Ce film a été présenté dans la sélection Un certain regard du Festival de Cannes 2021, récompensé d’un étalon d’argent du film de fiction au Fespaco 2021 (Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou/Burkina Faso), festival créé il y a plus de 50 ans, et est soutenu par la région Centre Val de Loire.
Synopsis : Freda habite avec sa mère, sa sœur et son petit frère dans un quartier populaire d’Haïti. Ils survivent avec leur petite boutique de rue. Face à la précarité et la violence de leur quotidien chacun cherche une façon de fuir cette situation. Quitte à renoncer à son propre bonheur, Freda décide de croire en l’avenir de son pays.
La réalisatrice et scénariste haïtienne Gessica Geneus qui vient du cinéma documentaire, croit en la valeur de l’observation et est la seule de la distribution à être connue en dehors du pays où elle est très populaire et reconnue en tant qu’artiste, chanteuse et comédienne. Les autres membres de la distribution sont des artistes haïtiens pas toujours professionnels venant du théâtre, du stand up.
Les personnages sont des portraits et leurs interactions des ressentis, la caméra les situe sans intrusion, comme une question posée, à la juste distance, dans leur environnement, à leur écoute le temps d’un film tandis que la vie continue. La réalisatrice confirme sa volonté d’ancrage dans son pays en filmant en créole haïtien, sachant qu’il s’agit d’une des deux langues officielles avec le français.
A travers son scénario, elle met en lumière les inégalités femmes-hommes et les difficultés à vivre décemment qui rongent le quotidien des Haïtiens.
Il ne s’agit pas de stigmatiser qui que ce soit. Certes, la violence patriarcale est là, parfois relayée par les femmes, mais Gessica Généus se refuse à toute condamnation. Le propos est de voir la réalité en face.
Ce film nous montre aussi le combat entre le protestantisme (souvent évangélique) et le vaudou, qui est présent en Haïti depuis le 18ème siècle, lorsqu’elle était une colonie française. Comme l’état haïtien est un état failli et corrompu, la religion protestante fait bien souvent office de gouvernement et les Haïtiens se tournent vers Dieu, pas toujours pour une question de croyance mais souvent par nécessité.
La caméra se veut observatrice et manipule le moins possible le réel. C’est la raison pour laquelle elle conduit le spectateur dans des lieux différents car la réalisatrice le fait aller dans tous les endroits où Freda va et ils sont nombreux !
Ce film se termine par une fin ouverte qui, me semble-t-il lui convient parfaitement, car chaque spectateur peut ainsi quitter la projection en ayant sa propre vision qui n’est peut-être pas celle de son voisin de fauteuil de cinéma !
Marie-Christine Diard