« L’Amant d’un jour » de Philippe Garrel

primé en 2017 à la Quinzaine des Réalisateurs
Du 31 août au 5 septembre 2017
Soirée débat mardi 5 à 20h30

Présenté par Georges Joniaux
Film français (mai 2017, 1h16) de Philippe Garrel avec Eric Caravaca, Esther Garrel et Louise Chevillotte
Distributeur : SBS Distribution

Synopsis : C’est l’histoire d’un père et de sa fille de 23 ans qui rentre un jour à la maison parce qu’elle vient d’être quittée, et de la nouvelle femme de ce père qui a elle aussi 23 ans et vit avec lui.

C’est un vrai bonheur ce film ! Un régal pour les yeux et une mélodie de chaque instant. J’aime le cinéma de Philippe Garrel et j’aime cet homme qui aime les femmes et les comprend bien, finalement. Ca a dû être un long chemin et rien n’est gagné, mais il les comprend, et son coeur transparent …
Et ses acteurs ! Eric Caravaca (Waouh!), Ester Garrel, Louise Chevillote. Le charme incarné. Trois fois. Sans oublier, Felix Kysyl … Petit rôle mais une vraie présence !
Au contraire du spectateur qui disait à Georges à propos du personnage d’Ariane que les femmes n’étaient pas comme ça, je pense, moi, que les femmes sont comme ça.
Comme Ariane
Comme Jeanne aussi
Ariane (Louise Chevillotte) le dit très clairement quand elle parle avec Jeanne, de la fidélité. Les hommes sont naturellement infidèles et naturellement ne supportent pas que les femmes le soient. Alors la clé c’est d’être, de faire et de ne rien dire. En même temps, ne rien dire … Les femmes resteront donc fidèles par nature et les hommes infidèles par nature ? Ariane est un Dom Juan, Gilles (Eric Caravaca) le sait et est bien placé pour la reconnaître, ayant été lui même séducteur et avouant avoir fait souffrir tant de femmes « qui ne le méritaient pas » . En voilà une réflexion intéressante … Quelles femmes le méritent, donc ? Les séductrices ? Ariane ? Elle a failli souffrir par Jeanne (Esther Garrel). Désemparée devant l’amour paternel et filial contre lesquels elle ne peut pas lutter. Obligée de les accepter.
Ariane se fait « pincer »en flagrant délit d’infidélité et Gilles ne supportent pas ce qu’il voit. Il ne demandait qu’une chose : ne rien savoir, ne rien voir. Faire l’autruche tranquillement. Il est fatigué, Gilles, il voudrait maintenant vieillir en harmonie à côté d’une femme qu’il aime et qui l’aime. Il est marrant, ce Gilles ! Il voudrait construire en accéléré ce qu’il a passé sa vie à déconstruire au jour le jour. Et, en plus, il choisit Ariane pour ses jours paisibles ! Mais c’est elle qui l’a mis dans sa toile, elle qui a jeté ses filets sur lui et a réussi à le « pêcher ». Il est pris et sera relâché quand elle le décidera. Ariane qui baise debout, où elle veut, sur le champ. On remarque que les deux scènes de plaisir, celle avec Gilles et celle avec Stéphane (Felix Kysyl)  sont exactement les mêmes. Cadrées pareil, mêmes éclairages, mêmes râles, mêmes soupirs, même visage extasié d’Ariane … C’est elle qui orchestre. C’est sa jouissance à elle qui importe. On revoit la scène de repos après l’amour Ariane-Stéphane allongés sur un lit, nus à peine recouverts d’un voile. Scène d’une beauté picturale bouleversante. J’ai pensé à un tableau, je le vois … (mais je n’arrive pas à retrouver lequel !) De nombreuses scènes du film mériteraient des arrêts sur image tant la photo est belle, les gris lumineux. Et le rythme nous emmène, dans la danse aussi quand Philippe Garrel filme Ariane et Jeanne tournant, chaloupant, jeunes, aériennes, légères et gracieuses.
Ariane est égoïste, libre . Elle a eu pour modèle « un père qui divorce » et « une mère qui s’en fout ». Elle est libre d’être son propre modèle. Une chance.
Et puis il y a Jeanne (Ester Garrel) … Alors filmer comme Philippe Garrel la détresse d’une femme quittée, chapeau ! Jouer ces scènes comme Esther Garrel, avec autant de vérité, chapeau ! Le déni, l’obsession, la folie, la perte de contrôle, l’envie de tout arrêter, le besoin d’espionner, de harceler, le visage transformé par la douleur, l’abandon de soi … Je n’ai jamais vu cette situation sentimentale aussi bien traduite au cinéma. Jeanne imagine, interprète, s’embrouille, doute de tout, d’elle-même surtout. Pas de chance.

Si j’avais su, si j’avais pu, je serais allée voir le film, en plus, aux autres séances, pour en profiter encore davantage.

Marie-Noël

 

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