« Poesia sin fin » d’ Alejandro Jodorowsky

 

Revoir le film. Tout de suite.
(une pensée pour le temps du cinéma permanent. On entrait pour 1, 2, 3 séances …)

En attendant laisser déjà infuser toutes les émotions qui sont restées avant de rattraper, en deuxième séance, toutes celles qui se sont envolées avec les papillons.

On pourrait distinguer chaque personnage de chair et de sang.
Quel foisonnement d’impressions, d’émotions !
Avec Alejandro, d’abord ! Passionnant et follement attachant à tous les âges.
Avec tous ceux qui se sont libérés des conventions, pour longtemps, comme les deux soeurs, momentanément, comme Stella qui contre toute attente et en dépit des apparences se préserve pour  son « prince venu des montagnes » qui va finir par arriver et la transformer . Elle qui tenait Alejandro par les « partidas intimas » est depuis lors blafarde tout de blanc vêtue, ses longs cheveux rouges coupés au carré . Attention risque de corset ! Ou bien elle laissera repousser ses cheveux.
Avec ceux qui n’ont rien choisi comme Pequenita, ceux qui n’ont pas eu la force de choisir comme Enrique et aussi probablement tous les morts vivants qui dorment et vieillissent pendant qu’ils dorment.

En plus des personnages, chaque élément du film est un personnage.
Le corset justement de la mère : intact après l’incendie de la maison , juste un peu sali . Cette mère qui chante et aurait dû chanter davantage et qui s’est laissée entraver dans ce corset dont son fils la libère en le faisant s’envoler, accroché à un bouquet de ballons !
Le tricycle aussi est intact et le restera toujours même si Alejandro crie « adieu ! » à son enfance. Ni lui, ni personne ne se sépare jamais de l’enfant qu’il a été.

La fin du film est d’une infinie tristesse avec la scène imaginée de la réconciliation d’Alejandro avec son père. Scène qui commence par un affrontement : Alejandro  est devenu plus fort que son père, il n’a plus peur, il le frappe, à terre, à grands coups de pied, comme son père l’avait autrefois obligé, lui, à frapper un pauvre « voleur ». Puis quand il lui tend la main pour le relever et faire la paix d’une poignée de main virile et convenable, l’Alejandro de 87 ans intervient pour que son père et lui se serrent dans les bras et s’embrassent. Enfin . Mais même pour imaginer cette réconciliation, qui n’a jamais eu lieu, Alejandro doit d’abord changer son père, lui mettre la tête et le visage à nu et lui ôter sa blouse de boutiquier. Impossible réconciliation . Et pourtant « Gracias padre ».

Ne pas avoir vu, comme c’est mon cas, « La danza de la realidad » permet peut-être de mieux goûter « Poesia sin fin » et de faire une entrée fracassante dans le monde de Jodorowsky. Comme en transe dans un tourbillon qui transporte et déracine. Et constater que des chaussures de clown sont restées en bas.

Marie-Noël

« La quatrième voie » Gurvinder Singh

Au Penjab et ailleurs on attend que quelque chose arrive, que ça change, que ça s’arrange. La route est longue, obscure. Entre-temps, pour survivre, il faut courber l’échine. Celui qui se rebiffe, qui jappe, seul, finit, malgré un instinct de survie extraordinaire, par se faire massacrer.

Film sombre .

Des le début, la peur nous enserre, lentement. On comprend d’emblée qu’il ne faut pas lutter contre le courant immobile. Il faut se laisser porter par le temps qui s’étire. Rester silencieux. Les gestes du quotidien nous deviennent familiers mais jamais rassurants.
On redoute la nuit : tais-toi, Tomi !

Une séquence éclaire la situation : le ciel s’obscurcit, le vent se lève, souffle sur un immense champ de blé en herbe, si vert, si lumineux sous l’orage. Une tempête sur le grenier de l’Inde qui devient un océan déchaîné.
Et se calme.

Jusqu’au prochain orage, et un autre et encore un autre.

Jusqu’à trouver ensemble la quatrième voie ?

 

Une aussi longue absence d’Henri Colpi

AUSSI LONGUE ABSENCEPrix Louis Delluc 1960 – Palme d’or au Festival de Cannes 1961Semaine du 8 au 14 juin 2016Soirée-débat Dimanche 12 juin 20h30Présenté par Henri FabreFilm français (vo, 1961,1h38) de Henri Colpi avec Georges Wilson, Alida Valli, Paul Faivre, Charles Blavette et Pierre Parel 
Scénario de Marguerite Duras.
Les paroles de la chanson « Trois petites notes de musique » interprétée dans le film par Cora Vaucaire sont de Henri Colpi, le compositeur est Georges Delerue.

 

Quel film ! J’en suis sortie bouleversée et je vais y penser longtemps.

