« Mister Universo » de Tizza Covi et Rainer Frimmel

 

Primé en 2016 aux festivals de Marrakech et de LocarnoDu 22 au 27 juin 2017Soirée-débat mardi 27 à 20h30
Présenté par Marie-Annick Laperle

Film italo-autrichien (vo, avril 2017, 1h30) de Tizza Covi et Rainer Frimmel avec Tairo Caroli, Wendy Weber et Arthur Robin
Distributeur : Zeugma Films

Synopsis : Il était une fois Tairo, jeune dompteur de fauves dans un petit cirque itinérant des villes et villages de la péninsule italienne. Effondré par la perte de son fer à cheval, son gage de chance et d’amour, Tairo va parcourir l’Italie, à la recherche de celui qui, jadis lui avait offert ce porte bonheur : Arthur Robin, ex Mister Univers, dit « l’homme le plus fort du monde ».

Sur le mode de l’escapade, mêlant personnages réels et fiction,Tizza Covi & Rainer Frimmel continuent avec poésie et humour leur exploration de ces mondes marginaux qui luttent pour perdurer.

Compter : Uno, due, tre, lancer le sel derrière son épaule , à gauche, à droite et le reste à gauche. Graver un nom aimé au couteau sur une bougie blanche et quand elle a fini d’éclairer, jeter la cire dans la rivière pour qu’elle éloigne le malheur de celui dont le nom y était enfermé. Vérifier dans les cartes …
Mais à quoi bon tout ça quand on n’a plus son porte bonheur ?
Tairo est superstitieux, comme tout le monde. Le fer à cheval, qu’il possédait depuis quinze ans et gardait parmi ses objets fétiches, qu’il embrassait avant de faire son numéro avec ses fauves, a disparu. Il éloignait le mauvais œil. Il faut le retrouver. Ou le remplacer.
A partir de là commence un périple, de Rome vers l’Italie du Nord, à la recherche de Mister Universo qui avait plié autrefois le fer précieux. De Tairo, visage poupin et sourire d’enfant, si jeune  -vingt ans ! -se dégage une force impressionnante. La force des enfants élevés dans ces cirques de fortune. Il croit en l’instant présent. Il réagit à l’instant T. L’avenir ? On verra. Après.
On rencontre dans ce film des personnages qu’il faut regarder avec attention. Ils disparaissent sous nos yeux. Tairo , bientôt, n’aura plus de fauves, Wendy, vingt ans dont quinze de contorsion est usée. Son corps est en train de la lâcher. Et elle n’aura pas le loisir d’apprendre un autre métier.
Le directeur du cirque, avec ses lunettes à monture en or, d’une autre époque, s’accroche à ce qui reste et son premier et seul souci finalement est de nourrir sa troupe. Tant bien que mal. Se débrouiller pour, déjà, arriver à demain.
Mais tous aiment leurs vies.
Tairo trouvera Mister Universo, alias Arthur Robin qui, à 87 ans, accompagné de son épouse Lilly,magnifique !, respire le bonheur. Il a toujours un corps d’athlète mais ne plie plus le fer.
Wendy sera plus efficace en allant directement frapper à la porte de la relève : le fils d’Arthur. On est impressionné quand, sous nos yeux, au cinéma, il commence à plier le fer sur son genou !
Mais dans la vraie vie ça n’intéresse plus grand monde, sans doute.

J’ai aimé faire la connaissance des personnages du film que j’ai beaucoup aimés. Ils sont forts, dignes et riches.
Le monde du cirque itinérant est fascinant de désuétude. Bientôt il n’existera plus du tout.
« Mister Universo » fait partie du bouquet final.
Respect.

Je pense que l’avenir de Tairo Caroli est dans le cinéma. Il a une présence, un charisme qui font penser à Tahar Rahim . Il va rester dans la lumière. Sa place.

Marie-Noël

 

« Album de famille » de Mehmet Can Mertoglu

1 prix et 3 nominations à la Semaine Internationale de la Critique 2016
Du 15 au 20 juin 2017
Soirée-débat mardi 20 à 20h30

Présenté par Françoise Fouillé

Film turc (vo, mai 2017, 1h43) de Mehmet Can Mertoğlu avec Şebnem Bozoklu, Murat Kılıç et Müfit Kayacan
Distributeur : Le Pacte

Synopsis : En Turquie, un couple marié, approchant la quarantaine, tente à tout prix de garder secrète l’adoption d’un bébé en constituant un album de photo fictif… .

En sortant de la séance j’aurais dit que le film ne m’avait pas plu, encore que … J’y ai repensé et il m’a quand même pas mal plu. Mais je n’y ai aimé aucun des personnages et puis tous ces plans fixes …

Ça commence super bien avec la partie avant générique de début qui est vachement réussie ! La première image est « blanche ». Une personne, en combinaison intégrale aseptisée, se tient dans un sas, au-delà on voit un large volet électrique baissé, en deçà en arrière, de côté, proviennent des bruits non identifiés. Identifiés quand même très vite car cette personne tient, derrière son dos, un bâton. Le midi même, mon amie D. m’avait révélé que, très jeune, elle avait compris qu’armée d’un simple bâton, elle maîtrisait les vaches et n’en avait, par conséquent, jamais eu peur. C’est des vaches qu’on entend ! On est dans une étable !
Ensuite, il y le taureau, la scène de copulation. Procréer c’est très très simple.

