« De toutes mes forces » de Chad Chenouga (2)

3 prix au Festival de Valenciennes2017
Du 29 juin au 4 juillet
En Présence du réalisateur Chad Chenouga
Film français (mai 2017, 1h38) de Chad Chenouga avec Khaled Alouach, Yolande Moreau et Laurent Xu 
Distributeur : Ad Vitam

Beau film d’un beau réalisateur … Acteur aussi . Son visage nous est connu et sa présence hier soir était comme naturelle, évidente. Il était avec nous, dégageant une bienveillance souriante, tout au bord du rire.
Bel homme lumineux, joyeux.
Son film nous le fait connaître davantage à travers tous ces jeunes gens et jeunes filles qu’il nous présente au naturel, dépourvus d’artifices. On mesure précisément la différence entre les favorisés et les très défavorisés. Sans être amenés à les juger pour autant.
Une belle galerie de portraits.
Nassim alias  « Beau gosse »,  enferme son malheur au plus profond de ses tripes et quand, enfin, il crie en respirant la veste en poils de sa mère défunte (la belle Zined Triki), on soupire, il revient. De loin.
Probable qu’on reverra Khaled Alouach dans d’autres rôles. Il a le physique, la voix et le regard pour jouer tous les rôles de « jeune premier ».  Subjuguant, il le sera en gentil et en méchant. Il a cette présence entourée de cristal, cette classe naturelle, cette distinction. Il m’a fait pensé à Delon époque Rocco.
Nassim appartient naturellement à deux mondes qui inévitablement se télescoperont. Lui est à sa place avec ses copains du lycée parisien où il est scolarisé et à sa place, aussi, à contrecoeur d’abord, avec ses copains du foyer de banlieue où il est placé. Il les rejette puis les adopte. Il est rejeté puis adopté. On sait que ces amitiés là sont fortes. A la vie, à la mort. Nassim est riche des deux milieux. Il a l’intelligence de finir par accepter et comprendre ces jeunes à fleur de peau, enfants bercés, façonnés par le malheur, dévastés, irréparables complètement. Comme lui. Très émouvants, tous. Jose incapable de supporter l’absence de sa mère adorée, Brahim, rieur, à l’esprit vif, négociateur dans l’âme et sa carapace, ses « bouées de sauvetage » contre les dangers de la vie qui l’ont déjà tellement atteint, la belle Mina qui anticipe les abus, les orchestre pour ne plus les subir, Kevin, le gros dur, amadoué  par un « subterfuge », Zawady la bosseuse dont l’échec nous démolit avec elle. Et tous les autres.
Chad Chenouga nous montre exactement leur tendresse et leur besoin d’amour, leurs jeunes cœurs battants sous les plaies profondes.
Madame Cousin, la directrice du foyer (Yolande Moreau, très convaincante) est dépassée mais debout, là avec eux. Ils peuvent compter sur elle. Un trésor. Elle colmate des brèches, fait ce qu’elle peut pour leur faire garder espoir sans mentir jamais sur leurs réalités à chacun. Elle doit appliquer des règles, remplir des dossiers. Son proche départ à la retraite nous inquiète pour eux et aussi pour elle.

Une question que je poserais à Chad Chenouga si le débat avait lieu le lendemain matin (ce qui, pour moi, serait idéal) : est-ce toujours la même photo dans le cadre ? Au fur et à mesure que Nassim avance dans son deuil, on voit le sourire de sa mère se transformer, se défaire et finir par disparaître. Privée de ses excuses pour mieux être pardonnée.

Marie-Noël

Laisser un commentaire