The Outrun, Nora Fingscheidt

The Outrun nous dévoile le troisième long métrage de la réalisatrice allemande, Nora Fingscheidt, découverte par les Cramés en septembre 2020 avec le film coup de poing Benni,. Cette fois, elle nous transporte en Grande Bretagne, à Londres, mais aussi et surtout au nord-est de la pointe de l’Ecosse, dans les îles Orcades (Orkney Islands), où la population se compterait presque sur les doigts des mains, et où la Nature règne en maître. Solitude assurée, calme insulaire mais pas que…

Rona (Saoirse Ronan, lumineuse de bout en bout), 29 ans, études en biologie presque achevées, va de sévères cuites en cures de désintoxication chez les alcooliques anonymes, et en rechutes, les phases de sobriété ne faisant pas long feu. Rona gâche sa vie, et ce malgré l’amour de son petit ami, Daynin (Paapa Essiedu), qui, las de son addiction à l’alcool et de ses promesses non tenues, finira par la quitter, laissant pour toute explication ce mot d’excuses « Je suis désolé » (‘I’m sorry’) ….

Après une énième soirée alcoolisée qui se solde par une agression, envoyant Rona aux urgences, elle part dans son village d’origine, dans les îles Orcades, où vivent encore sa mère (Saskia Reeves) et son père (Stephen Dillane), tous deux cependant séparés : la mère dans la maison familiale où Rona a passé son enfance ; le père dans une caravane au bord d’une falaise. Ainsi Rona vit un peu chez sa mère, tout en aidant son père avec les moutons qu’il élève, jusqu’au jour où, ne pouvant sans doute plus supporter sa mère et sa foi profonde qui ‘sauvera’ Rona, elle décide de se retirer dans un cottage aux murs roses, isolé au beau milieu de nulle part sur la petite île de Papay.

Ce à quoi nous assistons dans ce film est une fuite en avant, pour courir vers une renaissance, non pas grâce à la foi mais grâce à la Nature, personnage à part entière dans ce film aux accents panthéistes et écologiques. La Nature deviendra d’une certaine façon le nouveau compagnon de Rona, une nature fidèle, qui ne triche pas, et qui ne vous offre aucune illusion, contrairement à l’alcool. Dame Nature est un paradis, un vrai, qu’il faut non seulement protéger et apprendre à connaître, un paradis sans faux semblants comme l’alcool qui donne l’illusion de bien être mais vous détruit lentement. Rona va donc apprendre à écouter la nature, à l’observer, et si ce n’est la dompter – enfant elle croyait que son père pouvait maîtriser le vent  ̶   à se fondre en son sein pour faire corps avec elle.

Le spectateur ne peut qu’admirer la performance de Saoirse Ronan : elle est de tous les plans ou presque, accompagnée mais souvent seule ; elle parvient dans ces moment-là à nous toucher, nous émouvoir au plus profond de nous-même ; elle ressemble alors à une fée gaélique dirigeant le poème symphonique du bruit et de la fureur de la nature, du vent et de la tempête, elle converse avec elle, tout comme le roi Lear; elle commande un bateau imaginaire, en pleine tempête, luttant contre les éléments déchaînés.  Telle une cheffe d’orchestre, elle dirige le vent et les vagues par de grands gestes qui accompagnent cette grandiose symphonie. Elle fait corps avec les éléments : on est là proche du sublime, on ne peut qu’être ébloui par la maestria de l’actrice qui, elle aussi, semble aller au-delà de ses propres limites, dans des extrêmes, relevant ainsi le défi qu’une telle performance impliquait.

Les séquences nous transportent d’un tumulte à un autre, l’un et l’autre n’ayant rien de commun: Londres, les boîtes de nuit et les musiques à tout rompre, les danses endiablées au rythme trépident et enivrant, c’est cette même musique qui, au début, rythme les promenades de Rona sur cette île battue par des vents dont elle n’écoute pas la vraie musique, enfermée comme elle est dans son enfer intérieur. Rona voguera de sons métalliques de synthétiseurs vers le bruit furieux des vagues qui viennent se fendre sur les rochers, le cri des phoques, des oiseaux et d’un en particulier, le roi caille, rare car en voie d’extinction, qu’elle ne verra et n’entendra qu’à la toute fin, symbole d’un apaisement retrouvé, signe de sa communion avec la nature, sa faune, ses paysages, signe de sa rédemption et de sa renaissance enfin.  

