Pour Jean-Claude

Paul Vecchiali (1930-2023)

Respect !

Photo Jacques Morel/Sygma 1992

Paul Vecchiali, auteur, scénariste, réalisateur, producteur, acteur, est mort hier.

« Cinéma avant tout » c’est le message d’accueil de sa boite vocale qui exhortait encore et toujours à vivre avec lui dans le cinéma, pour le cinéma. A s’embarquer.
Commencée au début des années 60, il avait continué sa route singulière, sans s’arrêter, jusqu’à hier …
Plus de 50 longs métrages !
En juin dernier, nous avions programmé le dernier en date Pas de …quartier.
et dans sa grande générosité et son enthousiasme intact, il nous avait offert, en plus, son court-métrage Les Roses de la vie tourné en 1962 à … Montargis !
Ne se déplaçant plus, pour accompagner son film à la soirée débat des Cramés, déplacée à sa demande à un mercredi et ça tombait bien , c’était « le jour de la St Paul ! », il nous avait envoyé Jérome Soubeyrand, l’acteur principal, Philippe Bottiglione, le chef opérateur accompagné de son assistant Augustin Lauth, formidables membres de « la famille Vecchiali ».
Paul leur avait demandé de lui téléphoner dès la fin de la séance pour tout lui raconter. Il serait tard. Il attendrait.
A peine sortis de la salle, sur le palier devant la porte de la 4, ils avaient appelé.
Paul voulait tout savoir sur le public, le débat, les réactions …
Nous avons vécu une soirée inoubiable !

« Ni dieu, ni pouvoir, ni argent ».
Toute sa vie, Paul a tracé sa route dans le paysage du cinéma français, sans jamais se soumettre, sans jamais obéir aux diktats.
Pour lui, la meilleure des morales c’était respecter les autres et se respecter soi-même.
Paul Vecchiali était admirable.

Marie-No

En 2016, il avait accordé une série de 5 entretiens à France Culture pour l’émission « A voix nue »
A écouter et réécouter. Pour se régaler.

https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/serie-paul-vecchiali

Michel Bouquet (1925-2022)



Michel Bouquet est mort hier le 13 avril 2022
Pendant ces jours-ci donc …

Michel Bouquet : 93 printemps en compagnie des grands auteurs

Sa vie a été belle, il a tant joué, tant aidé à jouer ceux qui ont eu la chance de l’avoir un jour comme professeur et ceux qui ont eu le bonheur de lui donner la réplique au théâtre et au cinéma. Il inspirait le respect et témoignait du sien à ceux qui l’entouraient.
Chacun se souvient de tel film où il était formidable ou de tel autre où il était extraordinaire.
Pour ma part, c’est dans un Chabrol que je l’ai rencontré.
Dans La Femme infidèle (1969) avec Stéphane Audran et Maurice Ronet.
Je l’ai regardé et vu. Vu son sourire doux nimbant la violence de son regard d’acier.
Il m’a impressionnée et, depuis, toujours continué à me fasciner.
Je repense aussi à lui, magnétique, serpentaire, dans Le Promeneur du Champs de Mars (2005) de Guédiguian.
Et puis j’entends sa voix … Calme, toujours. Terriblement calme.
Adieu Michel Bouquet. Reposez en paix

Pattes blanches Jean Grémillon 1949

Marie-No

Monica Vitti (1931-2022)


« Quand la représentation prend fin, pour moi, la réalité se termine »


Maria Luisa Ceciarelli avait voulu être actrice « pour ne pas mourir », pour « tout réinventer, effacer et reconstruire (…) pour faire semblant d’être une autre et (se) faire rire autant que possible au théâtre et au cinéma. Dans la vie, c’est une autre histoire. »
Elle avait pris pour nom d’artiste le début du nom de sa mère (Vittiglia) et était devenue Monica. La merveilleuse Monica Vitti.
Shakespeare, Brecht, Molière sont à son répertoire, mais c’est en la voyant jouer dans une pièce de Georges Feydeau que Michelangelo Antonioni la repère.
Sa voix enrouée … Coup de foudre, artistique et sentimental ! Il filmera ses yeux :
« C’est ce qu’il y a en elle de plus bizarre. Ils ne s’arrêtent sur aucun objet, mais fixent de lointains secrets. C’est le regard d’une personne qui cherche où finir son vol et ne le trouve pas » « L’Avventura, La Notte, L’Eclisse »
Monica jouera pour Vadim « Château en Suède », Losey « Modesty Blaise », Salce  » Les Poupées « , Monicelli « La Fille au pistolet « , Ettore Scola « Drame de la jalousie », Risi « Moi, la femme » où elle joue douze rôles.
Et pour Sordi « Poussière d’étoiles », Buñuel « Le Fantôme de la liberté », Carlo Di Palma « Teresa la voleuse, Ici commence l’aventure, Mimi Bluette »
Sa dernière apparition à l’écran sera orchestrée par elle-même dans « Scandalo segreto » qu’elle réalisera. Le film sera sélectionné à Cannes 1990, section « Un certain regard » et obtiendra le David di Donatello couronnant une première réalisation.
En 1994, Monica déclinera la proposition de Patrice Chéreau d’incarner Catherine de Médicis pour La Reine Margot.

