Trois milliards d’un coup, Peter YATES

On connaît assez peu le réalisateur britannique Peter Yates (1929-2011), car même si on a bien en tête le film Bullitt sorti en 1968 avec Steve McQueen, on a sans doute oublié que Peter Yates en fut le réalisateur et ce à la demande de l’acteur lui-même, ce dernier ayant été totalement impressionné par la façon dont Yates filme une course-poursuite dans Robbery, Trois milliards d’un coup (1967).

Robbery retrace ce qui fut à l’époque considéré comme ‘le casse du siècle’, à savoir l’attaque du train postal Glasgow-Londres le 8 août 1963, braquage durant lequel 122 sacs contenant quelques 2,6 millions de Livres Sterling furent volés. Rappelons que, si les braqueurs ont été arrêtés et condamnés, la majeure partie de l’argent volé n’a jamais été retrouvée.

Pour nous accompagner dans la découverte de ce film, Marc Olry, distributeur de Lost Films, nous a éclairés dans les points de vue qui se sont exprimés lors du débat. Soirée très sympathique, que Marc Olry soit remercié.

Revenons à ce film de braquage, thème conventionnel, qui nous plonge dans le Londres des années 60, et le brin de nostalgie dont certains n’ont pas manqué de parler, il faut dire que tout y contribue : voitures anglaises vintage, jaguar, costumes, décor, bande son, nous rappelant ainsi nos jeunes années et nos excursions estivales outre-Manche.

L’entrée en matière est millimétrée et chronométrée, en témoignent les nombreux gros plans sur des objets tels que montres, chronomètres et autres instruments de mesure du temps : le temps est le fil rouge du film, un braquage est chronométré, le moindre retard peut tout faire échouer. En parallèle à ce thème du temps, vient naturellement s’ajouter celui de la ‘vitesse d’exécution’. Ce gros coup a été pensé, organisé, chronométré et finalement accompli sans que le sang soit versé, le chef, Paul Clifton, interprété par Stanley Baker, avait eu cette réplique définitive et sans appel : ‘nous n’avons pas besoin d’armes.’  La mécanique est en marche et Peter Yates nous en montre toutes les étapes: préparation, recrutement, repérages, chacun ayant un poste bien défini.

On pourrait penser que la première scène, celle de l’enlèvement d’un homme d’affaire et surtout de la mallette remplie de billets qu’il porte menottée au poignet, est une sorte de répétition d’un coup à venir, mais qui, lui, sera d’une toute autre envergure. Ce n’est pas tout à fait cela. Mais, en ce début de film inattendu, le réalisateur nous choisit comme complices : il nous embarque à bord de la voiture des malfaiteurs, une jaguar, roulant à toute blinde dans les rues de Londres, pour échapper aux policiers qui les ont repérés, amorçant des virages à droite puis brutalement à gauche sans nous laisser le temps de respirer, nous transpirons, nous nous cramponnons à notre siège, nous avons le vertige : quel exploit ! Et quelle idée nouvelle que de mettre une telle course-poursuite en début de film et non à la fin, comme c’est souvent le cas, la course-poursuite faisant monter notre adrénaline et dans la foulée, étant le prologue du dénouement du film.

Filmer ainsi dans les années 60, me paraît audacieux de la part du réalisateur qui prend le contrepied du film traditionnel de voleurs poursuivis par la police. Tout comme le temps, mesuré à la seconde près, les plans sont très rapprochés et serrés, les cadrages des visages nous font vraiment vivre cette poursuite infernale, qui nous laisse totalement épuisés à force d’avoir contracté notre corps dans ce fauteuil de cinéma. Quelques plans larges cependant, pour montrer des officiers de police dans leur bureau, ou plus tard pendant le vol, les malfaiteurs faisant la chaîne dans la nuit sur un talus en bord de voie ferrée, se jetant les sacs bourrés de billets du train postal jusque dans les coffres de leurs véhicules : travail précis et rapide interrompu par un train qui passe dans l’autre sens. On arrête tout pendant ces quelques minutes, y compris notre souffle.

Peu de psychologie des personnages, ce n’est pas ce qui intéresse le réalisateur. Très peu des scènes intimes, deux tout au plus. Un seul des braqueurs, Robinson, incarné par Frank Finley, qui a été spécialement extrait de la prison et dont l’évasion a elle aussi été bien orchestrée, seul Robinson est un peu le ‘maillon faible’ du groupe : ayant femme et enfant il ne veut pas replonger alors qu’il n’était sans doute pas loin d’avoir purgé sa peine.

Paul Clifton (Stanley Baker), allure élégante et physique charmeur n’est pas sans nous rappeler le Sean Connery de ces mêmes années : sa première apparition à l’écran avec sa femme Kate (Joanna Pettet) montre un gentleman tiré à quatre épingles, démarche assurée, dont le visage ne trahit aucune émotion : Paul est froid, impassible, toujours précis, parole sèche et cassante. Imposant sans qu’il ait besoin de dire un mot, son autorité ne saurait être remise en cause, ce qui est confirmé à deux ou trois reprises. Lui seul parviendra à s’échapper aux Etats-Unis, et ne sera arrêté que très tard, peut-être… comme ce fut le cas dans la réalité pour deux braqueurs.

Bien sûr, un tel film ne va pas sans un policier qui traque les malfrats : George Langdon, interprété par James Booth, a quelque chose du flegme entêté d’un commissaire britannique, jouant au jeu du chat et de la souris avec les malfrats qu’il connaît trop bien. Quant à l’équipe de policiers dans le commissariat, ils sont l’archétype du ‘bobby’ que nous avons vu dans des séries ou films des mêmes années, humour anglais garanti !

Voilà donc un film très moderne dans sa conception, très rythmé, sans temps mort. Des plans qui créent le suspense, de nombreux plans rapprochés qui nous mettent au cœur de l’action et des acteurs que nous connaissons peu de ce côté de la Manche mais qui n’en sont pas moins excellents, il suffit, par exemple, de regarder la filmographie de Stanley Baker pour s’en convaincre ; ou de se dire que le blond nommé Frank, interprété par Barry Foster, nous rappelle quelqu’un : Barry Foster sera cinq ans plus tard l’étrangleur à la cravate dans Frenzy d’Alfred Hitchcock.

Le film de Peter Yates a inspiré, à n’en pas douter, Gérard Oury et son Cerveau, il est cité dans Le Pacha de George Lautner et a également inspiré illustrateurs et romanciers. Un film qui mérite d’être redécouvert.       

