Baccalauréat Cristian Mungiu (2)

 

C’était vraiment un employé modèle, Monsieur William » R.Caussimon

On pourrait dire comme Cristian Mungiu, que Baccalauréat est une histoire du point de vue de Roméo. Pourtant, si presque tout ce que nous voyons dans ce film part ou arrive à lui, cette histoire n’est pas son point de vue. C’est celle qui lui arrive à son corps défendant.

Car c’est aussi l’histoire d’une rencontre : un événement (l’agression d’Eliza), une situation personnelle de Roméo, sa psychologie et sa morale, son environnement social, sa famille, son statut, ses connaissances et enfin la société roumaine qui surdétermine l’ensemble…

Quelques mots sur Roméo et les siens :

De Roméo nous savons beaucoup, sa constellation,  femme, fille, maitresse,  mère bien aimée, profession. Peut-être faudrait-il considérer quelques traits de sa psychologie, car Cristian Mungiu nous en montre beaucoup. Il est médecin fonctionnaire,  bon médecin, probe, ce qui l’amène à vivre modestement. Il a l’esprit fin, il parle peu mais juste, mais il a un petit côté ours et son physique le sert bien. Il aime la musique baroque, Haendel et Purcell qu’il écoute en boucle dans sa voiture, son travail, sa fille chérie, sa femme, sa maitresse, tout cela est bien cloisonné. Dernier trait, il ne lâche jamais prise dans la poursuite de ses buts. Ici son but va être déterminé par la culpabilité, sa fille s’est fait agresser parce qu’il ne l’a pas accompagnée jusqu’à la porte du lycée. Et il ne l’a pas accompagnée parce qu’il allait voir Sandra sa maîtresse. Avec cette transgression et cette « erreur », le sentiment de culpabilité fonctionne mieux, surtout pour lui. Bref, internet nous l’apprend toutes ces choses sont des traits névrotiques un peu obsessionnels. S’ils ne manquent pas de qualités, ils ont parfois leurs limites.

Au plan affectif, lui qui ne met pas tous ses œufs dans le même panier, (si l’on peut oser) partage avec sa femme un amour « surprotecteur » pour sa fille. Mais de quoi cette surprotection est elle faite ? Il paraît que Sigmund Freud disait plaisamment : « Parents, quoi que vous fassiez, vous le ferez mal ». Alors papa Roméo, qui fait de son mieux n’y échappe pas. En bon obsessionnel, il veut tout contrôler. Sa fille traumatisée par l’agression qu’elle a subie, risque de ne pas obtenir une bonne note à son bac, celle qui lui permettrait d’être boursière dans une bonne école en Angleterre. Alors lui le probe, se compromet avec « des gens serviables ». Les spectateurs que nous sommes n’en peuvent mais… ils sont témoins d’un système de combines qui s’articule, se met en place avec une souplesse, une rapidité qui fait la pige aux meilleures institutions sociales.

Mais je n’ai pas répondu à la question, de quoi serait faite cette surprotection ? Elle est faite d’un pacte tacite avec sa femme. Elisa doit tout ignorer de la liaison de son père. Cette cloison étanche, constitue pour Roméo comme pour Magda son épouse le point essentiel de cette protection. Magda partageait avec Roméo la probité et donc le style de vie qui va avec. Contre vents et marées, elle exerce le métier de bibliothécaire qui lui garantit une définitive condition modeste. Mais avant tout, pour ce couple un peu usé, Elisa doit bénéficier d’un sweet home (un sweet home sans carreaux cassés par des jets de pierre, de préférence). Lorsqu’Elisa découvre, par intrusion, cette liaison de son père avec Sandra, elle exige de son père qu’il en parle à sa mère.

Magda demande alors à son mari de quitter le domicile conjugal. Elle n’ignorait  pas cette liaison, mais la découverte de sa fille lui est insupportable, elle rompt le contrat. Lorsque la cloison tombe, il n’y a plus de raison de demeurer ensemble.
Et la mère dira : « Je vais partir avec ma fille, m’occuper d’elle, lui faire à manger là où elle ira ». Bien sûr qu’elle ne le ferait pas,  elle est intelligente, elle l’imagine tout haut c’est tout.  Elisa serait au plan symbolique, le lien qui ne veut pas mourir de ce couple.

Pour le couple, cette surprotection mutuelle et tacite est aussi forte pour sa cause explicite (le meilleur pour notre fille ) que pour sa cause implicite (ne pas renoncer s’aimer en tant que couple). En déclarant qu’elle veut protéger sa fille, (qui ne lui demande rien), elle dit aussi qu’elle la protègera pour deux,  comme cet amour d’autrefois, qu’ils ont eu tous les deux, l’un pour l’autre.

et un mot sur la société Roumaine un exemple parmi tant d’autres de la corruption ordinaire :

Roméo est pris dans une sorte de maelström. Dès que le fil de sa vie lui échappe, il perd les liens qui vont avec. Il perd donc sa femme, se déconsidère un peu avec sa fille,  et la tentative de trucage dont il était l’instigateur est découverte. Avec ce trucage, on découvre la mécanique de la compromission et de la corruption d’un système où tout le monde est serviable avec tout le monde. D’autant que les fonctionnaires qui représentent les institutions sont peu considérés.