Mais ça peut, aussi, être très très compliqué.

Chez les humains, le recours à l’adoption, dans tous les cas, est un parcours du combattant d’autant plus quand il faut qu’elle reste secrète, toujours, et qu’on a des exigences sur le « produit » : sexe, faciès, couleur de peau … Exit bébé fille, 70 à 85 jours : trop noirs, les cheveux, trop mate, la peau. Pas de lien social avec elle (!).
Se présente le petit Ali qui leur ressemble, croient-ils. Pour le faire passer pour leur enfant biologique, pas question d’adopter un enfant de sangs mêlés, un métisse, un étranger, risquer d’élever un kurde, un syrien !
Ali, bébé garçon tout tendre et rose,  trente à quarante jours de vie. À l’orphelinat, on dit l’âge en jours, comme dans une basse cour . Apparaissent d’ailleurs dans le film beaucoup de volatiles, des poules, des canards, des oies, des pintades … Jusque dans le bureau du directeur de l’orphelinat où surgit d’un coup sur le côté, une grosse oie grise. Le directeur s’agite et la chasse. C’est avec la scène du cambriolage, où Cuneyt chasse l’intrus (le pousse du 11eme étage ?)  la seule scène d’agitation. Sinon c’est toujours deux de tension. Les fonctionnaires (police, impôts) s’endorment même à la première occasion, assis, la tête sur le bureau comme frappés de narcolepsie (ou de poil dans la main fulgurant). Quand ils ne dorment pas, les « chefs » sont préoccupés par des sujets comme les cravates en solde, les champignons, le taux des crédits, ils parlent à leurs subalternes, maîtresse ou subordonnés, au téléphone souvent, comme à des chiens.
Pas un personnage pour rattraper l’autre. A fuir. Tous.

Les deux protagonistes Cüneyt et Bahar sont d’abord déroutants puis franchement antipathiques. Ils ont la quarantaine, sont mariés depuis longtemps se comprennent 5 sur 5 sans besoin de longs discours. Leur vision du monde est restreinte. Ils font partie des nantis, ne sont pas impliqués dans grand chose, travaillent sans passion ni conviction. Ils flottent dans une sorte de sirop poisseux, englués avec leurs concitoyens. Seule ombre au tableau : ils n’ont pas eu d’enfant et ça, ça n’est pas conforme. Le grand frère de Bahar n’est pas content quand il apprend que l’adoption est sue, publique. Sa réaction est  terrrrible !!!
Alors, cet enfant qu’ils avaient mis dans leur décor, auquel ils n’étaient toutefois pas spécialement attachés, auquel ils n’accordaient pas beaucoup d’attention, dont les pleurs ne les réveillaient pas, un comble,  qui faisait partie des meubles … autant le gommer, le faire disparaître. Passer à la suite. Allez, les cascades de Düden, prés d’Antalya, tu te rappelles ? Si on allait se balader par là, tous les 3 ?

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Marie-Noël

« Adieu Mandalay » de Midi Z (2)

Grand Prix au Festival International du Film d’Amiens

Du 7 au 13 juin 2017Soirée-débat mardi 13 à 20h30

Présenté par Laurence Guyon

Film birman (vo, mai 2017, 1h43) de Midi Z avec Kai Ko, Wu Ke-Xi, Wang Shin-Hong
Distributeur : Les Acacias

 

De Lashio, pour rejoindre la Thailande, clandestinement, il faut payer. Cher. Plus ou moins selon le « confort souhaité » … Dans le coffre du pick-up c’est 8000, le moins cher, un enfer (les passeurs ont prévu les cachets pour éviter de nettoyer leur outil de travail à l’arrivée !).
Liangqing paie 8000 kyats. Guo échange avec elle sa place à 10000. Il s’auto-promeut chevalier servant, ange gardien, il en fait sa muse, son idéal. Il fait une véritable fixation sur elle et ne la lâchera plus.
Ce n’est pas une rencontre, c’est un kidnapping. Il y a maldonne. Ces deux-là n’auraient pas dû se rencontrer. Alors Liangqing aurait tracé sa route, contre vents et marées, solide, déterminée. Mais son chemin a croisé celui de Guo, personnage sans envergure, qui prend possession de sa destinée, l’empêche de vivre sa vie. La scène de la chambre, filmée du dessus, nous éclaire sur leur relation. Ils sont allongés, séparément, elle en haut, lui en bas. Elle laisse pendre sa main. Il ne s’en saisit pas. Il l’approche, la frôle, n’ose pas. Ose peut-être. La scène s’arrête là et on se demande si, pour finir, ils se sont (ré)unis. Non.
Il continue à la dévisager, elle le voit à peine, à peine une fois repose-t-elle sa tête sur son épaule sur le scooter, découragée de s’être faite arnaquée par les faussaires.
Les scènes d’usine sont magnifiques. On voit Liangqing tendre les fils, les séparer, les réunir en boisseaux. On dirait une déesse, gracieuse joueuse de harpe et on sait la musique que ces gestes lui jouent. Musique d’affranchissement, possibilité de liberté.
Et Guo, inlassablement, à contre courant, la débarrasse de tous les petits fils restés collés à sa peau, visibles de lui seul. Il l’immacule.
Quand apprenant qu’il l’a trahie en lui cachant l’intervention de Wiangang pour lui faire obtenir des papiers, Liangqing décide de partir et Guo perd la raison cf les scènes magnifiques de sueur et de feu, scènes de tragédie. Liangqing a décidé de gagner vite les 300000 baht nécessaires à l’obtention de ses papiers. La scène de prostitution est stupéfiante. On est horrifié par la laideur et la brutalité de ce gros client éructant, de cet énorme varan battant de la queue dans le cou de Liangqing.
Guo, fou de douleur viendra la saigner dans son sommeil et, puisqu’il était dit que leurs fluides ne se mêleraient pas, s’éloignera un peu pour faire jaillir le bouillonnement de son propre sang, éclaboussant Bouddha dans son cadre.
Mais c’est vrai, au fait : et Bouddha dans tout ça ?

