellière
1956 : Jusqu’au dernier de Pierre Billon
1957 : Ascenseur pour l’échafaud de Louis Malle
1957 : Les Louves ou Démoniaque de Luis Saslavsky
1957 : Trois jours à vivre de Gilles Grangier
1957 : L’Étrange Monsieur Steve de Raymond Bailly
1957 : Échec au porteur de Gilles Grangier
1957 : Le Dos au mur d’Édouard Molinaro
1958 : Les Amants de Louis Malle
1959 : Les Liaisons dangereuses 1960 de Roger Vadim
1959 : Les Quatre Cents Coups de François Truffaut
1960 : Le Dialogue des Carmélites P. Agostini et R. L. Bruckberger
1960 : Moderato cantabile de Peter Brook
1960 : Cinq femmes marquées de Martin Ritt
1961 : La Nuit (La Notte) de Michelangelo Antonioni
1961 : Une femme est une femme de Jean-Luc Godard
1962 : Jules et Jim de François Truffaut
1962 : Eva (Eva) de Joseph Losey
1962 : Le Procès d’Orson Welles
1963 : La Baie des Anges de Jacques Demy
1963 : Les Vainqueurs (The Victors) de Carl Foreman
1963 : Le Feu follet de Louis Malle
1964 : Peau de banane de Marcel Ophüls
1964 : Mata Hari de Jean-Louis Richard
1964 : Le Train (The Train) de John Frankenheimer
1964 : Le Journal d’une femme de chambre de Luis Buñuel
1965 : La Rolls-Royce jaune d’Anthony Asquith
1965 : Viva María! de Louis Malle
1966 : Le Plus Vieux Métier du monde de Philippe de Broca
1966 : Mademoiselle de Tony Richardson
1966 : Falstaff (Campanadas a media noche) d’Orson Welles
1967 : La mariée était en noir de François Truffaut
1967 : La Grande Catherine de Gordon Flemyng
1967 : Dead Reckoning –  Film inachevé d’Orson Welles
1967 : Le Marin de Gibraltar de T.Richardson
1968 : Une histoire immortelle d’Orson Welles :
1969 : Monte Walsh de William A. Fraker
1969 : Le Corps de Diane de Jean-Louis Richard
1969 : Le Petit Théâtre de Jean Renoir de Jean Renoir
1970 : Alex in Wonderland de Paul Mazursky
1970 : Les Héritiers (Os herdeiros) de Carlos Diegues
1970 : Henri Langlois – documentaire – de R. Guerra et E.Hershon
1971 : Comptes à rebours de Roger Pigaut
1971 : The Other Side of the Wind – Film 🎥 inachevé – d’Orson Welles
1971 : Côté cours, côté champs – court métrage – de Guy Gilles
1972 : Chère Louise de Philippe de Broca
1972 : L’Humeur vagabonde d’Édouard Luntz
1972 : Absences répétées de Guy Gilles
1973 : Jeanne la Française de Carlos Diegues
1973 : Je t’aime de Pierre Duceppe
1973 : Nathalie Granger de Marguerite Duras
1974 : Les Valseuses de Bertrand Blier
1974 : La Race des seigneurs de Pierre Granier-Deferre
1974 : Une légende, une vie : Citizen Welles de M.Frydland
1975 : Le Jardin qui bascule de Guy Gilles
1975 : Hu-Man de Jérôme Laperrousaz
1975 : Souvenirs d’en France d’André Téchiné
1976 : Lumière de Jeanne Moreau
1976 : Monsieur Klein de Joseph Losey
1976 : Le Dernier Nabab (The Last Tycoon) d’Elia Kazan