Addio, Monica, riposi in pace

«Se fossi stata attrice, chi avresti scelto di essere? »
Monica Vitti, evidentemente

Marie-No

Gaspard Ulliel (1984-2022)

L’acteur français de 37 ans est mort dans un accident de ski le 19 janvier

Ci-dessous, en partage, le très bel hommage de François Morel :

« On se dit c’est injuste. On se dit c’est tellement triste. 37 ans, Gaspard, ce n’est pas du tout un âge pour mourir.
Non. 37 ans n’est pas un âge pour mourir. 39 non plus ferait remarquer Boris Vian. Pas plus que 36 ans noteraient Gérard Philippe et Marylin. 33 ans encore moins, si je puis me permettre, ajouterait Jésus-Christ…
Et 24 ans ? interrogerait James Dean, 24 ans, vous trouvez que c’est un âge pour mourir?
Non, on est d’accord avec vous, James, Jésus, Gérard, Boris, Maryline. Il n’y a pas d’âge pour mourir. D’ailleurs, il n’y a que des âges pour vivre.
Gaspard rejoint la communauté des étoiles filantes avec tous ceux-là. Et Kurt Kobain. Et Pascale Ogier. Et James Morrisson. Et Jimi Hendricks. Et Jean-Michel Basquiat. Et tant d’autres. Célèbres ou anonymes.
Parce qu’on a oublié ses prières, dans la tête on se récite un poème de Verlaine pour un autre Gaspard si différent puisque les femmes ne le trouvaient pas beau. « Oh vous tous ma peine est profonde, priez pour le pauvre Gaspard ».
Juste la fin du monde. Juste la fin du monde de Gaspard. On a lu des articles. On a vu des images. On a lu des hommages.
Des hommages attristés, consternés, mortifiés, sidérés, suffoqués, sincères.
Pour la première fois de sa vie, ce garçon discret qui ne faisait pas parler de lui entre deux films fait la une de journaux pour un évènement qui n’a rien à voir avec son métier.
Gaspard Ulliel, comme les quatre adolescents du lac de Chalain, vient d’entrer dans l’éternité.
Tant de tristesse qui rend tout dérisoire, le reste de l’actualité, les déclarations, les commentaires, les soubresauts du quotidien.
On se souvient des paroles de Jean-Louis Trintignant évoquant Marie. « Ne pleure pas de l’avoir perdue, mais réjouis-toi de l’avoir connue ».
On se dit, quand même, c’est injuste. On se dit c’est tellement triste. Et puis on se tait. Parce qu’il n’y a rien à dire.
Alors on écoute de la musique parce qu’il n’y a rien que la musique (…) pour exprimer le silence »

Adieu, Gaspard

Jean-François Stévenin (1944-2021)

Cher Jean-François Stévenin,

Quelle tristesse de vous savoir parti.
On a tous en tête plusieurs de vos rôles, vous qui avez tourné dans tant de films pour le cinéma, pour la télévision …
Vous avez aussi réalisé 3 beaux films singuliers et devenus cultes : Passe montagne, Double messieurs et Mischka.
En 1980, vous étiez un des invités du 21éme Festival Ciné-Rencontres de Prades (en même temps que Joseph Losey) et votre film Passe montagne y avait été primé.

Diplômé d’HEC Paris (promotion Pâquerettes, 1967), passionné de cinéma, c’est dans le cadre de votre thèse sur l’économie du cinéma, à l’occasion d’un stage à Cuba sur un tournage, que vous commencez à apprendre sur le tas tous les métiers, de technicien à assistant-réalisateur, en passant par second assistant, notamment sur le film d’Alain Cavalier La Chamade en 1968.
C’est comme ça que tout avait commencé. Derrière la caméra.

Jusqu’au jour où, sur un tournage, une actrice vous ayant trouvé un petit air de Brando, vous êtes passé de l’autre côté.
Vous y étiez si bien ! tout ce qu’on aime chez un acteur : une voix, un tempérament, une silhouette, une puissante tranquillité, une présence.

Vos enfants, tous acteurs, continuent le jeu.