Marie-Noël

NB : Ou bien, Guo symbolise la conscience de Liangqing, son moi, son éducation, son chemin tracé, qui l’encombrent et dont elle sera débarrassée, dans un bain de sang, après être devenue une autre. Alors elle pourra tracer sa route, contre vents et marées etc … Armée de ses papiers,  réfléchie et courageuse elle fuira la médiocrité, et sa vie se présentera sous de meilleures auspices, à Taïwan ou ailleurs, plus jamais Liangqing et sans retour à Lashio.

Le titre français « Adieu Mandalay » n’a rien à voir avec le film.
Le titre anglais « The road to Mandalay » fait référence au poème de Kipling « Mandalay » (189o, Kipling a 24 ans), évocateur d’orient romantique et lumineux, mirage d’alors aujourd’hui plus que disparu, et qu’on aime sans le connaître.
Pour rester dans le thème »rien à voir avec le film « , Sinatra l’a chanté. Très bien.

https://youtu.be/7T0fArVS7P4

« Félicité » d’Alain Gomis

Ours d’argent à la Berlinale 2017Du 1er au 6 juin 2017Soirée-débat mardi 6 à 20h30
Présenté par Jean-Pierre RobertFilm Sénégalais (mars 2017, 1h38) de Alain Gomis
Avec Véronique Beya Mputu, Papi Mpaka et Gaetan Claudia
Distributeur : Jour2fête

Synopsis : Félicité, libre et fière, est chanteuse le soir dans un bar de Kinshasa. Sa vie bascule quand son fils de 14 ans est victime d’un accident de moto. Pour le sauver, elle se lance dans une course effrénée à travers les rues d’une Kinshasa électrique, un monde de musique et de rêves. Ses chemins croisent ceux de Tabu.

Félicité, d’abord, ne s’appelait pas Félicité. Enfant, elle est morte et on l’a placée dans un cercueil avant qu’elle ne revienne « finalement » à la vie et on l’a rebaptisée Félicité. C’est pour moi, ce double traumatisme de mort et de changement d’identité qu’elle revit encore et encore dans ses errances nocturnes, revêtue d’une robe blanche comme un linceul, au milieu des arbres, qui la mènent au fleuve où elle se laisse couler et d’où elle resurgît toujours. Ce monde parallèle est son refuge où elle fait entrer, selon besoin, les trop plein de sa vie, son fils Samo accidenté, le regard fixe mais debout, Tabu, son amoureux, colosse aux pieds d’argile, entre autres.

Félicité est une femme forte qui lutte et qui travaille, affranchie des hommes. Sa voix envoûtante les tient à sa merci. Mais c’est une course de fond. « Cent fois sur le métier remettre votre ouvrage ».
L’APPEL, redouté de toutes, la déracine et malgré sa ténacité, son énergie, les bassesses qu’elle s’inflige pour rassembler l’argent nécessaire à l’opération, malgré l’entraide et le soutien de ses voisins, tous plus pauvres les uns que les autres … scènes ubuesques, elle ne parviendra pas à sauver la jambe de son fils.
Le sentiment de culpabilité, d’échec, alors, ne la quittera plus. Elle ne peut plus chanter, elle sombre. La main tendue de Tabu est tentante. Il est émouvant Tabu, corpulent, imposant, quand il lui dit ses beaux poèmes, si délicats.
Et il est rassurant même s’il n’arrivera sans doute jamais à percer le mystère du frigo en panne. Et sans frigo à Kinshasa … Qu’est ce qu’on mange ? Les préparations culinaires ici ne sont pas très alléchantes …
Tabu gagne son coeur quand il fait bouger, sourire, revivre son fils.
Après avoir dégager ses conquêtes, Félicité va, peut-être, enfin, se laisser approcher, se mettre nue devant lui, se laisser apprivoiser, poser ses fardeaux. Dans cet ordre-là, sans doute.
Et après … Elle retrouvera sa voix, l’envie de chanter. La musique est salvatrice. Et elle pourra revivre. Samo amputé. Autrement.
Je suis restée à l’entrée de Kinshasa, à l’entrée du bar, à l’entrée de l’hôpital, au-dessus du marché. Je ne suis pas entrée de plain pied dans Kinshasa. Une première approche de cette ville qui m’a parue « épouvantable ». Misère, corruption, machisme, brutalité. La scène du marché est, par exemple, épouvantable. Un couple est massacré et personne ne bouge. Tabu regarde, On attend qu’il s’interpose. Il ne bouge pas. On a le sentiment que l’individu doit faire abstraction de la foule pour pouvoir avancer . Comme dans la scène en plan large (mais oui !) où la foule se fige et où seul Tabu avance.
Epouvantable, le médecin qui veut ses sous avant d’opérer. Et comment on fait si on ne peut même pas payer les médicaments ? Rien. On hurle de douleur. C’est comme ça à Kinshasa.

