Avec Revenge en 2018, Coralie Fargeat mettait déjà la barre très haut et nous avait bluffée par son goût du film de genre féministe et sa maîtrise du sujet. Souvenez-vous la scène finale … une villa chauffée à blanc et à l’intérieur, la longue poursuite, en rond, comme dans une cage, les murs qui deviennent écarlates …
Avec The Substance, son deuxième film, elle continue sur sa lancée gore, enfonce le clou à gros coups de gourdin et largue une bombe avec une plongée radicale et sanguinolente dans un récit de body horror au stade terminal de l’excès, c’est sans appel, cursus à fond, bande-son saturée à mort !
Il faut être prêt à vivre cette histoire (et consentir aux trente dernières minutes de grand huit sous amphét) ! Il faut, de base, l’être, prêt, pour ce brûlot anti-patriarcal sidérant, gorgé d’humour et de colère, cette satire noir corbeau de la dictature du paraître, du jeunisme obligé, et une dénonciation implacable de ses ravages.
Le récit est traité comme un long cauchemar stylisé et il faut se mettre dans la tête d’Elisabeth Sparkle (Demi Moore, à nu au propre comme au figuré, époustouflante) du début à la fin, aller jusqu’au bout de ce parcours tout en tripes et boyaux et exulter.
A ce moment-là de sa vie, il va sans dire que tous les hommes dans la tête d’Elisabeth Sparkle sont ignobles, dégoûtants ou débiles. Ou les trois.
Lorsque tout part vraiment en vrille, The Substance vire au délire, nous explose à la figure et c’est une dinguerie ! Gros plans de fureur et bande sonore malaisante, on plonge dans l’horreur pure. Corps qui explosent, membres sectionnés, tripes liquéfiées, peau arrachée, protubérances cauchemardesques… un festival de métamorphoses d’un réalisme à couper le souffle. Comment mieux montrer l’absurdité des diktats esthétiques qu’en collant un sein sur un visage mutilé se désagrégeant peu à peu jusqu’à n’être plus que les yeux d’Elisabeth, bordés d’une chevelure visqueuse faite de chair liquéfiée tel un soleil éphémère glissant sur Sunset boulevard vers son étoile abimée ?
Un film d’horreur féministe si abouti, réalisé par une cinéaste française et d’envergure décidément … on ne voit pas ça tous les jours.
On en sort essoré et ravi.
Marie-No