Chantal

W.E Italien – Giulia de Ciro de Caro

Le temps a passé depuis le W.E Italien, et tout de même, j’ai aimé « Giulia » ce film touchant et sobre. Je voulais laisser une trace dans le blog.

Gros plan sur son visage joli mais un peu triste, sur sa chevelure intense remontée en ananas et sa robe d’été à bretelles. (Admirablement interprétée par Rosa Palasciano)

 Elle est face à deux personnes pour un entretien d’embauche :

– Chi è Giulia ?

– Sono Io

Elle sort trois curriculum vitæ, tous différents, les deux recruteurs ont un léger mouvement…

– Comment vous voyez-vous dans l’avenir Giulia ?

– Avec une famille, un mari des enfants…

– À quoi rêvez-vous ?

– À la mer…

On devine la suite…

On la voit ensuite faire les poubelles, elle ne cherche pas à manger, non elle y ramasse des jouets d’enfants. On sent qu’elle les trouve précieux et beaux, qu’elle les aime.

Autre plan, elle est chez un jeune type, peut-être contacté par internet,

Ils ont fait l’amour, ils ne se connaissent pas mais au moins, elle a dormi quelque part. Déjà, il change les draps car sa copine doit venir. En partant, elle veut s’emparer du préservatif…

Elle fait des petits boulots, des courses pour une vieille dame et quelques heures d’animation dans une maison de retraite.

Là elle organise une partie de loto avec le jeu qu’elle a trouvé dans la poubelle. Elle chante aussi a cappella « Funiculi funicula »…(une chanson napolitaine à la gloire d’un funiculaire qui bien après fit un flop, car il n’a pas résisté aux coulées de lave). Sergio un jeune homme lui aussi précaire et admiratif de ses talents, lui propose de s’associer. Elle refuse.

Autre plan, elle va retrouver son ancien compagnon :

-Toi et moi, c’est fini lui dit-il, d’ailleurs j’ai rendez-vous chez ma sœur.

-J’y vais avec toi…

-Mais tu n’as jamais aimé ma sœur !

L’ancien compagnon est attablé avec sa sœur, son mari, et d’autres invités, arrive Giulia, elle dit : « J’ai apporté le dessert », elle sort des biscuits industriels sous célophane, récoltés çà et là… L’accueil est froid, réprobateur et gêné.

On ne sait de sa bizarrerie et des événements de sa vie, comment ils se confortent pour aboutir à tant de précarité matérielle et morale. La vie de Giulia est ainsi faite, peu adaptée à la vie sociale en général et très adaptée et même fantaisiste dans les espaces de combats et de survie où elle est confinée.

Son rêve d’une vie comme tout le monde, de mère de famille, ce Graal se heurte à la réalité. Sergio, un type qui lui ressemble éprouve des sentiments pour elle, et sans doute, une histoire aurait pu naître, mais elle se méfie. On ne sait si c’est la peur de perdre ou l’anticipation de la vie future avec ce garçon, une vie faite de mouise et d’échecs, de petits boulots et de petites combines, une fuite sans fin.

Tout le film nous montre les élans de vie et de joie de Giulia, et leurs impasses, toujours…

En final de cette vie entrevue, on la voit de dos, gracieuse, son épaisse chevelure remontée sur le dessus de la tête, comme à son habitude. Elle plonge dans la mer, (la mer!) elle nage, elle nage d’un style gracieux et décidé…la caméra la suit sur la gauche, puis elle se décale pudiquement sur la droite… La plage, la mer calme, il fait beau.

Laissant les spectateurs sur leur fin… 

Georges

De nos jours … de Hong Sang-soo

우리의 하루 (Uliui halu) Notre journée

De nos jours … fonctionne par chapitres alternés et partagés entre une ancienne actrice et un vieux poète.
Et, ce matin, le lien entre les deux histoires m’apparait …
Comme quoi décidément, toujours « d’abord, dormir dessus ».
L’actrice qui ne veut plus jouer, rentrée depuis peu à Séoul et hébergée par une amie, c’est la fille du poète alcoolique qui tente de se sevrer !
Sa fille qu’il ne voit plus depuis qu’il a quitté sa mère. Quand ils ont divorcé, elle a pris son parti à elle et leurs jours communs se sont arrêtés. Un goût pour les siestes prolongées, l’ajout de gochujang dans les ramyun, leur histoire se profile à travers ces vestiges comportementaux d’un passé commun.
Et puis les guitares. C’est fou de ne voir ça que ce matin … La guitare qu’il a envoyé en version mini à sa fille biologique restée une enfant dans son souvenir et la grande guitare à cordes d’acier qu’il offre à la jeune réalisatrice qu’il a choisi comme fille adoptive.
Voir ce lien entre les deux histoires dans ce dernier film de Hong Sang-Soo qui est pour le moins … déconcertant, bizarrement, ça me réconforte.
4 mois après La Romancière, le film et le heureux hasard, le plus prolifique des réalisateurs coréens et peut-être des réalisateurs tout court, nous revient avec De nos jours …, un nouvel objet cinématographique qui ne ressemble qu’à lui.
Même en connaissant bien HSS, on peut trouver les 84 minutes longues. Ce n’est pas grave.

Un gros chat caressé et gavé de friandises pendant 10 minutes, un personnage qui mange des pâtes au piment en s’extasiant devant une caméra (scène d’ouverture). Il ne faut pas ici, et encore moins que « d’habitude » s’attendre à une quelconque scène d’action ou à une recherche de mise en scène : plans fixes et prolongés, zooms avant, recadrages intempestifs, les dialogues en forme de haïku évoquant les choses simples, peuvent paraître déroutants.
HSS nous « balance » au cœur d’une conversation, à la limite de comprendre ce qui se passe … poussant le minimalisme jusqu’à nous fournir avant chaque scène un carton avec un court texte qui renseigne un peu sur les tenants et les aboutissants et nous dit surtout que ce qui va être important ce sont les minutes qui vont suivre, ici et maintenant. Les protagonistes sont filmés en un lieu unique, en intérieur, pour ne pas risquer les rencontres fortuites qui viendraient perturer ces instants en suspens.
Hong Sang-soo ne prend jamais le spectateur par la main … et ne lui laisse pas le loisir de s’échapper. Il faut vouloir se concentrer sur les gestes, les silences, les conversations d’apparence anodine desquelles émane cependant toute la force de l’intrigue.
 » C’est quoi vivre ? demande l’apprenti écrivain au poète.
– Vivre ? Ce que tu cherches, c’est la bonne réponse, non ? Il y a trop de bonnes réponses, il y en a dans chaque livre. Tu en connais d’ailleurs déjà. Pas vrai ?
– Oui.
– Ce sont des mauvaises réponses.
– Toutes ?
– Oui, toutes. C’est pour ça qu’on est tous gauches, immatures et incomplets. On le devient tous à la fin. Mais quand on est en vie, on ne s’en rend pas compte. »

Plutôt un chifoumi que de tenter de répondre à des questions existentielles qui n’ont pas de réponse.

