Merci Patron

 

Le documentaire du mois de mars

Avec la participation de Pierre Imbert journaliste au Monde Diplomatique documentaire français (février 2016, 1h30) de      François Ruffin

 

Quelle chance d’avoir vu Merci Patron. Certes ce n’est pas le genre de film à donner espoir aux millions de sans emplois, mais c’est un film qui donne à voir quelque chose de la société du spectacle. La manière facétieuse et l’empathie dont François Ruffin traite ce sujet tragique du chômage et des sinistres qui l’accompagnent a quelque chose de réjouissant. Et puis le côté Robin des bois du film assure le succès, c’est un film qui fait plaisir à voir.

Pour ce qui me concerne,   ce plaisir est mitigé, ce n’est pas mon propos d’engager une discussion politique, mais de remarquer derrière l’humour, la condescendance involontaire avec laquelle les gens de la famille K sont regardés et la manière dont on   leur fait produire de l’humour.

Leur façon de s’exprimer, leur accent, leur désavantage linguistique entre dans une combinaison qui produit de l’effet comique, du drôle. Le décor de la maison, la pesanteur de la caméra sur la « peau tannée» du vieux chien, les objets piégés contenant caméra et système d’écoute contenus dans une poupée folklorique, un faux chat sur son coussin, la petite maison dans la prairie, le cadeau à Monsieur Bernard Arnaud etc. autant d’objets qui expriment des goûts subalternes …Tout cela rappelle « l’affaire des nains de jardin ». Le monde des objets vu par Ruffin l’est d’une manière dominante. Leur exposition chez les K, témoigne de leurs codes de classe dominée sur lequel Ruffin ironise gentiment.

L’autre bémol, consiste à donner à penser que Bernard Arnaud a été informé et a suivi cette affaire et qu’il est donc facile à gruger, c’est confondre un peu vite le cercle de la sécurité des affaires avec celui des affaires.

En dépit de mes réserves très subjectives, je le reconnais volontiers, j’apprécie d’une part, que dans ce jeu, ces gens retrouvent leur dignité, et d’autre part, qu’un film à petit budget, indépendant, qui a un contenu social sensible puisse exister, être vu au delà des espérances de leurs créateurs.

Georges

 

AU DELÀ DES MONTAGNES

AU DELÀ DES MONTAGNES

8 nominations au Festival de cannes 2015 (vo, décembre 2015, 2h06) de Zhang-ke Jia avec Zhao Tao, Zhang Yi et Jing Dong Lian

 

Cher(e)s Cramé(e)s de la bobine,

Après cette belle projection et ce bon débat, ce chef d’œuvre vous inspire encore…  vous souhaitez  commenter, soulever des questions. N’hésitez pas. Ce blog est à vous.

Bienvenu(e)s et au plaisir de vous lire

G

Le dernier jour d’YITZHAK RABIN

LE DERNIER JOUR
D’YITZHAK RABIN
Nominé à la Mostra de Venise 2015
Semaine du 18 au 23 février 2016
Soirée-débat mardi 23 à 20h30

Présenté par Sylvie Braibant en présence de la scénariste  Marie José Sanselme
 Film israélien (vo, décembre 2015, 2h30) de Amos Gitaï avec Ischac Hiskiya, Pini Mitelman et Tomer Sisley

 

Chers Amis cramés bonjour,

Je ne sais pas si vous étiez dans la salle hier pour voir ce film, si vous n’y étiez pas, vous avez doublement loupé. D’abord, c’est Marie José Sanselme, coscénariste d’Amos Gitaï qui présentait ce film. Elle ressemble à son film, elle est précise, mesurée. Ensuite, c’est un très bon film qui tient du documentaire, qui en a la rigueur, et qui avec ses 2heures30 passe très vite parce qu’il a du rythme, qu’il est remarquablement scénarisé. Durant la discussion, nous n’avons pas manqué de souligner que jusqu’à sa musique, ce film est impeccable.

Comme nous tous dans la salle, je connaissais l’homme Yitzhak Rabin et son assassinat, j’en savais le contexte. Ce que je ne savais pas, c’est la mécanique de cet assassinat. Lors de la discussion, quelqu’un d’entre nous évoquait l’assassinat de Jaurès… même climat de haine et mêmes haineux, mêmes déchainements ; même type d’assassin…sûr de son fait.