On découvre alors une hiérarchie secrète et sub-mafieuse, avec ses valeurs propres et son système d’action concret. Cette manière de rendre service a quelque chose d’ancrée et d’archaïque, elle préexiste certainement au communisme. Mais elle a été particulièrement utile jusqu’en 1989 pour la débrouille ordinaire. Et après, l’ouverture des frontières, les perspectives de profit ont démultiplié le phénomène. La communauté européenne avait « exigé » un plan de lutte contre la corruption et le banditisme à tous les niveaux pour admettre la Roumanie en son sein. Mais peut`être avait-elle formulé naïvement cette demande…  à des corrompus. Le Parisien d’aujourd’hui n’écrit-il pas « des milliers de Roumains sont descendus dans la rue mardi soir pour manifester contre le gouvernement qui a décidé, par décret et après des jours de controverse, d’un allègement du code pénal pour des délits de corruption touchant la classe politique ». 

 Et pour finir :

La scène ou Roméo cherche dans la nuit, parmi les fougères, ce chien qui s’était fiché sous ses roues est symbolique. Il découvre avec sa torche le chien mort, nous ne verrons pas ce chien, mais nous voyons Roméo pleurer. Pleurer ce pauvre chien, pleurer ce pauvre Roméo. « Baccalauréat » montre comment des destins individuels sont percutés, comme des chiens paisibles au milieu d’une route, par des fonctionnements institutionnels pathologiques et des coutumes mafieuses. Et nous avons vérifié l’actualité, la permanence de la chose. Qu’imaginer pour soi  ou pour ses enfants dans un tel monde?

Roméo,  a cherché de tout son être le meilleur pour sa fille, et pour lui, il ne pouvait plus être en Roumanie. Il projetait qu’elle parte étudier en Angleterre. Avec son tempérament,  il a oublié que sa fille était un être pensant, qu’elle était intelligente, autonome, adaptée pour le monde de demain. Elle a montré à son père  qu’elle était assez grande. Mais, ne serions nous pas tous dans certaines conditions des Roméo ou des Magda ?

Henri me signale que la photo lumineuse des jeunes étudiants, souriants, avec Elisa au milieu  clos le film nous parle de leur monde de demain. Les films roumains, ne dénoncent pas pour dénoncer, ils sont aussi ça…puis générique, musique guillerette, l’ESPOIR. Souhaitons leur un avenir radieux.

PS : Nous avions précisé lors de la  discussion que la musique baroque n’était pas celle du film, mais celle de Roméo dans sa voiture. Mais il y a une exception, au moment de la rupture Magda/Roméo, on peut entendre le stabat mater de Vivaldi. Curieux!

Paterson de Jim Jarmusch (2)

 

Présenté par Jean-Pierre Robert

 Film américain (décembre 2016, 1h58) de Jim Jarmusch avec Adam Driver, Golshifteh Farahani et Kara Hayward

Synopsis : Paterson vit à Paterson, New Jersey, cette ville des poètes, de William Carlos Williams à Allen Ginsberg, aujourd’hui en décrépitude. Chauffeur de bus d’une trentaine d’années, il mène une vie réglée aux côtés de Laura, qui multiplie projets et expériences avec enthousiasme et de Marvin, bouledogue anglais. Chaque jour, Paterson écrit des poèmes sur un carnet secret qui ne le quitte pas…

 Avec Paterson, Jim Jarmusch réalise un exercice de style. De style minimaliste. Peu d’acteurs, peu de dialogue, une musique réduite à quelques sons…peu de tout.

Il nous présente un film dont l’originalité tient au fait que son histoire n’a aucune originalité, puisqu’il filme la banalité même d’une vie quotidienne, ritualisée, d’un couple ordinaire (pas tout à fait). Soit une femme au foyer et un chauffeur d’autocar, dans une ville ordinaire, pauvre où il ne se passe pas grand chose.

Elle, fait de la décoration d’intérieur, des expériences culinaires, et se rêve musicienne. Lui, écrit des poèmes, une poésie des choses ordinaires, des petites choses de la vie -La magie de ces petites choses qui lorsqu’elles se déploient, font entrevoir en un surgissement, l’Univers-

Et de même que lorsque l’autocar de Paterson tombe en panne, « il ne se transforme pas en boule de feu », en amour, on ne voit pas ce couple se désirer, s’étreindre ou s’embrasser furieusement. Jarmusch nous montre deux personnes  simplement heureuses de vivre ensemble, de se comprendre – De s’accorder- Paterson, fable poétique, est avant tout un film d’amour.

