Le ciné de Marie

Marie a déjà publié dans le blog, dans la rubrique cinéma d’ailleurs, ici de brefs articles sur quelques films qu’elle a vu au ciné « les 400 coups » . Peut-être seront-ils proposés sur nos étranges lucarnes…Et donc je vous livre ses commentaires (l’administrateur)

NOTRE-DAME DU NIL de Atiq Rahimi

Le 3 février. Cette fois, c’est une exhortation avant sortie de film que je vous transmets : à partir du 05/02, Notre-dame du Nil se donnera aux «  400 coups », réalisé à partir du roman de Scolastique Mukasonga sur les prémices  du drame rwandais. Il s’inscrit dans une suite de récits qui sont autant d’hommages vibrants de S. Mukasonga à ses parents, tous disparus lors des massacres. Notons : Inyenzi ou les cafards ; La femme aux pieds nus ; L’Ignifou. L’écriture fluide et sincère de S.M. nous aide à mieux comprendre ce terrible drame. 

Samedi 8 février : je sors de la salle avec l’émotion dans la gorge. Le film est très fidèle au roman mais les événements étant concentrés sur 1h45 au lieu de 240 pages, on est plus facilement submergé par les sentiments.

Les interprètes sont magnifiques ; la voix off a quelque chose de magnétique.

L’ADIEU de Lulu Wang

La dernière image disparue, il m’a fallu quelque temps et des échanges avec mon accompagnatrice pour goûter toute la saveur de ce film car je m’attendais à un tout autre propos. Le dénouement, à l’opposé de ce que laisse supposer le titre, inattendu et surprenant, lui confère une véritable dimension humoristique.

Le fil rouge en est une question : « Faut-il annoncer à la grand-mère qu’elle est en phase terminale ? » C’est alors que cette famille chinoise, éparpillée de par le monde (USA et Japon) se rassemble autour de l’aïeule au prétexte du mariage d’un cousin. Tous se rallient à la coutume chinoise de ne rien dire, sauf Billi, la petite-fille empreinte de culture américaine…

Rassemblement familial, manifestations de tendresse et d’égards pour Naï- Naï, retour aux traditions, tout cela n’aurait pas lieu sans l’échéance annoncée, tout en nous offrant une plongée dans des traditions chinoises bien différentes des nôtres.

THE LIGHTHOUSE de Robert Eggers

Á ne pas manquer, sauf pour les âmes trop tendres et les amateurs d’eau de rose !

C’est un film d’exception, d’une rare intensité dramatique. Toutefois, il captive autant par ce qu’il relate que par la place exceptionnelle donnée aux images.

Le format carré en resserrant le cadrage, le noir et blanc confèrent toute l’intimité nécessaire à ce huis-clos. Sue le généreux dégradé de gris alternent l’ombre te la lumière, au gré du mouvement de la lanterne, creusant les traits des visages, nourrissant l’inquiétude voir l’effroi induit par certaines scènes.

Deux visages pour deux personnages qui s’épient, se mesurent, se défient, s’affrontent et se déchirent, oubliés en pleine mer, attendant la relève qui ne viendra pas.

Le gardien de phare en titre s’est arrogé le rôle de possesseur exclusif de « la lumière » traitant en esclave le novice qui le seconde auquel il interdit tout accès à la lanterne. Dans cet isolement des plus hostiles chacun, pour échapper à ses démons, s’adonne à son phantasme : la lanterne pour l’un, le charme de la sirène pour l’autre.

Entre beuveries, confidences, bagarres, rapprochements, ce temps hors du monde laisse émerger délire, folie, violence jusqu’à l’ultime paroxysme car, le charme de la sirène rompu, ce sera, entre les deux hommes, la lutte sans merci pour « la lumière » … et le mythe de Prométhée n’est pas loin, se révélant pleinement dans la dernière image.

Á COUTEAUX TIRES de Rian Johnson

C’est distrayant au possible ! La critique de la haute société anglaise se fond dans une énigme policière digne des meilleures d’Agatha Christie. Le rythme est effréné, les fausses pistes nombreuses, les personnages hauts en couleur, les traquenards complexes et insoupçonnables. Ici, pas de Hercule Poirot mais un Benoît Blanc pour démêler les subterfuges et faire triompher les bons sentiments. On rit beaucoup car rien n’est bien tragique dans cet imbroglio où l’humour l’emporte.

HORS NORMES de Eric Tolédano et Olivier Nakache

Poignant, émouvant, captivant, magnifique ! 