Cela étant dit, je souhaite ici réagir aux propos que j’ai entendus, et qui me faisaient un peu gesticuler dans mon fauteuil, non parce que je pense détenir une vérité, mais plus simplement pour en débattre, si le cœur vous en dit :

Il a beaucoup (trop) été question de l’intégrisme religieux dans le débat d’après film. Eh bien, je trouve que nous avons là une fausse cause. Dieu n’a rien à voir là dedans. Je l’affirme, bien que jusqu’à présent, il soit arrivé à se passer de moi comme défenseur. L’idée religieuse n’est à mon sens que l’apparat dont s’habille les extrémistes politiques, les va t’en guerre – Une subversion du religieux à des fins tout à fait terre à terre- (C’est le cas de le dire). Certes certains hommes projettent  leur flamme et leur folie dans l’idée religieuse, mais les sincères sont-ils si nombreux? Pour beaucoup, la religion n’est qu’une autre manière d’affirmer une puissance. Une puissance politique partout, jusque dans leur lit. Leur kitch, leur ostentation les dénoncent, comme ils dénonçaient Tartuffe.

Quelqu’un dans la salle comparait à Daesh l’assassin de Rabin. Je trouve que c’est aller un peu vite en besogne, car contrairement aux combattants de Daesh, relativement bien rémunérés en moyenne, ce tueur n’a certainement pas été payé pour tuer. Non, l’assassin de Rabin est un bénévole, un pur. Il est sincère et « providentiel ». Il est tellement sûr de son fait, qu’il se demande comment on peut lui reprocher une chose pareille. Et ça… ce mariage à l’intérieur d’un même homme, de la stupidité la plus crasse avec une intelligence normale, c’est déprimant. Avec des gens comme lui, les Tartuffes ne manqueront jamais de moyens au service de leurs fins haineuses.

Georges

 

PS : Rassurez-vous, autre article, autre auteur sur ce sujet en préparation. G

 

 

le fils de saul

LE FILS DE SAUL
Grand Prix au Festival de Cannes en 2015 (+)
Soirée-débat vendredi 15 janvier à 20h30
Présenté par Annette Wieviorka
Film hongrois (vo, septembre 2015, 1h47) de László Nemes avec Géza Röhrig, Levente Molnár et Urs Rechn

Lumineusement présenté et discuté par Annette Wieviorka, Le fils de Saul, est tout sauf un film intellectuel, c’est un film émotionnel, un film d’immersion, sonore et visuelle. Un film saisissant.

 

Le fils de Saul nous invite à suivre Saul équipier d’un sonderkommando et parfois à être Saul…à voir entendre, sentir ce que Saul voit entend et sent. Nous sommes dans une unité de mise à mort des juifs à Auschwitz Birkenau. Autrement dit, à suivre un homme contraint à travailler comme un forçat pour faire fonctionner ce qu’il est convenu d’appeler un peu trop vite, la machine de mort. Un peu trop vite, car le but ultime du système n’est pas seulement de tuer hommes, femmes et enfants en masse. C’est aussi de produire autant que possible, compte tenu des « impératifs de production », de la mise en poudre. C’est à dire en même temps qu’on tue, à faire disparaître les corps (pièces !) innombrables…et donc l’assassinat lui même. Qu’il n’en reste rien.

Il y a une histoire dans le film, il en fallait une. Ce n’est pas une histoire mineure, l’homme Saul, tel Don Quichotte tente d’éviter la mise en poudre d’un enfant. Il tente de créer un espace, un temps de dignité humaine en donnant un sacrement et en enterrant un enfant dont il allègue pour couper court, que c’est le sien. Le mouvement de résistance individuelle de l’homme Saul en intercepte un autre, une révolte collective.

En 1998, Imre Kertész dit : « pour que l’holocauste entre réellement dans la conscience collective européenne, -du moins celle de la conscience occidentale- il a fallu payer le prix exigé par le public. La stylisation de l’holocauste, qui a commencé pratiquement tout de suite, atteint aujourd’hui des proportions insupportables. Rien que le mot holocauste est une stylisation, une abstraction euphémique pour des mots à résonnance plus brutale, comme « camp d’extermination », ou solution finale.

