Samedi 16 novembre 2024
14h 30 à la Cinémathèque. Projection de L’Aventure c’est l’aventure…
(1972, Claude Lelouch. « Cinq petits mafieux, devenus les meilleurs amis du monde, enchaînent les escroqueries. Du kidnapping de Johnny Hallyday à la démarche mythique d’Aldo Maccione, les séquences mémorables se succèdent dans une comédie politiquement incorrecte, qui fait la part belle aux joutes verbales et à un réjouissant éloge de la farce »
« C’est l’histoire de cinq salopards qui vivent l’aventure telle qu’elle est possible en 1972. Leur seule qualité est d’être sympathiques et je montre par ce film à quel point les gens sympathiques sont dangereux et à quel point il faut s’en méfier, car, pour arriver à exécuter leurs méfaits, ces cinq salopards utilisent les principes les plus généreux de ceux qui veulent améliorer le monde ». Claude Lelouch)
… que je n’ai jamais vu…
(Frédéric Bonnaud demande à ceux qui sont comme moi de lever la main, il y en a un certain nombre, On voit que vous ne regardez pas la télévision, commente-t-il)
… et qui est suivi d’une leçon de cinéma par le réalisateur interrogé par l’animateur cité trois lignes plus haut.
Selon Claude Lelouch, qui a fait partie, comme Godard, Truffaut et Polanski, de ceux qui se sont opposés à la tenue du festival de Cannes en 1968, le général De Gaulle voulait changer le monde quand il y avait ceux qui voulaient changer leur quotidien.
En 1972, tout était politique. Quand on avait un alibi politique on vous pardonnait tout → des voyous en ont profité.
L’Aventure c’est l’aventure : mélange de rationnel et d’irrationnel.
Les scènes d’action n’y sont pas : on n’assiste pas à l’enlèvement de l’ambassadeur de Suisse. Ce qui y est : la loufoquerie.
Ses protagonistes : des pieds nickelés (Lelouch : fan de cette série de BD) qui vivent du système D.
Au départ, le cinéaste avait pensé faire tourner Jean-Louis Trintignant qui refuse : il ne peut pas faire le film car celui-ci ne rentre pas dans sa ligne politique. Il pense alors à Jacques Brel, mais l’idée ne séduit pas Lino Ventura, C’est un chanteur, dit-il. A quoi Lelouch répond qu’un chanteur ça interprète, ça joue ses chansons. Comme Brel est en tournage à Knokke-le-Zoute, ni une ni deux, les voilà partis en voiture (ç’est pas la porte à côté) à Knokke où le chanteur (s’en fout de la politique), chaleureux, les reçoit à bras ouverts → Ventura est immédiatement séduit.
Charles Denner : un comédien classique, cartésien (c’est d’ailleurs lui qui donne aux autres la leçon de politique) et fou.
La séquence de la fameuse démarche d’Aldo Maccione = fruit du hasard. C’est un dimanche, donc jour de repos. Claude Lelouch est devant son bungalow quand il voit Maccione marcher penché en avant en balançant les bras devant quatre jeunes femmes assises sur la plage. Il appelle les autres et leur demande de se joindre à lui. Ventura se fait prier mais finit par y aller aussi…
(Il se prend même au jeu et va jusqu’à prétendre, C’est moi qui lui ai appris, j’vais vous montrer !)
… et Lelouch les filme…
(Charles Denner = le plus empoté sur ses jambes grêles. Jacques Brel, grand échalas, ne vaut guère mieux)
… depuis son bungalow. Le plus drôle c’est que les nanas (elles recevront le salaire de figurantes) ne réagissent pas. Comme si rien ne se passait. Pour la suite du film, les acteurs garderont les mêmes chemises afin qu’il y ait raccord.
Claude Lelouch essaie de faire un cinéma libre. Il aime la liberté, avec la possibilité de se tromper qui va avec. La liberté : un cascadeur qui prend des risques.
Il filme à la manière de la Nouvelle vague sans en faire partie.