Se défaire d’une addiction est un parcours du combattant, une lutte intérieure et extérieure de tous les instants pour ne pas céder à la tentation, ce qui demande une volonté et une force inouïes . L’alcoolique sera toujours sur le fil, prêt à replonger, il faut tenir 90 jours pour gagner une première victoire sur l’alcool, sur soi-même, ce qui est d’autant plus difficile que la tentation guette sans cesse : Rona sait où elle cache des bouteilles : derrière la colonne du lavabo, dans une valise enroulée dans une serviette. Ces scènes nous en rappellent une du film de Billy Wilder, Le Poison (The Lost Weekend 1945) où Ray Milland cherche désespérément la bouteille qu’il a cachée, pour finalement en voir l’ombre au plafond, celle-ci étant cachée en hauteur dans le lustre du salon : un plan sidérant et inoubliable !     

La structure du film symbolise de cheminement chaotique de Rona : la narration est fragmentée, Nora Fingscheidt nous livre un puzzle en forme de ligne brisée qui suit les hauts et les bas du parcours erratique de Rona. De façon assez parallèle, les crises du père bipolaire apparaissent çà et là comme des morceaux de ce puzzle s’inscrivant dans l’Histoire personnelle de Rona: son silence à la question du médecin concernant d’éventuelles maladies mentales dans la famille en dit long… S’ajoutent à cela les observations très précises et cliniques de Rona biologiste, des récits tels des contes et légendes écossais indissociables de la vie sur les Orcades, une carte qui nous permet de situer cet archipel aux quelques 70 îles, résultant des dents fracassées d’un monstre marin qui s’étirent au nord de l’Écosse : un film fort qui nous envoûte.

Inspiré du livre L’écart (titre français qui me paraît bien faible au regard de ce dont il est question), de la journaliste écossaise Amy Liptrot, laquelle s’est isolée dans ces îles pendant deux hivers pour écrire, Nora Fingscheidt a tourné sur les lieux mêmes. On peut donc raisonnablement penser que, lorsque Rona pénétre pour la première fois à pas mesurés et hésitants dans l’eau, seule, la caméra captant la froideur de l’eau en deux gros plans sur la peau de l’actrice hérissée par le froid, ce fut aussi le bain baptême pour la magnifique Saoirse Ronan elle-même. La belle ivresse, la vraie, est alors celle grâce à laquelle ces paysages, tantôt paisibles, tantôt déchaînés, grisent tout notre soûl.

Chantal

MICHEL BLANC: la mort sur un malentendu

« Qu’est-ce que tu nous fais, Michel? » s’est écrié ton pote Jugnot. Il nous a ôté les mots de la bouche car c’est vrai qu’on a eu du mal à réaliser et on a cru, Jean-Claude, que c’était encore une de vos Splendid blagues.

Qu’est-ce qu’elle a foutu La Mort, elle s’est trompée de client, il y a eu « un malentendu », c’est pas possible autrement !  A moins qu’elle se soit présentée sous les traits d’une jolie roumaine et vous ait trouvé très beau : aviez-vous mis votre Tenue de Soirée ce jour-là ? Certainement! Avez-vous cru que là-bas vous alliez bronzer et peut-être même faire du ski ? Non, M. Blanc, on est dans le noir tout le temps là-bas, comme seul sur un télésiège la nuit, on a froid malgré une combinaison jaune canari et on ne peut plus chanter. On ne peut que Marcher à l’ombre, et si on ne maîtrise pas La Meilleure Façon de marcher, on attrape « des entorses qui s’infectent ». Vous avez été victime d’une arnaque suite à une Grosse fatigue ou à une Mauvaise Passe que vous n’avez pas pu gérer, il ne peut en être autrement. On vous a menti et vous, vous avez cru au PèreNoël ! et pourtant Gérard vous l’avait bien dit : Le Père Noël est  une ordure ! C’est pour ça que là, vous les avez lâchés vos Splendid compères. Tout comme il vous avait dit, Gérard, que le télésiège allait bientôt fermer : comment avez-vous pu être naïf à ce point ? Pourquoi ne pas l’avoir écouté ?

Cependant, en prenant de l’âge, vous avez senti qu’on commençait à vous prendre au sérieux : même si, toujours loser car manipulé et naïf, ce Monsieur Hire vous a tout de même ouvert une porte sur L’exercice de l’État. Plus tard Les Témoins vous ont vus aller chez une copine qui n’était pas la vôtre… Tout de même Monsieur le juge, reconnaissez que Marie-Line vous a permis de renouer avec un amour de jeunesse, un vrai : on ne peut pas vous reprocher d’avoir embrassé qui vous vouliez.

Enfin tout ça pour dire que vous nous avez fait éprouver beaucoup d’émotions : le rire, la compassion, les larmes aussi, en nous montrant ce dont vous étiez capable,  toutes les facettes de ces personnages que vous avez su incarner en vous dépouillant du costume étriqué de Jean-Claude Dusse, (dont certains vous croyaient vêtu à jamais) pour en endosser d’autres bien plus mystérieux et insaisissables, troublants et émouvants.