1976 : Chroniques de France de Renaud de Dancourt
1980 : Chansons souvenirs – court métrage – de Robert Salis
1981 : Au-delà de cette limite votre ticket n’est plus valable G.Kaczender
1981 : Plein sud de Luc Béraud
1982 : Mille milliards de dollars d’Henri Verneuil
1982 : La Truite de Joseph Losey
1982 : Querelle de Rainer Werner Fassbinder
1982 : Der Bauer von Babylon de Dieter Schidor
1983 : Jean-Louis Barrault de Muriel Balasch
1985 : François Simon d’Ana Simon et Louis Mouchet
1986 : Sauve-toi, Lola de Michel Drach
1986 : Le Paltoquet de Michel Deville
1987 : Le Miraculé de Jean-Pierre Mocky
1987 : Remake d’Ansano Giannarelli
1988 : La Nuit de l’océan d’Antoine Perset
1989 : Jour après jour d’Alain Attal
1989 : Orson Welles, documentaire – de Leslie Megahey
1990 : Nikita de Luc Besson
1990 : Alberto Express d’Arthur Joffé
1990 : La Femme fardée de José Pinheiro
1991 : L’Amant de Jean-Jacques Annaud
1991 : La Vieille qui marchait dans la mer de Laurent Heynemann
1991 : Jusqu’au bout du monde (Bis an Ende der Welt) de Wim Wenders
1991 : Le Pas suspendu de la cigogne de Theo Angelopoulos
1991 : Anna Karamazoff de Roustam Khamdamov
1992 : Cœur de métisse (Map of the Human Heart) de Vincent Ward
1992 : À demain de Didier Martiny
1992 : L’Absence (Die Abwesenheit) de Peter Handke
1992 : Les Arpenteurs de Montmartre de Boris Eustache
1993 : Je m’appelle Victor de Guy Jacques
1993 : Un certain jour de Juin (A Foreign Field) de Charles Sturridge
1993 : François Truffaut, portraits volés de S.Toubiana et M. Pascal
1995 : Les Cent et Une Nuits de Simon Cinéma d’Agnès Varda
1995 : Par delà les nuages de M.Antonioni et W.Wenders
1995 : Faire un film, pour moi c’est vivre d’Erica Antonioni
1995 : I Love You, I Love You Not de Billy Hopkins
1995 : L’Univers de Jacques Demy – documentaire – d’Agnès Varda
1997 : La Propriétaire (The proprietor) d’Ismail Merchant
1997 : Un amour de sorcière de René Manzor
1997 : Amour et Confusions de Patrick Braoudé
1998 : À tout jamais (Ever after) d’Andy Tennant
2000 : Lisa de Pierre Grimblat
2000 : Le Manuscrit du prince de Roberto Andò
2000 : Les Femmes de Fassbinder – documentaire de Rosa von Praunheim
2002 : Cet amour-là de Josée Dayan
2002 : The Will to Resist de James Newton
2004 : Akoibon d’Édouard Baer
2005 : Le Temps qui reste de François Ozon
2005 : Go West d’Ahmed Imamovic
2006 : Sortie de clown – court métrage – de Nabil Ben Yadir
2006 : Roméo et Juliette d’Yves Desgagnés
2007 : Chacun son cinéma : épisode Trois minutes de Théo Angelopoulos
2007 : Désengagement d’Amos Gitai
2009 : Plus tard tu comprendras d’Amos Gitai
2009 : Visages de Tsai Ming-liang
2012 : Gebo et l’ombre de Manoel de Oliveira
2012 : Une Estonienne à Paris de Ilmar Raag
2015 : Le Talent de mes amis d’Alex Lutz

