AYA-Simon Coulibaly Gillard

Que dire de ce film ? Qu’il m’a envoûté et j’espère qu’il a envoûté les spectateurs de l’Alticiné autant que je l’ai été.

Ce premier long-métrage de Simon Coulibaly Gillard, qui a été présenté par l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion) au festival de Cannes 2021, narre à la fois l’histoire d’une jeune fille qui veut protéger son paradis en Côte d’Ivoire et les problèmes rencontrés par les habitants de ce paradis à cause du réchauffement climatique et de la topologie des côtes de l’Afrique de l’Ouest.

Tourné en Côte d’Ivoire, à Lahou, un village de pêcheurs victime de l’érosion due au dérèglement climatique, le film suit Aya, une jeune fille à l’aube de l’adolescence qui n’a jamais connu que cette bande de sable située à 150 km à l’ouest d’Abidjan. Pourtant, elle devra bientôt partir et faire l’apprentissage d’un ailleurs, loin de sa culture et de ses croyances. Si le cinéaste témoigne de ce phénomène tragique, injectant du réel à sa fiction, il s’intéresse moins à la question politique qu’à la trajectoire intime de son héroïne.

Le réalisateur est tombé par hasard sur cet endroit, ce village, qui lui a paru paradisiaque au début, avec ses palmiers, sa longue plage de sable fin, mais c’est la découverte du cimetière et de l’impossibilité pour les habitants de réenterrer leurs morts, face à l’urgence de la montée des eaux, qui l’a fait rester un an au total.

Il lui a fallu s’affranchir de son approche européenne, scientifique et logique des choses. À travers un regard occidental, la raison de la montée des eaux dans ce village va être naturellement associée au réchauffement climatique. Or, une société n’ayant aucune histoire industrielle ne peut pas envisager ce discours. Il a donc mis de côté son raisonnement pour absorber la vision des habitants. Ils sont positifs et s’en remettent à Dieu, sans avoir besoin de plus d’explications. Le public occidental peut les trouver fatalistes. Mais non, il y a beaucoup de naturalité dans tout ça. Ils ne sont pas aigris face à ce qui leur arrive.

Sur l’île, il n’y a pas d’électricité. Cela suppose une logistique importante. Par ailleurs, Simon Copulibaly Gillard a dû avoir recours à un traducteur, car les habitants parlent le dioula. Les scènes de dialogues entre Aya jouée par Marie-Josée Degny Kokora, et sa maman interprétée par Patricia Egnabayou ont été construites grâce à une écriture mémorielle, du quotidien. Pendant le tournage, les histoires partagées par les villageois ont été mises dans la bouche d’Aya, qui est devenue une sorte de porte-parole de tout le village. C’est de cette manière que la fiction se tisse. La mère et sa fille connaissaient les thèmes du scénario, puis se livraient à l’improvisation. Entre-temps, il a fallu déterminer une action. La maman est poissonnière, quant à Aya, c’est une ado. Ce qui compte pour elle, c’est de manger et de dormir. Il fallait dramatiser cette action.

Ce qui intéressait le réalisateur dans cette histoire, c’était la petite histoire car les relations humaines n’étaient pas toujours évidentes. Pendant un an, ils ont le temps de mal se comprendre, mais aussi de se rabibocher.

En effet pour Simon Coulibaly Gillard, il était important de montrer ce qui se passe quand on a 15 ans et que l’on n’a plus de trace de son enfance. C’est cet aspect mémoriel qui l’intéressait. La grande histoire écologique et environnementale, ce village qui disparait, est une manière de souligner cette disparition de l’enfance.

Ce film nous permet de suivre l’évolution d’une jeune fille qui commence à devenir une ado, qui regarde les garçons et qui prend ses références culturelles pour acquises, sa langue, sa façon de se nourrir ou de se vêtir, et qui se fait surprendre par le monde qui l’entoure en finissant par embrasser une modernité qui l’étonne elle-même.

Est-ce que ce ne serait pas le sens de la vie ??

Marie-Christine

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