Film particulier, étourdissant. Intéressant.

J’ai aimé le personnage de Félicité, sa force travaillée, sa maîtrise d’elle-même, sa dignité, son beau visage, première et dernière image du film.
Et Tabu, ex petit Bandit, vrai gentil dans un grand corps puissant.

Marie-Noël

«Après la tempête» (海よりもまだ深く) de Hirokazu Kore-eda

nominations au Festival de Cannes 2016Du 25 au 30 mai 2017Soirée-débat mardi 30 à 20h30


Présenté par Marie-Annick Laperle

Film japonais (vo, avril 2017, 1h58) de Hirokazu Kore-eda avec Hiroshi Abe, Yoko Maki et Yoshizawa Taiyo
Distributeur : Le Pacte

Synopsis : Malgré un début de carrière d’écrivain prometteur, Ryota accumule les désillusions. Divorcé de Kyoko, il gaspille le peu d’argent que lui rapporte son travail de détective privé en jouant aux courses, jusqu’à ne plus pouvoir payer la pension alimentaire de son fils de 11 ans, Shingo. A présent, Ryota tente de regagner la confiance des siens et de se faire une place dans la vie de son fils. Cela semble bien mal parti jusqu’au jour où un typhon contraint toute la famille à passer une nuit ensemble…

Qu’est ce que tu voulais faire de ta vie ? Est-elle telle que tu l’imaginais, enfant, celle dont tu avais rêvé ?

La réponse est …

Pour Ryôta, le père, personnage principal, à l’instant, la réponse est, de toute évidence, « non ». Mais l’amour à jamais intact de sa mère lui permettra d’ajouter un « pas encore », salvateur, peut-être. Doué pour la littérature, admirateur de Jean-Henri Fabre (1823-1915) célèbre humaniste, écrivain et poète français très connu au Japon (pour moi un inconnu, ou un oublié, jusqu’à mardi dernier …) dont il parle à son fils Shingo. Ryôta, piètre calligraphe, faiblesse sans cesse soulignée par sa mère, transmise par elle, a écrit un premier roman «La table déserte» pour lequel il a reçu un prix. Un bon début. Il est célèbre mais, semble-t-il, juste dans le quartier où il a grandi et qui est resté le quartier de ses parents. Un petit prix qui lui est monté à la tête alors qu’il y a des « table déserte », des invendus plein ses étagères et que son père, joueur invétéré, a distribué, gratuitement, aux habitants du quartier, pariant sur la renommée future de son fils et leur disant de garder précieusement leur exemplaire qui, un jour, vaudra très cher ! Mais quand ?
Pour un écrivain, le deuxième livre est le plus difficile à écrire mais Ryôta n’a pas de page blanche. Sa vie lui échappe. Il a pris ce boulot de détective, à temps partiel, soit disant pour trouver de la matière pour son second livre. Mais il n’utilise pas son temps libre devant son ordinateur (plus besoin de l’encrier et des pinceaux pour écrire, la calligraphie ne sert plus qu’à l’envoi de faire-parts), ordinateur sûrement mis au clou, d’ailleurs, avec tout le reste. Ryôta est occupé à jouer. Il s’est englué dans ses combines, ses arnaques pour toujours pouvoir parier sur tout et n’importe quoi. Son père jouait, il joue et son fils jouera. La vie de Ryôta est en désordre, à l’image de l’endroit où il vit.
La prochaine étape est l’expulsion, la rue. Sa mère.

Sa mère, Yoshiko qui est là. Dans cet HLM où l’addiction au jeu de son mari les a fait migrer il y a tant d’années, provisoirement, pour toujours. Sa mort l’a libérée, elle revit et de lui, elle dit à son fils s’être débarrassée de tout. On verra qu’elle en a gardé pourtant l’habit, la chemise dont elle revêtira leur fils, une nuit de tempête. Elle porte en elle le deuil de ce mari défaillant, qui vient la visiter, l’accompagne la nuit déguisé en papillon. Leurs deux enfants, adultes, attardés, à charge, la pillent, jouent avec sa corde sensible pour lui extirper, qui des leçons de violon, qui des cours de patinage « arctistique ». Elle voudrait vivre un peu enfin pour elle-même et s’octroie pour commencer le plaisir d’assister avec six autres habitantes de la cité aux « cours de Beethoven » prodigués par un voisin retraité, lui aussi et qui héberge « sa fille », son fardeau. Provisoirement, peut-être.
Yoshiko cuisine « à l’ancienne », le secret semble être de laisser refroidir, infuser pour que les arômes se libèrent, se mélangent, se diffusent. Une recette aussi pour faire (re)fleurir le talent. Et trouver le bonheur. Il s’agit de bien choisir les ingrédients, de renoncer à certains pour goûter les autres, de mêler les bonnes saveurs, les faire s’accorder. Yoshiko donne cette recette à son fils puis, émue, ironise : tu pourras mettre ça dans ton prochain roman. J’ai pensé à la scène, plus acide, dans « Juste la fin du monde »de Xavier Dolan entre la mère Martine (Nathalie Baye) et son fils Louis (Gaspard Ulliel). Pareil. Ailleurs.