 

Lettre de Prades 58ème ciné-rencontre 2017, suite et fin.

 

….

Après Rafi Pitts, difficile de changer de réalisateur. Or, la suite c’est Jean-Pierre Améris. Rien de comparable dans leur cinéma, ni le style, ni la démarche. C’est un homme de grande taille (2,05 mètres) qui se présente à nous, il est séduisant, d’une manière très différente de Pitts, mais séduisant. Il est d’un abord humble, disponible, sympathique, il est calme, convaincant.

Jean-Pierre Améris puise dans sa vie, dans son enfance et ses identifications, ses peines et joies, la matière de ses films. Ses personnages principaux sont remarquables et différents des autres, ils sont pêle-mêle, malade incurable, grand timide, autiste, sourd et aveugle, défiguré, solitaire… Ce sont des blessés, des stigmatisés, des boucs émissaires potentiels.. Nous avons pu voir 8 films, C’est la vie, les émotifs anonymes, Je m’appelle Elisabeth, Marie Heurtin, L’homme qui rit, Maman est folle, La joie de vivre, Famille à louer. La tonalité de ses films occupe toute la palette entre comédie et tragédie. Son dessein n’est jamais de montrer le poids du destin et la force des choses, mais l’être qui se déploie face à l’adversité et les heureuses conjonctions, les mains qui se tendent dans leur vie. – Alors, nul apitoiement chez Améris, juste la compassion et la dignité qu’il faut pour nous montrer des êtres que nous regardons peu habituellement – Parmi ces films, j’ai été plus particulièrement touché par Marie Heurtin, c’était la première fois que je le voyais. De quoi est faite la foi d’une religieuse qui décide de chercher à communiquer,  d’apprendre à parler à une enfant sourde et aveugle, quels sont ses mobiles ? Comment apprendre ? Par quelles méthodes et quelles voies? La rencontre de ces deux êtres est une expérience de la bonté. Au total, si je devais caractériser le cinéma de Jean-Pierre Améris, c’est l’idée de  « providence » qui me viendrait à l’esprit. Je crois que c’est cela qu’il montre le plus souvent.

Courts-métrages : Quel dommage cette disparition des courts-métrages de nos salles, qu’à peu près partout désormais, on préfère considérer que les spectateurs viennent 30 minutes avant la séance juste pour voir des publicités débiles et/ou vulgaires. Nous en avons vu 18, des  » brefs-métrages », parmi eux, des petits bijoux. Panthéon Discount a été élu meilleur d’entre eux, et il est excellent, mais objectivement, un réel départage est impossible. Pensons par exemple au dernier d’entre eux, une poignée de main historique, un « haïku » cinématographique à la fois  drôle, grave  et triste !

Le film surprise (judicieusement sélectionné par les jeunes) : West Side Story. Le revoir,  le revoir sur grand écran, merveille.

 Avant-premières : Marie-No a parlé dindivisibili, je ne vois rien à ajouter, c’est dit.

En revanche Djam de Tony Gatlif est de l’avis de beaucoup, un superbe film. Voici le synopsis : Djam, une jeune femme grecque, est envoyée à Istanbul par son oncle Kakourgos, un ancien marin passionné de Rébétiko, pour trouver la pièce rare qui réparera leur bateau. Elle y rencontre Avril, une française de dix-neuf ans, seule et sans argent, venue en Turquie pour être bénévole auprès des réfugiés. Djam, généreuse, insolente, imprévisible et libre la prend alors sous son aile sur le chemin vers Mytilène. Un voyage fait de rencontres, de musique, de partage et d’espoir. C’est l’art du synopsis de parler d’un film sans en parler vraiment. Ajoutons que Djam est un personnage lumineux et libre tout comme son oncle Kakourgos (qui signifie le malfaiteur en grec, et qui pourtant l’est moins que d’aucuns).

Si l’on veut bien mettre de côté le film sur Pablo Casals qui ouvre davantage le festival du même nom qu’il ne ferme les cinés-rencontres et dont on peut dire qu’il est honnête, mais dont on ne peut pas dire qu’il soit une révolution dans le cinéma, Makala d’Emmanuel Gras serait alors la clôture, et donc le bouquet. Voici le synopsis : Décidé à connaître un avenir meilleur, Kabwita entreprend, depuis son village reculé, un périlleux voyage jusqu’à Kinshasa. Le documentariste Emmanuel Gras le suit dans son périple, avec l’attention des grands maîtres italiens. Et une pudeur magnifique. Je n’avais jamais vu un film pareil, c’est un quasi documentaire qui serait tellement bien scénarisé qu’on est totalement gagné et qu’on devient captif de ce jeune homme que nous suivons pas à pas. C’est un film bouleversant au plein sens du terme. Après l’avoir vu, on ne revient jamais à la case départ.

…Et à propos de départ,  celui de Prades, avec un petit pincement.

