Septembre sans attendre de Jonas Trueba (2)

C’est une blague ? certainement
Tout se passe comme si, l’idée leur venait, à Ale et Alex, un beau matin, de se séparer. Tiens, et si on se séparait ? On dirait qu’on se séparerait … On ferait une fête de séparation, tu sais l’idée de mon père, célébrer non pas les unions qui ouvrent vers l’incertain mais les séparations qui ouvrent, elles, sur des jours meilleurs.
(entre parenthèse, repenser au regard du père d’Ale quand il encaisse la nouvelle et mesure l’étendue des dégâts causés par des propos hasardeux tenus il y a longtemps et dont il n’a même pas souvenir … ici une brèche qu’il va tenter de colmater à grand renfort de littérature reconstructive. Ce regard perdu qu’il a d’abord … Un grand moment !)
Souvent dans une séparation, il n’y en a qu’un des deux qui prend bien la chose. Sauf qu’ici, comme on joue, on dirait qu’on irait très bien. Ben oui, tous les deux, ensemble on va bien ! Trop bien !
Et on va resserrer le timing, ça donnera plus de piquant à ce qui pique déjà. Sur les autres, ça fait mouche et ça c’est jouissif. Ben oui, les gars vous aviez l’habitude de nous voir ensemble, voilà, c’est fini. Termidado.
Faire la fête, en septembre, sans attendre.
Désormais
On ne nous verra plus ensemble
Désormais tra la la la

C’est un début de scénario, ça !
Justement. Rembobinons
Première scène, au lit (ils dorment ensemble bien que sur le point de se séparer, ah bon …), ils en débattent, vaguement, de la séparation, de la fête …
« C’est une idée pour un film, ça » c’est Ale qui le dit.
Voilà c’est à assister au tournage (en partie) et à regarder (beaucoup) le making of d’un film que nous sommes conviés. Invités à nous poser, c’est fait, et à les regarder se donner en spectacle et mettre en scène du même coup une sorte de thérapie, champ, contre champ, hors champ, pour leur couple qui, a priori, ne semble pas en avoir besoin. Ils s’entendent à merveille, se marchent un peu sur les pieds, revendiquent la primeur des idées, des questions, des annonces. L’autre prend trop de place. Besoin de recadrer, sans plus. Au bout de 14 ans, mieux vaut prévenir que guérir, ça ne fera pas de mal de rebooster le quotidien. Et puis ce fantôme entre eux, l’enfant qu’il n’ont pas eu, l’ombre envahissante de son absence qu’Alex dissimule quand elle se fait indiscrète. Reconstruire pour ça, pour cesser de le taire.
La fin du film est déconcertante. Pourquoi cette fin ? Ale accoutrée comme jamais et avec une coiffure impossible, une fête si sage … Pour signifier l’amorce d’une Reconstruction ? Rien n’était détruit … Peut-être pour enfoncer le clou : rien ne change. Ale dirige. Alex optempère.
Tout ça ne manque pas d’humour. cf la scène de la séance de pré-visionnage du film dans le film pour l’équipe. Ale pose un regard critique sur sa vie, son travail et par déduction sur ce que nous, spectateurs, sommes en train de regarder. Le film. C’est un peu long et, quand même, un peu répétitif ! C’est elle qui le dit
Et on pourrait ajouter, un peu intello, germanopratin à la sauce madrilène, sophistiqué. Branché. Méli mélo hype.
Si le film n’est pas passionnant, ça n’empêche pas que les répliques fusent, les dialogues sont bien écrits et les acteurs évidemment à l’aise dans leurs rôles, bien rodés car (ne) tournant (qu’) avec Jonas Trueba, depuis plusieurs années, autour de la même orbite. Eva en août en 2020 amorçait la pompe, avec Venez voir en 2023 on assistait à un doux rétropédalage. Septembre sans attendre « fait le job » (c’est un peu le problème) joue, et très bien, la carte de la comédie dramatique. On marche. A distance, avec quelques cailloux dans la chaussure.
Mais revoir Madrid, El Viaducto d’Eva et entendre parler espagnol, c’est déjà un bonheur.

Itsaro Arana est délicieuse dans le rôle d’Ale et on souhaite la voir quitter les sentiers battus, devant et derrière la caméra, pour aller voir ce qui se passe ailleurs.
Chez Almodvar, elle serait formidable !


Marie-No

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