Au milieu de toutes vos Petites Victoires  on va tout de même vous faire un reproche : celui d’avoir conclu trop vite malgré le malentendu évident dont vous avez été une fois de plus victime, alors que le chemin aurait dû être encore long : M. Blanc, on vous en veut de nous avoir fait fausse route malgré vos satanées « entorses infectées » mais sans doute grâce aux « comprimés contre les renards. »

Chantal

TATAMI, Guy NATTIV & Zar Amir EBRAHIMI

Quand un réalisateur israélien et une actrice iranienne décident de s’unir pour réaliser un film ensemble ça donne Tatami, film magistral et courageux d’un bout à l’autre. Choisissant délibérément le noir et blanc assorti d’un format carré, ce film nous bouleverse par son énergie dans la façon de filmer, l’énergie de la jusqu’au-boutiste Leïla (Arienne Mandi) en passant par les hésitations et revirements de Maryam (Zar Amir Ebrahimi), coach de Leïla, énergique elle aussi puisque son admiration pour cette dernière lui permettra aussi de se libérer elle-même.

Dans un pays où la femme est privée d’une liberté qui nous parait minimale, à savoir découvrir sa chevelure et désobéir à un homme, qu’il soit père, frère, époux, quand ce n’est pas le guide suprême en personne, ce film nous montre par le biais d’un sport, le judo, que la vie d’une femme iranienne est un combat de tous les instants, que les décisions qu’elle prend malgré les interdictions et les menaces, font d’elle une femme d’exception, une héroïne, une vraie ! L’interdiction ici, en plus de l’obligation pour une femme d’être voilée, est celui de combattre contre un ennemi juré : une athlète israélienne.         

Le choix du noir et blanc donne au film une note particulière d’expressionnisme : les athlètes filmées dans des sous-sols glauques, des vestiaires sinistres, des couloirs et des escaliers qui n’en finissent pas, tous ces plans d’enfermement, ces espaces labyrinthiques où on étouffe et est à l’étroit, d’où on ne peut s’échapper si ce n’est par un long couloir qui mène à la lumière, au ring de boxe que devient le tatami sur lequel Leïla se bat sans relâche, avec courage et détermination, dans un espace inondé de lumière. En parallèle aux séquences de combat, on se retrouve dans l’appartement de Leïla où toute sa famille suit avec un enthousiasme grandissant les exploits de cette dernière qui est là pour remporter une médaille d’or, elle qui veut être la fierté de sa famille et de son pays. Cette famille qui la soutient sans discuter, son mari, Nader (Ash Goldeh), époux moderne qui laisse partir sa femme, ne lui mettant aucune entrave et la poussant dans ses choix ; Leïla met-elle en danger son mari et son fils ?  Il s’enfuit avec le petit garçon, sans le moindre reproche à sa femme, une femme forte qu’il aime, admire et respecte.  

Autour du tatami, le public se devine par ses cris, de même le journaliste sportif qui commente les actions des athlètes est quasi invisible. Seuls les responsables de l’organisation de cette coupe du monde le sont un peu plus notamment Stacy puis les agents de sécurité, mais on remarque surtout les plans en plongée, de l’étage où sont regroupés les officiels du régime, ceux qui téléphonent sans cesse à Maryam pour qu’elle obtienne l’abandon de Leïla ; ceux qui utilisent le chantage pour faire plier Leïla en lui envoyant une vidéo de son père déjà arrêté par la police. Toutes les intimidations viennent de ces hommes et de leur regard de haut, écrasant les héroïnes sous le poids de la culpabilité, des sonneries incessantes des portables de Maryam et Leïla, la peur et l’angoisse se lisant sur le visage de la première, la peur mais aussi la rage et la détermination plus fortes que tout sur le visage de la seconde. Les deux femmes ont une trajectoire parallèle : la première, Maryam, des années plus tôt, n’a pas su ou pu résister aux injonctions des hommes puissants qui l’ont forcée à mentir sur une soi-disant blessure pour qu’elle renonce à affronter l’ennemi juré ; Maryam par le biais des pressions faites sur Leïla, revit cet épisode peu glorieux de sa vie d’athlète, et ressent sans doute une forme de honte pour elle-même mêlée à son admiration d’autant plus forte pour Leïla faisant un chemin inverse fait de résistance et de désobéissance, Leïla qui n’en démord pas, qui ne renoncera pas quel que soit le prix à payer, malgré les menaces, ou le chantage. Leïla dit NON.