 

« A jamais » de Benoit Jacquot Vu(s) à Prades

C’est l’histoire d’un vieux réalisateur, Rey (!) (Mathieu Amalric), séducteur invétéré, qui, accompagné de son actrice Isabelle (Jeanne Balibar), présente son dernier film, un soir , dans une des salles d’un multiplex. Il s’échappe pour monter « cueillir » une jeune sylphide, Laura (Julia Roy) qu’il a repéré, créatrice de spectacles modernes dans une autre salle de ce même lieu. Elle le suit, tout en le précédant, dans les longs couloirs et on se laisserait bien entraîner dans un marivaudage. Las !
Ils filent sur sa moto, il roule très vite, vers sa tanière, son lit. Gagnée ! Laura s’installe chez Rey, dans cette belle maison où habitent déjà tant de ses souvenirs, où vivent ses fantômes grinçants installés au grenier, dans une petite pièce où trône un lit blanc. Laura perçoit ces bruits, ces présences et veut les faire cesser. Elle veut occuper toute la place.
Rey s’invente sa belle histoire d’amour, se fait fort de remonter le temps et épouse la jeune Laura. Isabelle l’a averti : elle est si jeune, elle voudra l’enfant qu’il a toujours refusé d’avoir, elle va lui pourrir la vie. C’est elle Isabelle qui l’aime vraiment, qui a renoncé par amour pour lui à cet enfant, personne ne pourra jamais l’aimer comme elle.
Mais le temps passe, dévastateur, tu vois bien, Isabelle, que tu n’es plus comme sur la grande photo, là, juste derrière toi …
Rey avance avec une autre qui a le pouvoir, croit-il, par sa jeunesse, de l’écarter de son âge. Il lutte contre la vieillesse qui le guette.
Mais son cerveau ne lui permet déjà plus de plonger dans ce bain de jouvence et l’enfer va bientôt commencer, il le sait.
Il a toujours noté des idées pour ses films mais maintenant il prend des notes pour simplement se souvenir, de tout. Il se voit dans un futur proche, redevenir un enfant. Laura le fait manger, s’étonne et le félicite d’avoir lacé ses souliers, part à sa recherche quand un grand blanc dans sa tête le fait sortir et errer dans la nuit …
Il arrive un temps où le tourbillon s’arrête. Il choisit de stopper net le naufrage.
Laura reste seule dans la grande maison et commence son travail de deuil …
Et nous avec …
J’ai trouvé cette sauce pour me rendre ce film prétentieux, tout juste « consommable » … Mais mon Dieu que c’est long ! Et indigeste …
Mathieu Amalric, comme souvent, roule des yeux hallucinés, une partie de son fond de commerce.
Dernière égérie en date de Benoit Jacquot, Julia Roy, scénariste du film ( d’après le roman Body Art de Don DeLillo) sous condition qu’elle en soit aussi l’actrice principale (dixit !), fait penser à Isild Le Besco, la présence charnelle, sensuelle, animale en moins. Donc …
Reste Jeanne Balibar. Délicieuse en Isabelle.

Marie-Noel

Lettre de Prades 2017, 58ème Ciné-rencontre

Lettre de Prades 2017, 58ème Ciné-rencontres

Amis Cramés de la Bobine, bonjour,

Nous sommes à mi-parcours de ce voyage en première classe à Prades, un pays de cinéma, la salle de Prades s’appelle le Lido, elle est belle, confortable, peu de salles sont aussi chargées de souvenirs qu’elle, tant elle  a accueilli, de festival en festival, de grands noms du cinéma.

Pour l’instant nous en sommes à deux rétrospectives, à commencer par des films de G.W Pabst utilement présentés par P.Eisenreich de la revue Positif et Benoît Jacquot. C’est du ciné en noir et blanc et c’est pour l’essentiel du muet…en 7 films. Alors, lorsqu’on ne connaît pas, on va voir le premier par curiosité un peu condescendante (c’était pas mal pour l’époque), les autres parce qu’on se laisse gagner par ces films-là, ils sont inventifs et convaincants..

Voici ce que nous avons pu voir : La rue sans joie, Loulou, le journal d’une fille perdue, l’amour de Jeanne Ney, les mystères d’une âme, quatre de l’infanterie, le drame de Shanghai, la tragédie de la mine. Les cinéphiles avertis sauront apprécier le menu et ceux qui le sont moins, comme moi, ravis (aux deux sens du terme) s’ils ont la chance d’en voir un.

