AU DELÀ DES MONTAGNES

AU DELÀ DES MONTAGNES

8 nominations au Festival de cannes 2015 (vo, décembre 2015, 2h06) de Zhang-ke Jia avec Zhao Tao, Zhang Yi et Jing Dong Lian

 

Cher(e)s Cramé(e)s de la bobine,

Après cette belle projection et ce bon débat, ce chef d’œuvre vous inspire encore…  vous souhaitez  commenter, soulever des questions. N’hésitez pas. Ce blog est à vous.

Bienvenu(e)s et au plaisir de vous lire

G

LA CHEVAUCHÉE FANTASTIQUE

Cinéculte
LA CHEVAUCHÉE FANTASTIQUE
Présenté par Delphine Kunkler
Film américain (vo, mai 1939, 1h37) de John Ford avec John Wayne, Claire Trevor, Thomas Mitchell, John Carradine et Tim Holt

Pour notre documentation, Delphine nous communique un  extrait de la Critique du dictionnaire des films de Jean Tulard   :

« Le point de départ : une diligence, conduite par un gros bavard et un honnête shérif, dont les passagers, par leurs manières de vivre ou par leurs attitudes envers les victimes des préjugés, forment un groupe peu respectable. Le voyage qu’ils entreprennent va devenir périlleux à cause de Géronimo qui fait tout pour défendre ses terres. Au fur et à mesure que la tension grandit, les voyageurs montrent ce qu’ils sont réellement. Ford montre plein de compassion pour ces victimes de la société et donne à chacun d’eux et à ceux qui les méprisent, une chance de sortir de leur condition. Dallas et Ringo en sont les porte-parole et la femme enceinte, un digne exemple.

Sur la forme : récit captivant, traité avec vivacité et précision, mise en scène rigoureuse, ambiance finement observée, sens du détail qui donne beaucoup de relief et de diversité aux personnages, tout cela colore un film placé sous le signe de l’action. »

 

 

Le dernier jour d’YITZHAK RABIN

LE DERNIER JOUR
D’YITZHAK RABIN
Nominé à la Mostra de Venise 2015
Semaine du 18 au 23 février 2016
Soirée-débat mardi 23 à 20h30

Présenté par Sylvie Braibant en présence de la scénariste  Marie José Sanselme
 Film israélien (vo, décembre 2015, 2h30) de Amos Gitaï avec Ischac Hiskiya, Pini Mitelman et Tomer Sisley

 

Chers Amis cramés bonjour,

Je ne sais pas si vous étiez dans la salle hier pour voir ce film, si vous n’y étiez pas, vous avez doublement loupé. D’abord, c’est Marie José Sanselme, coscénariste d’Amos Gitaï qui présentait ce film. Elle ressemble à son film, elle est précise, mesurée. Ensuite, c’est un très bon film qui tient du documentaire, qui en a la rigueur, et qui avec ses 2heures30 passe très vite parce qu’il a du rythme, qu’il est remarquablement scénarisé. Durant la discussion, nous n’avons pas manqué de souligner que jusqu’à sa musique, ce film est impeccable.

Comme nous tous dans la salle, je connaissais l’homme Yitzhak Rabin et son assassinat, j’en savais le contexte. Ce que je ne savais pas, c’est la mécanique de cet assassinat. Lors de la discussion, quelqu’un d’entre nous évoquait l’assassinat de Jaurès… même climat de haine et mêmes haineux, mêmes déchainements ; même type d’assassin…sûr de son fait.

Cela étant dit, je souhaite ici réagir aux propos que j’ai entendus, et qui me faisaient un peu gesticuler dans mon fauteuil, non parce que je pense détenir une vérité, mais plus simplement pour en débattre, si le cœur vous en dit :

Il a beaucoup (trop) été question de l’intégrisme religieux dans le débat d’après film. Eh bien, je trouve que nous avons là une fausse cause. Dieu n’a rien à voir là dedans. Je l’affirme, bien que jusqu’à présent, il soit arrivé à se passer de moi comme défenseur. L’idée religieuse n’est à mon sens que l’apparat dont s’habille les extrémistes politiques, les va t’en guerre – Une subversion du religieux à des fins tout à fait terre à terre- (C’est le cas de le dire). Certes certains hommes projettent  leur flamme et leur folie dans l’idée religieuse, mais les sincères sont-ils si nombreux? Pour beaucoup, la religion n’est qu’une autre manière d’affirmer une puissance. Une puissance politique partout, jusque dans leur lit. Leur kitch, leur ostentation les dénoncent, comme ils dénonçaient Tartuffe.