Grâce au typhon, la famille se retrouve dans l’appartement de Yoshiko qui est petit mais l’espace est resté le même alors qu’eux ont grandi. Ils ont le réflexe, à table, de se pencher en avant pour qu’on puisse ouvrir le frigo, dorment dans le salon sur des futons alignés côte à côte provisoirement étalés. Ils partagent naturellement le rituel du bain. Dans la pièce dédiée faite pour les ruissellement et les débordements, on se lave d’abord, on se douche et une fois bien propre, on se plonge chacun son tour dans la même eau du bain familial.

Transmission volontaire et involontaire, modèle à suivre, amour perdu, préoccupations d’adulte infligées aux enfants, difficulté à trouver son chemin, embûches, mensonges, précarité …
Autant de sujets délicats traités en cascade, de façon subtilement réaliste dans ce très beau film mettant en scène des personnages à la fois résistants au « chaud et froid » et fragiles.
Comme de la porcelaine. Japonaise, par exemple.

Marie-Noël

 

« Le gouffre aux chimères » de Billy Wilder

 

Soirée-débat dimanche 28 à 20h30Présenté par Henri Fabre
Film américain (vo, avril 1952, 1h51) de Billy Wilder avec Kirk Douglas, Jan Sterling et Porter Hall

synopsis : Charles Tatum, journaliste sans scrupules, va exploiter un scoop. Au Nouveau- Mexique, Léo Minosa, un Indien, est coincé au fond d’une galerie effondrée. S’arrangeant pour être le seul journaliste sur le coup, il va persuader le shérif de choisir la formule de sauvetage la plus lente. Tatum va devenir l’amant de la femme de la victime et poussera l’hypocrisie jusqu’à devenir l’ami de Léo.

 

Oublions le Gouffre et les Chimères et autre Big Carnival.
« Ace in the hole »(Un atout dans la manche), le premier titre choisi par Billy Wilder, était vraiment le bon car il s’agit bien ici d’un jeu. Sordide.
Chuck Tatum distribue les cartes, 1 atout pour lui, les autres pour ses partenaires Lorraine Minosa et Guz Kretzer, le shérif, qui savent jouer, connaissent les règles, et 1 aussi pour le jeune Herbie Cook qui veut entrer dans la partie et comprend vite.
Les autres devront jouer avec les cartes qui restent et qui ne sont pas gagnantes, a priori.
Dans cette partie, Chuck Tatum joue son va-tout.
Il a 35 ans (à peu près), ses démons l’ont fait virer de son poste de journaliste à New York et il a dégringolé, il a roulé, atterrissant à Albuquerque, dans le journal local dirigé par Mr Boot, modèle de patron juste, de journaliste intègre.
Chuck est incongru dans ce petit bureau avec Miss Deverich et ses cols en dentelle.
Un pauvre type coincé dans une galerie de la montagne des Sept Vautours va lui « tendre la main ». Mais pourquoi est-il coincé là, ce type ? Parce qu’il pille les sépultures des indiens pour en vendre les trésors. Pas joli, joli … Il jouait cet atout et a perdu.
Les indiens, en tribu, sont plantés, groupés, les bras ballants, devant la montagne, savourant, mais alors très intérieurement, la colère des Esprits qui protègent leurs ancêtres et ont enfin châtié un des profanateurs. Ils aideront un peu, beaucoup, passionnément, les Esprits dans d’autres films.
Lorraine, la femme de Leo joue son deuxième atout. Le premier elle l’a joué en suivant ce latino péquenot qui l’a sortie du saloon où elle exerçait ses talents. Et a perdu car le commerce mirobolant qu’il lui avait fait miroiter n’est qu’un bar minable, servant aussi d’habitation, à Albuquerque à proximité de la montagne des Sept Vautours, où elle dort depuis cinq ans. Avec le couple, vivent Mama et Papa, les parents de Leo. On soupçonne Papa de se joindre, en temps normal, à son fils, pour piller. Mama est anéantie, à genoux devant sont autel domestique, récitant ses litanies.
Chuck plait à Lorraine et on imagine qu’il n’a pas pour habitude de négliger une « belle plante ». Le côté sexuel de leur relation est illustré par les détails donnés par Lorraine sur sa pilosité.  Elle est châtain sur sa photo de mariage. Avant, au saloon, elle était rousse. Elle s’est décoloré les cheveux et est devenue platine à Albuquerque. Et à Chuck, elle parle de son châtain d’origine …
C’est l’arrière de sa tête platine qu’il saisit avec brutalité pour l’attirer à lui et la « posséder ». Billy Wilder ne montre rien, la censure n’a pas de grain à moudre.
Lorraine pilotée par Chuck va saisir son deuxième atout pour faire de l’argent et s’en sortir. Et, elle, va gagner.
Arrivé au point de non retour, constatant qu’il a perdu, Chuck, qui ne prend pas d’anti-coagulant, va super bien « gérer » sa sortie.
Il embarque le curé, toujours prêt à partir donner les saints sacrements et l’absolution à des kilomètres à la ronde et il a encore le temps de raccompagner le jeune Herbie, pour qu’il reprenne sa place, dans le bureau du journal local, grâce au bon Mr Boot.
Chuck Tatum s’est racheté et peut (enfin) s’écrouler.

