Synopsis – Sur l’île croate où elle vit, Julija souffre de l’autorité excessive de son père et trouve le réconfort auprès de sa mère. L’arrivée d’un riche ami de son père exacerbe les tensions au sein de la famille. Julija réussira-t-elle à gagner sa liberté ?
Ce film croate a reçu la caméra d’or au festival de Cannes en 2021, a été développé avec le soutien de la Cinefondation du Goethe Institute et coproduit par Martin Scorcese. Il dure 1 heure 32 minutes, a reçu un financement croate, américain et slovène.
Murina hypnotise d’emblée par sa superbe séquence inaugurale et subaquatique qui montre Julija en compagnie de son père Ante, partis comme tous les jours, pêcher la murène au harpon.
Antoneta Alamat Kusijanovic est une réalisatrice croate née à Dubrovnik qui vit aujourd’hui à New York. Après avoir étudié à l’Académie d’art dramatique de Zagreb, elle obtient une maîtrise en scénario et réalisation à l’Université de Columbia à New York.
En 2017, elle avait réalisé un court-métrage « Into the blue » nommé aux Student Academy Award, qui a été récompensé à la Berlinale, au festival du film de Sarajevo et aux Premiers Plans d’Angers.
L’histoire de Murina se déroule dans une nature austère, où les émotions sont exacerbées et, où les sens, exposés à la mer, au soleil et à la roche, incitent le réel à fusionner avec le spirituel.
Pour la réalisatrice, il est important de raconter l’histoire de ces deux générations de femmes piégées dans le machisme et la violence, ce que beaucoup appellent la mentalité croate…
Pourquoi le choix de la murène, ce poisson anguiliforme du bassin méditerranéen dont les dents acérées et la souplesse sinueuse ont des reflets légendaires ?
Son nom scientifique « murenae helena » qui évoque la belle Hélène, la femme la plus célèbre de la mythologie grecque à l’origine de la guerre de Troie, en fait une variation sur l’éternelle histoire de la beauté mise en cage qui cherche désespérément à s’en échapper.
Les acteurs, à l’exception de Javier, joué par Cliff Curtis, sont originaires des Balkans.
Cliff Curtis qui est né en 1968 en Nouvelle-Zélande, est imprégné de tradition maorie. Il a joué : en 1993, le rôle de Mana dans « la Leçon de Piano » de Jane Campion, en 1999, dans « A tombeau ouvert »de Martin Scorcese, en 2022, dans « Avatar », « la voie de l’eau » de James Cameron, en 2024, dans Avatar 3, toujours de James Cameron, ainsi que dans de nombreux téléfilms.
En ce qui concerne Julija, Gracija Filipovic, est née en 2002 à Drubovnik, a reçu une formation théâtrale et a joué dans « Into the blue ». Ces collaborations avec la réalisatrice lui ont valu une reconnaissance internationale et une mention à la Berlinale.
Danika Curcic, qui joue le rôle de la mère, est une actrice danoise d’origine serbe, née à Belgrade en 1985. En 2014, elle joue le rôle de Sanne, atteinte de la maladie de Charcot, dans le film de Bille August, où elle obtient la shooting star de la Berlinale. Elle est aussi présente dans les séries Wallander et Bron.
Leon Lucev, qui joue Ante le père, est né en 1970 à Šibenik en Croatie est un acteur réalisateur. Il joue dans de nombreux films croates et bosniaques, tient le rôle principal dans « Sarajevo mon amour » en 2006 et, en 2010, dans le « Choix de Luna » qu’il a réalisé ainsi que « Love Island » en 2014.
A mon avis, ce premier film, réalisé par une trentenaire, qui est un récit initiatique, a su déjouer les clichés. Il est une œuvre maîtrisée même si l’île paradisiaque où il est tourné est un cocon menaçant pour la jeune fille. On y retrouve de la virtuosité dans la mise en scène, la photographie est sublime et le rythme soutenu. Point qui mérite d’être souligné, il est coproduit par Martin Scorcese que l’on ne présente plus et qui confirme les qualités de cette réalisatrice.
Murina pose l’éternelle question de la libération de la femme dans les sociétés patriarcales mais réussit-il à aider Julija à gagner sa liberté ?
Marie-Christine Diard