« 120 battements par minute » de Robin Campillo

Résultat de recherche d'images pour "120 battements par minute IMAGES"Grand prix du Festival de Cannes 2017

Soirée débat mardi 26 septembre 2017 à 20h05
Présenté par Laurence Guyon

Film français de Robin Campillo sorti le 23 août 2017
avec Nahuel Perez Biscayart, Arnaud Valois, Adèle Haenel, Antoine Reinartz, Felix Maritaud, Aloïse Sauvage
Distribution : Memento Films distribution

Synopsis : Début des années 90. Alors que le sida tue depuis près de dix ans, les militants d’Act Up-Paris multiplient les actions pour lutter contre l’indifférence générale. Nouveau venu dans le groupe, Nathan va être bouleversé par la radicalité de Sean qui consume ses dernières forces dans l’action…

Une révolte, un cri assourdissant mais est-ce-que cela a servi à booster la recherche dans les laboratoires ? Début des années 80, on n’a pas su prendre la mesure de cette épidémie et les labos ne se sont pas mis sur le sujet sérieusement, ne se sont pas attelés à la tâche. Le Sida, « une maladie de pédés » jugée comme cantonnée à cette communauté (!) n’a sans doute pas été considérée comme assez juteuse. Le retard a été pris, fatal. Les années 90 ont été, ensuite, une hécatombe. Act up y est né.

Faute de faire avancer la recherche, Act up aura servi à alerter formidablement sur la nécessité à se protéger, boostant là, en revanche, c’est certain, l’action des autorités pour mettre en place des campagnes de prévention.
Et Act up a fondé une famille. Une famille où les séropos, les sidéens et leurs sympathisants (= qui souffrent avec) ont pû trouver la force de continuer, d’avancer, de garder espoir. Une famille où il faisait bon, où les regards étaient bienveillants, où on n’était pas un paria. Une famille où on se battait pour vivre.
Merci à Act up pour tout ça.

Par la mise en scène, la photo, les éclairages, le rythme, le montage, les acteurs*, le film saisit et emporte dans ce tourbillon de vie et de mort, de réflexion et de danse, de pleurs et de musique, de souffrance et d’amour.
C’est un film formidable à voir absolument.

Description de cette image, également commentée ci-aprèsRésultat de recherche d'images pour "120 battements par minute IMAGES"

Robin Campillo (n’) a reçu (que) le grand prix du jury à Cannes cet été, la Palme d’or ayant été décernée à « The Square » de Ruben Ostlund.
Ca doit être bien. On verra …

* mention spéciale à Adèle Haenel dont je suis fan Résultat de recherche d'images pour "120 battements par minute IMAGES"

Marie-Noël

« Le Redoutable » de Michel Hazanavicius

Mai 68. Godard est à une période charnière de sa vie d’homme, de sa vie de réalisateur. Il a déjà tourné ses films majeurs dont le dernier en date « La chinoise ». Il cherche autre chose. Il est « en révolution » contre tout et surtout contre lui-même. Et il est amoureux d’Anne La Chinoise qu’il épouse. Godard est un monument et Anne l’admire et en est très amoureuse. Elle écrira cette époque et ce chapitre de sa vie  dans son livre « Un an après » qui aurait servi de trame au film d’Hazanavicius.
Ca donne « Le Redoutable » … une parodie de Godard, de son univers, de ses idées, de ses aspirations. C’est un film qui ne dégage  aucune énergie. On est la plupart du temps dans des appartements, dans la villa de Pierre Lazareff sur la Côte d’Azur au moment de « Cannes 68 n’aura pas lieu » semi traité. On se traîne … Même les scènes dans les amphis sont plombées ! Hazanavicius a choisi de faire une comédie, de tourner Godard en dérision. Pourquoi ? C’est quoi l’idée ? Un règlement de compte ? C’est insupportable, en fait. Un exemple : il était sûrement un peu « encombré » dans la vie pratique. Est-ce qu’il fallait lui faire casser ses lunettes 4 fois pour qu’on comprenne ? Il tombe, ses lunettes sont cassées, il se relève, myope, plissant les yeux, démuni (et là, Michel Hazanavicius, pour continuer sur la lancée, pourquoi pas tant qu’on y est,quelques pas de claquettes  ? ) Ou bien les scènes de dialogue JPG-AW au moment où le torchon commence à brûler, les sous titres pour nous dire ce qu’ils pensent vraiment en réalité !