La scène finale où le piège est sur le point de se refermer sur Maryam qui, dans une réaction de survie et de courage insuflé par Leïla, échappe dans une course effrénée à ceux qui veulent lui faire payer son incapacité à faire fléchir celle qu’elle entraîne, est un moment haletant qui m’a rappelé Rudolph Noureev et sa course dans l’aéroport du Bourget en juin 1961 pour échapper à la surveillance des hommes du KGB chargés de le faire monter dans un avion pour le ramener en URSS après une tournée en France.

Maryam se retrouve à bout de souffle dans les bureaux du comité d’organisation du championnat auprès de Stacy et Jean Claire où Leïla a elle aussi déjà trouvé refuge.

Les visages expriment à eux seuls la lutte, la tension, la résistance, la douleur. Leïla arrache le voile qui l’étouffe littéralement lors du combat ; Maryam retouche toujours son voile, s’assurant qu’aucune mèche ne dépasse mais montrant peut-être aussi à quel point il est encombrant, et surtout emprisonnant ; ce voile est une chaîne dont elle finira par se débarrasser.

On ressort admiratifs et émus de ce film haletant à la portée politique incontestable, résonnant fortement dans le contexte politique mondial qui est le nôtre aujourd’hui.   

Chantal

Le Journal de Dominique, Prades 2024

Chers Amis Cramés de la Bobine,

Le Journal de Dominique, un jour à Prades (4)

Mercredi 19 juillet

9h. Télé Gaucho

(2012. « Tout a commencé lorsque les caméscopes ont remplacé les caméras. Faire de la télé devenait alors à la portée de tous. Jean-Lou, Yasmina, Victor, Clara, Adonis et les autres ne voulaient pas seulement créer leur propre chaîne de télé, ils voulaient surtout faire la révolution. Ainsi naquit Télé Gaucho, aussi anarchiste et provocatrice que les grandes chaînes étaient jugées conformistes et réactionnaires[1]… »)

… parcours initiatique d’un jeune homme  (Félix Moati, choisi par casting) pas encore fini.

Inspiré par l’expérience de Michel Leclerc à Télé Bocal[2], dans les années 1990, avant internet. Montrer sa fabrication.

Film de troupe, sur un groupe. Difficulté : filmer le bordel sans  être bordélique.

Je ne regarde que le début, dit Michel Leclerc à une dame devant nous qui le voit s’asseoir par terre le long du mur et se pousse pour lui laisser une place. Il restera jusqu’à la fin : difficile de décrocher de cette histoire et de ses acteurs inspirés (mention spéciale à Sara Forestier).

La projection est suivie d’une table ronde animée par Yann Tobin au cours de laquelle on apprend que :

Michel Leclerc est venu au cinéma par la musique et son groupe de rock.

(Cadeau du clip « T’es mon youpin, t’es ma bougnoule » où il se met en scène avec Baya Kasmi -d’origine algérienne- et un groupe d’amis au bord d’une piscine où ces derniers plongent -hommage- façon Busby Berkeley)

Il ne fera plus de films personnels (Sauf si ma femme me plaque) parce que les quinquagénaires sont moins intéressants que les jeunes.

Quand il écrit un scénario, il se trouve enfermé (→ changements sur le tournage) et a tendance à surligner les choses pour le présenter aux producteurs.

Idem au montage  il a du mal à couper mais l’accepte. Il a été monteur pendant des années pour, entre autres, Capital sur M6 et y a beaucoup appris. Le montage = l’art de l’ellipse.

Pour que le spectateur ne s’ennuie pas, il faut jouer avec son attente mais s’il y a manipulation il ne faut pas qu’il ait l’impression de se faire avoir.

Michel Leclerc n’a pas l’esprit militant qui incite à vouloir gagner à tout prix en se foutant du mal que peuvent faire les coups qu’on donne (cf le personnage d’Emmanuelle Béart dans Télé Gaucho).

Il a peur de faire du cinéma macroniste[3].

Il pense qu’on ne peut progresser qu’en se confrontant à des idées opposées aux siennes.

Il a du mal à mesurer l’émotion, avec le sentimentalisme, les violons → met des petites touches d’humour.

Il n’aime pas quand tout va dans le même sens et affectionne les fins heureuses. Ainsi s’en est-il voulu après coup de terminer Télé Gaucho sur une séparation. Dans La Lutte des classes, l’école s’effondre mais, même s’ils s’engueulent, les gens sont réunis.

Il fait des films en autodidacte (n’a pas étudié dans une école de cinéma).