C’est  un film pour « les foules sentimentales d’Alain Souchon », un enchantement simple.

Mais peut-être en fin de compte préférions nous ceci ?

« S’asseoir au volant d’une BMW, toucher l’écran d’un iPad, entrer dans un magasin Sephora, acheter des chaussures sur Zappos : autant d’expériences uniques. Guy Kawasaki vous livre ses secrets pour parvenir au même degré d’enchantement que ces marques célèbres. »Robert Scoble, blogueur sur Rackspace.

J’ai la faiblesse de ne pas le croire.

Georges

 

 

 

Le Client d’Asghar Farhadi

 

Prix d’interprétation masculine et Prix du scénario au Festival de Cannes 2016
Du 22 au 27 décembre 2016
Soirée-débat mardi 27 à 20h30

Présenté par Eliane Bideau et Georges Joniaux
Film iranien (vo, novembre 2016, 2h03) de Asghar Farhadi avec Shahab Hosseini, Taraneh Alidoosti et Babak Karimi  
Synopsis : Contraints de quitter leur appartement du centre de Téhéran en raison d’importants travaux menaçant l’immeuble, Emad et Rana emménagent dans un nouveau logement. Un incident en rapport avec l’ancienne locataire va bouleverser la vie du jeune couple.

 

Le client, un jeu de miroir

 On observera que le titre international de ce film, The Salesman, fait écho à la pièce d’Arthur Miller*(1), Mort d’un commis voyageur. Cette citation est revendiquée.

Cette pièce est étudiée dans les Lycées à Téhéran, donc elle ne pose pas de difficulté a priori avec la censure.

Curieusement, cette pièce autorisée, lorsqu’on la met en scène, qu’on la joue, montre ironiquement la bêtise millénaire de la censure. Et A.Farhadi par une gentille ironie, pour symboliser la nudité d’une prostituée, fait jouer l’actrice habillée d’un ciré rouge et d’un chapeau noir. Ce qui fait franchement rire un acteur de la pièce lors d’une répétition.

Il lui faut aussi protéger celle qui figure la prostituée en lui donnant une vie décente, bien réglée. Car entre figurer et être, pour le censeur la marge est étroite.

Cette censure peut être plus insidieuse et tristement comique. Dans cette pièce, jouée quelque part à Téhéran, la femme de Willy Loman, le commis voyageur, au lieu de remailler des bas, reprise des chaussettes. La censure ne se contente pas de « cacher ce sein nu » elle réprime jusqu’aux éventuelles évocations érotiques contenues dans une paire de bas.

Pourtant, la mort d’un commis voyageur est le faux double du film d’A.Farhadi. C’est l’histoire d’un humble « colporteur » Newyorkais, vaincu, humilié qui n’a ni colère ni ressentiment, seulement du dépit et de l’incompréhension pour un monde qui n’est plus le sien. L’essor urbain, la masse humaine  et les bouleversements sociaux, les changements de rapport dans un travail où il a tant donné, au mépris de l’éducation de ses enfants, son licenciement sauvage, la misère qui vient sonneront son heure. Analogies en effet : l’essor urbain, ces masses humaines qui enflent la ville et qui changent tout, la misère du « client » qui n’est pas seulement sexuelle et qui ressemble bien à celle de Willy Loman (le commis) qui fréquente lui aussi occasionnellement une prostituée.

Remarquons en passant que dans les interviews, Farhadi évoque cette pièce pour parler d’une manière indirecte des bouleversements de la vie à Téhéran.

Mais là s’arrête peut-être l’analogie. Et la pièce ne doit pas faire écran à ce qui est sur l’écran. Ce qu’il nous donne à voir, c’est aussi la montée progressive d’une violence qui transforme l’homme en bête. Quelle bête ? Les bêtes sont-elles si méchantes ? Dans ce cas, on est sûr que non, car dans les citations du film, il est fait allusion au conte « la vache » qui est aussi un film. J’hasarde que la bête dont il est question est celle d’un bestiaire imaginaire des contes et légendes iraniennes. « Dans les vers du chef d’œuvre de Mowlavi, la vache symbolise l’immensité, la fortune, la richesse, mais aussi parfois la dimension animale de l’homme et sa sottise(*2) ».

L’homme qui veut « laver l’honneur souillé » de sa femme finit par montrer d’une réplique cinglante, que ce n’est pas tant la blessure de sa femme dont il veut obtenir réparation que sa propre blessure narcissique, quitte par ses agissements, à perdre l’amour et l’estime de sa femme. Une femme remarquable. Lui, l’intellectuel libéral des classes moyennes supérieures, en pleine force de l’âge, se venge contre un vieillard valétudinaire, sorte de commis voyageur, avec une  délectation colérique et froide. Donc avec sottise. Une sottise tragique qui humilie à faire mourir. Que ce serait-il passé si « le client » avait été son alter égo ?