Chez Billy Wilder, je m’accommode très mal des dialogues ininterrompus et du rythme « endiablé » (qui n’empêche pas les longueurs). C’est trop pour moi. Stop ! Besoin d’un peu de silence, un peu de gros plans, sans paroles, ni musique, ici sur les visages et la Montagne des Sept Vautours ».
Plus je vieillis, moins j’aime regarder ou revoir des vieux films.

Mais plus j’aime aller au cinéma.

Marie-Noel

« GLORY » Slava (Слава) de Kristina Grozeva et Petar Valchavov


Film bulgare (vo, avril 2017, 1h41) de Kristina Grozeva et Petar Valchanov avec Margita Gosheva, Stefan Denolyubov et Kitodar Todorov

Titre original : Slava
Distributeur : Urban Distribution

Synopsis : Tsanko, un cantonnier d’une cinquantaine d’années, trouve des billets de banque sur la voie ferrée qu’il est chargé d’entretenir. Plutôt que de les garder, l’honnête homme préfère les rendre à l’Etat qui en signe de reconnaissance organise une cérémonie en son honneur et lui offre une montre… qui ne fonctionne pas. Tsanko n’a qu’une envie : récupérer la vieille montre de famille qu’on ne lui a pas rendue. Commence alors une lutte absurde avec le Ministère des Transports et son service de relations publiques mené par la redoutable Julia Staikova pour retrouver l’objet.

Affreux, « bête » et, à la fin, méchant.

Glory m’a plu. Beaucoup.

Tsanko est sale, même le jour des félicitations et récompense du ministre. Il s’était « mis propre » mais ne l’est pas resté longtemps … Il est affreusement sale, son logis est misérable. Sa saleté et ses odeurs pourraient être un formidable bouclier,  repoussant ses semblables (auxquels il ne ressemble pas) et les tenant à l’écart. Mais non. Tous le côtoient, l’approchent, lui font endosser leurs vêtements, car ils sont tous plus « crasseux » les uns que les autres. Eux, c’est à l’intérieur.
La vie de Tsanko est réglée sur les minutes, les secondes de sa Slava hors d’âge, et il suit la voie ferrée muni de sa lourde clé à resserrer les tirefonds. Il fait chaud. On a chaud et cette eau ruisselant sur sa tête aussitôt recouverte de la casquette, fait du bien, mouille un peu tous ces cheveux longs hirsutes et poils de barbe. Une barbe qui ne sera jamais rasée, il en a fait le serment.
Les chemins de traverse ne sont pas de son ressort mais pourtant il y aurait tant à faire … Il l’a signalé à son chef puis au ministre en lui précisant bien que son chef, au courant des sorties de route, n’entreprend rien.
Quand on le voit devant tous ces billets qui lui volent dans les mains, on se réjouit de sa chance. Mais Tsanko est honnête jusqu’au bout de ses ongles salis, et il remet le pactole à la police. Mais faut-il être bête !!!
Pourtant, jusque-là, tout va encore bien. Ca se gâte quand, à Sofia, on va toucher à sa seule richesse : sa montre Slava, une vraie, offerte par son père, et qu’on va mettre la vie de ses lapins en danger. Ses gros lapins gris qu’il caresse dans le sens du poil avant de les passer, chacun leur tour, à la casserole pour améliorer son bouillon clair à l’oeuf.
A Sofia, on lui offre, en guise de récompense pour son civisme, une montre Slava, une neuve, made in China, qui ne marche pas, ce qui, pour son travail, est très handicapant.
Et surtout on lui a pris la sienne qu’il va tout faire pour tenter de récupérer dans un dialogue de sourds (Tsanko bégaie sévèrement) avec tous ces fonctionnaires agités qui se moquent bien de savoir où se trouve l’objet en question devenu le symbole du gouffre entre les nantis et les nécessiteux.
Une montre, Julia Staykhova,  40 ans, la responsable des relations publiques au ministère, en a une dans le corps. Mais, toute à sa fuite en avant, à sa course éperdue vers la réussite sociale, malgré les avertissements de son mari, elle défie le Temps. L’inversion des rôles établis, l’homme voulant « materner » et la femme « réussir », est symbolisé par la scène où on voit, chez eux, le mari en peignoir douillet à gros pois face à sa femme au corps toujours contenu, sanglé.
Le journaliste qu’on espérait être le salut du cheminot, s’avère être une planche pourrie. Il fait le buzz à la télé et passe à autre chose.
Comment Tsanko peut-il être aussi naïf et balancer ses collègues dans le Pab ?
Ils le battent à mort et quand Staykhova, dans un sursaut d’humanité, vient, en personne, lui rapporter la montre retrouvée, Tsanko, filmé en contre plongée, se dresse devant elle, tondu, rasé, balafré, sanguinolent, effrayant et on entend le tintement de son lourd outil de serrage.
S’il n’est pas mort, il a fini par devenir méchant.
Et cette dernière image est réjouissante.
Merci (on aura appris par ce film que merci se dit mersi en bulgare)

Marie-Noël

 

« Les fantômes d’Ismaël » d’Arnaud Desplechin

 