Louis Garrel a bien travaillé le zozotement chuinté et le restitue parfaitement. Il semble ne penser qu’à ça. C’est un peu le problème : le film repose sur le défaut de prononciation et les blagues de Godard, la BA, quoi (Mr et Mme Nous ont une fille …). Encore un film qui se résume ou presque à sa BA ! Et ce qui est rageant c’est le portait d’Anne Wiazemsky par Hazavanicius. Ou est-il allé chercher cette évaporée si jeune et déjà éteinte. Il donne à  Stacy Martin un rôle sans consistance, sans aspérité, lisse, insipide qui ne correspond absolument pas à  Anne Wiazemsky ni à cette époque ni jamais.

Ce film est insignifiant, décevant. Mais je m’attendais à quoi au juste ?

Pourtant rIen n’aurait pu m’empêcher d’aller le voir. Très bonne promo.

« Bonne Pomme » de Florence Quentin

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Eh oui, j’y suis allée !
Je vais voir tous les films avec Gérard Depardieu. Je l’aime.

J’aime l’acteur et j’aime l’homme qui tend le bâton pour se faire battre, qui se suicide à petit feu en se jouant  » la grande bouffe » non stop, devenu quasi impotent, prenant des positions politiques plus que contestables, nouant des amitiés impossibles, provoquant le rejet.  Autant de signaux de détresse. Pas des appels au secours. Je pense qu’il ne veut pas être secouru. Il s’est lesté et a commencé sa descente depuis quelques temps …
En « Bonne Pomme », sur un scénario improbable, voire misérable, il est magistral dans le sens où il EST le garagiste … Et là, c’est très très fort !
Florence Quentin a eu pour ce film le (seul) talent de la distribution des rôles !  Le grand talent de choisir Gérard Depardieu pour le rôle principal et la chance qu’il l’ait accepté ! Pourquoi ? Qu’est-ce-qui fait que Gérard Depardieu accepte un tel rôle ? Il savait bien, au vu du scénario, que l’histoire n’allait pas loin, que tout ça était cousu de fil blanc … Florence Quentin le lui a sans doute vendu grace à sa belle carte de visite de scénariste mais quand même … Ce qui l’a décidé, c’est peut-être  la perspective de retrouver Catherine Deneuve ?
Catherine Deneuve … Elle est presque Barbara, la restauratrice malheureuse mais comme, hélas, le temps fait son œuvre et  qu’elle a écouté le chant des sirènes (personne ne songera à lui jeter la pierre : vieillir pour une actrice qui incarnait la beauté à l’état pur doit être un calvaire), elle porte, désormais, un masque inamovible, son visage est figé. Ca nous fait mal quand elle sourit … Alors, dans le rôle de la toujours virevoltante Barbara, imprévisible, souvent saoûle, spontanée …
Tous les seconds rôles sont bien tenus. En tête Chantal Ladesou que j’ai trouvée très bien en Mémé Morillon.
Les décors : c’est tourné à Flagy, Seine et Marne (sud de Fontainebleau) et que dire ? Rien. Ca ressemble à des villages qu’on connaît par ici. C’est moche.
Pour rester dans le Gâtinais, on note que la vaisselle du restaurant de Barbara, c’est du Gien, décor Oiseau de Paradis.

Marie-Noël

L’amant d’un Jour de Philippe Garrel (2)

Ariane, ce lumineux « objet » du désir. 

Commençons par Gilles, brillant professeur de philosophie qui enseigne à l’université, il se distingue par une mise un peu austère, dépourvue de fantaisie, sauf peut-être lorsque dans sa chambre, il porte un pyjama vintage qui, Ariane ne dira pas le contraire, serait assez sexy. Son appartement désuet, pauvre, surchargé contraste avec son statut. Sa conversation, rigoureusement sobre ne valorise pas sa culture. Il partage avec Philippe Garrel cette aversion de l’esprit bourgeois. (Ces gens qui arrosent sans vergogne, tout à la fois, leurs géraniums et les passants).

Depuis peu, il a fait la connaissance d’Ariane. Ariane, dans la mythologie, c’est le fil mais c’est aussi l’abandonnée. Pour l’heure, c’est une belle jeune femme de 23 ans, au visage grêlé de taches de rousseur, aussi libre que l’air. C’est une séductrice, c’est elle qui l’a dragué à la faculté…Un peu plus que ça d’ailleurs, puisqu’ils ont passionnément, si l’on en croit les soupirs et râles d’Ariane, fait l’amour debouts dans les W.C réservés au personnel. Ce n’est pas d’un romantisme fou mais ça crée des liens. Ils vont décider de vivre ensemble.