Aucun misérabilisme, aucune sensiblerie dans ce film au ton juste pour traiter des jeunes autistes, enfermés dans un monde auquel nul n’a accès. Le film met en évidence combien, devant ces cas hors normes, les familles, les structures sont démunies. Ce sont des êtres hors normes aussi qui essaient d’apporter des solutions. Vincent Cassel et Reda Kaleb leur donnent vie avec brio, au travers de dialogues puissants, parfois « coup de poing ».

Á voir !

UNE VIE CACHEE de Terrence Malick

Après l’Anschluss, un paysan autrichien, fervent catholique, refuse de prêter serment au IIIème Reich et restera fidèle à sa conscience jusqu’à la mort. Emprisonné, il subit la cruauté de ses geôliers ; au village, son épouse subit celle des autres villageois mais chacun d’eux se réconforte dans l’amour de l’autre ; chacun puisant dans sa foi le courage de résister en dépit du doute qu’engendre le mutisme divin.

Ce film, bouleversant et magnifique, d’une superbe esthétique (soutenue par une superbe musique) oppose la poésie et la beauté de la nature à l’horreur de la haine humaine, tout en posant des questions graves et fondamentales. La fidélité à la conscience est-elle justifiée quand naît la certitude que les événements n’en seront pas changés ? Sauver sa peau justifie-t-il de se renier ? Orgueil ou héroïsme ?

Peut-être peut-on trouver une réponse dans l’ineffable regard de Frantz.

Ciné d’ailleurs, vu par Marie

LA DOULEUR

Mélanie Thierry livre une remarquable interprétation de l’incarnation de la douleur qu’est cette femme (Marguerite Duras) attendant le retour de son mari arrêté par le Gestapo.

Douleur de l’attente dans l’interrogation de revoir l’homme qu’elle aime ; douleur d’imaginer ses souffrances ou sa mort. Douleur devant l’ambiguïté de ses sentiments alors qu’elle se donne à un autre homme ; qu’elle en séduit un autre qu’elle utilise.

C’est la douleur qui lui permet d’exister durant ces longs mois d’attente. Mais la plus poignante douleur n’est-elle pas celle qui la submerge en découvrant que celui qui revient n’est plus celui qu’elle a tant attendu ?

 

STRONGER

Victime de l’attentat du marathon de Boston, Jeffrey est amputé des deux jambes, traité en héros par la foule qui l’ovationne. Ce que ne perçoit pas cette foule, c’est le regard empreint d’un insondable désespoir de ce héros bien malgré lui.

On se prend à exécrer la mère, alcoolique, tellement fière d’être la mère de ce héros, qu’elle reste indifférente aux réels besoins de ce fils sévèrement handicapé au point de se transformer en manager des relations publiques plutôt qu’être à l’écoute de la souffrance de Jeffrey.

Il n’y en a qu’une pour lui apporter l’aide véritable qui lui permet de gagner le combat : Erin, sa compagne, pleinement consciente qu’un « héros » mutilé est avant tout un homme à reconstruire.

Très beau film où l’interprète de Jeffrey (Jake Gyllenhall) est bouleversant d’humanité.

3 BILLBOARDS

Un film dur, le personnage principal en est une femme obsédée par la volonté que soit retrouvé l’assassin de sa fille. Parmi ceux qui l’entourent, deux policiers, de personnalité très différente, alimentent l’intrigue.

Le film ouvre la réflexion sur le désir de vengeance, ses ressorts inavoués, ses aveuglements et ses outrances ; sur son inanité aussi ; sentiment, profondément humain, auquel nous risquons tous d’être confrontés.

Frances McDormand est exceptionnelle de vérité dans ce rôle de femme implacable.

PENTAGON PAPERS

En 1960, aux USA, le poids du pouvoir exécutif sur la liberté de la presse sous forme de thriller haletant et passionnant. S’y ajoute la place accordée aux femmes ! Meryl Streep, qui incarne la présidente du Washington Post, révèle en finesse les doutes, les hésitations que lui imposent son statut de femme dans ce monde éminemment masculin. Les pressions et les tentatives d’influence dont elle est l’objet font douter jusqu’à la fin de sa décision… maintenant ainsi le suspense.

 

 

Ciné d’ailleurs, vu par Marie

LES GARDIENNES

Une banale histoire d’amour pour soutenir le film ; pas d’intrigue compliquée, mais une précision de reportage pour décrire la vie des fermières que la guerre prive des époux et des fils. Absence doublée de l’inquiétude permanente de voir arriver la Maire porteur de la terrible nouvelle. Nous savons tout cela, pourtant l’intérêt ne mollit pas durant les deux heures trentedu film. De la lenteur, des silences (peu de musique de fond) ; calqués sur les attitudes de ces ruraux courageux, sans artifices. Une qualité d’image exceptionnelle qui nous emmène dans des scènes que Millet pourrait envier.