Il a toujours deux projets…

(Actuellement, un sur le féminisme -la parité : si actuellement 31% des films français sont réalisés par des femmes, qu’adviendra-t-il si on arrive à 50/50 : fera-t-il partie des 19% d’hommes éjecté du système ?- et un film historique en costumes dans lequel il organise la rencontre de Cyrano de Bergerac et de Molière)

… en même temps, façon d’avoir plus de chances d’obtenir du boulot l’année suivante.

14h. La première séance de courts métrages en compétition pour le prix Bernard Jubard est suivie, à

17h, de la projection de Foudre

(2023. « Été 1900, dans une vallée du sud de la Suisse. Elisabeth a dix-sept ans et s’apprête à faire ses vœux quand le décès brutal de sa sœur aînée l’oblige à retrouver sa famille et la vie de labeur qu’elle avait quitté cinq ans plus tôt pour entrer au couvent. Elisabeth n’est plus une enfant et les mystères entourant la mort de sa sœur vont la pousser à lutter pour son droit à l’expérience[4] »)

… film suisse de Carmen Jaquier, ennuyeux à périr. Je suis contente d’avoir attribué la note 2 à Tigru, ça me permet de donner à celui-ci la minimale : 1/5.

Le soir, à la télévision : des cons se font photographier dans la Vallée de la Mort près d’un thermomètre affichant 56° qu’ils montrent du doigt en arborant un sourire jusqu’aux oreilles. L’humanité ne mérite pas d’être sauvée.

Jeudi 20 juillet

            9h. Chercheuses d’or 1933

            (« Carol, Polly et Trixie rêvent de faire du music-hall. Elles apprennent que le producteur Barney Hopkins doit monter un show mais elles découvrent avec déception que Barney n’a pas d’argent. Le jeune compositeur Brad Roberts qui aime Polly et qui est beaucoup plus riche que celle-ci ne le croit, investit 15 000 dollars dans le spectacle. Brad, qui a une très jolie voix, refuse pourtant de se produire sur scène[5] ».

« Premier film d’une série de trois ayant pour héroïnes de jeunes artistes de music-hall à la recherche d’un travail, de la fortune et de l’amour durant la dépression[6] »)

… de Mervyn LeRoy, qui vaut surtout (les aventures sentimentales des trois chercheuses d’or sont tirées par les cheveux) pour les numéros musicaux de Busby Berkeley…

(En arrivant à Hollywood, il demanda à un caméraman quel était son secret, La caméra n’a qu’un œil, Je vais être cet œil)

… même si, dans Remember my forgotten man, on peut de nos jours tiquer aux paroles  « Cause ever since the world began, a woman’s got to have a man » et autre « he used to take care of me » chanté par Joan Blondell et repris par Etta Moten, une chanteuse Noire (elle fut Bess dans Porgy and Bess), ce qui, bien qu’aucun Noir ne figure dans le défilé des combattants de la Grande guerre, suggère (c’est mieux que rien) qu’ils participèrent au conflit puisque les mariages mixtes étaient alors interdits.

Suit une table ronde avec Yann Tobin, qu’il illustre avec des extraits de films et au cours de laquelle il évoque précisément la place quasi inexistante des Noirs dans le musical, Fred Astaire, dit-il, dut se battre pour les imposer…

… dans ce qui ne peut être, en 1937, que Slap that bass

 (« Zoom zoom, zoom zoom, The World is in a mess With politics and taxes And people grinding axes There’s no happiness », si ce n’est « When I’m listening to that big bass fiddle »)

…qui se passe dans la rutilante (et donc peu réaliste -le sol est un miroir- mais on s’en fout) salle des machines du paquebot (pas un Blanc parmi les mécaniciens) de Shall we dance.

14h. Deuxième séance de courts métrages.

17h. Rencontre avec Valérie Leroy, talentueuse réalisatrice de cinq courts métrages :

Le Grand bain

(2016. « Mia, trente ans, en instance de divorce, emménage dans un studio au sein d’une résidence HLM. Ancienne championne de natation, elle va se retrouver à donner des cours de natation aux habitants de l’immeuble. Sans piscine[7]… »)

… drôle et loufoque. Développement en long métrage envisagé, Mais il faudrait changer le titre.