Quelqu’un dans la salle comparait à Daesh l’assassin de Rabin. Je trouve que c’est aller un peu vite en besogne, car contrairement aux combattants de Daesh, relativement bien rémunérés en moyenne, ce tueur n’a certainement pas été payé pour tuer. Non, l’assassin de Rabin est un bénévole, un pur. Il est sincère et « providentiel ». Il est tellement sûr de son fait, qu’il se demande comment on peut lui reprocher une chose pareille. Et ça… ce mariage à l’intérieur d’un même homme, de la stupidité la plus crasse avec une intelligence normale, c’est déprimant. Avec des gens comme lui, les Tartuffes ne manqueront jamais de moyens au service de leurs fins haineuses.

Georges

 

PS : Rassurez-vous, autre article, autre auteur sur ce sujet en préparation. G

 

 

Demain

UN FILM A VOIR POUR REFLECHIR ET DEBATTRE 

Conseillée par plusieurs copines je suis allée voir le documentaire “ Demain”.

Réalisé par l’actrice Mélanie Laurent et Cyril Dion, le film de deux heures passe très vite et emporte souvent l’adhésion tout en soulevant plein de questions.

Qui est Cyril Dion ? il a dirigé pendant 7 ans une ONG ( co-fondée avec P. Rabhi ).
L’idée de départ est que plutôt de dénoncer les catastrophes successives en économie ou écologie, les gens ont besoin d’imaginer le futur, de le rêver pour le mettre en oeuvre.

Et pour eux le cinéma était le meilleur vecteur . C.Dion s’est appuyé sur son expérience, puisque en 2010, il a participé au film de Coline Serreau “ Solutions locales pour un désordre global”. C’est après qu’il a commencé à écrire le film.

Mélanie Laurent est surtout connue comme actrice moins comme militante auprès de diverses ONG; telles “ La fondation Danièle Mitterrand” et “ Greenpeace”.

Elle a notamment participé à de nombreuses actions contre la surpêche.

L’Histoire du film

Quatre trentenaires partent à travers le monde en quête de solutions capables de sauver leurs enfants et la nouvelle génération ( y a du boulot !!).

On nous montre des expériences vues dans l’agriculture, l’énergie, l’habitat, l’économie, la démocratie et l’éducation, réalisées dans 9 pays du monde, en Europe mais aussi en Inde, aux Etats-unis et en Islande.

Le film est divisé en quatre chapitres :

1/ se nourrir

2/ la transition énergétique

3/ les monnaies libres et l’économie

4/ éduquer

Tout un programme, qui passe comme une lettre à la poste et qui fait que l’on se sent mieux après.

Françoise F.

Informations Pratiques

 

Gérard nous dit :
« Ceci n’est pas un commentaire mais une proposition.
Habituellement j’ai 2 codes cinéday et j’ai parfois du mal à donner le deuxième. Aujourd’hui, je m’y suis pris trop tard et je n’ai pas de code pour ce soir. Le blog ne pourrait-il pas servir pour faire des échanges entre cramés. »
Cordialement
CG

Réponse :

Si… dans un premier temps, voici ma proposition, ouvrez le blog,  placez vous dans la rubrique Informations Pratiques, (ici même)  et écrivez votre information dans « Commentaire »  …. On verra à l’usage si ça marche et si c’est utile.

Merci à Gérard.

Georges

Béliers

Béliers (2015), Grimur Hakonarson

par Léo Brient

Genèse Islandaise

 

 

Décidément, le jury un Certain Regard du Festival de Cannes est d’humeur « animalière » ces dernière années : après avoir couronné l’épopée canine de White God signé Kornel Mundruczo en 2014, c’est désormais les béliers qui sont mis à l’honneur avec le dernier film de Grimur Hakonarson. Deux films qui, s’ils ne sont pas proches géographiquement, le sont certainement par leurs idées : c’est presque une fable de la Fontaine que nous racontent ces deux histoires, les animaux étant à la fois allégorie et reflet du caractère des Hommes.