Plus tard, Emad va reprendre son rôle dans la pièce d’A.Miller qu’il joue chaque soir, celui précisément du commis voyageur. Le paradoxe ne l’effleure pas, il ne regarde pas en lui même. Il n’est plus aimé de sa femme, mais sa conscience du devoir accompli envers et contre tout, lui ira bien pour la suite.

A.Farhadi nous montre la censure dans toute sa sottise et des personnages sots que rien ne censure. Un vieillard pauvre, licencieux et lâche, et un jeune « quadra » intellectuel orgueilleux, sans compassion. A.Farhadi traite d’un sujet universel,  une société civilisée qui pourtant refuse de se voir et des hommes cultivés qui refusent de se voir. On comprend qu’A.Farhadi ait dit lors d’une interview qu’il se sentait plus proche de Rana.

Comme son maître A.Kiarostami, A.Farhadi recherche une vérité. Et j’ai le sentiment que certaines critiques mitigées que j’ai pu lire sur ce film sont un peu celles de tous les Emad (qui voit bien de loin et moins bien de près).

Georges

 

*(1)Mort d’un commis voyageur : de cette pièce d’Arthur Miller, László Benedek  a fait un film avec notamment Dustin Hoffman et John Malkovitch. Chers cramés, Je vous le prête  sur demande.

*(2) Étude sur le symbolisme des animaux dans le Masnavi
Figures interprétables et leur capacité à signifier. Najmâ Tabâtabâee.

Le potager de mon Grand-Père

 DOCUMENTAIRE DU MOIS

Semaine du 7 au 13 décembre 2016 Soirée-débat lundi 12 à 20h30

Présenté par Marie-Noëlle Vilain
Film français (avril 2016, 1h16) de Martin Esposito

« Le réel et son double * »

On est heureux d’avoir choisi cette projection à l’Alticiné…et tout autant ravi de la présentation débat de Marie-Noël qui observe que le Potager de mon grand-père est aussi un film sur le temps et la transmission… Et puis à l’amour des jardins s’ajoute un bel amour filial entre un petit fils et son grand-père. Il flotte au dessus de ce film une belle expression de la dignité humaine, et plus généralement de la dignité du vivant.

Pour le reste, un peu comme pour le scénario du documentaire Mondovino concernant les viticulteurs, il y a ici un médiocre jardinier, faire-valoir du bon. Le premier (Tonton) est un moderne, mais il a la modernité de son âge, une vieille modernité. Il est un peu « activiste », il veut un jardin ordonné, traite ses légumes sans nuance (à la bouillie bordelaise, ce qui est un moindre mal), utilise outre mesure son motoculteur, arrose sans raison, désherbe obsessionnellement. Bref, il a un peu la déraison des gens trop raisonnables et conventionnels, et ça le conduit à bien des déboires. Alors, que le second (Papy), s’appuie sur une expérience ancestrale et il observe. Sa pratique est contraire, il est adepte du non agir, il accorde confiance à son sol et à la nature, paille, combine les plantes, laisse son jardin dans une apparente anarchie. Tonton tente de maitriser, de dominer, un environnement qui l’entoure, Papy fait corps, compose avec un environnement qui le contient.

Mais en même temps, je me demande si ce monde là est bien celui où nous vivons? En effet dans le réel, il y a certes de beaux jardins et des sages jardiniers, et quelquefois de moins sage, mais il y a aussi, chaque année un tonnage constant de pesticides utilisés en France dans les cultures agricoles ou horticoles. Parmi eux, les pesticides organochlorés, modificateurs hormonaux, qui se répandent et qui selon une étude récente, se retrouvent désormais dans le corps des femmes enceintes.

Et dans nos villes et villages qu’en est-il ? Un marqueur, comme ont dit maintenant, un symbole visible de notre rapport à la vie,   c’est l’arbre. La dignité des vieux arbres. Dis moi comment vont les arbres de la ville où tu habites ?

Mutilés, massacrés à la tronçonneuses sur nos places publiques, réduits à l’état de simples et tristes troncs. Ce matin encore, je lisais les titres de l’Eclaireur du Gâtinais du 07.12 « des arbres disparaissent du paysage à Nogent sur Vernisson », Ce ne sont pas les arbres qui disparaissent du paysage, c’est le paysage qui disparait avec eux .

En revanche, à Sainte Geneviève des Bois, le conseil municipal a planté un arbre pour le climat.

Que peut un arbre ? Que peut un jardinier ? N’empêche, le potager de mon grand père est beau et la conscience du jardinier est comme une petite lumière dans la nuit.

Georges

 

* Titre emprunté à l’ouvrage de Clément Rosset

L’économie du couple

 

Du 27 octobre au 1er novembre 2016

Soirée-débat mardi 1er à 20h30

 Présenté par Martine Paroux

Film belge (août 2016,1h40) de Joachim Lafosse
Avec Bérénice Bejo, Cédric Kahn, Marthe Keller

On pourrait commencer comme ça : voici un film qui ne dit rien, ne prend pas parti, et n’a d’autre souci que de montrer les affres, les tensions d’un couple en route vers la rupture.

