Blackbird, Blackberry – Elene Naveriani

Quelques mots en commençant par la fin. Ethero, cette femme qui approche la cinquantaine qui se croyait atteinte d’un cancer de l’utérus (et qui sait, déjà morte !), apprend d’une manière un peu expéditive qu’en réalité elle est enceinte.

Elle est seule face à elle même, de sa gorge sort un son qui  hésite entre plainte et horreur, puis elle s’apaise progressivement, redevient calme, légèrement souriante et grave à la fois. Alors on repense à sa naissance conjointe avec le déclenchement de la maladie de sa mère, (si fine, pas comme elle, mais il faut voir ce qu’elle était devenue disent ses amis) puis sa mort.

Il y a des enfants sur qui pèsent les secrets familiaux, comme  encryptés (1*), d’autres à qui l’on assigne une faute, (si tu n’étais pas née, elle ne serait pas morte).

Seule fille dans une famille d’hommes, elle grandit dans une affleurante et permanente réprobation. Vivre avec ces hommes, père et frères,  autonomise si l’on peut dire, mais surtout la vaccine.

Adulte, elle devient, contrairement à sa mère, une femme forte (aux deux sens du terme) célibataire et commerçante, elle a des amies dont elle est la souffre douleur, mais elle ne se laisse pas faire.
Un jour, un livreur qu’elle connaît bien, entre comme d’habitude dans la boutique,  un paquet à la main. Elle le fixe,  s’approche de lui, se campe, le hume littéralement, et c’est ainsi qu’à 48 ans, tout s’enchaîne, elle perd sa virginité. Elle la perd comme une réponse à une question : « qu’est-ce que ça fait ? N’en parlons plus !» Mais il y a davantage dans cette aventure, la naissance de sentiments partagés. L’homme qu’elle a choisi l’aimait secrètement. D’ailleurs il lui fera une proposition sérieuse qu’elle refusera. S’est-elle  donnée la peine d’être libre pour finir  femme d’un homme ?

Mais revenons à cette salle d’échographie, où Ethero enceinte, « cause » de la mort de sa mère, qui voulait elle-même mourir d’un cancer, déjoue le signe indien et va donner la vie. Elle sort de ce jeu de forteresse assiégée dans laquelle elle s’était laissée enfermer. Elle renaît.

La caméra comme à l’époque du muet  ne s’assigne rien d’autre que de filmer  le langage des corps et des visages, l’inflection, l’evanescence des sentiments, les tourments, les frissons et les joies indiscibles.

…et l’avenir c’est l’autre a dit un philosophe (2).

Georges

  1. Nicolas Abraham et de Maria Torok 
  2. Emmanuel Levinas

Laisser un commentaire