Au final, plutôt manger et boire tant qu’on le peut. Plutôt croquer la vie, savourer l’instant et être conscient de la possible fugacité des choses comme avec la soudaine et tragique disparition de Nous , le chat, qui donne l’occasion à la jeune actrice en devenir de se remémorer un moment disparu, moment unique, avec un autre Nous, chien celui-là, dont le propriétaire lui avait fait perdre la tête et exulter le corps.
Chez HSS, les films se suivent et se ressemblent. Il ne faut pas en vouloir autrement et se mettre en condition, tourner sur « off » le bouton de notre cerveau connecté à l’action, la turbulence, la fuite en avant, et alors le récit en apparence modeste et figé de Hong Sang-soo, qui semble ici se retourner sans soju sur son vécu et se demander ce qui a compté dans sa vie, fera son effet.
La magie des films de Hong Sang-soo, toujours, est dans la trace qu’ils laissent dans notre esprit en y distillant comme au compte-gouttes les détails qui nous avaient d’abord échappés.

Marie-No

Journal de Dominique, À Prades (5)

Vendredi 21 juillet

10 HEURES :

(2023. « Serbie, 1996. Pendant les manifestations étudiantes contre le régime de Miloševic, Stefan, 15 ans, mène dans le feu des événements sa propre révolution : voir dans sa mère une complice du crime et trouver la force de la confronter[1] »)

                      

            … du Serbe Vladimir Perišić. En compétition pour le prix Solveig Anspach.

            Un film fort. Quand, les yeux enfin dessillés, Stefan ramasse des cailloux, on espère que, se joignant à la révolte, il va affronter la police. Mais quand il en remplit son sac à dos, le cœur se serre. Oh mon dieu non, il ne va pas faire ça, il n’est pas tout seul, il a une petite amie qui le cherche et un père à Sarajevo.

Mon seul regret concernant le film : le manque d’ouverture de la fin.

14h. Dernière séance de courts métrages.

17h. Le Ravissement

(2023. « Lydia, sage-femme très investie dans son travail, est en pleine rupture amoureuse. Au même moment, sa meilleure amie, Salomé, lui annonce qu’elle est enceinte et lui demande de suivre sa grossesse. Le jour où Lydia recroise Milos, une conquête d’un soir, alors qu’elle tient le bébé de son amie dans ses bras, elle s’enfonce dans un mensonge, au risque de tout perdre[2]… »)

… film français d’Iris Kaltenbäck.

Encore une fois le coeur se serre au fur et à mesure que Lydia (Hafsia Herzi) s’enfonce dans le mensonge, comment va-t-elle pouvoir s’en sortir ?

            Aujourd’hui, rien que des bons films en compétition pour le prix Solveig Anspach.

Samedi 22 juillet

9h. Kitchen…

(2005. « Une jeune femme prépare une recette de homard à l’américaine, qui prévoit de découper par morceau le homard vivant, avant de le jeter, toujours vivant, dans l’huile bouillante. Seule dans sa cuisine, face aux deux homards qui bougent encore, elle essaye de les tuer le plus proprement possible[3]… »)

… court métrage d’Alice Winocour…

(Troisième invitée des Ciné-Rencontres. Elle précise que les homards étaient vivants à l’issue du tournage…)

… est suivi de

Augustine

(2012. « À l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, le professeur Charcot étudie une mystérieuse maladie : l’hystérie. Augustine, 19 ans, devient son cobaye favori, la star de ses démonstrations d’hypnose[4] »)

… premier long métrage de la réalisatrice et premier pour Vincent Lindon dans un film d’époque.

Film sur le regard, celui porté sur les malades et le développement des symptômes.

La révolte s’exprime par le corps. Charcot n’a pas réduit l’hystérie à une maladie de femmes : elle peut être aussi masculine.

Les maladies évoluent avec les époques.

Histoire racontée du point de vue du rat de laboratoire.

Séquences d’examen filmées comme des scènes sexuelles. L’hystérique est dénudée à l’époque des corsets. Mélange de science et d’érotisme. Fantasmes des hommes sur les femmes. Mise en scène de la maladie.

Œuvre inspirée par les films d’horreur (L’Exorciste) en voyant des bonus (corps agités par des cordes) sur des DVD. Iconographie de peep show.

Il semblerait qu’Augustine se sauve habillé en homme. Moi, je vois surtout qu’elle se mêle à la foule invitée au grand spectacle organisé par l’ambitieux Charcot pour impressionner ses confrères de l’Institut où il rêve de se faire élire.

13h 30. Piña colada

(2008. « Sandrine travaille dans un grand palace parisien et vit à distance de Vincent, son mari américain. La veille de son départ, elle doute de cette relation et hésite à le rejoindre. Alors que son avion décolle dans quelques heures, Sandrine part dans un hippodrome[5] »)

… court métrage d’Alice Winocour avec Aurore Clément, est suivi de

Maryland

(2015. « De retour du combat, Vincent, victime de troubles de stress post-traumatique, est chargé d’assurer la sécurité de Jessie, la femme d’un riche homme d’affaires libanais, dans sa propriété « Maryland ». Tandis qu’il éprouve une étrange fascination pour la femme qu’il doit protéger, Vincent est sujet à des angoisses et des hallucinations[6] »)

… second long métrage de la réalisatrice qui, suite à un accouchement où elle-même et sa fille ont failli mourir, s’intéresse aux situations post-traumatiques (voir aussi Revoir Paris que, tout comme Proxima dont nous souvenons bien, nous n’avons pas revu.).

Alice Winocour aime les scènes d’action, de destruction, de failles chez les personnages.

Rapport au corps.

Film tourné à la villa Eilenroc sur la Côte d’Azur.

Au cours de la table ronde qui s’ensuit avec Alice Winocour, j’apprends aussi que Revoir Paris fait référence à Psychose : Virginie Efira s’arrête dans le café fatal à cause de la pluie.