Mais on pourrait dire aussi, voici Marie qui ne veut plus vivre avec Boris, mais Boris n’arrive pas à finir cette relation, pour une raison matérielle évidente explicitée dans le synopsis,  et d’autres, on s’en doute.

Il y a différentes manières de voir ce film, ce que je souhaite faire c’est pointer un aspect de la crise du couple, m’arrêter sur quelques séquences du film et présenter ici une sorte de hors champ.

Que sait-on de chacun ? Quel cortège imaginaire accompagne leurs paroles et leurs actes  dans cette dissension ?

Le film révèle par bribes des indices sur « qui sont ces deux là », en dévoilant le comportement de Marie et de Boris, ce qu’ils disent et se disent, leurs rapports à leurs filles jumelles, à leurs parents, la situation sociale de l’un et de l’autre.

Martine P. nous signalait que les deux acteurs ne s’appréciaient pas. C’est un avantage, la tension était palpable. Elle nous signalait aussi que Joachim Lafosse avait conseillé à ses acteurs de revoir « Qui a peur de Virginia Woolf » de Mike Nichols. Nous nous souvenons de ce chef d’œuvre durant lequel les protagonistes se disent toutes sortes d’horreurs, et les conditions possibles de leur énonciation se révèlent en fin de film. (Une sorte de contrat tacite).

Dans les deux films, il y a un point commun, le secret ; quelque chose qui ne doit pas être prononcé. Là s’arrête l’analogie, car la circulation de la parole dans le couple Marie/Boris est moins sophistiquée, mais là aussi, ce qui est soustrait, non dit, est présent comme un fantôme…

Pour ce non dit,  un faisceau de quatre indices sont parsemés dans le film:

Première séquence, Boris descend dans son jardin où trois intrus semblent lui demander des comptes, il leur donne quelques billets…bousculade.

Deuxième séquence, Marie s’agace d’entendre Boris s’amuser avec son portable.

Troisième séquence, Boris revient le visage marqué, sans doute une rixe, il avoue à sa femme qu’il « leur » doit de l’argent.

Quatrième séquence, Marie remet à Boris 10 000 euros pour régler sa dette.

La deuxième séquence semble incongrue, mais elle s’éclaire si on admet que Boris est un joueur compulsif, le téléphone peut être alors au service de cette compulsion.

Donc Boris est un joueur compulsif ; sa maîtresse, c’est le jeu. Elle exige que son personnage soit attachant, séducteur par tous moyens, et un peu menteur. On sait aussi de lui qu’il se vit comme étant d’une famille plus modeste que celle de sa compagne. Qu’il est une sorte d’intermittent du travail, qu’il a des dons pour rendre les choses belles dans la maison (c’est un fameux bricoleur)…qu’il est attaché à sa mère. On voit aussi qu’il est bon papa, câlin, ludique, cool.

Pour Marie, c’est plus simple, elle est attachée à ses parents, à sa mère (Marthe Keller) qui vit non loin d’elle, elle a un côté structuré, contenant et réfléchi face à un monde qui ne demande qu’à lui échapper. Marie est fiable, sincère, engagée, travailleuse, responsable, bonne mère, etc. Elle a un idéal de sincérité, elle reproche à sa mère de s’être trop accommodée, d’avoir fait semblant.

Marie est froide, rude envers Boris, elle ne l’aime plus, ils vivent sous le même toit et ils partagent encore et surtout ceci : Les enfants ne doivent pas avoir à connaître que leur père est joueur, jamais le mot jeu ne sera prononcé en leur présence. L’un et l’autre sont d’accord pour protéger leurs enfants de cette connaissance. C’est le secret,  il constitue une analogie avec  « Qui a peur de V.W » c’est  leur point d’entente. (Ce socle à partir de quoi on peut ne pas s’entendre)

Cette entente tacite du couple permet toutes les autres mésententes. La question de la division des biens est conflictuelle. Boris veut 50% de la valeur de la maison qui ne lui appartient pas. Il allègue qu’il y a fait des travaux. Ses prétentions sont excessives, son argumentation ne tient pas la route et les spectateurs que nous sommes s’en étonnent. Que veut dire cette revendication ?

Ce que recherche Boris, ce n’est pas exactement l’argent, il a un trouble avec ça, c’est un joueur, il ne connaît même pas la valeur du bien dont il demande 50%. Non, ce qu’il recherche, c’est une sorte d’étrange réparation symbolique. Tout se passe dans l’esprit de Boris comme si la maison, c’était le couple. Marie ne peut être 66% du couple. Elle ne peut pas non plus être parent à 66%. L’égo de Boris n’a que faire des réalités concrètes, tout se joue dans le symbole…Et la réparation c’est : je suis ton égal.