Laissez-moi danser (2018. « Mylène, cinquante-cinq ans, est femme de ménage sur un ferry. Ce soir, ses collègues lui ont organisé une fête surprise pour son anniversaire. Mais sur l’enveloppe qu’on lui tend, il y a l’ancien prénom de Mylène, son prénom d’homme, son ancienne vie[8] »)

Belle étoile (2018. « Thu Yen, trente-cinq ans, est venue en France pour se marier mais les choses ne se sont pas passées comme prévu à son arrivée. Sa rencontre avec Marianne, femme de ménage au passé tourmenté, va changer le cours de sa destinée »)

Banc de touche

(2022. « Marjorie est médecin d’une équipe de football. Ce soir, le match est décisif, si l’équipe gagne, c’est la Ligue 1. Sauf que l’entraineur veut faire jouer un joueur blessé. Marjorie doit s’affirmer, entre sa conscience et l’intérêt de l’équipe[9] »)

… qualifié par L’Equipe de « film militant contre le sexisme dans le foot ». Rôle de la médecin confié à Suliane Brahim. Comment fait-on pour travailler avec une actrice de la Comédie Française, On lui écrit tout simplement.

Teen horses

(2019. « Suite à la séparation de ses parents Tania, 14 ans, arrive en cours d’année dans un nouveau collège. Venant de Finlande où elle a grandi, Tania vit cette épreuve comme un véritable déracinement. D’autant qu’en Finlande, elle était dans une équipe très soudée qui pratiquait un sport bien particulier, le hobby horsing ou cheval bâton[10] »)

…  ou, après la natation sans eau, l’équitation sans cheval. Et la boucle est bouclée.

Valérie Leroy : une réalisatrice à suivre.


[1] https://www.senscritique.com/film/tele_gaucho/411831

[2] « Chaîne de télévision associative locale d’Île-de-France, produite par l’association du même nom » (Wikipedia).

[3] N’ayez crainte, ça n’arrivera pas.

[4] https://www.swissfilms.ch/fr/movie/foudre/89D3A47877124A849EA53128CB6E6A98

[5] https://www.cineclubdecaen.com/realisateur/leroy/chercheusesdorde1933.htm

[6] https://vodkaster.telerama.fr/films/chercheuses-d-or/525046

[7] https://www.unifrance.org/film/42564/le-grand-bain

[8] https://www.senscritique.com/film/laissez_moi_danser/29433341

[9] https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=banc+de+touche+valerie+leroy

[10] https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=teen+horses+valerie+leroy

Le disciple de Kirill Serebrennikov

Présenté par Sylvie Braibant 
Film russe (novembre 2016, 1h58) de Kirill Serebrennikov avec Petr Skvortsov, Viktoriya Isakova et Svetlana Bragarnik 
Titre original :Uchenik
Synopsis : Veniamin, un adolescent pris d’une crise mystique, bouleverse sa mère, ses camarades et son lycée tout entier, par ses questions. 
- Les filles peuvent-elles aller en bikini au cours de natation ? 
- Les cours d’éducation sexuelle ont-ils leur place dans un établissement scolaire? 
- La théorie de l’évolution doit-elle être enseignée dans les cours de sciences naturelles ?
Les adultes sont vite dépassés par les certitudes d’un jeune homme qui ne jure que par les Écritures. Seule Elena, son professeur de biologie, tentera de le provoquer sur son propre terrain.

J’ai beaucoup ri pendant « Le disciple », ce film russe qui expose les corps et la parole religieuse, dominés par une croyance dont l’origine est méconnue. Les citations permanentes de la Bible datent le film.

Proférés par un jeune intégriste comme des injonctions,  l’anachronisme péremptoire des versets bibliques semble situer l’action du film dans un temps inconnu de la plupart des personnages. En introduisant le doute en même temps que la toxicité religieuse, la vie sociale se trouve déstabilisée progressivement. A noter le parallèle d’équivalence établie entre la drogue et la religion dès le début. Comme un sortilège malsain qui voudrait réduire la vie à des comportements automatiques. Au nom d’un dieu inconnaissable, c’est la vie même que l’on attaque ! On ne pense plus alors qu’à la malmener sous des prétextes fallacieux. Interdictions et punitions sont prononcées comme des sentences d’un tribunal imaginaire qui tente maladroitement de contrôler le cours de la vie humaine.

D’où la bouffonnerie de certaines scènes où le grotesque le dispute à la bêtise ! Rien ne se prête plus à la parodie de la vie qu’est le cinéma, que la religion qui l’a largement précédé. Les jeunes femmes semblent cependant échapper à cette ambiance de culpabilisation généralisée : scènes de la piscine et du bord de mer, où les corps expriment une sensualité bienfaisante… Sans complexe.

Défense de la connaissance scientifique par une actrice formidablement vivante face à des collègues alourdis, figés dans leurs passés. Antisémitisme latent, puis verbal. Bien avant qu’il ne soit devenu allemand, le mot “pogrom”est d’origine russe.

La vision de ce film est d’autant plus pénible pour certains spectateurs qu’elle leur révèle leur proximité avec la religion.L’effet glaçant de ce film toxique peut sonner comme un avertissement d’actualité …

Il y a trois siècles, Spinoza écrivait : “dieu, asile d’ignorance”.

