-Moi, je l’aime ce Nanni Moretti. Je l’ai aimé dans sa quarantaine juché sur son scooter et parcourant les rues de Rome, je l’ai aimé acteur avant cela mais je l’aime encore davantage en me régalant de son très réussi dernier film.
Ce film, je l’ai regardé et vu comme une succession de séances, de sketches, passant d’une époque à l’autre, d’un moment à l’autre.
Difficile de démêler ce qui est lui et ce qui n’est pas. Même si évidemment tout est lui : l’œuvre et l’homme.
On s’y perd avec joie, on l’accueille, on découvre ses peurs et ses joies, ses emportements.
Dans ses peurs et ses difficultés, la perte d’un certain cinéma libre, de la création, de l’indépendance (la scène avec les humanoïdes de Netflix est glaçante), la solitude (ses femmes s’en vont, s’envolent), le communisme qui l’ont sait a participé à sa construction d’homme, le sommeil difficile au point de faire appel à la chimie…..
Il raconte son communisme. Le communisme associé au cirque, comme une représentation, une illusion, les années qui passent tout en nous faisant revivre des événements graves.
Tout Nanni Moretti est présent. On reconnaît son œuvre, sa signature avec un petit quelque chose en plus quand souvent affleure la joie, la fantaisie …. Oui il a vieilli, oui la dépression le guette mais il se tourne vers ses ressources, sa construction d’homme, d’humain pour notre plus grand bonheur.
J’ai adoré ce petit couple au cinéma avec ce garçon timide et réservé, cette fille qui attend un geste à la fin du film mais rien ne vient. Le réalisateur intervient… embrasse là, lui dit-il, avec un mélange d’agacement et de tendresse.
On les retrouve plus tard en voiture dans une scène de dispute. Elle veut plus, il hésite, ne comprend pas … elle quitte la voiture comme une menace de départ.
Nanni Moretti, voisin de voiture intervient, donne les mots qui sortent de la bouche de la jeune femme tel un souffleur, un Cyrano. Je suis heureuse de les retrouver plus tard en pique nique dans les collines, si heureux dansant les bras ouverts tels des derviches avec leurs deux petits garçons…. quand soudain une évidence me frappe …
Et si ce jeune couple était ses parents, ses créateurs. les petits garçons lui et son frère…. S’il se donnait vie en intervenant dans la vie future de ses parents ? Allez, faites moi naître …. j’ai tant à dire . Ce n’est peut-être pas cela qu’a voulu dire Moretti mais j’aime beaucoup l’idée.
L’émotion aussi est là, tapie dans beaucoup de scènes. Par exemple, sur le tournage de l’autre film, celui de l’émancipation pour sa compagne de vie, ou il s’invite et nous offre une magistrale leçon sur son regard de cinéaste, sur l’amour de son art, la justesse, l’hommage au cinéma nous prend à la gorge et on le suit, bien entendu. Quelle belle scène ….j’y ai beaucoup appris, elle me ramène à la genèse de mon amour pour le cinéma, du beau cinéma.
Celle des petites salles, des fiches de Monsieur Cinéma, du cinéma de minuit. Merci Monsieur Moretti de me ramener à mes fondamentaux, ma construction.
Merci aussi de nous rappeler que vieillir peut être beau si l’on a rempli sa vie, si l’on a vécu pleinement ses coups de cœur, ses emballements, si l’on s’est rempli de cinéma, de musique ou autres pour pouvoir un jour se regarder, se voir et se dire – Ok j’ai loupé ca, vécu ça mais j’ai bien vécu ! et ce n’est pas fini car l’envie est là !
La très belle fin du film, cette parade, ce défilé où l’on retrouve tous ceux qui l’ont accompagné durant ses décennies de cinéaste (la jeune couple est encore là ) où chacun marche le regard fixé vers son avenir radieux, nous remplit de joie et d’optimisme.
Un film cadeau !
Sylvie