Dernières images…on voit le couple enfin séparé, apaisé, attablé devant un verre…Flash back, le tribunal, la lecture du jugement, le partage selon les vœux de Boris. Marie a renoncé à faire valoir son droit. Son acceptation des conditions de Boris est un acte de bonté et d’intelligence. Les dignités sont sauves, une vie plus calme reprend son cours.

Georges

 

 

STEFAN ZWEIG, ADIEU L’EUROPE

STEFAN ZWEIG, 
ADIEU L’EUROPE

Nominé au Festival de Locarno
Soirée-débat mardi 18 à 20h30

Présenté par Laurence Guyon
Film allemand (vo, Août 2016,1h46) de Maria Schrader avec Josef Hader, Barbara Sukowa et Aenne Schwarz 
Titre original : Vor der Morgenröte 
Synopsis :En 1936, Stefan Zweig décide de quitter définitivement l’Europe. Le film raconte son exil, de Rio de Janeiro à Buenos Aires, de New York à Petrópolis.

Je n’ai pas aimé ce film… mais quoi donc ?

Il y a quasiment autant de lecteurs de Stefan Zweig que de spectateurs du film.  C’est un film qu’on souhaite voir après avoir peu ou prou lu Zweig.  Pour ma part, c’est plutôt peu, je l’avoue. J’ai fait sa connaissance avec « le joueur d’échecs » paru en feuilleton dans le journal Monde en 1972 à l’époque du match Fischer vs Spassky, j’ai souvenir d’une nouvelle peu vraisemblable et d’une  psychologie des personnages taillée à la hache. Les autres livres que j’ai pu lire de lui ne m’ont guère plus passionné, de sorte que je ne regrette pas mon aveux.

Le film m’est apparu classique (trop), bavard et lent, sans surprise. Bien sûr Joseph Hader est à la fois ressemblant, crédible, remarquable dans sa manière de réprimer ses sentiments, son embarras et sa détresse…tout en les rendant tout de même visibles en dépit de ce qu’il veut paraître. La manière furtive et délicate de nous montrer le couple mort est elle aussi parfaite. Mais, autant vous prévenir tout de suite, je suis au maximum du bien que je peux  dire de ce film.

Ce récit m’apparaît comme une théorie de mondanités exécrables, de discours véhéments et vains qui n’ont pour fonction que de contrebalancer les silences et prises de position éthiques neutralistes de Zweig. Le monde de Zweig qu’on nous présente est un monde de figurants.  On imagine que dans la vraie vie, cette contrainte éthique qu’il s’est imposé devait être mortifère.

Une spectatrice durant le débat faisait remarquer que les réfugiés politiques, s’ils sont des intellectuels connus, ont des devoirs vis à vis de ceux qui n’ont pas eu la chance de pouvoir fuir ou qui sont restés pour lutter. Mais on peut aussi imaginer que l’auteur « du monde d’hier » pressentait d’une manière péjorative le « monde de demain », ce monde de l’après nazisme, que nous les vivants, expérimentons désormais.

C’est le monde du présent qui semblait échapper à Zweig. Ses amis, à l’instar de Walter Benjamin s’étaient suicidés. Un autre  et génial ami, l’écrivain  Joseph Roth, qui si l’on en juge par leurs correspondances, avait des préventions plus fermes et une  anticipation plus aiguë  que celles de Sweig sur le national socialisme,  lui aussi s’est suicidé…d’une autre manière, plus lente, celle d’un pauvre et grand alcoolique, désespéré, mourant seul à Necker un jour de mai 39.

En dernier lieu, l’histoire et la littérature, le cinéma nous ont souvent montré des couples se suicidant. Chacun a  aussi en tête des cas concrets, des noms célèbres parmi les intellectuels du 20ème siècle. Et parmi les simples quidams, aujourd’hui encore, en Octobre 2016, un couple à Villejuif vient de se suicider parce qu’il ne pouvait plus payer son loyer.

Dans le suicide d’un couple, il peut y avoir des motifs et une volonté commune d’en finir, ça peut arriver. Ce que l’on voit aussi , c’est la mise à mort de l’un par l’autre, puis le suicide de l’autre, et parfois, au décours de ces tristes histoires, la mort d’un seul conjoint sur les deux. Enfin, on peut lire sur ces affaires, qu’il existe des mécanismes morbides où l’un tente de convaincre l’autre que la mort est la seule issue valable. (Un inducteur et un induit.) Les déprimés mélancoliques sont parfois de bonne foi, par désespoir, amenés à raisonner en ces termes. Ils veulent ainsi,  par la mort, protéger leur(s)  proche(s) d’une vie atroce dont le pire reste à venir.

Dans le cas de Zweig dont on sait qu’il était déprimé et de Lotte sa jeune épouse, nous avons un doute, celui là même exprimé dans un Figaro de  2010 « Cette femme qui s’était jurée de lui redonner goût à la vie était-elle aussi désespérée que son époux au foie noir ? (mélancolique) N’est-ce pas Stefan Zweig qui a voulu imiter Heinrich von Kleist, un écrivain qu’il avait célébré dans son essai « Le Combat avec le démon » en entraînant une compagne dans la mort ? ».