17h. Le Temps d’aimer

(2023. « 1947. Sur une plage, Madeleine, serveuse dans un hôtel restaurant, mère d’un petit garçon, fait la connaissance de François, étudiant riche et cultivé. La force d’attraction qui les pousse l’un vers l’autre est à la mesure du secret dont chacun est porteur. Si l’on sait ce que Madeleine veut laisser derrière elle en suivant ce jeune homme, on découvre avec le temps ce que François tente désespérément de fuir en mêlant le destin de Madeleine au sien[7] »)

… film sentimental en avant-première de Katell Quillévéré, décevant par rapport à la formidable série Le Monde de demain vue sur Arte l’année dernière. De plus, Vincent Lacoste ne me convainc pas. Mis à part dans Les Beaux gosses et Illusions perdues, je ne suis pas très fan.   

21h 15. Soirée de clôture avec la remise des prix.

Coup de cœur du jury jeunes : Proxima (Bof. S’il suffisait de se désinfecter en se frottant énergiquement avant un vol spatial, à quoi sert la quarantaine à laquelle sont soumis les astronautes ? Les rapports d’Eva Green avec sa fille en général, d’accord, mais son manque de rigueur professionnel final fiche tout en l’air) et mention spéciale à Six weeks (bien).

Prix du court métrage : Délivrez-nous du mâle (2022. « Tandis qu’elle subit les brimades de son subalterne sexiste, Naomi, jeune policière promue, enregistre l’audition de David. Celui-ci a laissé son père alcoolique entre la vie et la mort pour l’empêcher de battre sa mère[8] ») de Tony Le Bacq. Bravo.

Et le prix Solveig Anspach est attribué à (Alice Winocour fait durer le suspense en dépliant son papier) : Le Ravissement. Mon cœur balançait entre trois films, celui-ci en faisait partie, c’est parfait.

Après quoi est projeté Rosalie

(2023. « Rosalie est une jeune femme dans la France de 1870 mais elle n’est pas comme les autres, elle cache un secret : depuis sa naissance, son visage et son corps sont recouverts de poils. Elle est ce qu’on appelle une femme à barbe mais n’a jamais voulu devenir un vulgaire phénomène de foire. De peur d’être rejetée, elle a toujours été obligée de se raser. Jusqu’au jour où Abel, un tenancier de café acculé par les dettes, l’épouse[9] »)

… de Stéphanie Di Giusto, avec la star montante Nadia Tereszkiewicz et Benoît Magimel qu’on retrouve partout mais je ne m’en plains pas.

Et c’est la fin des Ciné-Rencontres. Mon grand souvenir…

(Même si je n’ai pas bien pu profiter de la conversation, j’étais à un bout de la table -de huit- et lui à l’autre. Merci à Annie d’avoir répété certains de ses propos pour moi.

Ce que j’apprends :

Pour Des goûts et des couleurs, Rebecca Malder a passé le casting en cinquième position et c’était elle.

Lors du tournage de Le Nom des gens, Jacques Gamblin a piqué une grosse colère contre son réalisateur, ce qu’on peut voir en bonus sur le DVD du film.

Il a réalisé quelques épisodes de la série Fais pas ci, fais pas ça et c’était un plaisir de travailler avec des acteurs rodés comme Valérie Bonneton.

Ce que j’arrive à entendre -même si c’est dérisoire- de mes propres oreilles :

Il prononce « Montargisse », On dit « Montargi »,  Ah oui, c’est comme Paris, on ne dit pas « Parisse »)

… avoir déjeuné en compagnie de Michel Leclerc.


[1] https://www.google.com/search?client=firefox-b-d&q=lost+country+vladimir+perisic

[2] https://www.unifrance.org/film/56510/le-ravissement

[3] https://www.festival-cannes.com/f/kitchen/

[4] https://www.senscritique.com/film/augustine/379062

[5] https://www.unifrance.org/film/30044/pina-colada

[6] https://www.senscritique.com/film/maryland/13554039

[7] https://www.senscritique.com/film/le_temps_d_aimer/46655985

[8] https://cinema-series.orange.fr/cinema/tous-les-films-au-cinema/movie-delivre-nous-du-male_2022.html

[9] https://www.premiere.fr/film/Rosalie

ASSAUT – Adilkhan Yerzhanov

« Le héros sans volonté – un oxymoron » dit Yerzhanov à Valeria Kudriatseva lors d’un interview paru (en russe) sur séance.ru en 2022 et reproduit par kinoglaz.fr

Adilkhan Yerzhanov est un réalisateur d’une productivité incroyable : « Quand je les revois (mes films) je me rends compte que j’aurais pu faire mieux. Cela me ronge. La seule façon d’oublier un film, c’est d’en faire un nouveau. 
À propos de Assaut : « J‘ai d’abord été déconcerté par l’histoire. Elle me semblait peu profonde, rien qu’une intrigue complexe. Mais après avoir discuté avec Boris Khlebnikov (réalisateur) et Serik Abishev (producteur et acteur), nous avons commencé à nous intéresser davantage à la nature intérieure de l’histoire, à chercher les rêves et les pensées des personnages. Leur situation a été reléguée au second plan.
Le tournage a duré sept jours. Bien sûr, après une préparation minutieuse. Mon équipe et moi-même suivons une méthode simple : ne pas trop tourner, planifier des story-boards, faire des journées intermédiaires (des pauses entre les équipes de tournage) et explorer de nouveaux genres. Chaque film est toujours un nouveau territoire. 
Yerzhanov est né en 1982 à Zhezkazgan, ville de 85 000 habitants au centre du Kazakhstan. Sa mère enseignait la littérature, son père était mathématicien. Le jeune Aldikhan dévorait les BD et dessinait. Il obtient son diplôme de réalisateur dans son pays en 2009 avec le film « Karatas » qui lui valut une bourse à New York. Sa femme Ina Smailova, de 9 ans son aînée, est historienne de l’art, spécialiste et critique du cinéma
« L’amour du cinéma est une nouvelle forme de don-quichotterie. Les lecteurs de romans étaient les héros de Cervantès. Aujourd’hui ce seraient des cinéphiles qui ont regardé, par exemple, des westerns. Moi, j’ai grandi avec les films. »
« Je m’intéresse aux gens, quelle que soit leur nationalité. Les restrictions ne vont pas bien avec l’art. Je fais des films sur les gens… Les personnages de films ne peuvent pas être des individus passifs. Seuls ceux qui veulent quelque chose servent à l’intrigue. Ceux qui ne veulent rien ne sont pas passifs non plus. Les personnages sans défense sont inutiles d’un point de vue dramaturgique. Un héros sans volonté est un oxymore. Mes héros sont des gens, ne sont pas des fonctions. Du moins, cela, je ne le voudrais pas. Aucun personnage à l’écran n’est une fonction. 
« Quant au sens social et politique, il se retrouve si l’œuvre possède la vérité de son propre monde. Qu’est-ce que je veux dire par là ? Le monde de Tolkien est un monde fictif. Mais il contient tellement de vérité que des courants sous-culturels ont émergé et croient que ses mondes sont réels. La vérité peut donc être fictive. C’est un paradoxe, et j’aime les paradoxes. Et j’aime l’absurde. Kafka, Beckett, Swift, Kobo, Harms, Ionescu, Capek, Hasek. Chaque événement social se reflète dans la culture. Le personnage de Orson Welles dans Le troisième homme disait : « Trois cents ans de tranquillité n’ont donné à la Suisse qu’un coucou. » (la pendule à coucou, originaire de la forêt noire). C’est horrible quand on y pense… qu’un choc effrayant donne à toute société l’occasion de repenser les choses, de réaliser la valeur de l’ordre et du désordre. L’humanité se développe et apprend de ses erreurs – c’est la dialectique. 
( ADILKHAN YERZHANOV interviewé par Валерия КУДРЯВЦЕВА, seance.ru, 2022)

