Nominé au Festival de Cannes
Du 24 au 29 novembre 2016
Soirée-débat mardi 29 à 20h30
Présenté par Marie-Annick
Film belge (octobre 2016,1h46) de Luc Dardenne et Jean-Pierre Dardenne avec Adèle Haenel, Olivier Bonnaud, Jérémie Renier et olivier Gourmet
Article de Marie-Noelle
Jenny Davin est, à ce moment là de sa vie, quelqu’un d’extraordinaire, au sens littéral .
Cette jeune médecin généraliste est au début de sa carrière. Elle vient de faire un remplacement de trois mois dans un cabinet après avoir fini brillamment son internat.
Si brillamment que son professeur la fait aussitôt recruter, lui faisant dire par son chef de service qu’elle a été la meilleure interne qu’il n’ait jamais eue. Sa carrière commence. Oui, mais …
Au cours de son remplacement elle a eu comme assistant Julien à peine plus âgé qu’elle et, pour qui, le parcours des études de médecine a été et est toujours très compliqué. Jenny s’est donné pour mission de lui apprendre à poser le bon diagnostic . Rien que ça ! On pense tout d’abord qu’elle est hyperconsciencieuse et pour tout dire, au vu de son jeune âge, un peu prétentieuse. Elle fait ausculter par Julien le malade jusqu’à ce qu’il donne le bon diagnostic. Le sien. Elle ne semble jamais douter . Elle le réprimande fortement quand il n’est pas assez réactif. Elle impose son savoir et son statut. Et lui indique les limites du métier. Ne pas laisser les malades les épuiser pour rester en mesure de les soigner. Elle lui indique clairement les règles théoriques qu’il faut suivre .
Et qu’elle-même est totalement incapable de suivre car on va comprendre que la médecine est pour elle, jusqu’à présent, un sacerdoce. Elle s’est jusque là raisonnée, contenue mais, comme un épisode climatique peut faire sortir une rivière de son lit, l’épisode dramatique qui va suivre va la faire sortir de son cadre. En parvenant toujours à contenir la violence qui est en elle et que certains de ses regards nous laissent entrevoir, elle va donner libre cours à ses émotions, à ses pulsions et se mettre corps et âme au service de cette jeune fille morte pour lui donner un nom et au service de ses patients en s’installant physiquement dans le seul lieu où elle peut vivre pleinement son métier qui est sa seule raison d’être.
Ne plus commettre de faute, faire revenir Julien dans le droit chemin, trouver le coupable de la mort de Félicie non pour le dénoncer mais pour le libérer. Elle se donne des missions et son comportement est mystique dans sa façon d’aborder les événements.
Elle renonce à la facilité de la carrière toute tracée pour s’occuper des démunis et expier la faute qu’elle s’attribue. Tout en vivant sa passion.
La médecine ne serait-elle pas, pour elle, le moyen de fuir dans la vie des autres ? Pour faire taire ses démons ?
Ce personnage de Jenny, excessif et complexe, m’a beaucoup intéressée et j’ai aimé l’interprétation d’Adèle Haenel.
J’ai aussi aimé ce film car il s’attache à montrer le quotidien, la réalité de la vie à Seraing : difficile, souvent misérable, parfois dangereuse, sous un ciel désespérément gris et dans le vacarme des voitures.
Jenny pourra en sortir quand sa mesure personnelle sera comble. Les autres resteront.
Alors, même si les raisons qui les y poussent ne sont pas toujours claires, j’ai envie de croire que des Jenny existent pour aider à porter, même épisodiquement, un peu de la misère du monde.
Marie-Noelle