Béliers est le récit de deux frères : Gummi et Kiddi qui ne se parlent plus depuis près de quarante ans. Vivant pourtant dans des maisons voisines sur le terrain de la ferme familiale, les deux paysans se complaisent dans leur solitude et vivent en harmonie avec leurs moutons respectifs. Mais au-delà de cet humble postulat de base, c’est bel et bien une succession de petits évènements qui va construire le film, en apportant son lot d’émotions et de symboles.
Il y a d’abord le concours de beauté pour béliers qui placera Kiddi en haut du podium, laissant son frère à la deuxième place. Rongé par la haine et la jalousie, Gummi ne peut pas admettre la défaite. Mais c’est aussi une rancune bien plus profonde que l’on comprend être à l’origine de la discorde entre les deux frères : Gummi, préféré par le père, hérita des terres familiales tandis que Kiddi fut forcé de ravaler sa fierté pour vivre sur ce qui appartenait désormais à son frère.
Cette histoire n’est pas sans rappeler certains récits de la Genèse comme celui d’Abel et Caïn où Dieu privilégie le troupeau d’Abel à la terre de Caïn. Ou encore celui de Jospeh qui a été trahi par ses frères pour avoir attiré la préférence du père. Ces corrélations inscrivent donc le film dans une universalité immuable, qui touche chacun d’entre nous et non pas une petite partie recluse de l’Islande.
Pourtant Béliers développe ses propres péripéties, non pas teintées du spectre de la vengeance, mais bien sous le signe de la réconciliation.

Alors que le réalisateur nous offre des panoramiques d’une extrême beauté, ce n’est pas tant une pause contemplative qu’il essaye de nous communiquer mais plutôt une recherche de sens, révélatrice des émotions de nos personnages. Aux plaines givrées qui rendent la situation comme figée dans le temps succèdent l’aube timide, le lendemain de Noël, symbole d’une réconciliation certaine.
Lorsqu’est diagnostiquée la tremblante du mouton et que les deux frères sont forcés d’abattre leur troupeau respectif, ce qui peut-être vu comme une tragédie permet en fait à nos personnages de s’humaniser, de nous faire prendre conscience de leurs conflits intérieurs. La scène où Kiddi tire dans la fenêtre de Gummi marque en quelque sorte l’entrée du spectateur dans la vie intime des protagonistes pour lesquels nous n’éprouvions jusque là qu’une distante sympathie.
On s’interroge alors sur le rôle de ces animaux qui donnent leur nom au film. Objets de discorde car symbole de la tradition familiale et donc de la rancune entre les deux frères, leur « sacrifice », un peu à la manière d’une hécatombe religieuse, semble inévitable. Mais Béliers n’est pas une tragédie et les deux frères acceptent mal la fatalité ; lorsqu’ils s’unissent pour sauver leurs moutons, les rancoeurs du passé se changent en un voyage vers le pardon et la rédemption. Frappe alors le blizzard qui met à l’épreuve leurs nouveaux liens, dernière étape vers cette réconciliation.

Nous quittons Gummi et Kiddi avec un sentiment de doute manifeste ; nus et enlacés dans un igloo de fortune, comme des enfants dans le sein de leur mère, c’est un retour à l’origine que Grimur Hakonarson allégorise avec maestria, à l’abri du ressentiment passé.

Léo

Pourquoi avons-nous aimé le film “Béliers”?

J’ai trouvé la réponse sur Télérama.fr où figure une interview de Grίmur Hάkonarson, le réalisateur du film, né en 1977.
A la question : Pourquoi avez-vous eu envie de filmer ces deux frères , des hommes âgés ?
C’est ce qui fait l’originalité de votre film car les jeunes cinéastes filment
souvent des jeunes …

Il a répondu : Je crois que j’ai une âme de vieux !Mon film pourrait se passer il y a vingt ans, je n’ai pas voulu dire s’il s’agissait du présent :je montre un monde de traditions qui ne change pas et c’est notamment pour ça que j’y suis attaché, parce qu’il ne change pas.
J’aime le passé, je suis un passionné d’Histoire , et j’aime les gens âgés ! Je crois que je m’entends mieux avec eux qu’avec les jeunes. Je ne suis pas vraiment intéressé par la culture urbaine actuelle. En Islande, Béliers est un film art et essai, comme en France, mais il a eu un très grand succès : 8% de la population l’a vu, et surtout des gens âgés. C’est une sorte de blockbuster pour le troisième âge !