Dans ce film, Zweig est un homme seul qui meurt à deux.

…Et cette pensée pour Lotte à elle seule aurait suffit à me pourrir le film si d’aventure, le reste ne m’avait pas déjà semblé ennuyeux.

Georges

 

EL ACOMPAGNANTE

EL ACOMPAÑANTE
Prix du public aux festivals de Miami et de la Havanne
Semaine du 29 septembre au 4 octobre2016
Soirée-débat mardi 29 à 20h30

Présenté par Sylvie Braibant en présence du producteur Edgar Tenembaum
Film cubain (vo, août 2016,1h44) de Pavel Giroud avec Yotuel Romero, Armando Miguel Gómez et Camila Arteche
 

Aux cramés de la bobine, nous avons la chance de voir des films rares, les films cubains ne sont pas si courants, et souvent ils sont bons. C’est le cas de celui-ci -Notre gratitude à Edgar Tannenbaum son producteur –

J’espère que ce film sera commenté, il y a tant de choses à souligner. Nicole, une spectatrice faisait remarquer que ce film avait une analogie avec « Folles de joie », présenté il y a peu :  La rencontre de deux personnes que rien n’aurait dû mettre en contact, sauf la situation et le lieu dans lesquels ils se trouvent placés à leur corps défendant. Il y a de même chez les deux personnages, ce désir d’en sortir,  de se faire la belle, l’attrait des grandes largeurs.

Là s’arrête l’analogie, car la question de la mort qui rode est spécifique   à ce film. Elle est majeure quand ce  jeune homme naguère débordant d’énergie,   maintenant épuisé,  couvert de kaposi, s’autorise à perdre son match pour la vie,  lorsqu’il sait que son ami  boxeur va gagner le sien… sur le ring,  grâce à son conseil.

Ce film rend compte d’un système efficace de prévention de la transmission du SIDA dans les années 80, et en même temps décrit, exprime  une organisation totalitaire. Un système d’enfermement, où l’on passe de sujet à objet, où tous les besoins des sidéens sont déterminés de l’extérieur. Nous voyons là, la résurgence d’une forme  de soins, pas si rare dans l’histoire.  Une forme de soin qui n’a qu’un prix, celui de la liberté.

Pouvait-on imaginer un tel dispositif pour faire face au SIDA ailleurs qu’à Cuba ?  Cuba nous apparait comme un pays à la fois autoritaire et égalitaire. En même temps,  c’est une île,  doublement isolée à cause des rétorsions américaines.  Par ces côtés là, cet hôpital prison partage quelques traits avec son pays.

Dans ce contexte de prison, de soins, de mort, et de violence parfois,  au fur et à mesure, on a  l’impression que le cadre rigide du système s’efface pour laisser place à l’humain. Et  cette humanité là, dans cette société là exprime aussi la fraternité. A mauvaise fortune, bon coeur dit le proverbe. Quant à l’idéal de liberté, dans le coeur de tout homme, il l’est plus encore dans celui des prisonniers.

On ne peut s’empêcher de spéculer sur Cuba d’aujourd’hui. C’est le début  d’autre chose,   la fin de l’isolement, la liberté sans doute,  mais aussi  « les libertés », par exemple, celle  d’expulser – Cette autre forme de la violence et de  l’exclusion-  Mais ceci est une autre histoire.

Georges

 

 

 

Ce qu’il reste de la Folie

CE QU’IL RESTE DE LA FOLIE
Semaine du 8 au 13 septembre 2016
Soirée-débat lundi 12 à 20h30
Présenté par Georges Joniaux
Film franco-sénégalais (juin 2016, 1h30) de Joris Lachaise

 

Ami(e)s Cramé(e)s de la Bobine  Bonjour,

« Cette manière de filmer, de montrer, c’est aussi l’Afrique ! » disait une spectatrice.

Un documentaire qui suscite un bon débat est un bon documentaire, et c’est le cas de « Ce qu’il reste de la Folie », si l’on en juge par la  qualité, la variété et la multiplicité des interventions dans la salle. Il n’y a rien à ajouter, simplement je souhaite signaler 2  références qui précisent l’histoire l’hôpital psychiatrique de Thiaroye :

Le combat décolonisateur d’Henri Collomb-mémoire et société

memoire-et-societe.over-blog.com/2015/…/le-combat-decolonisateur-d-henricollomb.
-On peut aussi  re découvrir le remarquable témoignage du Docteur Michel BOUSSAT  document INA  entretien avec le DR ESCANDE -1980-
Amitiés
Georges

 

PS1 :- le documentaire à l’origine  de la démarche de  Joris Lachaise,  « les maitres fous » de Jean Rouch est visible à partir de votre ordinateur.