 

Avec Mathieu Amalric, Marion Cotillard, Charlotte Gainsbourg plus

 Synopsis : À la veille du tournage de son nouveau film, la vie d’un cinéaste est chamboulée par la réapparition d’un amour disparu…
Ismaël Vuillard réalise le portrait d’Ivan, un diplomate atypique inspiré de son frère. Avec Bloom, son maître et beau-père, Ismaël ne se remet pas de la mort de Carlotta, disparue il y a vingt ans. Aux côtés de Sylvia, Ismaël est heureux. Mais un jour, Carlotta, déclarée officiellement morte, revient. Sylvia s’enfuit. Ismaël refuse de que Carlotta revienne dans sa vie. Il a peur de devenir fou et quitte le tournage pour retrouver sa maison familiale à Roubaix. Là, il s’enferme, assailli par ses fantômes…

Ce film est présenté en ouverture hors compétition au Festival de Cannes 2017

Le monde de Desplechin est inconfortable et les deux heures passées avec ses fantômes m’ont laissée tourmentée, fascinée aussi, assez mal à l’aise, heureuse d’en sortir mais sûre d’y retourner. Et consciente de n’en saisir qu’une petite partie. Pas frustrée pourtant : trop grand pour moi.

Mon sentiment, en sortant de la projection, était que je n’avais pas libre accès au monde de Desplechin, que ce film était, sans doute, avant tout, fait pour lui-même et quelques très proches. Aux autres, à moi, le privilège d’entrevoir son monde et les démons qui l’habitent, son monde de création sauvage et puissante, son monde de vacarme des sentiments, d’amours mortes, de regrets, de remords.
Après avoir été bloquée, j’ai très envie de revoir son film avec les clés, les codes que ce premier passage m’a laissés, pour tenter d’approcher davantage ses fantômes, de m’en laisser approcher.
Et pour voir encore ses images, ses acteurs, ses actrices que j’ai trouvé si beaux.

Marie-Noël

« Paris la blanche » de Lidia Terki

 

Présenté par Françoise Fouillé
Film français (mars 2017, 1h26) de Lidia Terki avec Tassadit Mandi, Zahir Bouzerar, Karole Rocher, Sébastien Houbani, Dan Herzberg et Marie Denarnaud
Titre original : Toivon tuolla puolen
Distributeur : ARP Sélection
Synopsis : Sans nouvelles de son mari, Rekia, soixante-dix ans, quitte pour la première fois l’Algérie pour ramener Nour au village. Mais l’homme qu’elle finit par retrouver est devenu un étranger.

Ce film fait ouvrir les yeux et regarder en face la misère de ces hommes qui ont passé leur vie, loin de chez eux à travailler ici sur les chantiers, à construire des barres d’immeubles pour loger les autres. Le bilan est déplorable . Ils y ont passé leur vie tout en étant, dans leur tête, au moins les premières années, persuadés du retour prochain et définitif au pays, au bled où « pour l’instant » ils vont presque chaque été construire la famille, concevoir les enfants Qui, l’un après l’autre, naîtront en leur absence. Quelle destin que celui de ces femmes qui auront passé leurs vies à attendre leurs maris, seuls soutiens financiers de la famille, donc interdites d’exigence de changement.

Lidia Terki peint délicatement le portrait de cet homme rendu sans attache, s’interdisant de s’imposer à des enfants dont les semaines, les années ont fini par l’éloigner à jamais. Ses séjours au bled se sont espacés et puis il n’y est plus allé. Il ne connaît pas le dernier de ces enfants, tous en photo épinglés sur son mur. Retraité, il n’a même plus le « refuge » abrutissant du travail et est condamné à passer désormais tout son temps dans ce logement exigu, dans cet environnement dévasté, seul. C’est là chez lui. Nour/Zahir Bouzerar est bouleversant.
On passe par Pigalle et sa vie de quartier où Tara/Karole Rocher, fait figure d’ange. D’elle et des personnages autour d’elle, aux vies difficiles, émane une force vitale, une énergie qui irradie et se propage. Ils sont concernés par cette femme âgée qui s’écroule. Cette solidarité est réconfortante car toute cette misère humaine, ces vies abîmées, saccagées font vraiment « mal aux tripes ».
L’irréparable continue d’être commis.

Ce film m’a beaucoup intéressée. Mais je mets un gros bémol sur le choix de l’actrice principale, Tassadit Mandi. Autant je l’avais trouvée très bien dans « Asphalte » de S.Benchetrit, autant je trouve qu’ici, c’est vraiment une erreur de casting. Pour moi, elle n’est pas du tout le personnage de Rekia. Et je la trouve, pour tout dire, par moments à la limite du cabotinage. Dommage.

Marie-Noel

 

« Une vie ailleurs » d’Olivier Peyon

Du 3 au 9 mai 2017Soirée-débat mardi 9 à 20h30
Présenté par Laurence Guyon
Film français (mars 2017, 1h36) de Olivier Peyon avec Isabelle Carré, Ramzy Bedia et Maria Dupláa
Distributeur : Haut et Court

Synopsis  :  C’est en Uruguay que Sylvie retrouve enfin la trace de son fils, enlevé il y a quatre ans par son ex mari. Avec l’aide précieuse de Mehdi, elle part le récupérer mais arrivés là-bas, rien ne se passe comme prévu : l’enfant, élevé par sa grand-mère et sa tante, semble heureux et épanoui. Sylvie réalise alors que Felipe a grandi sans elle et que sa vie est désormais ailleurs.