Marie-No

Jean-Pierre Bacri 1951-2021

Casting La Vie Très Privée De Monsieur Sim - Film 2015


Jean-Pierre Bacri est mort hier.
Hier et pour toujours.

Mais comment peut-on dire des absurdités pareilles ?

Côté cour et côté jardin, le regard à fleur de peau toujours interroge et transperce, la voix, comme autant de trésors, transporte les mots, lourds, parfois si lourds qu’il faut les poser et les regarder d’abord passer dans ses yeux avant de les entendre.

Avec lui, tant de meilleurs moments, tant de films aimés.
Le goût des autres, Un air de famille, Le sens de la fête, On connait la chanson … vus, revus, à revoir et souvent conseillés, pour, par dessus le marché, savourer, par procuration, le plaisir de la première fois. Alors ? Oui ! et Bacri, formidable dans ce rôle ! Comme d’hab !!!
Voilà, ça va s’arrêter là …
Non mais franchement quel est l’abruti qui a décidé ça ?
Bonjour, l’angoisse.
On ne meurt que deux fois, tu parles !
Ben non ! Ben non, tu vois ! Au bout du conte, on meurt et qu’une fois et c’est tout.





Nelly Kaplan (1931-2020)

NELLY KAPLAN [ca. 1970] French photo of film director ...

« j’ai toujours été libre »

Nelly Kaplan, écrivaine et cinéaste est morte hier.
Partie rejoindre Bernadette Laffont, et Abel Gance, Philippe Soupault, André Breton, André Pieyre de Mandiargues, Pablo Picasso, Jean Chapot …
Sa liberté nourrit sa vie de tant de belles rencontres !
La fiancée du pirate, refusé d’abord par 23 producteurs alors qu’il avait l’avance sur recettes, fut sélectionné à la Mostra de Venise et devint un film culte.
Nelly Kaplan continua sa route de cinéaste, d’écrivaine, de scénariste. Elle choqua. Elle choqua les féministes aussi .
Sa liberté et son goût pour le plaisir, l’argent et la provocation étaient (alors, toujours) insupportables.
Elle vécut comme elle voulut. Libre.

« …C’est moi qui invite,
C’est moi qui vous quitte,
Sortez de ma danse,
Moi, je m’balance,
Parmi tous vos désirs,
Vos médisances,
Moi, je m’balance,
Sans adieu ni merci,
Je vous laisserai ici,
Sans adieu ni merci,
Je vous laisserai ici,
Car j’m’en balance,
J’m’en balance,
J’m’en balance,
J’m’en balance… »

Michael Lonsdale (1931-2020)

Pour les scènes du couple Tabard, François Truffaut avait demandé à Michael Lonsdale la permission de tourner dans son grand appartement pour sa belle lumière et la vue sur la tour Eiffel.

On imagine Michael Lonsdale, alors, profondément heureux : il tournait avec Delphine Seyrig. Il s’appelait Georges Tabard, elle était Fabienne Tabard, et elle était là, chez lui, avec lui.

On sait qu’elle fut la seule femme de sa vie : “J’ai vécu un grand chagrin d’amour et ma vie s’en est trouvée très affectée. La personne que j’ai aimée n’était pas libre… je n’ai jamais pu aimer quelqu’un d’autre. C’était elle ou rien et voilà pourquoi, à 85 ans, je suis toujours célibataire ! Elle s’appelait Delphine Seyrig.”
Le dictionnaire de ma vie, 2016

Michael Lonsdale resta toute sa vie dans cet appartement. 
Et il vient d’y mourir. 

Conservant toujours sa grande classe naturelle et cette voix si profonde, blanche et gutturale modulée d’accents fragiles et haut perchés, sa barbe et ses longs cheveux blancs ont fini par adoucir son physique imposant qui servit si bien tous ses rôles souvent inquiétants de hauts fonctionnaires, de bourgeois et d’hommes d’église. 

Plus de 50 ans de cinéma et de théâtre ! 

Michael Lonsdale, s’il a joué dans de grosses productions et pour de grands auteurs internationaux comme Orson Welles, Manoel de Oliveira, Raoul Ruiz, Luis Bunuel, n’a jamais cessé d’offrir son talent au cinéma d’auteur français : Marguerite Duras, Jacques Rivette, François Truffaut, Jean Eustache, Alain Resnais, Joseph Losey, Jean-Pierre Mocky, François Ozon, Sophie Fillières, Nicolas Klotz et Xavier Beauvois. C’est pour Des Hommes et des dieux qu’il reçut en 2011 son seul et unique César. 

Acteur de théâtre et de cinéma, metteur en scène de théâtre et d’opéra, récitant, peintre,  
adieu Michael Lonsdale

Marie-No