Au début du film une scène burlesque nous met dans l’ambiance hivernale d’une ville fictive du 9íème plus grand état du monde peuplé de 19 millions, 25 % Russes,70 % Kazakhs, majoritairement des sunnites peu pratiquants.

        Un type couché dans la cour enneigée bloque une porte, ivre mort. Son supérieur a du mal à sortir. En poussant avec force il réussit, engueule le bourre, le remet sur pied et l’envoie dormir. Le film s’ouvre alors avec une leçon de mathématiques, le professeur (joué par le réalisateur),  assis face aux élèves, se lance dans des explications grossières, philosophico-mathématiques, le système prédateurs-proies. Qu’il termine par « Les mathématiques, c’est le pragmatisme » après avoir été appelé, depuis les vitres du couloir, par son ex-femme et mère de leur fils, également son élève. Une scène hautement émotionnelle éclate, où il refuse de signer l’autorisation de départ mère et fils de la région. Du pragmatisme ? L’absurde est sans cesse dans l’air dans la « réalité fictive » en construction. Le mathématicien, pour se calmer, veut fumer, donne un travail à la classe et sort en fermant la porte à clefs. Les masques blancs, identiques, guignolesques, qui s’étaient infiltrés dans l’école eux aussi au début du film, circulent comme s’ils étaient invisibles, une apparence ou évocation de terroristes. Le drame se déroule, en une séquence de scènes placées en intervalles sur une timeline fictive de 36 heures…

* * *

             C’est quoi, un héros sans volonté ? « Volonté » d’après Schopenhauer (1788–1860) est « le vouloir-vivre, seule expression vraie de la plus intime essence du monde »(« Le monde comme volonté et représentation » 1819/59).

            Et l’oxymore ? Un élément de style qui vise à rapprocher deux expressions, que leurs sens devraient éloigner, dans une seule expression en apparence contradictoire (la « docta ignorantia » du Cusanus, le clair-obscur en peinture).

            En apparence contradictoire ? Oui, car nous sommes habitués à la logique « classique », au « ou vrai ou faux, il n’y a pas de tiers (troisième voie) ». « Tertium non datur ». Donc, l’oxymore ne peut pas être vrai, il est faux. Il est pourtant reconnu et apprécié au long des siècles comme source de poésie, de l’absurde etc.

            La construction cinématographique d’« Assaut » n’est-elle pas inspirée de l’absurde ? N’est-ce pas l’absurde qui génère l’impact psychologique du film? Pour « le héros sans volonté » je ne le sais pas (l’interprétation schopenhauerienne de la volonté en fait une chimère …). Mais je suis tenté de voir chaque personnage-héros-antihéros, l’héroïne de même, comme autant d’oxymores enfermant leurs pensées, gestes et comportements contradictoires, voire hallucinatoires.

            Des mathématiciens du vingtième siècle ont trouvé d’autres logiques que l’habituelle, « classique ». Des logiques qui n’excluent pas la troisième voie, le « tiers », qui n’excluent pas l’intermédiaire, un « ni vrai ni faux »,et qui s’avèrent mieux adaptées pour répondre à certaines questions fondamentales des mathématiques. Des chercheurs en matière de conflits affirment depuis longtemps que la logique classique, notre manière de penser « rationnelle» n’aide pas à développer et appliquer des méthodes de médiation. La volonté de « trancher » empêche l’analyse de situations conflictuelles toujours structurées par trois facteurs inextricables, « présomptions, comportements, conflits intérieurs », la « triade » du conflit. Penser en suivant la logique du tiers exclu (en excluant cette troisième voie), reviendrait à définir la paix comme une absence de guerre. Une paix qui se vivrait alors dans la crainte permanente de la guerre.

            Mais, nos activités cérébrales ont toujours suivi d’autres logiques aussi. Nos rêves, nos subconscients sont-ils simplement « irrationnels », n’y a-t -il pas des logiques émotionnelles, des logiques de l’irrationnel » ? N’est ce pas une autre logique à l’oeuvre, en parallèle de l’habituelle, et qui fait que je me réjouis d’un oxymore et des personnages d’« Assaut », qui sont des « oxymores ambulants » ? Une logique qui ouvre le regard sur les impulsions psychiques et comportementales contradictoires réunies dans un personnage en « éléments de style » comme deux expressions dans « oxymore ».

            « Assaut » m’a réjoui parce que ce film me répète sans cesse, souvent en me faisant rire, qu’il nous faut développer une autre « rationalité », alliée à une attention accrue de nos inconscients. Un autre mode de penser face à des situations conflictuelles, en nous-mêmes, à la maison, en groupes, entre États, partout où la violence éclate ou risque d’éclater.