Qu’en pensez-vous ?
Pour ma part, j’attends avec impatience la sortie de son prochain film qui ne manquera pas de me plaire encore davantage !! 🙂
Maïté

 

Mia Madre

MIA MADRE

Présenté par : Claude Sabatier

 

 

Intimisme, chronique socio-politique, réflexion spéculaire sur le cinéma avec le tournage d’un film dans le film – Mia Madre, le dernier opus de Nanni Moretti, unit et marie harmonieusement les trois veines chères au cinéaste italien de La Chambre du fils ou Palombella rossa. Ces trois postulations semblent trouver ici un point − et un contrepoint – d’équilibre permanent, à la fois fluide et complexe.

En s’inventant un alter ego féminin en la personne de Margherita, jouée par Margherita Buy, l’acteur-réalisateur évite l’écueil, qui lui fut parfois reproché, de léger cabotinage, voire de nombrilisme sous couvert d’authenticité autobiographique. Et comme si ce transfert ne suffisait pas, voilà que le cinéaste s’inflige − par coquetterie peut-être − un double trop parfait, auto-parodique, en la personne du frère modèle et s’invente un exorcisme en la personne de Barry Huggins, acteur insupportable, égocentrique, ne maîtrisant ni l’italien ni son texte et plus généralement son rôle entrepreneurial, incarné par l’inénarrable John Turturro ! Le comique des situations et l’outrance du personnage dans ce tournage catastrophique d’une chronique sociale − la reprise par un industriel américain au prix d’inévitables licenciements d’une usine menacée de fermeture – tempèrent paradoxalement le tragique d’une femme en perdition, confrontée à différentes formes de deuil ou de renoncement : cinéaste perfectionniste, donc surmenée, mère dépassée par les doutes de son adolescente latiniste, fille assistant impuissante à la maladie et au lent dépérissement de sa mère.

Si La Nuit américaine de François Truffaut proclamait, malgré les difficultés et impondérables d’un tournage, la prééminence de l’art sur la vie, le film courant vers sa réalisation « comme un train dans la nuit », Mia madre dit une certaine vanité du cinéma par rapport au réel : comment parler du chômage, de la crise sans tomber dans le misérabilisme ou le froid constat, sans point de vue clairement adopté ? À quoi bon s’adonner à l’art quand votre mère se meurt ? Il l’évoque toutefois subtilement, en réconciliant les contraires : « vous ne saurez jamais à quel point le travail est important pour nous » − lance un ouvrier à son patron, phrase qui résonne étrangement dans l’âme de Margherita, laquelle vient d’apprendre la mort d’Ada et continue pourtant à tourner… Oui, le travail nous structure et nous porte. Et tout est une question de juste distance aux êtres et aux choses, de « cadrage » dans la vie comme au cinéma …

La beauté du film vient sans doute de sa fluidité, et de l’étrange harmonie avec laquelle, en toute pudeur, sans jamais appuyer aucun effet, la narration de Nanni Moretti mêle souvenirs de jeunesse et anticipations (on pense aux cartons dans l’appartement préfigurant la mort d’Ada pourtant toujours vivante), scènes bien réelles et séquences oniriques : Ada s’évadant en chemise de nuit de l’hôpital ou persistant à vouloir encore conduire malgré la colère (rêvée ?) de sa fille, ses proches (frère, mère et fille) rejoignant Margherita dans la file d’attente des Ailes du désir de Wim Wenders.