Penser longtemps à Thérèse d’abord, débordante d’amour et torride de sensualité contenue. Retenue à jamais par l’homme adoré disparu de sa vue mais vivant pour toujours dans son coeur. Alida Valli magnifique si totalement Thérèse qu’on ne pourrait imaginer personne d’autre dans ce rôle. Et quel rôle !

Jamais elle ne quittera leur « navire »,  où son homme peut la trouver depuis son arrestation 16 ans en arrière et où il pourra la trouver pour le restant de ses jours. L’amour pour toujours. Qu’elle recherche passionnément, auquel elle s’accroche désespérément. Elle veut le retrouver. C’est la quête de sa vie . Elle veut le reconnaître dans ce clochard qui est arrivé dans les parages.  Tous autour d’elles la soutiennent, l’accompagnent. Les moins proches dans une vision à court terme et les plus proches dans une perspective à plus long terme. Georges Wilson est brillant de retenue et de finesse. Le prix d’interprétation reçu pour ce rôle lui est venu du Japon. Pas étonnant. Le personnage de l’amant est captivant aussi. Il est si doux, si tendre. Il accepte la mélancolie de Thérèse avec résignation. Il veille sur elle, de plus ou moins loin, dans sa chambre ou depuis son camion devant sa fenêtre éclairée. Il ne reprend la route que lorsque, enfin, elle s’endort. Un rêve cet homme ! Fort, solide, prévenant, protecteur. Et elle renonce à celui-ci pour celui-là qui restera fantôme à tout jamais… Elle ne peut pas faire autrement. Elle passera le restant de ses jours emmurée vivante dans son café à Puteaux. à l’attendre Car si elle n’a pas réussi à se faire reconnaître, c’est aussi à cause de l’été mais quand l’hiver viendra, il reviendra (« L’inverno ti farà tornare »). Et elle fera de la froidure son alliée.

Quel bonheur de pouvoir apprécier la beauté d’Alida Valli, dans l’age du personnage, avec les marques du temps sur son visage et sa silhouette. Belle à couper le souffle.

Et il y a la musique, la musique des mots.

Et l’opéra . La scène du café où elle fait observer le clochard par sa mère et son cousin pour qu’ils le reconnaissent, sur fond de « una furtiva lagrima » air de l’Elixir d’amour de Donizetti ! Une merveille.

Et bien sûr les « Trois petites notes de musique » et la voix de Cora Vaucaire, chanson connue de tous, moins jeunes et jeunes . Une « tuerie »

Merci les Cramés !

PS : en 1961 je n’étais pas bien grande mais assez pour retrouver avec ce film le souvenir de cette époque, l’odeur de la rue, reconnaître les gens, leurs vêtements, l’atmosphère … (et le goût du Vittel délice !!! qui me faisait pleurer tellement ça piquait)

Elle de Verhoeven

Il y a des films qu’on a envie d’aimer dès qu’on en entend parler
Alors on est déçu.
Au bout de 20 mn, je commençais à m’auto-motiver « quand même c’est Isabelle Huppert ! Et Laurent Laffitte, je peux peut-être réussir à  le supporter cette fois-ci, la photo est superbe, la mise en scène impeccable , tout est réuni pour faire un bon film etc… » (sauf les décors et les costumes)
Sans resultat… Juste envie de dire à Isabelle Hupert d’enlever son masque et à Laurent Laffitte que, lui, ce n’est pas la peine qu’il enlève le sien . On nous annonce un thriller. Ah, bon ?

Ça nous dit qu’a notre époque on vit plus d’émotions dans les jeux vidéo qu’en vrai et que Michele est d’autant mieux placée  pour « gérer » son agression qu’elle gere une societe de creation de jeux video, qu’elle veut toujours plus violents, toujours plus agressifs.
Et il y a son histoire de petite fille avec son père psychopathe , sa relation avec sa mère, son fils qui rêve tout éveillé ce qui lui semble a la fois saugrenu et révoltant. Un détail qui m’a interpellée : elle regarde une photo d’elle, petite fille, et commente « le regard vide que j’avais !!! » Elle a les yeux bleus, enfant, et marrons, adulte . Pour nous dire qu’elle ne se rend pas compte que son regard est resté vide et que son ciel intérieur s’est définitivement assombri ?

Elle a mis une telle distance avec elle-même que rien ne la touche, elle n’aime personne, elle est malveillante. Si, elle semble aimer son chat mais ne comprend pas qu’il ne l’ait pas défendue et le regarde lui aussi alors différemment . Personne ne pourra jamais veiller sur elle.

Verrouillée, seule dans sa bulle.

Ses rapports avec son associée sont bizarres. Elle « utilise » son mec et le jette. Sans vergogne. Puis l’associée trahie jette elle aussi ce même mec et revient vers Michele jusqu’a lui proposer d’aller vivre avec elle . Bon courage !

Mais à vrai dire on s’en moque. L’ensemble semble limite grotesque. Finalement je suis restée jusqu’à la fin en passant à côté de « Elle ». Dommage.