Sommes nous dans ce cas de stylisation ?… oui, il y a une esthétique, un style. Lazlo Nemes est un artiste, l’art est là pour nous faire ressentir. Mais pas au prix de n’importe quel moyen. Il y a une éthique chez Lazlo Nemes. Regardons les images, observons l’usage esthétique, subtil et nécessaire du flou.
Sommes nous devant une représentation euphémique, une abstraction, une production intellectuelle ? Non. Le film de Nemes bien documenté, produit une forme émotionnelle de la connaissance, il participe, d’où il se tient, à la conscience occidentale, tout comme certains témoignages, ceux de Primo Levi, et de bien d’autres. Mais, plus particulièrement, je pense ici à « Je suis le dernier Juif », de Chil Rajchman, ex membre d’un sonderkommando, évadé à l’occasion d’une révolte en 1943 préfacé par la même Annette Wieviorka.

Pour ce Fils de Saul, grand premier film de Lazlo Nemes, comme une fenêtre sur le néant, la présence d’ Annette Wieviorka est une chance pour les spectateurs. Nous avons pu voir et discuter un film dur et infiniment discutable. Sa présence humble, calme, disponible, son propos à bonne distance, rigoureusement précis  étaient en quelque sorte nécessaires.

Georges

« This is not a love story » Ceci n’est pas une pipe !

Eh  bien voilà c’est parti, voici notre premier commentaire sur « this is not a love story », un film de Alfonso Gomez-Rejon projeté et discuté le 05.01.2016.

Ceci n’est pas une pipe !

Hier soir,   “This is not a love story”…..présenté par Delphine, son commentaire allait bien au film –syntone- Delphine, a réalisé en quelque sorte une fausse anti-présentation. Avec une pointe d’humour elle nous dit « c’est un film du genre bien connu Teen movie, le sujet n’est pas nouveau, il y a beaucoup de clichés, le scénario n’est pas original, mais il se dégage quelque chose de ce film  plein de clins d’œil cinématographiques»… Ça marche, autant de messages paradoxaux mettent en attente, je n’ai pas été déçu.

Comme sa présentation, le film est lui-même tissé de paradoxes. Il est drôle et grave, très grave, pourtant drôle tout de même. Nous avons assisté sous une forme de comédie à quelque chose qui serait en même temps un drame absolu. Sarah, une adolescente risque de mourir…et elle ne va pas mourir …Greg son ami nous en assure, il a peut-être raison.

Tout comme le titre du film pour la distribution française qui sonne comme une dénégation paradoxale, le premier dialogue « tension-détente » entre Sarah et Greg nous empoigne :

Sarah : « Je te connais à peine, et si tu viens par pitié, parce que j’ai une leucémie, tu peux repartir d’où tu viens »

Greg interdit : …« Non je viens parce que c’est ma mère qui me l’a demandé !… S’il te plait restons ensemble aujourd’hui afin que ma mère (que je déçois tant) ne soit pas déçue… »

Après cette réponse digne de l’école de communication de Palo-Alto (consternante et déconcertante, drôle et humble) Sarah peut baisser la garde et une amitié peut se nouer…Une relation lourde-légère. Une relation où avec tendresse, l’on ne se touche pas, comme dans l’amour courtois. Ineffable.

Le tableau de la jeune Sarah, avec sa joie et son courage, sa force de décision si typique des adolescents bouleverse, souvenons-nous de son immense et fabuleux regard noir jusqu’au dernier instant…Et puis, en mode mineur, il y a l’abnégation délicate et sincère du jeune Greg, il nous montre l’humanité dans ce qu’elle a de beau.

Bravo Delphine, ce film de « deuxième choix » comme tu dis, ne nous fera pas regretter le premier. Tu as raison, ce n’est pas un chef d’œuvre, mais c’est un bon choix, vous êtes de cet avis, ou au contraire vous avez été déçu(e) par ce film, pourquoi pas le dire à la suite ? Welcome !

Georges

 

Message de Delphine : Si tu veux rajouter une critique très pertinente du film, voici le lien suivant vers un autre blog

http://camdansunfilm.com/2015/11/15/tomber-amoureux-de-this-is-not-a-love-story/

Voilà qui est fait…