Pierre, feuille, pistolet, un film documentaire qui traite de l’opération spéciale en Ukraine déclenchée le 24 février 2022 par la Russie, se veut l’écho d’une mobilisation spontanée qui a eu lieu au début de la guerre.
Les visages apparaissent tous ensemble sur l’écran.
Ce sont des Ukrainiens anonymes qui fuient leur pays, qui sont filmés à l’arrière d’un monospace de 8 places durant les premières semaines de la guerre.
Il y a ceux qui, dévastés par la détresse, n’ouvrent jamais la bouche. Ceux qui écoutent, acquiescent d’un sourire triste ou préfèrent regarder par la fenêtre. Ceux qui préviennent qu’il n’existe pas de mot pour décrire « ça », puis qui, passés quelques kilomètres, racontent comme dans l’urgence les humiliations, les violences, la honte. Ils fuient pour eux et leurs enfants.
Ce film nous émeut au plus haut point et c’est un véritable « coup de poing dans l’estomac » qui nous recevons à l’évocation de chaque cas personnel dans cet espace contraint.
Comme cette agricultrice qui a dû laisser ses animaux en particulier abandonner sa vache qui avait compris qu’elle allait devoir se débrouiller seule. Chacun sait que les animaux ressentent beaucoup de choses que nous ne sommes pas en mesure de ressentir en tant qu’humain.
Ewelina, une mère porteuse âgée de 21 ans qui a un enfant dont le mari est soldat, rêve d’ouvrir dans sa ville un café style européen. Elle a rendez-vous en Pologne avec William, un Français père du bébé qu’elle porte. Avant la guerre, elle avait un rêve aller à Paris, rêve qu’elle va pouvoir concrétiser grâce à cette guerre mais ce qu’elle ne sait pas c’est que les parents du bébé sont un couple d’homosexuels et que le bébé sera élevé par deux pères.
Sasha, 34 ans, vivait à Tchernihiv à 40 kilomètres de la Biélorussie avec femme et enfants. Un missile russe est tombé à quelques mètres de leur immeuble et a très fortement endommagé les fenêtres et les portes de leur appartement. À la suite de cet évènement, son fils a perdu un œil et sa fille Sonya s’est arrêtée de parler.
Dans le monospace, elle se lie d’amitié avec Sofia qui a un an de plus qu’elle et alors qu’elles feuillettent des livres sur les animaux, elle retrouve sa voix pour la 1ère fois depuis l’explosion mais les sons qu’elle émet ne forment pas encore des mots.
Sifa une Congolaise qui habite en Ukraine depuis 10 ans, y a terminé ses études et a ouvert une boutique de tissus à Odessa. La guerre a éclaté, alors qu’elle rendait visite à sa famille à Kiev. Tous ont décidé de partir mais elle a laissé sa place à sa petite sœur car le véhicule était plein. Elle a dû prendre un taxi, a été arrêtée par les forces spéciales russes qui lui ont tiré dessus à bout portant. Elle a subi deux opérations pour déloger les balles de son corps mais la dernière est restée coincée dans son bassin. Pour son transport, son chirurgien s’attendait à voir une ambulance et lorsqu’il a vu le van il n’a pas mâché ses mots. Comme il n’y avait pas d’autres alternatives, la voiture a été adaptée pour la transporter à la frontière polonaise où une ambulance l’attendait pour l’emmener dans un hôpital polonais.
Tous ces cas ne peuvent que nous émouvoir et nous amener à réfléchir sur le recours à la guerre. Pourquoi l’homme est-il enclin à déclarer la guerre ? Est-ce que la guerre est utile ?
La guerre fait intervenir d’importantes dynamiques de groupe, tant au sein des forces armées qu’au niveau des sociétés. Elle fait naître ou renforce des solidarités collectives qui jouent un rôle important dans la construction de l’identité personnelle.
La guerre est aussi une façon de ressouder une communauté contre un ennemi commun, de justifier le respect d’une forte discipline, voire d’acquérir ou conserver un pouvoir « charismatique ».
Cette guerre nous fait prendre conscience de l’état du monde qui, malheureusement en 2024, n’est pas brillant.
Nous avons cru, pour la génération qui me concerne, pouvoir être une génération sans guerre en France ou en Europe mais n’était-ce pas une utopie à laquelle nous, humains ou états, nous sommes accrochés à tort ?
Marie-Christine