            « La réalité peut être fictive » dit Yerzhanov dans l’interview citée. Le « monde » fictif que lui et son équipe ont construit avec une attention aiguë au scénario, à la caméra, au montage, au casting, aux paroles et expressions corporelles des personnages, un scénario imbibé d’absurde, rien que par la séquence des scènes à intervalles, scènes épicées de burlesque. Ce monde fictif révèle, peut-être mieux que la sociologie et la philosophie du monde réel, la question, à mon avis primordiale, qui se pose actuellement et dans l’avenir. Ainsi et avec la représentation que je me fais dans le cadre du monde fictif, absurde, d’« Assaut », le film m’aide à « garder les pieds sur terre », à ne pas me perdre dans la mélancolie face à « la réalité », la « vraie ».

Klaus Schluepmann

Punch-Drunk Love de Paul Thomas Anderson (2)

Puisque vous invitez les commentaires sur « Punch Drunk Love », je me permets de revenir un peu sur les impressions que j’ai esquissées lors du débat. J’ai retrouvé après le mot exact en français pour l’anglais « punch drunk », c’est « sonné » (on dit aussi « groggy », emprunté de l’anglais). Cela se réfère d’abord au boxeur qui, ayant reçu beaucoup de « coups » (punch) à la tête, en est assommé, étourdi, comme « saoul » (drunk), mais cela a pris aussi le sens secondaire de « fou ». Tout cela s’applique bien à Barry. Les coups qu’il a reçus sont apparemment génétiques d’abord, car il porte tous les signes de l’autisme. Mais il s’en donne aussi à lui-même, car il se rend bien compte que son comportement est souvent inadapté et il s’en veut à lui-même. En longeant le couloir de l’immeuble après avoir raccompagné Lena, par exemple, il se traite de tous les noms de ne pas avoir trouvé le courage de l’embrasser. Le besoin qu’il ressent de temps en temps de casser la baraque, aux toilettes du restaurant ou dans l’appartement d’une de ses sœurs, exprime des accès de colère contre lui-même.

Un détail qu’il faudrait mentionner en passant, c’est le fait que l’arnaque porno est organisée à Provo, dans l’Utah. Or, l’Utah, c’est le pays des Mormons, l’exemple même de la société bien-pensante, et Provo, beaucoup moins cosmopolite et plus conservateur que la capitale, Salt Lake City, est le siège de la grande université mormone, Brigham Young University. Qu’une arnaque porno vienne de là pour corrompre un innocent de Los Angeles (qui vient juste après Las Vegas comme foyer du vice), c’est évidemment un grand trait d’ironie satirique.

Je voudrais aussi insister sur ma thèse de conte de fées qui, à part Henri, n’avait pas l’air d’accueillir beaucoup d’adhésions. Il ne s’agit pas de deux inadaptés qui se trouvent, car Lena est parfaitement normale — à part son intérêt inexplicable pour ce gars. Quand il lui expose sa combine avec les puddings, par exemple, elle dit (comme nous) « C’est dingue ! ».  Lui est trop timide pour vouloir seulement faire sa connaissance dans le contexte très rassurant de sa propre famille, mais elle vient vers lui, utilisant la voiture qu’elle doit laisser chez le garagiste comme prétexte pour le rencontrer. Lorsqu’il longe le couloir en pestant contre lui-même, c’est elle qui le rappelle par téléphone pour le baiser inespéré. Il n’a pas besoin de lui faire la cour, c’est elle qui fait toutes les avances. C’est le rêve de la plupart des hommes, et surtout d’un type comme Barry. Et après que ses mauvaises fréquentations à lui ont mis sa vie à elle en danger et qu’il l’a ensuite abandonnée à l’hôpital, elle le lui reproche gentiment avant de le prendre dans ses bras. Je reprends la question que j’ai posée devant le cinéma après la séance et qui n’a pas trouvé de réponse à ce moment-là :  Quel avenir peut-on imaginer pour ce couple ? Je crois que la seule réponse possible, c’est « Et ils vécurent toujours heureux et eurent beaucoup d’enfants ».

Don

W.E ITALIEN 2023 : Vers un Avenir Radieux de Nanni Moretti

-Moi, je l’aime ce Nanni Moretti. Je l’ai aimé dans sa quarantaine juché sur son scooter et parcourant les rues de Rome, je l’ai aimé acteur avant cela mais je l’aime encore davantage en me régalant de son très réussi dernier film.

Ce film, je l’ai regardé et vu  comme une succession de séances, de sketches, passant d’une époque à l’autre, d’un moment à l’autre.

Difficile de démêler ce qui est lui et ce qui n’est pas. Même si évidemment tout est lui : l’œuvre et l’homme.

On s’y perd avec joie, on l’accueille, on découvre ses peurs et ses joies, ses emportements.

Dans ses peurs et ses difficultés,  la perte d’un certain cinéma libre, de la création, de l’indépendance (la scène avec les humanoïdes de Netflix est glaçante), la solitude (ses femmes s’en vont, s’envolent), le communisme qui l’ont sait a participé à sa construction d’homme, le sommeil difficile au point de faire appel à la chimie…..

Il raconte son communisme. Le communisme associé au cirque, comme une représentation, une illusion, les années qui passent tout en nous faisant revivre des événements graves.

Tout Nanni Moretti est présent. On reconnaît son œuvre, sa signature avec un petit quelque chose en plus quand souvent affleure la joie, la fantaisie  …. Oui il a vieilli, oui la dépression le guette mais il se tourne vers ses ressources, sa construction d’homme, d’humain pour notre plus grand bonheur.

J’ai adoré ce petit couple au cinéma avec ce garçon timide et réservé, cette fille qui attend un geste à la fin du film mais rien ne vient. Le réalisateur intervient… embrasse là, lui dit-il, avec un mélange d’agacement et de tendresse.

On les retrouve plus tard en voiture dans une scène de dispute. Elle veut plus,  il hésite, ne comprend pas … elle quitte la voiture comme une menace de départ. 

Nanni Moretti, voisin de voiture intervient, donne les mots qui sortent de la bouche de la jeune femme tel un souffleur, un Cyrano. Je suis heureuse de les retrouver plus tard en pique nique dans les collines, si heureux dansant les bras ouverts tels des derviches avec leurs deux petits garçons…. quand soudain une évidence me frappe …

Et si ce jeune couple était ses parents, ses créateurs. les petits garçons lui et son frère…. S’il se donnait vie en intervenant dans la vie future de ses parents ? Allez, faites moi naître …. j’ai tant à dire . Ce n’est peut-être pas cela qu’a voulu dire Moretti mais j’aime beaucoup l’idée.