Michel

Le potager de mon Grand-Père

 DOCUMENTAIRE DU MOIS

Semaine du 7 au 13 décembre 2016 Soirée-débat lundi 12 à 20h30

Présenté par Marie-Noëlle Vilain
Film français (avril 2016, 1h16) de Martin Esposito

« Le réel et son double * »

On est heureux d’avoir choisi cette projection à l’Alticiné…et tout autant ravi de la présentation débat de Marie-Noël qui observe que le Potager de mon grand-père est aussi un film sur le temps et la transmission… Et puis à l’amour des jardins s’ajoute un bel amour filial entre un petit fils et son grand-père. Il flotte au dessus de ce film une belle expression de la dignité humaine, et plus généralement de la dignité du vivant.

Pour le reste, un peu comme pour le scénario du documentaire Mondovino concernant les viticulteurs, il y a ici un médiocre jardinier, faire-valoir du bon. Le premier (Tonton) est un moderne, mais il a la modernité de son âge, une vieille modernité. Il est un peu « activiste », il veut un jardin ordonné, traite ses légumes sans nuance (à la bouillie bordelaise, ce qui est un moindre mal), utilise outre mesure son motoculteur, arrose sans raison, désherbe obsessionnellement. Bref, il a un peu la déraison des gens trop raisonnables et conventionnels, et ça le conduit à bien des déboires. Alors, que le second (Papy), s’appuie sur une expérience ancestrale et il observe. Sa pratique est contraire, il est adepte du non agir, il accorde confiance à son sol et à la nature, paille, combine les plantes, laisse son jardin dans une apparente anarchie. Tonton tente de maitriser, de dominer, un environnement qui l’entoure, Papy fait corps, compose avec un environnement qui le contient.

Mais en même temps, je me demande si ce monde là est bien celui où nous vivons? En effet dans le réel, il y a certes de beaux jardins et des sages jardiniers, et quelquefois de moins sage, mais il y a aussi, chaque année un tonnage constant de pesticides utilisés en France dans les cultures agricoles ou horticoles. Parmi eux, les pesticides organochlorés, modificateurs hormonaux, qui se répandent et qui selon une étude récente, se retrouvent désormais dans le corps des femmes enceintes.

Et dans nos villes et villages qu’en est-il ? Un marqueur, comme ont dit maintenant, un symbole visible de notre rapport à la vie,   c’est l’arbre. La dignité des vieux arbres. Dis moi comment vont les arbres de la ville où tu habites ?

Mutilés, massacrés à la tronçonneuses sur nos places publiques, réduits à l’état de simples et tristes troncs. Ce matin encore, je lisais les titres de l’Eclaireur du Gâtinais du 07.12 « des arbres disparaissent du paysage à Nogent sur Vernisson », Ce ne sont pas les arbres qui disparaissent du paysage, c’est le paysage qui disparait avec eux .

En revanche, à Sainte Geneviève des Bois, le conseil municipal a planté un arbre pour le climat.

Que peut un arbre ? Que peut un jardinier ? N’empêche, le potager de mon grand père est beau et la conscience du jardinier est comme une petite lumière dans la nuit.

Georges

 

* Titre emprunté à l’ouvrage de Clément Rosset

Rétrospective Bertrand Tavernier animée par Thomas Pillard

 

 

  Samedi 3 et dimanche 4 décembre 2016

6 films pour 40 ans de cinéma
Rétrospective Bertrand Tavernier animée par Thomas Pillard Docteur en études cinématographiques et audiovisuelles, chargé d’enseignement à la Sorbonne.

 

Cher(e)s cramé(e)s de la bobine, bonjour,

Qu’avez-vous pensé de cette retrospective?

Tous commentaires bienvenus

A vos claviers!

 

PS : Je vous signale bel et riche article de Michelle Ligneau journaliste à l’Eclaireur du Gâtinais « le tandem Tavernier-Noiret ». (mercredi 17.12, page 18).  

 

 


 

Je veux seulement que vous m’aimiez

Soirée-débat dimanche 20 novembre à 20h30
 

Présenté par Maïté Noël 
Film allemand (vo, 1976,1h50) de Rainer Werner Fassbinder avec Vitus Zeplichal, Elke Aberle et Alexander Allerson 
Titre original : Ich will doch nur, dass ihr mich liebt

 

Article de Maïté

Rainer Werner Fassbinder ou l’ art de la mise en scène des contrastes illustré dans le film.

Commençons par la musique.