Nous sommes au moment Rafi Pitts, un cinéaste contemporain iranien, actuellement à Los-Angelès, aux Etats Unis, il aurait dû venir à Prades mais il est coincé, attendant les papiers qui lui permettront de rentrer aux USA s’il en sort. Mais c’est là  un scénario peu artistique imaginé par le Président Trump, dont il est question,  alors passons.

Heureusement Skype, heureusement Mamad Haghighat pour assurer le contact et les premières questions. Commençons par ce dernier. Il est critique, réalisateur, directeur de salle (le Champollion!) et promoteur du cinéma iranien en France et dans le monde. Authentiquement humble et direct,  il a le chic pour poser des questions facilitantes et de faire des remarques à la fois franches  et sympathiques. Quant à Rafi Pitts, il nous apparaît comme un homme doux, engageant, vérifiez vous-même sur internet, vous verrez un beau visage, avec il me semble, une oreille droite discrètement décollée, les « dents du bonheur », un  sourire lumineux. Dans son répertoire linguistique, il dispose d’au moins 3 langues courantes dont un français naturel, car il a vécu en France.

Pour ce qui me concerne, je ne connaissais pas Rafi Pitts, devait-on le situer aux côtés des Kiarostami, Farhadi, Panahi … ? En somme, parmi les grands noms du cinéma Iranien ? Oui, et sans l’ombre d’une hésitation. Et c’est tout le mérite du Festival de Prades de faire connaître en France un tel réalisateur par une sélection de 8 fictions et un documentaire.

Si vous deviez vous constituer à l’image des trousses de premiers secours, une trousse de films d’urgence, pourquoi ne pas y placer  un film de  Rafi Pitts ? En attendant, disons tout de suite que nous avons eu l’avantage de voir avant vous Soy Néro qui sera sur les écrans français en septembre. Gaëlle Vidalie a réalisé un documentaire  sur Rafi  (No return : Rafi Pitts) dont l’essentiel se déroule pendant qu’il dirige Soy Néro. On le voit le réalisateur en mouvement, on le voit être avec ses acteurs et l’équipe. Bien qu’exigeant, il sait accueillir l’émergence de l’imprévu, et la vérité de ses acteurs.

M’autoriseriez-vous un conseil ? Allez voir Soy Néro. Et si vous ne le pouvez, allez dans votre médiathèque préférée, empruntez Salandar, 5ème Saison ou encore Sanam. Ah! Sanam, nous en sortons, quelle émotion ! Des plans de toute beauté, dès les premières images on est saisi. Rien que le début, une colline dans la campagne, au loin, sur la crête une silhouette humaine apparaît, évanescente. Elle bouge, elle court, on la voit descendre  semblant décrire une courbe vers la gauche. Elle grandit. Pas assez. Derrière, un cavalier, puis deux, trois et quatre ; ils poursuivent cet homme ? C’est une image presque abstraite qui se précise un peu mais nous n’en verrons à peine davantage, un bruit sec et mat, le film commence. Qui voit cette scène ?  Nous.  Nous, par les yeux d’Issa, 10 ans. Un contre champs nous fera faire sa connaissance, quel visage lui aussi, et quel  acteur ! Ne lisez pas le synopsis, c’est inutile. Regardez les visages des hommes, des femmes, regardez les yeux et les mains celle (Roya Nonahali) la mère de Issa par exemple, regardez les paysages, regardez jouer ce jeune Ismail Amini qui interprète l’enfant Issa ;  n’en perdez rien. Laissez-vous aller à votre émotion, vous y réfléchirez après. Ça sera un autre moment riche.

Je termine en disant que Gaëlle Vidalie dont il était question tout à l’heure a assisté Rafi Pitts dans la réalisation d’un documentaire Abel Ferrara, (Abel Ferrara, Not Guilty)  dont curieusement, c’était aujourd’hui l’anniversaire. Je ne vais pas faire les louanges de ce documentaire dans ce billet ni d’Abel Ferrara et ça me frustre un peu mais il faut bien terminer un billet. D’abord, il est tard.

A une prochaine pour peut-être pour dire un mot d’Abel F et du reste…la  suite du programme promet.

