Pour incarner Djam, Tony Gatlif avait choisi Daphné Patakia aussi parce qu’elle avait la démarche de Charlot.
Dans Sur la branche, son 2ème long métrage pour le cinéma, Marie Garel-Weiss utilise dans les plans larges sa démarche pour coller à Mimi, le personnage principal, et ça lui va à merveille.
Bien à plat dans ses derbies, Mimi, jeune femme au regard doux et pénétrant, marche vers ce monde qui lui procure trop d’émotions et des réactions trop vives pour être « normales ».
« j’ai un peu de mal avec mon nouveau traitement, je suis obsessionnelle, mais c’est une qualité dans le travail, non ? » Non. Non plus.
Au cinéma, le sujet des désordres psychiques est le plus souvent abordé par l’autre versant, le sombre, celui qui fait les drames, et assez rarement par ce versant-ci en osant tenter d’en faire un atout comique et romantique en plus. C’est ce que réussit Marie Garel-Weiss avec Sur la branche, en faisant une comédie sensible avec un fond sévère qui remonte par endroits et pousse fort le plafond du genre.
L’histoire commence dans une institution psychiatrique -c’est beau, c’est vert, c’est calme, c’est où ?- Mimi échange avec un autre patient, celui qui fait souvent ce rêve que sa mère s’assied sur son lit et qu’il lui plante un couteau à pain entre les deux yeux (c’est sur « à pain » qu’on marque)
Mimi l’écoute sans sourciller et se réjouit qu’il soit sortant. Elle aussi sort bientôt.
Le film affiche d’entrée la nature et l’air qu’il lui plaira de jouer pour raconter ses quelques mésaventures, bien d’autres suivront, ce bout de vie d’une jeune femme différente, bipolaire, avocate qui n’a jamais plaidé. Elle revient à ce qu’elle aimait et, au culot, et par un heureux hasard, arrive à s’incruster au cœur d’un cabinet d’avocats parisiens. De fil en aiguille, elle se glisse dans la vie de Paul, ex associé dudit cabinet dont il a été viré, avocat véreux et bientôt radié de l’ordre des avocats. Mais ses démêlés ne nous intéressent pas tant que la rencontre entre la très idéaliste et très angoissée Mimi « je suis coincée à l’intérieur de moi-même car j’ai peur de la vie » et le désabusé Paul qui, en robe de chambre de jute qui pue (là, c’est sur « jute » qu’on marque), apprivoise sa dépression. Le duo s’embarque dans une affaire de justice compliquée qui les mène à Christophe (Raphaël Quenard, fascinant comme d’hab !) l’escroc que Mimi sait innocent et qui d’ailleurs se revèle être de son « pays », la Bretagne.
C’est rythmé, les scènes ne sont jamais étirées et on se prend au jeu, on se prend à croire furtivement que c’est possible, que Mimi va retrouver ses marques, celles de quand elle était petite et qu’elle était formidable, pour ses parents, aussi, tristes et retranchés dans le deuil de cette enfant-là.
Si le ton du film est parfois surprenant, par exemple lorsqu’à des moments inopportuns, Mimi parle de sa vie, de sa santé mentale, de ses pulsions sexuelles incontrôlables, qu’elle arrive parfois à vivre, Sur la branche réussit à être drôle sans jamais faire rire aux dépens de son héroïne en urgence absolue de sa vérité et de sa justice.
Enquête criminelle édulcorée, comédie romantique sans espoir, le sujet est cruel,
le film est une ode aux décalés, ceux qui ne cadrent pas dans la vie et ne seront jamais casés.
« Mimi n’a pas le sentiment des limites, même sa pathologie n’est pas une limite (…) « , « explique la réalisatrice Marie Garel-Weiss « On voulait faire une comédie : il ne fallait pas s’appuyer sur sa faiblesse, mais sur sa force. On est avec elle, à l’intérieur d’elle. Ce n’est pas pareil que de regarder quelqu’un et d’avoir une forme d’empathie ou de commisération (…) »
Pour porter ce ton comique Benoît Poelvoorde est excellent dans le rôle de Paul, personnage lâche, veule, et pourtant d’une grande sensibilité et extrêmement séduisant.
Daphné Patakia habite le beau rôle de Mimi que Marie Garel-Weiss lui offre. Une jolie jeune femme, amusante, obsessionnelle et butée, envahissante, incapable de comprendre les hésitations des autres, attachante.
Un temps en équilibre, Mimi a fini un jour par tomber de sa branche.
Perchée, elle l’est toujours. Autrement. Pour longtemps.
Marie Garel-Weiss réussit à nous faire tenir sur son fil entre le réel et le fantasmagorique.
Un beau moment, troublant, un style élégant, dont on sort joyeusement triste.
Marie-No