Lettre de Prades 2017, 58ème Ciné-rencontres
Amis Cramés de la Bobine, bonjour,
Nous sommes à mi-parcours de ce voyage en première classe à Prades, un pays de cinéma, la salle de Prades s’appelle le Lido, elle est belle, confortable, peu de salles sont aussi chargées de souvenirs qu’elle, tant elle a accueilli, de festival en festival, de grands noms du cinéma.
Pour l’instant nous en sommes à deux rétrospectives, à commencer par des films de G.W Pabst utilement présentés par P.Eisenreich de la revue Positif et Benoît Jacquot. C’est du ciné en noir et blanc et c’est pour l’essentiel du muet…en 7 films. Alors, lorsqu’on ne connaît pas, on va voir le premier par curiosité un peu condescendante (c’était pas mal pour l’époque), les autres parce qu’on se laisse gagner par ces films-là, ils sont inventifs et convaincants..
Voici ce que nous avons pu voir : La rue sans joie, Loulou, le journal d’une fille perdue, l’amour de Jeanne Ney, les mystères d’une âme, quatre de l’infanterie, le drame de Shanghai, la tragédie de la mine. Les cinéphiles avertis sauront apprécier le menu et ceux qui le sont moins, comme moi, ravis (aux deux sens du terme) s’ils ont la chance d’en voir un.
Nous sommes au moment Rafi Pitts, un cinéaste contemporain iranien, actuellement à Los-Angelès, aux Etats Unis, il aurait dû venir à Prades mais il est coincé, attendant les papiers qui lui permettront de rentrer aux USA s’il en sort. Mais c’est là un scénario peu artistique imaginé par le Président Trump, dont il est question, alors passons.
Heureusement Skype, heureusement Mamad Haghighat pour assurer le contact et les premières questions. Commençons par ce dernier. Il est critique, réalisateur, directeur de salle (le Champollion!) et promoteur du cinéma iranien en France et dans le monde. Authentiquement humble et direct, il a le chic pour poser des questions facilitantes et de faire des remarques à la fois franches et sympathiques. Quant à Rafi Pitts, il nous apparaît comme un homme doux, engageant, vérifiez vous-même sur internet, vous verrez un beau visage, avec il me semble, une oreille droite discrètement décollée, les « dents du bonheur », un sourire lumineux. Dans son répertoire linguistique, il dispose d’au moins 3 langues courantes dont un français naturel, car il a vécu en France.
Pour ce qui me concerne, je ne connaissais pas Rafi Pitts, devait-on le situer aux côtés des Kiarostami, Farhadi, Panahi … ? En somme, parmi les grands noms du cinéma Iranien ? Oui, et sans l’ombre d’une hésitation. Et c’est tout le mérite du Festival de Prades de faire connaître en France un tel réalisateur par une sélection de 8 fictions et un documentaire.
Si vous deviez vous constituer à l’image des trousses de premiers secours, une trousse de films d’urgence, pourquoi ne pas y placer un film de Rafi Pitts ? En attendant, disons tout de suite que nous avons eu l’avantage de voir avant vous Soy Néro qui sera sur les écrans français en septembre. Gaëlle Vidalie a réalisé un documentaire sur Rafi (No return : Rafi Pitts) dont l’essentiel se déroule pendant qu’il dirige Soy Néro. On le voit le réalisateur en mouvement, on le voit être avec ses acteurs et l’équipe. Bien qu’exigeant, il sait accueillir l’émergence de l’imprévu, et la vérité de ses acteurs.
M’autoriseriez-vous un conseil ? Allez voir Soy Néro. Et si vous ne le pouvez, allez dans votre médiathèque préférée, empruntez Salandar, 5ème Saison ou encore Sanam. Ah! Sanam, nous en sortons, quelle émotion ! Des plans de toute beauté, dès les premières images on est saisi. Rien que le début, une colline dans la campagne, au loin, sur la crête une silhouette humaine apparaît, évanescente. Elle bouge, elle court, on la voit descendre semblant décrire une courbe vers la gauche. Elle grandit. Pas assez. Derrière, un cavalier, puis deux, trois et quatre ; ils poursuivent cet homme ? C’est une image presque abstraite qui se précise un peu mais nous n’en verrons à peine davantage, un bruit sec et mat, le film commence. Qui voit cette scène ? Nous. Nous, par les yeux d’Issa, 10 ans. Un contre champs nous fera faire sa connaissance, quel visage lui aussi, et quel acteur ! Ne lisez pas le synopsis, c’est inutile. Regardez les visages des hommes, des femmes, regardez les yeux et les mains celle (Roya Nonahali) la mère de Issa par exemple, regardez les paysages, regardez jouer ce jeune Ismail Amini qui interprète l’enfant Issa ; n’en perdez rien. Laissez-vous aller à votre émotion, vous y réfléchirez après. Ça sera un autre moment riche.
Je termine en disant que Gaëlle Vidalie dont il était question tout à l’heure a assisté Rafi Pitts dans la réalisation d’un documentaire Abel Ferrara, (Abel Ferrara, Not Guilty) dont curieusement, c’était aujourd’hui l’anniversaire. Je ne vais pas faire les louanges de ce documentaire dans ce billet ni d’Abel Ferrara et ça me frustre un peu mais il faut bien terminer un billet. D’abord, il est tard.
A une prochaine pour peut-être pour dire un mot d’Abel F et du reste…la suite du programme promet.
Amitiés des Cramés à Prades.
Georges J