Amitiés des Cramés à Prades.

Georges J

« Indivisibili » d’Edoardo de Angelis

Le sujet c’est l’attachement, l’amour viscéral, fusionnel, comment s’affranchir pour pouvoir s’échapper, vivre sa vie, en affronter les dangers, seul (e) tout d’abord. Être un individu, être reconnu comme tel. Avoir le droit,  être autorisé à fonctionner sans les autres.

Dans le film, la situation de base est extrême puisqu’ il s’agit de soeurs siamoises et que, s’apprenant « divisibile », la volonté de Daisy d’être coupée, séparée de corps de sa soeur Viola, est unilatéral.  Ce sujet de l’aliénation a souvent été traité dans dans d’autres cas d’amour  : une mère et son fils, sa fille, un père et sa fille, un frère et une soeur, deux amants, deux amis.

Le sujet c’est aussi l’exploitation de l’homme par l’homme,  ici l’exploitation de siamoises par leur père,  abject, sans vergogne, bourré, de certitudes, aussi. Exploitées par leur mère qui continue à se punir d’avoir enfanté cette enfant double dans deux corps soudés. C’est « la faute » de la génitrice a priori, toujours.

Le sujet c’est aussi la religion et autres sectes avec sa kyrielle de gourous et de disciples, d illuminés, d’aliénés.

C’est une film réaliste, agrémenté de quelques miracles, de clins d’oeil à l’italienne. Une réalité bien sordide dans un décor de désolation avec bétonneuse devant la fenêtre de la chambre. Avec des scènes d’une vulgarité crasse comme celle de la fête de communion de la petite meringue rose boursouflée ou celle de la « party » sur le bateau.

C’est un film qui, d’emblée, place le spectateur dans une situation de voyeurisme insupportable.

Et j’y ai vu un sujet sous-jacent malsain : le fantasme sexuel masculin pour deux très jeunes filles « collées », indivisibles.

Ce n’est pas montré mais, hélas, on le voit quand même. Polluant.

J’aurais peut-être pu faire l’impasse sur ce film mais pas grave, c’est du cinéma.

Ici, à  Prades et partout, vive le cinéma !

Marie-Noël

« De toutes mes forces » de Chad Chenouga (2)

3 prix au Festival de Valenciennes2017
Du 29 juin au 4 juillet
En Présence du réalisateur Chad Chenouga
Film français (mai 2017, 1h38) de Chad Chenouga avec Khaled Alouach, Yolande Moreau et Laurent Xu 
Distributeur : Ad Vitam

Beau film d’un beau réalisateur … Acteur aussi . Son visage nous est connu et sa présence hier soir était comme naturelle, évidente. Il était avec nous, dégageant une bienveillance souriante, tout au bord du rire.
Bel homme lumineux, joyeux.
Son film nous le fait connaître davantage à travers tous ces jeunes gens et jeunes filles qu’il nous présente au naturel, dépourvus d’artifices. On mesure précisément la différence entre les favorisés et les très défavorisés. Sans être amenés à les juger pour autant.
Une belle galerie de portraits.
Nassim alias  « Beau gosse »,  enferme son malheur au plus profond de ses tripes et quand, enfin, il crie en respirant la veste en poils de sa mère défunte (la belle Zined Triki), on soupire, il revient. De loin.
Probable qu’on reverra Khaled Alouach dans d’autres rôles. Il a le physique, la voix et le regard pour jouer tous les rôles de « jeune premier ».  Subjuguant, il le sera en gentil et en méchant. Il a cette présence entourée de cristal, cette classe naturelle, cette distinction. Il m’a fait pensé à Delon époque Rocco.
Nassim appartient naturellement à deux mondes qui inévitablement se télescoperont. Lui est à sa place avec ses copains du lycée parisien où il est scolarisé et à sa place, aussi, à contrecoeur d’abord, avec ses copains du foyer de banlieue où il est placé. Il les rejette puis les adopte. Il est rejeté puis adopté. On sait que ces amitiés là sont fortes. A la vie, à la mort. Nassim est riche des deux milieux. Il a l’intelligence de finir par accepter et comprendre ces jeunes à fleur de peau, enfants bercés, façonnés par le malheur, dévastés, irréparables complètement. Comme lui. Très émouvants, tous. Jose incapable de supporter l’absence de sa mère adorée, Brahim, rieur, à l’esprit vif, négociateur dans l’âme et sa carapace, ses « bouées de sauvetage » contre les dangers de la vie qui l’ont déjà tellement atteint, la belle Mina qui anticipe les abus, les orchestre pour ne plus les subir, Kevin, le gros dur, amadoué  par un « subterfuge », Zawady la bosseuse dont l’échec nous démolit avec elle. Et tous les autres.
Chad Chenouga nous montre exactement leur tendresse et leur besoin d’amour, leurs jeunes cœurs battants sous les plaies profondes.
Madame Cousin, la directrice du foyer (Yolande Moreau, très convaincante) est dépassée mais debout, là avec eux. Ils peuvent compter sur elle. Un trésor. Elle colmate des brèches, fait ce qu’elle peut pour leur faire garder espoir sans mentir jamais sur leurs réalités à chacun. Elle doit appliquer des règles, remplir des dossiers. Son proche départ à la retraite nous inquiète pour eux et aussi pour elle.