 

C’est un sujet si grave que j’aurais aimé être touchée en plein coeur.

Le début du film est régalant avec l’arrivée à l’aéroport puis le transfert en car vers Montevideo, lumineuse, moderne, que je découvre, pour ma part, avec ces images. Dans le car, Sylvie sort la liasse de billets retirés au bureau de change à l’aéroport. Elle fait des enveloppes, là, et on se dit que c’est super « secure » en Uruguay. On apprend en même temps que Medhi qui l’accompagne, est un assistant social ! De son propre chef, il est parti avec elle chercher le fils de Sylvie, Felipe, 9 ans ou plutôt l’enlever à l’autre bout du monde. Un petit aller et retour, t’inquiète. On ne nous explique pas les liens qui l’unissent à Sylvie, ce qui a bien pu le pousser à s’embarquer dans cette folie. Sa détresse de mère ? Un conseil, Mehdi, change de métier. On reste un peu étonné et énervé par cette couleuvre. Mais, bon, admettons.
Le début du séjour est assez captivant, Sylvie continue à se battre pour mener à bien son projet. Elle marche, marche, marche, martèle des talons de ses boots nubuck camel, tous les sols . Clic, clic, clic … Ses pas scandent le film, sans relâche. Sylvie, petit soldat dérouté, combatif. Elle trouve une solution, un bateau, gratuit, ça tombe bien, il n’y avait plus d’enveloppe, pour quitter, le moment venu, le pays. Dès qu’elle aura récupéré son fils Felipe. Felipe que Mehdi est justement parti capturé à Florida …
Alors, à Florida, on hallucine. C’est le paradis sur terre, Florida ! On nous présente un loueur de voiture folklorique, sans vergogne et son véhicule d’un autre temps, rafistolé avec des bouts de ficelle et autres sangles ! Du coup on regarde les autos qui circulent dans Florida : toutes nickel. Un simple pick up pour mettre les vélos des gosses, ça aurait été plus sérieux, plus crédible. Mais, bon, admettons. Alors, oui, à Florida, tout est simple. Les gamins courent, jouent au foot, font du vélo, c’est le paradis. Et il n’y a pas de filles, sauf à l’église. Mais dans les rues, aucune. Elles sont où ?
A Florida, un individu inconnu dans son véhicule pourri peut approcher un stade où des gamins s’entraînent, les photographier et aussitôt les apprivoiser. On n’est pas méfiant à Florida. On peut charger des gamins de 9 ans et leurs vélos dans sa camionnette, improviser une sorte de ramassage scolaire, sans aucun problème.
Felipe est choyé par sa tante Maria, idéal féminin, pleine de grâce, un « canon », super sympa, enjouée, rieuse. Elle ne se dévoue pas, elle est heureuse avec cet enfant qui est devenu son enfant. Il sera bien temps de penser à faire sa vie, à elle, quand le petit sera grand. Magnifique ! Un peu surjoué, peut-être … Bon, admettons. Elle est très sympa, nature avec le touriste. Des liens vont se tisser entre Maria et Medhi et entre Mehdi et Felipe. On sait très vite qu’il va tomber amoureux de Maria, que Maria le fera rester à Florida. Avec elle et Sylvie. C’est déjà l’homme de la situation : quand on ne trouve plus Felipe, le jour de sa communion, c’est à Mehdi que Maria demande de le chercher. Mehdi, le seul qui ne connaisse pas la ville. Bon, admettons.
La grand-mère pourra souffler un peu, enfin délivrée de son secret. Cette grand-mère qui a menti si longtemps. Quand la police a retrouvé la trace de Felipe, à ce moment-là, son fils n’était pas mort. Elle a délibérément menti comme le souhaitait son fils et elle les a accompagnés dans leur fuite. Ensuite, quand son fils est mort, elle n’a rien changé, juste passé le relais à sa fille pour s’occuper de l’enfant. Sa fille, innocente, qui découvre ce mensonge et s’insurge « comment as-tu pu me faire ça ? » La vraie question serait « comment as-tu pu lui faire ça à lui, Felipe ? » Maria est prête à tout pour entériner la situation, pour que rien ne change. A fuir, avec Felipe. Continuer.
On nous persuade depuis le début qu’il vaut mieux pour l’enfant que rien ne change. Sylvie est une femme nerveuse, au bout du rouleau, pour qui la maternité n’a jamais été évidente. Comparée à Maria, légère, sereine, lumineuse … Et si on n’a pas compris il y a les photos Ricoré. Alors là, elle comprend, Sylvie. On lui fera une place sur les clichés. Sur la cage aux écureuils, pour commencer.
Il n’y a pas de solution. Partir, rester, partir avec lui.
Felipe aura tant de reproches à faire, plus tard. A tout le monde.

Un bon (télé)film.
Je lui reproche de ne pas m’avoir émue.
Isabelle Carré est très bien comme d’habitude, Ramzy Bedia très bien, le jeune Dylan Cortes, formidable. Je me suis trop focalisée sur les faiblesses du scénario et la linéarité de la mise en scène.

Marie-Noel