Lettre de Prades 58ème ciné-rencontre 2017, suite et fin.

 

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Après Rafi Pitts, difficile de changer de réalisateur. Or, la suite c’est Jean-Pierre Améris. Rien de comparable dans leur cinéma, ni le style, ni la démarche. C’est un homme de grande taille (2,05 mètres) qui se présente à nous, il est séduisant, d’une manière très différente de Pitts, mais séduisant. Il est d’un abord humble, disponible, sympathique, il est calme, convaincant.

Jean-Pierre Améris puise dans sa vie, dans son enfance et ses identifications, ses peines et joies, la matière de ses films. Ses personnages principaux sont remarquables et différents des autres, ils sont pêle-mêle, malade incurable, grand timide, autiste, sourd et aveugle, défiguré, solitaire… Ce sont des blessés, des stigmatisés, des boucs émissaires potentiels.. Nous avons pu voir 8 films, C’est la vie, les émotifs anonymes, Je m’appelle Elisabeth, Marie Heurtin, L’homme qui rit, Maman est folle, La joie de vivre, Famille à louer. La tonalité de ses films occupe toute la palette entre comédie et tragédie. Son dessein n’est jamais de montrer le poids du destin et la force des choses, mais l’être qui se déploie face à l’adversité et les heureuses conjonctions, les mains qui se tendent dans leur vie. – Alors, nul apitoiement chez Améris, juste la compassion et la dignité qu’il faut pour nous montrer des êtres que nous regardons peu habituellement – Parmi ces films, j’ai été plus particulièrement touché par Marie Heurtin, c’était la première fois que je le voyais. De quoi est faite la foi d’une religieuse qui décide de chercher à communiquer,  d’apprendre à parler à une enfant sourde et aveugle, quels sont ses mobiles ? Comment apprendre ? Par quelles méthodes et quelles voies? La rencontre de ces deux êtres est une expérience de la bonté. Au total, si je devais caractériser le cinéma de Jean-Pierre Améris, c’est l’idée de  « providence » qui me viendrait à l’esprit. Je crois que c’est cela qu’il montre le plus souvent.

Courts-métrages : Quel dommage cette disparition des courts-métrages de nos salles, qu’à peu près partout désormais, on préfère considérer que les spectateurs viennent 30 minutes avant la séance juste pour voir des publicités débiles et/ou vulgaires. Nous en avons vu 18, des  » brefs-métrages », parmi eux, des petits bijoux. Panthéon Discount a été élu meilleur d’entre eux, et il est excellent, mais objectivement, un réel départage est impossible. Pensons par exemple au dernier d’entre eux, une poignée de main historique, un « haïku » cinématographique à la fois  drôle, grave  et triste !

Le film surprise (judicieusement sélectionné par les jeunes) : West Side Story. Le revoir,  le revoir sur grand écran, merveille.

 Avant-premières : Marie-No a parlé dindivisibili, je ne vois rien à ajouter, c’est dit.

En revanche Djam de Tony Gatlif est de l’avis de beaucoup, un superbe film. Voici le synopsis : Djam, une jeune femme grecque, est envoyée à Istanbul par son oncle Kakourgos, un ancien marin passionné de Rébétiko, pour trouver la pièce rare qui réparera leur bateau. Elle y rencontre Avril, une française de dix-neuf ans, seule et sans argent, venue en Turquie pour être bénévole auprès des réfugiés. Djam, généreuse, insolente, imprévisible et libre la prend alors sous son aile sur le chemin vers Mytilène. Un voyage fait de rencontres, de musique, de partage et d’espoir. C’est l’art du synopsis de parler d’un film sans en parler vraiment. Ajoutons que Djam est un personnage lumineux et libre tout comme son oncle Kakourgos (qui signifie le malfaiteur en grec, et qui pourtant l’est moins que d’aucuns).

Si l’on veut bien mettre de côté le film sur Pablo Casals qui ouvre davantage le festival du même nom qu’il ne ferme les cinés-rencontres et dont on peut dire qu’il est honnête, mais dont on ne peut pas dire qu’il soit une révolution dans le cinéma, Makala d’Emmanuel Gras serait alors la clôture, et donc le bouquet. Voici le synopsis : Décidé à connaître un avenir meilleur, Kabwita entreprend, depuis son village reculé, un périlleux voyage jusqu’à Kinshasa. Le documentariste Emmanuel Gras le suit dans son périple, avec l’attention des grands maîtres italiens. Et une pudeur magnifique. Je n’avais jamais vu un film pareil, c’est un quasi documentaire qui serait tellement bien scénarisé qu’on est totalement gagné et qu’on devient captif de ce jeune homme que nous suivons pas à pas. C’est un film bouleversant au plein sens du terme. Après l’avoir vu, on ne revient jamais à la case départ.

…Et à propos de départ,  celui de Prades, avec un petit pincement.

 

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