Impromptue, arrive Jeanne chez son père. Elle rentre chez papa Gilles car son fiancé l’a quittée. Elle pleure et ses râles rappellent un peu ceux d’Ariane. Jouissance et douleur que deux plans rapprochent.

Lorsque Jeanne rencontre Ariane pour la première fois, au petit matin, dans la cuisine, elle lui dit : « tu es moins belle que ma mère » puis elle s’excuse. L’une et l’autre ont le même âge, elles vont devenir amies. C’est une amitié où l’une est rivale à son  insu comme à l’insu de l’autre. Bref, Ariane est entière, Jeanne est ambivalente.

Ariane est joyeuse, Jeanne est triste. Ariane aime, cependant, elle ne se pose pas de questions sur l’amour et de la durée de sa grâce, elle aime ; de même elle n’assortit pas son désir sexuel du besoin d’aimer ou d’être aimée. Quant à Jeanne abandonnée et absolue, elle veut un homme et un seul pour la vie, pas n’importe lequel Matéo, celui qu’elle a perdu.

Tout est en place, il n’y plus qu’à laisser les choses aller… et les choses vont. Gilles produit une théorie soixanthuitarde sur la liberté sexuelle et la pérennité de l’amour. Ariane comprend alors qu’elle ne pourra pas rester avec lui. (Je me rends compte que pour ce film, il aurait fallu noter la voix off). Elle se lance dans les rencontres, les flirts et les amours d’un jour. Et alors ce sont les gémissements, les râles d’Ariane sans Gilles. Là encore des plans qui se répondent (aux deux sens du terme). Mais alors quel est le plan de Gilles ? Réussir à échouer. Parce que ce qui le marque, c’est l’abandon,  quelque chose comme passer de 1 à 2 puis de 2 à 1 avec toute la souffrance qui va avec, jouissance et douleur. Mais pourquoi peut-on s’autoriser à dire cela ? C’est un peu sauvage non ? Pour deux raisons, la première est l’écart d’âge entre ces deux-là 23/50. La seconde, lorsqu’on a vu la trilogie, on observe qu’elle est entièrement traversée par cette question de l’abandon. Le sentiment d’abandon ce sentiment qui consiste parfois à anticiper, à voir dans autrui le lâcheur potentiel, celui qui va vous laisser seul… Et à tout faire pour rendre la situation conforme à la prédiction.

Mais revenons à Jeanne toute à son chagrin dans sa pureté amoureuse quoi qu’entachée de calculs. Par rivalité, elle met en place une stratégie d’élimination d’Ariane et en même temps de reconquête de Matéo. En fait, on découvre que Matéo ne l’a pas quittée, tout simplement, il n’a pas de projet avec elle, il ne se sent pas mur. D’où Jeanne déduit « il va me quitter, » donc « il m’a quittée »– Là encore abandon par anticipation — Avec un peu de manipulations d’Ariane, (photo d’une revue porno, faux appels téléphoniques, faux suicide, entremise) elle va obtenir de faire entrer Matéo et papa dans le droit fil de ses projets. Jeanne a aussi des désirs moins clairs, ellle aurait par exemple aimé faire des choses un peu moins sérieuses avec un jeune Don Juan de ses amis. (La voix off nous dit qu’elle décide de faire l’amour par procuration). Et c’est Ariane qui va s’y coller, si l’on peut dire.

Comme dans une sonate, réexposition du thème de la jouissance, Ariane et Don Juan, devant les WC. Je ne sais pas pourquoi les WC, mais chacun est libre. Gilles la voit. Ce sera la rupture pour Gilles qui se rend compte qu’il ne pourra pas vieillir avec Ariane… mais pourra compter sur sa fille et Matéo pour le consoler.

Alors Ariane abandonnée ? Ariane un nom, un destin et ce n’est pas forcément triste…Ariane, ce lumineux « objet » du désir, lire Marie-No.

« L’Amant d’un jour » de Philippe Garrel

primé en 2017 à la Quinzaine des Réalisateurs
Du 31 août au 5 septembre 2017
Soirée débat mardi 5 à 20h30

Présenté par Georges Joniaux
Film français (mai 2017, 1h16) de Philippe Garrel avec Eric Caravaca, Esther Garrel et Louise Chevillotte
Distributeur : SBS Distribution

Synopsis : C’est l’histoire d’un père et de sa fille de 23 ans qui rentre un jour à la maison parce qu’elle vient d’être quittée, et de la nouvelle femme de ce père qui a elle aussi 23 ans et vit avec lui.