Nathalie Baye est presque méconnaissable mais excellente dans ce rôle de fermière et de matriarche attentive à la défense (jusqu’à l’injustice) des siens et de son exploitation.

 

LES CONQUERANTES

On apprend avec surprise que les femmes suisses ne votaient pas encore jusqu’à la moitié du XXème siècle. Le film est à ce titre autant un documentaire qu’une fiction.

La conquête du droit au vote est d’autant plus aventureux dans le milieu rural où se déroule le film. Aucun féminisme exacerbé pour autant ; beaucoup d’humour pour traiter de la volonté d’une poignée de femmes décidées à gagner l’égalité tout en gardant, voire en épanouissant leur féminité. L’héroïne est touchante dans sa détermination non dénuée de naïveté ; de sensibilité et de fidélité à son mari. C’est aussi pour lui qu’elle se bat…

 

12 JOURS

Á apprécier et à méditer, la citation de Nietzsche en exergue du film.

Un patient interné sous contrainte en H.P. dit au juge des libertés : « Á quoi vous servez ? » Réponse du juge : « Á rien ! »

En effet, ce film documentaire souligne à la perfection l’inanité d’une procédure où les jeux sont faits d’avance, où la parole du patient n’a aucun poids (certains, il est vrai, sont totalement dénués de raison.) La procédure n’aurait-elle pour seul but de donner bonne conscience à l’administration ? Je suis tentée de le croire, mais peut-être n’ai-je pas tout compris.

 

Ciné d’ailleurs, vu par Marie

   Ciné les 400 coups, Angers

CARRE 35

Bouleversant ! Aucune fiction, aucun artifice, beaucoup d’authenticité et d’honnêteté Eric Caravaca, comédien, se mue ici en journaliste d’investigation pour retrouver la mémoire d’une petite sœur jamais connue.  Il aborde avec courage le déni et le mensonge, sans jamais juger, avec une attitude de neutralité presque scientifique. Sans complaisance mais avec bienveillance dans ses entretiens avec ses proches (mère, père, frère, cousin…) Comment ne pas être ému au plus profond par cette mère dont le chagrin est si insupportable que la fuite dans le déni reste la seule échappatoire.Le film est merveilleusement réalisé, incluant des documents filmés, parfois difficiles à regarder ; mais E. Caravaca ne cherche pas l’angélisme : il cherche la vérité.

AU REVOIR, LÁ-HAUT

Excellent ! L’adaptation de Dupontel reprend fidèlement les principaux éléments du roman de Pierre Lemaître (Goncourt 2015), mais dans un dosage différent. La psychologie des deux rescapés des tranchées est parfaitement restituée, les suites de guerre aussi… Dupontel révèle ici un talent de scénariste à la mesure de son talent de comédien. Pour une fois, je n’ai pas été déçue par la version cinématographique d’un roman.

CORPS ET ÂME

Insolite ! Entre réalisme brutal (scènes d’abattage capables de transformer un carnivore convaincu en inconditionnel végétarien) et onirisme tendre (belles scènes en nature.) Parmi des personnages à la rudesse sans nuance, les deux protagonistes traînent chacun leur infirmité, physique pour l’un, psychologique pour l’autre. En dépit de leur attirance commune, leur rencontre est impossible, sauf en rêve. Rêve identique qui les unit chaque nuit… jusqu’à… Parviendront-ils à passer  de l’autre côté du rêve ? Cette question soutient tout le film, jusqu’à la très belle image de fin : deux mains superposées.

 

 

Les Conquérantes Petra Biondina Volpe

 

On apprend avec surprise que les femmes suisses ne votaient pas encore jusqu’à la moitié du XXème siècle. Le film est à ce titre autant un documentaire qu’une fiction.

La conquête du droit au vote est d’autant plus aventureux dans le milieu rural où se déroule le film. Aucun féminisme exacerbé pour autant ; beaucoup d’humour pour traiter de la volonté d’une poignée de femmes décidées à gagner l’égalité tout en gardant, voire en épanouissant leur féminité. L’héroïne est touchante dans sa détermination non dénuée de naïveté ; de sensibilité et de fidélité à son mari. C’est aussi pour lui qu’elle se bat…