Alors que l’histoire racontée est tragique, la musique accompagnant certaines scènes du film est plutôt entraînante, voire guillerette. Dans une scène, on voit par exemple Peter et Erika dans leur salon, discutant une énième fois de leurs soucis financiers et dans le même temps, Dalida chante à la télé: «Ne crains rien, je reviens, car je t’aimerai toujours, t’aimerai toujours, c’est bien toi mon unique amour» C’est une chanson optimiste dont le rythme enjoué contraste avec ce que vit ce couple accablé par ses soucis financiers. Vous aurez sans doute reconnu «muss i denn, muss i denn» chanson populaire allemande du 19è siècle où il est question d’un jeune homme qui doit quitter sa bien-aimée ; il lui jure de l’aimer toujours et de l’épouser à son retour. Cette chanson est encore jouée par la marine allemande lors du départ d’un bateau (sur You tube, on voit dailleurs Dalida chanter sur un bateau au son d’un orchestre genre Bagad de Lann-Bihoué sans les binious!)

Ce contraste ne se trouve pas seulement dans l’accompagnement musical mais aussi dans la mise en scène de certaines séquences.

Une demande en mariage se fait «normalement» dans un lieu romantique,  un parc au clair de lune, au bord d’une rivière etc. Ici, Peter et Erika se promènent dans ce qui semble être une carrière ; le sol est inégal et mouillé et lorsque Erika, tout heureuse à l’idée de se marier, se jette dans les bras de Peter, on voit leurs chaussures s’enfoncer dans le sol glaiseux , scène qui préfigure déjà les soucis financiers dans lesquels ils «s’enfonceront» par la suite. Lorsque par contre, ils se promènent dans un environnement romantique, une serre avec des orchidées et de hautes plantes exotiques, c’est pour se livrer à un calcul au Pfennig près de leurs recettes et de leurs crédits à rembourser.

La scène du petit-déjeuner chez les parents offre aussi ce contraste. La table est mise, sur une belle nappe blanche, on voit de la vaisselle en porcelaine, des œufs à la coque, de la confiture dans des ramequins en verre, des Brötchen. Tout cela est très «gemütlich» et invite à la convivialité, or que voyons nous : la mère, l’air mauvais, mange dans une autre pièce, le père lit son journal, Erika fait les cent pas car, contrairement à ce qu’il avait promis, Peter n’a toujours pas demandé d’argent à son père. Seul Peter s’assied, mais au lieu de manger, il «massacre» son Brötchen à coups de couteau, désespéré ou furieux contre lui-même d’être incapable de quémander de l’argent à son père.

Je termine par un dernier exemple. Cela se situe au tout début du film. On voit Peter qui se réveille dans un lit. La caméra nous montre une petite pièce, puis une fenêtre avec des barreaux. On comprend qu’il se trouve dans une prison. Suspendu devant la fenêtre, se trouve un mobile: ce sont des mains en carton avec un index tendu; en fait des indicateurs de direction à prendre pour la suite d’une visite de monument ou pour trouver la sortie d’un musée; mais nous sommes dans une cellule de prison!

Le mobile se met à bouger de plus en plus vite et les index s’agitent dans toutes les directions à la fois.

Ce mobile qui s’agite préfigure ce qui est démontré dans tout ce film, dans cette société cruelle, les humbles, les gentils, les serviables ne trouvent aucune échappatoire et ne doivent s’attendre à aucune reconnaissance. Par deux fois aussi apparaissent sur l’écran ces mots écrits en lettres majuscules : « Peter avait construit une maison à ses parents mais au bout de deux mois, ils n’éprouvaient déjà plus aucune gratitude à son égard» Nous l’avions bien sûr compris mais par cet écriteau, clin d’oeil aux panneaux explicatifs du cinéma muet, Fassbinder enfonce encore le clou. Même si Peter est profondément aimé par Erika, cela ne suffira pas à le sauver.

Face au matérialisme, au pouvoir de l’argent, l’amour n’est jamais le plus fort.

Cela correspond à la vision pessimiste de la société que l’on retrouve dans tous les films de Fassbinder, même si parfois, tout semble s’arranger, il n’y a jamais de happy end .

Maïté

Mercenaire

Quinzaine des Réalisateurs : prix Label Europa Cinema
Du 10 au 15 novembre 2016
Soirée-débat mardi 15 à 20h30
 

Présenté par Jean-Michel Vilain
Film français (octobre 2016,1h44) de Sacha Wolff avec Toki Pilioko, Iliana Zabeth, Mikaele Tuugahala 
Synopsis : Soane, jeune Wallisien, brave l’autorité de son père pour partir jouer au rugby en métropole.
Livré à lui-même à l’autre bout du monde, son odyssée le conduit à devenir un homme dans un univers qui n’offre pas de réussite sans compromission.