PS2 : -tous ceux qui, comme moi,  ont été séduits par  Khady Sylla peuvent regarder Youtube : https://www.youtube.com/watch?v=DNCzF-MVvtY

Les habitants

Raymond Depardon

Présenté par Georges Joniaux
Film français (avril 2016, 1h24)

Synopsis : Raymond Depardon part à la rencontre des Français pour les écouter parler. De Charleville-Mézières à Nice, de Sète à Cherbourg, il invite des gens rencontrés dans la rue à poursuivre leur conversation devant nous, sans contraintes en toute liberté.

Digression sur Les Habitants.

Raymond Depardon est un cinéaste qui décrit volontiers son travail avec les termes d’un artisan. Ce qu’il nous en dit manifeste autant le souci de ce qu’il donne à voir, la manière de le montrer, que du public. Il y autre chose que je trouve frappant et que je souhaite rappeler : Raymond Depardon s’exprime avec lenteur, comme un paysan, chaque mot est pesé. Mais c’est aussi un intellectuel de notre temps, c’est à dire à la fois un témoin, un homme de réflexion et d’action ; quelqu’un qui intervient dans le réel par le fait même qu’il l’observe, qu’il sait débusquer et nous montrer ce que nous nous négligeons de voir.

J’ai d’abord pensé que j’étais simplement séduit, que c’était le choix de ses sujets de documentaires dans lequel l’Homme dans son quotidien tient une large place qui m’incitait à l’éloge. Mais ce n’est pas seulement cela. Lorsque Raymond Depardon filme un sujet qu’il n’a pas choisi, ce qu’il produit procure cette même impression de rigueur et de justesse.

Prenons par exemple son documentaire sur Ian Palach en 1969. Il est bref, dense, beau, tendu, tout est rendu, et surtout, rien du sens de la cérémonie ne nous échappe. Presque 50 ans après, ce film demeure saisissant et bouleversant. Donc il y a autre chose, cette autre chose c’est l’art – l’élégance et la fulgurance de l’art –

En dépit du temps, tout ce qu’il produit continue de s’imposer à nous, de s’actualiser, car nous sommes en présence d’une œuvre. J’enfonce une porte ouverte, mais c’est encore ce qui me vient à l’esprit lorsque je regarde son dernier film, Les Habitants.

Lorsqu’il filme la ville et ses habitants en général, il montre la turbulence, le chaos sous l’ordre apparent. Lui qui a choisi de s’exprimer lentement et qui aime la durée nous montre la vitesse des mots et des actes dans la vie, leur accélération vertigineuse.

Rappelons nous Urgences, Délit flagrant, 10ème chambre, et d’autres. Les bouleversements et leur ordonnancement.  Les Habitants appartient à ces films. Comme eux, il prend le public à rebrousse poil, le déconcerte. Je parie pourtant que ce film occupera une place importante dans l’œuvre de Raymond Depardon et je vais tenter de dire pourquoi.

Il nous dit en somme, qu’en dépit de notre imaginaire, de nos « idées écrans », le réel ne se congédie pas comme ça ; il fait intrusion dans notre vie, déborde notre idéal, le bouscule. Ici le réel c’est « les autres ». Ça ne nous plait pas toujours plus que ça ! On ne sait rien d’eux, alors on peut se construire un hors champ assez condescendant. Les habitants qu’il nous montre, ce sont « ces autres ». On n’était pas gêné avec « les paysans » : ils concernent nos vacances… Mais là, « les autres »  sont dans la rue, celle où l’on marche. Alors on se demande s’ils sont représentatifs, comme s’ils étaient tous contenus dans un grand sac, « les autres ». Mais les autres existent singulièrement et ne se laissent pas enfermer dans notre imaginaire. Ils sont « les habitants » et nous voyons, nous entendons de quoi leur quotidien est fait : il y a d’abord l’amitié qui unit deux personnes qui se parlent, s’écoutent et se regardent ; puis il y a les sujets qui les occupent, la famille, l’amour, la misère féminine, le machisme ordinaire, la difficulté à joindre les deux bouts, la précarité, la solitude,  la séparation et les orgueils blessés. On nous donne aussi à voir à quel prix parfois les habitants conservent leur prestance ou s’auto-illusionnent. Leur élan vital est aussi un élan sentimental. Ces habitants nous tendent un miroir dans lequel nous ne voulons pas nous regarder. Pourtant ils sont au même titre que nous les habitants, d’abord parce qu’ils s’habitent eux-mêmes, ensuite parce qu’ils habitent quelque part dans une de ces villes de France, quelque part où la vie les a menés parce qu’ils sont dans un système social que nous partageons tous, de manière très diverse. Ils sont dans leur altérité les porteurs des tensions et des espoirs d’aujourd’hui. Si Depardon nous avait montré 25 autres couples, nous aurions les mêmes résultats, car les préoccupations des habitants sont universelles, et leurs joies, petits bonheurs, frustrations, peines et illusions sont les nôtres. Depardon nous dit de quoi nous sommes faits. Georges