Tout semble suggestion, tel ce regard accablé, entre jalousie informulée et conscience de soi douloureuse, de la cinéaste qui n’a su concocter comme le frère modèle des pastas au parmesan pour sa mère hospitalisée, mais s’est contentée d’acheter un plat préparé. Tout est dans le non-dit, dans l’écho assourdi d’une vie qui n’est déjà plus, d’une mort qui jette son ombre portée sur le retour à la maison en phase terminale de maladie, d’une disparition réfractée par le mur d’une chambre adolescente et perçue comme un lointain et pourtant pressant murmure téléphonique. Tout est dit mais aussi pardonné et comme dépassé par la force de la culture, les livres caressés dans une bibliothèque, le regard apaisé et serein d’une vieille dame qui s’excuse presque de partir et nous susurre simplement comme une politesse du désespoir : « À demain » !

 

Claude S.

le fils de saul

LE FILS DE SAUL
Grand Prix au Festival de Cannes en 2015 (+)
Soirée-débat vendredi 15 janvier à 20h30
Présenté par Annette Wieviorka
Film hongrois (vo, septembre 2015, 1h47) de László Nemes avec Géza Röhrig, Levente Molnár et Urs Rechn

Lumineusement présenté et discuté par Annette Wieviorka, Le fils de Saul, est tout sauf un film intellectuel, c’est un film émotionnel, un film d’immersion, sonore et visuelle. Un film saisissant.

 

Le fils de Saul nous invite à suivre Saul équipier d’un sonderkommando et parfois à être Saul…à voir entendre, sentir ce que Saul voit entend et sent. Nous sommes dans une unité de mise à mort des juifs à Auschwitz Birkenau. Autrement dit, à suivre un homme contraint à travailler comme un forçat pour faire fonctionner ce qu’il est convenu d’appeler un peu trop vite, la machine de mort. Un peu trop vite, car le but ultime du système n’est pas seulement de tuer hommes, femmes et enfants en masse. C’est aussi de produire autant que possible, compte tenu des « impératifs de production », de la mise en poudre. C’est à dire en même temps qu’on tue, à faire disparaître les corps (pièces !) innombrables…et donc l’assassinat lui même. Qu’il n’en reste rien.

Il y a une histoire dans le film, il en fallait une. Ce n’est pas une histoire mineure, l’homme Saul, tel Don Quichotte tente d’éviter la mise en poudre d’un enfant. Il tente de créer un espace, un temps de dignité humaine en donnant un sacrement et en enterrant un enfant dont il allègue pour couper court, que c’est le sien. Le mouvement de résistance individuelle de l’homme Saul en intercepte un autre, une révolte collective.

En 1998, Imre Kertész dit : « pour que l’holocauste entre réellement dans la conscience collective européenne, -du moins celle de la conscience occidentale- il a fallu payer le prix exigé par le public. La stylisation de l’holocauste, qui a commencé pratiquement tout de suite, atteint aujourd’hui des proportions insupportables. Rien que le mot holocauste est une stylisation, une abstraction euphémique pour des mots à résonnance plus brutale, comme « camp d’extermination », ou solution finale.

Sommes nous dans ce cas de stylisation ?… oui, il y a une esthétique, un style. Lazlo Nemes est un artiste, l’art est là pour nous faire ressentir. Mais pas au prix de n’importe quel moyen. Il y a une éthique chez Lazlo Nemes. Regardons les images, observons l’usage esthétique, subtil et nécessaire du flou.
Sommes nous devant une représentation euphémique, une abstraction, une production intellectuelle ? Non. Le film de Nemes bien documenté, produit une forme émotionnelle de la connaissance, il participe, d’où il se tient, à la conscience occidentale, tout comme certains témoignages, ceux de Primo Levi, et de bien d’autres. Mais, plus particulièrement, je pense ici à « Je suis le dernier Juif », de Chil Rajchman, ex membre d’un sonderkommando, évadé à l’occasion d’une révolte en 1943 préfacé par la même Annette Wieviorka.

Pour ce Fils de Saul, grand premier film de Lazlo Nemes, comme une fenêtre sur le néant, la présence d’ Annette Wieviorka est une chance pour les spectateurs. Nous avons pu voir et discuter un film dur et infiniment discutable. Sa présence humble, calme, disponible, son propos à bonne distance, rigoureusement précis  étaient en quelque sorte nécessaires.

Georges