Une question que je poserais à Chad Chenouga si le débat avait lieu le lendemain matin (ce qui, pour moi, serait idéal) : est-ce toujours la même photo dans le cadre ? Au fur et à mesure que Nassim avance dans son deuil, on voit le sourire de sa mère se transformer, se défaire et finir par disparaître. Privée de ses excuses pour mieux être pardonnée.

Marie-Noël

De toutes mes Forces- Chad Chenouga

3 prix au Festival de Valenciennes 2017

Du 29 juin au 4 juillet

En Présence du réalisateur Chad Chenouga

 Film français (mai 2017, 1h38) de Chad Chenouga avec Khaled Alouach, Yolande Moreau et Laurent Xu

Distributeur : Ad Vitam

 

Synopsis : Nassim est en première dans un grand lycée parisien et semble aussi insouciant que ses copains. Personne ne se doute qu’en réalité, il vient de perdre sa mère et rentre chaque soir dans un foyer. Malgré la bienveillance de la directrice, il refuse d’être assimilé aux jeunes de ce centre. Tel un funambule, Nassim navigue entre ses deux vies, qui ne doivent à aucun prix se rencontrer…

« Deux choses en préalable ».

-Merci à Françoise pour la présentation de Chad Chenouga, de nous avoir signalé 17 rue bleue, le premier film de Chad Chenouga novembre 2001. Comme nous avons aimé « De toutes mes forces » on cherchera à mieux connaître ce réalisateur en se procurant ce film coûte que coûte.

-Et puis, Chad Chenouga débattant sur son film a assuré la réussite de la clotûre de notre saison des Cramés de la Bobine, le public a été conquis par son authenticité, sa sympathie, la qualité de ses réponses à nos questions. Il y a des moments comme ça !

Maintenant, un mot sur le film, ou plutôt sur ce que j’en ai noté.

Nassim est orphelin, ce n’est pas un thème rare, cinétrafic en dénombre 186, des misérables en passant par Tarzan… et je me souviens de               « l’incompris » de Luigi Comencini, cet enfant auquel son père déniait tout chagrin. Ici, l’orphelin c’est Nassim (Khaled Alouach) dont la mère est morte d’une overdose. Il l’a vue gisante, couchée face contre sol, morte. C’est lui qui allait chercher ses médicaments psychotropes à la pharmacie. Il ne peut pas s’autoriser à exprimer ouvertement son chagrin, il lui faudrait alors parler d’elle aux autres, vous imaginez ? On se souvient fugacement de « Fais de beaux rêves » de Marco Bellocchio, la mort par suicide de la mère provoque chez Massimo un sentiment d’abandon, de culpabilité, de honte. Egale douleur pour Nassim et quant à la honte, c’est aussi celle de ne pas être recueilli par sa tante, de devenir une sorte de paria. Il est alors placé dans un foyer d’accueil. Ainsi commence le parcours de Nassim responsable de son présent et de son avenir. Le décor est planté, comment Nassim va-t-il s’y prendre ?