Pour Un Homme et une femme (1966), il n’a pas les moyens de bloquer la gare Saint-Lazare → Anouk Aimée descend du train au milieu des voyageurs ordinaires. De même Jean-Louis Trintignant et Lelouch participent vraiment au rallye de Monte-Carlo, On n’a pas gagné, dit le cinéaste qui ajoute, La contrainte sollicite l’imagination.
Les Américains ne voulant pas d’un film en N & B (il l’est, également pour raisons financières), Lelouch les a assurés que ce n’était pas le cas → quelques séquences en couleurs.
En 1956, pendant trois semaines, il travaille comme assistant sur L’homme aux clés d’or de Léo Joannon. Il voit la débutante Annie Girardot, magnifique, de l’autre côté de la lourde caméra, donner la réplique à Pierre Fresnay lui aussi magnifique. Quand vient le tour de filmer Annie Girardot, elle a tout donné face à son partenaire et n’atteint pas son meilleur niveau, d’autant plus que c’est la scripte qui lui donne la réplique…
(Pierre Fresnay : dans sa loge, Ce qui n’était pas très sympa de sa part, constate Frédéric Bonnaud)
… → quand il y a échange entre deux comédiens, Claude Lelouch se jure d’utiliser toujours deux caméras afin de pouvoir les filmer en même temps.
Et pour Un Homme et une femme, afin d’avoir le son direct…
(Ce qui n’était pas possible jusqu’à présent en raison du bruit généré par la caméra : tous les films étaient post-synchronisés)
… il filme au téléobjectif (la caméra : moins encombrante que celle de L’homme aux clés d’or mais toujours bruyante)
Françoise Fabian, intello (Ma nuit chez Maud) a besoin de premier degré. Lelouch la met face à Lino Ventura dont le personnage ressemble, même s’il a fait des progrès, à celui qu’il interprète dans L’Aventure c’est l’aventure. Cela donnera La Bonne année (1973).
Avec le succès d’Un Homme et une femme, Claude Lelouch devient riche, donc capitaliste. Comme Jean-Pierre Melville qui avait son propre studio, il monte une maison du cinéma (il a même été distributeur). Mais c’est chiant d’être producteur. Ce qu’il aime, c’est tourner.
Il a toujours acheté ses caméras.
Lelouch : cinéaste des déplacements.
Au milieu des années 1980, il ne va pas bien du tout. Impression d’être un frein pour ses enfants. Il part, pour il ne sait pas où, dans sa voiture équipée d’un téléphone, une toute récente innovation technologique avec une portée de 50 kms pas plus. Arrivé à Fontainebleau, il reçoit un appel : c’est Jean-Paul Belmondo qui lui demande, Comment ça va, Pas fort, je m’en vais, Mais fais-en donc plutôt un film ! Ainsi est né Itinéraire d’un enfant gâté.
Claude Lelouch : ne sollicite pas ses acteurs, ce sont eux qui viennent à lui. Quand il tourne, il ne les dirige pas. La direction d’acteurs se fait en amont. Il a besoin de les connaître avant et pour cela il les rencontre, mange avec eux etc.
Il n’est pas fait pour le cinéma de commande. Il admire les cinéastes qui peuvent faire des films avec un casting choisi par d’autres et des scénarios qu’ils n’ont pas écrits eux-mêmes, mais ça n’est pas pour lui. Il fait du cinéma comme il vit etdes propos travaille avec une grande scénariste : la vie, dont il est le reporter. La vie : on marche sur un fil et les excès font tomber.
Il voit encore aujourd’hui un film par jour (en salle ?).
Claude Lelouch, 87 ans, sort son dernier film en date, intitulé Finalement.
Le prochain Charlie Hebdo rapportera des propos que Claude Lelouch a tenus le 13 novembre sur CNews, « On est fidèle tant qu’on n’a pas trouvé mieux. C’est vrai que ce soit pour une voiture, une femme, un frigo… ».
Claude Lelouch c’est Claude Lelouch (finalement).