L’émotion aussi est là, tapie dans beaucoup de scènes. Par exemple, sur le tournage de l’autre film, celui de l’émancipation pour sa compagne de vie, ou il s’invite et nous offre  une magistrale leçon sur son  regard de cinéaste, sur l’amour de son art, la justesse, l’hommage au cinéma nous prend à la gorge et on le suit, bien entendu. Quelle belle scène ….j’y ai beaucoup appris, elle me ramène à la genèse de mon amour pour le  cinéma, du beau cinéma. 

Celle des petites salles, des fiches de Monsieur Cinéma, du cinéma de minuit. Merci Monsieur Moretti de me ramener à mes fondamentaux, ma construction.

Merci aussi de nous rappeler que vieillir peut être beau si l’on a rempli sa vie, si l’on a vécu pleinement ses coups de cœur, ses emballements, si l’on s’est rempli de cinéma, de musique ou autres pour pouvoir un jour se regarder, se voir et se dire – Ok j’ai loupé ca, vécu ça mais j’ai bien vécu ! et ce n’est pas fini car l’envie est là ! 

La très belle fin du film, cette parade, ce défilé où l’on retrouve tous ceux qui l’ont accompagné durant ses décennies de cinéaste (la jeune couple est encore là ) où chacun marche le regard fixé  vers son avenir radieux, nous remplit de joie et d’optimisme.

Un film cadeau !

Sylvie

Sur la branche de Marie Garel-Weiss (2)

Sur la Branche – France – 1h31 – 26/07/23 – Réalisateur : Marie Garel-Weiss Scénariste : Ferdinand Berville – Marie Garel-Weiss – Benoît Graffin LEGENDE PHOTO : Benoît Poelvoorde et Daphne Patakia

Pour incarner Djam, Tony Gatlif avait choisi Daphné Patakia aussi parce qu’elle avait la démarche de Charlot.
Dans Sur la branche, son 2ème long métrage pour le cinéma, Marie Garel-Weiss utilise dans les plans larges sa démarche pour coller à Mimi, le personnage principal, et ça lui va à merveille.
Bien à plat dans ses derbies, Mimi, jeune femme au regard doux et pénétrant, marche vers ce monde qui lui procure trop d’émotions et des réactions trop vives pour être « normales ».
« j’ai un peu de mal avec mon nouveau traitement, je suis obsessionnelle, mais c’est une qualité dans le travail, non ? » Non. Non plus.
Au cinéma, le sujet des désordres psychiques est le plus souvent abordé par l’autre versant, le sombre, celui qui fait les drames, et assez rarement par ce versant-ci en osant tenter d’en faire un atout comique et romantique en plus. C’est ce que réussit Marie Garel-Weiss avec Sur la branche, en faisant une comédie sensible avec un fond sévère qui remonte par endroits et pousse fort le plafond du genre.
L’histoire commence dans une institution psychiatrique -c’est beau, c’est vert, c’est calme, c’est où ?- Mimi échange avec un autre patient, celui qui fait souvent ce rêve que sa mère s’assied sur son lit et qu’il lui plante un couteau à pain entre les deux yeux (c’est sur « à pain » qu’on marque)
Mimi l’écoute sans sourciller et se réjouit qu’il soit sortant. Elle aussi sort bientôt.
Le film affiche d’entrée la nature et l’air qu’il lui plaira de jouer pour raconter ses quelques mésaventures, bien d’autres suivront, ce bout de vie d’une jeune femme différente, bipolaire, avocate qui n’a jamais plaidé. Elle revient à ce qu’elle aimait et, au culot, et par un heureux hasard, arrive à s’incruster au cœur d’un cabinet d’avocats parisiens. De fil en aiguille, elle se glisse dans la vie de Paul, ex associé dudit cabinet dont il a été viré, avocat véreux et bientôt radié de l’ordre des avocats. Mais ses démêlés ne nous intéressent pas tant que la rencontre entre la très idéaliste et très angoissée Mimi « je suis coincée à l’intérieur de moi-même car j’ai peur de la vie » et le désabusé Paul qui, en robe de chambre de jute qui pue (là, c’est sur « jute » qu’on marque), apprivoise sa dépression. Le duo s’embarque dans une affaire de justice compliquée qui les mène à Christophe (Raphaël Quenard, fascinant comme d’hab !) l’escroc que Mimi sait innocent et qui d’ailleurs se revèle être de son « pays », la Bretagne.

C’est rythmé, les scènes ne sont jamais étirées et on se prend au jeu, on se prend à croire furtivement que c’est possible, que Mimi va retrouver ses marques, celles de quand elle était petite et qu’elle était formidable, pour ses parents, aussi, tristes et retranchés dans le deuil de cette enfant-là.
Si le ton du film est parfois surprenant, par exemple lorsqu’à des moments inopportuns, Mimi parle de sa vie, de sa santé mentale, de ses pulsions sexuelles incontrôlables, qu’elle arrive parfois à vivre, Sur la branche réussit à être drôle sans jamais faire rire aux dépens de son héroïne en urgence absolue de sa vérité et de sa justice.
Enquête criminelle édulcorée, comédie romantique sans espoir, le sujet est cruel,
le film est une ode aux décalés, ceux qui ne cadrent pas dans la vie et ne seront jamais casés.
« Mimi n’a pas le sentiment des limites, même sa pathologie n’est pas une limite (…) « , « explique la réalisatrice Marie Garel-Weiss « On voulait faire une comédie : il ne fallait pas s’appuyer sur sa faiblesse, mais sur sa force. On est avec elle, à l’intérieur d’elle. Ce n’est pas pareil que de regarder quelqu’un et d’avoir une forme d’empathie ou de commisération (…) »
Pour porter ce ton comique Benoît Poelvoorde est excellent dans le rôle de Paul, personnage lâche, veule, et pourtant d’une grande sensibilité et extrêmement séduisant.
Daphné Patakia habite le beau rôle de Mimi que Marie Garel-Weiss lui offre. Une jolie jeune femme, amusante, obsessionnelle et butée, envahissante, incapable de comprendre les hésitations des autres, attachante.
Un temps en équilibre, Mimi a fini un jour par tomber de sa branche.
Perchée, elle l’est toujours. Autrement. Pour longtemps.
Marie Garel-Weiss réussit à nous faire tenir sur son fil entre le réel et le fantasmagorique.
Un beau moment, troublant, un style élégant, dont on sort joyeusement triste.