Parmi ce que Chad Chenouga nous donne à voir, j’ai remarqué la manière dont le jeune adolescent met rapidement en place des stratégies d’isolation de ses différentes situations de vie. Il y a son monde psychique marqué par son amour pour sa mère et de son deuil ; il y a aussi le monde du lycée qui représente l’idéal social de Nassim ; et enfin le monde du foyer d’accueil pour orphelin qui représente sa vie quotidienne et un stigmate. Trois entités, trois mondes qui de son point de vue, ne sont pas conciliables, ne doivent pas correspondre, ce serait dangereux. Cela exige habileté et subterfuges (voir la scène sur subterfuge)

Lorsque par inadvertance, ces mondes se recoupent, tout se dérègle pour Nassim, voici quelques illustrations parmi bien d’autres :

-Accepter de dormir chez les parents de sa petite amie au lieu de rentrer au foyer, transforme le carosse en citrouille, aboutit à des mesures de rétorsion de la directrice du foyer. (Sorties, téléphones, etc.)

-Offrir à sa petite amie les boucles d’oreilles de maman, induisent l’inhibition sexuelle de Nassim.

-Laisser un livre tamponné par le foyer chez sa petite amie aboutit à ce qu’elle découvre le « pot aux roses » et que leur relation en soit brisée.

Tout conforte donc Nassim dans son « système » protecteur d’évitement, de cloisonnement et de contrôle, où le souci de paraître prime. Cet exercice exige de l’habileté, du style. Et à propos de style, regardons Nassim, les vêtements de Nassim, il porte de belles chemises, ce n’est pas si fréquent à son âge en 2017. Il porte aussi un remarquable foulard bleu . (Notons en passant un très beau plan de Nassim sur fond bleu). La « vêture » de Nassim (comme on dit au Foyer) ne ressemble qu’à lui-même, elle est subtilement hors des codes vestimentaires des milieux qu’il fréquente. Il est élégant. Au demeurant, c’est un garçon comme les autres, bien de son âge, à l’aise avec ses nombreux potes et les filles.

Les personnages clés qui jalonnent sa vie sont principalement des femmes. Sa mère (petit rôle essentiel et  impeccable de Zineb Trici, pâle, maladive) ; Sa (trop curieuse) petite amie ;  Madame Cousin, la patiente Directrice à la tendresse rentrée, (Yolande Moreau) ;  la déterminée  Zawadi (Jisca Kalvanda, vous vous souvenez de « Divines » ?) ; ou encore  Mina pour son « don de soi », cette jeune fille « ensinte » qui n’est pas sans rappeler le personnage d’ Elodie Bouchez dans « la faute à Voltaire » d’Abdellatif Kechiche.

Singulièrement, en même temps qu’il nous livre le monde compartimenté et douloureux de Nassim, Chad Chenouga montre aussi la possibilité d’un monde ouvert et sa patte de réalisateur  nous fait sentir la tension, la volonté de « devenir » de Nassim. En ce sens, « De toutes mes forces » est un titre parfait.

Autres remarques : 

Chad Chenouga nous a expliqué comment il a fait travailler ses acteurs…au bout c’est une réussite. Bien sûr, nous sommes nombreux à aimer Yolande Moreau, ici elle est une directrice de foyer lucide et clémente, la femme qu’elle représente derrière sa fonction demeure sensible, empathique. Quant aux jeunes, nous leur souhaitons un bel avenir. Pour ma part, je suivrai plus particulièrement Khaled qui commence sa carrière avec ce rôle en or et qui promet, et Jisca cette jeune actrice énergique, débordante de vie et de spontanéité,   j’anticipe bien ce qu’ils nous réservent.

J’ajouterai que cette histoire, trois fois celle de Chad, puisqu’il l’a vécue, écrite et tournée nous apparaît sincère et émouvante. Et je suis d’accord avec Eliane pour noter ce que ce film doit à son cadrage, à ses plans qui parfois se resserrent sur Nassim marquant son enfermement, et à son montage rigoureux et rythmé.

Encore merci Monsieur Chad Chenouga,  et à bientôt pour  votre prochain film.