C’est un vrai bonheur ce film ! Un régal pour les yeux et une mélodie de chaque instant. J’aime le cinéma de Philippe Garrel et j’aime cet homme qui aime les femmes et les comprend bien, finalement. Ca a dû être un long chemin et rien n’est gagné, mais il les comprend, et son coeur transparent …
Et ses acteurs ! Eric Caravaca (Waouh!), Ester Garrel, Louise Chevillote. Le charme incarné. Trois fois. Sans oublier, Felix Kysyl … Petit rôle mais une vraie présence !
Au contraire du spectateur qui disait à Georges à propos du personnage d’Ariane que les femmes n’étaient pas comme ça, je pense, moi, que les femmes sont comme ça.
Comme Ariane
Comme Jeanne aussi
Ariane (Louise Chevillotte) le dit très clairement quand elle parle avec Jeanne, de la fidélité. Les hommes sont naturellement infidèles et naturellement ne supportent pas que les femmes le soient. Alors la clé c’est d’être, de faire et de ne rien dire. En même temps, ne rien dire … Les femmes resteront donc fidèles par nature et les hommes infidèles par nature ? Ariane est un Dom Juan, Gilles (Eric Caravaca) le sait et est bien placé pour la reconnaître, ayant été lui même séducteur et avouant avoir fait souffrir tant de femmes « qui ne le méritaient pas » . En voilà une réflexion intéressante … Quelles femmes le méritent, donc ? Les séductrices ? Ariane ? Elle a failli souffrir par Jeanne (Esther Garrel). Désemparée devant l’amour paternel et filial contre lesquels elle ne peut pas lutter. Obligée de les accepter.
Ariane se fait « pincer »en flagrant délit d’infidélité et Gilles ne supportent pas ce qu’il voit. Il ne demandait qu’une chose : ne rien savoir, ne rien voir. Faire l’autruche tranquillement. Il est fatigué, Gilles, il voudrait maintenant vieillir en harmonie à côté d’une femme qu’il aime et qui l’aime. Il est marrant, ce Gilles ! Il voudrait construire en accéléré ce qu’il a passé sa vie à déconstruire au jour le jour. Et, en plus, il choisit Ariane pour ses jours paisibles ! Mais c’est elle qui l’a mis dans sa toile, elle qui a jeté ses filets sur lui et a réussi à le « pêcher ». Il est pris et sera relâché quand elle le décidera. Ariane qui baise debout, où elle veut, sur le champ. On remarque que les deux scènes de plaisir, celle avec Gilles et celle avec Stéphane (Felix Kysyl)  sont exactement les mêmes. Cadrées pareil, mêmes éclairages, mêmes râles, mêmes soupirs, même visage extasié d’Ariane … C’est elle qui orchestre. C’est sa jouissance à elle qui importe. On revoit la scène de repos après l’amour Ariane-Stéphane allongés sur un lit, nus à peine recouverts d’un voile. Scène d’une beauté picturale bouleversante. J’ai pensé à un tableau, je le vois … (mais je n’arrive pas à retrouver lequel !) De nombreuses scènes du film mériteraient des arrêts sur image tant la photo est belle, les gris lumineux. Et le rythme nous emmène, dans la danse aussi quand Philippe Garrel filme Ariane et Jeanne tournant, chaloupant, jeunes, aériennes, légères et gracieuses.
Ariane est égoïste, libre . Elle a eu pour modèle « un père qui divorce » et « une mère qui s’en fout ». Elle est libre d’être son propre modèle. Une chance.
Et puis il y a Jeanne (Ester Garrel) … Alors filmer comme Philippe Garrel la détresse d’une femme quittée, chapeau ! Jouer ces scènes comme Esther Garrel, avec autant de vérité, chapeau ! Le déni, l’obsession, la folie, la perte de contrôle, l’envie de tout arrêter, le besoin d’espionner, de harceler, le visage transformé par la douleur, l’abandon de soi … Je n’ai jamais vu cette situation sentimentale aussi bien traduite au cinéma. Jeanne imagine, interprète, s’embrouille, doute de tout, d’elle-même surtout. Pas de chance.

Si j’avais su, si j’avais pu, je serais allée voir le film, en plus, aux autres séances, pour en profiter encore davantage.

Marie-Noël