Marie-No

Sur la branche-Marie Garel-Weiss


Le film vient de se terminer. Je ne parle pas, je suis encore sur le petit nuage d’humanité où m’a laissée la réalisatrice Marie Garel-Weiss. Des rencontres improbables et des personnages touchants dont Mimi (Daphné Patakia), une jeune femme qui, à presque trente ans, rêve toujours à ce qu’elle pourrait faire quand elle sera grande. Cette présentation alliée à l’affiche du film nous invitent à suivre le parcours d’une jeune femme innocente et frêle. Nous allons être surpris !

De prime abord, Mimi a un comportement atypique. Nous découvrons finalement que Mimi est bipolaire : un diagnostic médical a été posé et on imagine facilement que des portes se sont fermées pour elle suite à cela. Alors le film nous plonge dans l’aventure de ce qui se passe lorsque Mimi enfonce les portes ! Dès le départ, on voit Mimi déterminée à réintégrer le domaine juridique duquel elle avait été écartée. On découvre alors que cette jeune femme est dotée d’une intelligence et d’une intuition hors norme. Elle a des points communs avec les personnages qu’elle rencontre : elle est « sans filtre » comme Christophe, le jeune homme qui a besoin d’un avocat, elle a vocation à rendre justice et rétablir la vérité comme le semble Paul (Benoît Poelvoorde) qui est avocat, elle est forte et déterminée comme l’associée de Paul (Agnès Jaoui). En apparence, elle est comme tout le monde finalement… Et pourtant, les situations dans lesquelles elle va embarquer ces personnages va la rendre inoubliable à leurs yeux ! Car le comportement et les propos de Mimi sont souvent déroutants.

On peut dire que Mimi est une femme libre dans ce sens où elle a une vie sociale et ne culpabilise jamais de ce qu’elle peut dire ou faire. Sans jamais tomber dans la vulgarité ni le drame, la réalisatrice nous amène à suivre son quotidien fait de (très) hauts et de (très) bas. Le jeu des acteurs est à saluer pour réussir à nous faire sourire et même rire à chaque instant. Les plans fixes que nous voyons lorsque Mimi est seule m’ont amenée à encore plus d’empathie et d’attachement à son personnage.

Le film permet aussi de sensibiliser à cette maladie puisque lorsque Paul (avocat) la rencontre, il ne se rend pas compte de sa fragilité. Il se rend compte qu’elle est en permanence « sur le fil » mais lui-même étant un peu perdu il pense qu’ils pourront s’aider mutuellement. Mais Mimi est encore plus fragile que ça, comme un oisillon « Sur la branche » un jour de vents violents.

J’ai aimé ce film parce qu’au travers de ces rencontres, l’idée que les apparences sont parfois trompeuses est omniprésente et équitable ! Parfois c’est Mimi qui est imprévisible, parfois ce sont les autres personnages. Paul est celui qui va le plus évoluer et cela grâce à Mimi. Leur duo est un pilier sur lequel se termine le film.

Le parti pris de la réalisatrice pour terminer sur un moment « haut » nous amène à repenser à tous les moments haut et ce qu’ils ont de palpitant. Afin de garder son rythme, le film traite les phases « basses » de façon plutôt suggérée, notamment avec la réaction de sa mère qui ne montre aucune joie à la revoir. Nous imaginons alors ce qu’elle a traversé. Pour autant la réalisatrice recrée le lien entre elles en choisissant de filmer en gros plans leurs visages, leur ressemblance physique et génétique donc (je n’ai vu aucun gros plan sur le visage des autres personnages). Une belle façon de mettre ces deux personnages en miroir.

La bande annonce du film mettait en avant les dialogues pétillants du film et la promesse a été tenue. Marie Garel-Weiss a exprimé à travers ce film son propre goût pour la justice et pour tout ce qui sort de l’ordinaire et je suis ravie d’avoir découvert ce film présenté par Pierre et sélectionnée par les cramés de la bobine ! Merci !

Mélaine

Vu à l’Alticiné : Coup de Chance de Woody Allen

Télérama : “Coup de chance” de Woody Allen : ennui à Paris

Le Parisien : On nous promettait un polar vénéneux à la « Match Point » On a vu une banale histoire d’adultère qui manque cruellement de piment.

Les Inrocks : « Coup de Chance » : on a vu le vaudeville consternant…

Mondo Ciné : « Coup de chance », ça ne dure qu’une petite heure et demie. Mais c’est presque déjà trop pour un film qui s’éclate au sol de par sa mollesse.

La croix : Le vaudeville déraille dans cette comédie policière loufoque qui, malgré les efforts de ses acteurs français, ne parvient jamais à trouver le ton juste.

Le Monde : « Coup de Chance », vaudeville à la papa de Woody Allen, a fait sa première mondiale à la Mostra de Venise.

On peut se demander si Woody Allen fait de moins bons films où si l’époque et les moeurs ne lui sont plus favorables. En dépit d’un certain conformisme de ces critiques (il y en aussi de bonnes), non pour s’en distinguer mais parce que Woody Allen est l’un des réalisateurs des plus marquants et créatifs, nous sortons de l’Alticiné, qui lui n’a pas hésité a programmer ce film de Woody Allen.

Nous l’avons beaucoup aimé. Woody Allen dépeint une société riche (on ne sait pas toujours comment), hypocrite, futile et cancanière, kitchissime. Survient une rencontre en forme de bluette qui prend des allures sérieuses et se complique.

Comme c’est un film de Woody Allen, les décors, vêtements, cadrage sont impeccables et il y a la lumière si typique de tous ses films… Et puis, presque comme toujours, il y a ce jazz, il rythme les différentes séquences autant sans doute que la vie même du réalisateur, particulièrement ici Milt Jackson du Moderne Jazz Quartet.

Ce film est typique de l’univers de Woody Allen. Il évoque en effet des thèmes que nous avons vus dans Match Point, ou l’homme irrationnel et bien d’autres… un air de famille. Mais il est aussi sous son côté badin, l’un des films les plus ironiques, avec un final d’humour noir typique de Woody Allen. Dans ce film tout y passe : l’ostentation, le cynisme, la violence cachée, la fausseté des apparences et des sentiments, et comme souvent dans ses films l’infinie question du mal, il y a aussi le hasard avec ses probabilités improbables jusqu’à l’absurde…(Et en effet, il n’y a pas de hasard puisqu’il y a un scénario). Il faut voir ce film et se le représenter ensuite depuis sa dernière image.

Quant au casting, vous le connaissez, les acteurs sont très bien et puis… tourner dans un film de Woody Allen tout de même !

« Coup de chance », c’est un beau titre pour nous aussi, car coup de chance, nous l’avons vu.

Georges