Miséricorde-Alain Guiraudie

Le cinéma d’auteur est bien mystérieux,  Alain Guiraudie, réalisateur et scénariste obtient un impressionnant succès  avec Miséricorde ce  polar rural qui réalise 164 000 entrées…  et il n’a pas fini son cycle de distribution. Quant aux critiques à de rares exceptions,  elles sont très élogieuses.

En 12 films dont 7 longs métrages,  Alain Guiraudie qui n’a pas toujours eu que des succès, réalise son plus beau score, mais parlons de lui : 

D’abord, c’est un enfant aveyronnais, (Villefranche-de Rouergue) fils de petits paysans, très pieux. Très tôt il est attiré par les romans de gare, les films populaires, la BD dont Pif le chien, les romans photo. Après son bac, il file à la fac de Montpellier pour des études de lettre ? bref, sans doute est-il alors plus intéressé par la politique, il est militant communiste.

D’Alain Guiraudie, la critique, comme lui même, nous livre une série d’étiquettes : Aveyronnais, d’éducation catholique très marquée, (adolescent il voulait devenir prêtre, Philippe le Prêtre du film est un peu lui ), puis communiste et homosexuel, photographe, cinéaste, écrivain (3 livres paru chez P.O.L, dont Rabalaïre qui inspire le scénario de Miséricorde).

Avec toutes  ces images de lui  réunies, nous ne sommes pas étonnés de lire dans l’Humanité cet énoncé politico-sexuel :

Guiraudie est aussi un cinéaste des campagnes et de  la nature, les causses du Larzac, l’eau et ses miroitements dans  l’inconnu du Lac, presque toujours, il y a les bois et forêts, avec leurs clairières, leurs raies de lumières solaires. Ils sont autant de lieux de rencontres insolites ou de dragues homosexuelles et parfois de mauvaises rencontres. Le sexe et le danger de mort parfois se touchent (comme dans la fameuse chanson Monsieur William  de Ferré et Caussimon).  Dans les bois, ce lieu où on peut voir sans être vu, être vu sans le savoir, on glisse quelquefois du phantasme jusqu’aux alentours de la fantasmagorie . Fantasmagories ces morilles qui s’entêtent à pousser  à l’endroit où caché sous les feuilles, dans la terre d’un corps fraîchement enterré.  Des morilles qui poussent en même temps que les cèpes, en automne, du jamais vu. Des morilles donc,  comme un indice ou peut-être une compulsion d’avouer.  Également, comme les symboles phalliques qu’ils n’ont jamais cessé d’être, ici, ceux du désir homosexuel. 

Dans Miséricorde, comme « le visiteur » du film Théorème de Pasolini,   Jérémie attire et séduit tout le monde. Sauf peut-être Vincent avec qui régulièrement il se battait,  car Vincent voulait le voir quitter les lieux, mais là encore Vincent semblait rechercher ces corps à corps, souvenirs du temps de leur adolescence -Hélas, devenus funestes à force de monter en violence-

Le désir, c’est aussi celui de Philippe, le curé du village, qui met Jérémie  dans son lit pour le protéger d’une suspicion de meurtre,  écoutons le :  « Croyez-vous vraiment qu’il soit utile de punir les assassins ? Ce n’est pas un crime qui doit empêcher la vie de continuer. J’aurais alors le plaisir de voir l’assassin tous les jours, j’ai appris à aimer sans retour ».  

Ici comme dans « l’inconnu du lac », le désir est plus fort que la dénonciation et… la justice  et la société du « Surveiller et Punir » décrite par Michel Foucault s’en trouve subvertie. Curieusement, tout comme les champignons,  ce thème parcoure également  « Quand vient l’automne »  le dernier film de François Ozon.

Avec Miséricorde, Alain Guiraudie réalise un film qui expose sa vision politique de la sexualité. Il le fait sur le mode d’une comédie ou  l’humour grinçant voisine avec les bizarreries de personnages et parfois l’étrangeté des scènes. Il conjugue une homosexualité banalisée, la vie conviviale (les bouteilles de pastis que sert Martine en portent trace !) les décors rustiques et décroissants, (pas de signes de modernité électronique  pas de  téléphone portable, d’effets de toilette, les voitures sont anciennes et modestes,  ce film aurait tout aussi bien pu être tourné dans les années 60),  et surtout,  il  véhicule  cette fameuse subversion de l’idée de justice au profit d’un éloge des passions altruistes et généreuses. 

Mine de rien, comme François Ozon dans quand vient l’automne, mais plus encore, Alain Guiraudie subvertit la dramaturgie du film en annulant jusqu’à l’idée de justice et de peine , et la vie continue comme si de rien n’était. La vie est désir. De l’image finale, on se fait son hors-champ, Jérémie près de Martine, couchant à droite à gauche, selon, boulanger du village !

Georges

PS : Avez-vous remarqué, c’est un film avec du pastis, mais sans tabac !

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