Le dernier des juifs de Noé Debré est un remarquable premier film, une sympathique tragicomédie. Il est tourné dans les quartiers de Noisy-le-Sec [Seine-Saint-Denis], Agnès Jaoui et un petit nouveau, Mickael Zindel (retenez ce nom) dont Noé Debré dit : « je l’ai rencontré par l’intermédiaire d’une amie, qui me l’a présenté comme un cousin, apprenti acteur, qui bossait dans un kebab et inquiétait beaucoup sa famille ». Et l’apprenti acteur devient maître, ce jeune homme interprète Bellicha, un petit juif de banlieue, originaire d’Afrique du Nord, il est parfait dans son rôle, plutôt dégingandé, discrètement fantasque, rêveur, velléitaire, distrait et…unique dans son quartier, car il y est le dernier des juifs et seul auprès de sa mère (Gisèle), malade qui a perdu l’habitude de sortir.
Tous deux ont bien conservé les rituels de leur religion, juste ce qu’il faut pour marquer leur appartenance communautaire, et donc assez peu. Bellicha a pour Gisèle sa mère, fragile, malade, un peu nostalgique, la dévotion d’un fils unique vivant seul avec sa mère. Ils mangent casher et Maman envoi son fiston faire des courses, hélas, la dernière boutique casher ferme définitivement ses portes.
Un peu comme dans « Good-Bye Lenine », il ne veut pas que sa mère le sache, il achète donc du poulet halal dans une boucherie halal, mais le stratagème fait long feu. C’est ainsi qu’on découvre que ce fiston raconte à sa mère toute sorte de fabulations : qu’il travaille, qu’il fait du krav maga. (On verra d’une manière assez drôle que Gisèle n’est pas dupe, mais que les aventures imaginaires de son fils lui conviennent.) Au lieu de quoi, il va passer du temps avec sa maîtresse, Mira, mariée, mère de famille, tout comme lui en mal de tendresse et qui s’ennuie.
Gisèle de l’appartement dont elle ne bouge plus depuis longtemps sent bien que les choses se délitent, entre son attachement à sa banlieue et la disparition de sa communauté, elle cherche où partir avec son fils, d’autant que sa santé décline, et c’est pathétique de les voir hésiter entre Saint Mandé, et Le 17ème arrondissement, où vivent des communautés bourgeoises juives, parmi les bourgeois. Mère et fils de condition modeste savent au fond d’eux-mêmes qu’aucun de ces lieux n’est à leur portée ; comme ils sont ambivalents, voulant rester et partir à la fois, tout va bien.
Un jour, Gisèle tombe plus gravement malade. C’est curieux, au fil de ces lignes je me rends compte à quel point la trame dramatique m’occupe alors que ce film est aussi tout le contraire, drôle, tendre, léger dans ce monde parfois rude où racisme est bien là, mais un monde parfois généreux. Je tais les dernières images, sinon qu’elles se présentent pour Bellicha comme un rituel de passage, une sorte d’interrogation et de promesse.
Georges