Un soupçon d’amour de Paul Vecchiali (2)

En 1961, Paul Vecchiali réalisateur débutant n’hésite pas à solliciter Nicole Courcel pour tourner « Les petits drames » son premier film. Donnez-moi une bonne raison de jouer dans votre film lui demanda-t-elle ? « Danielle Darrieux » répondit-il. Elle accepta. En 2020, Paul Vecchiali se souvient de Nicole Courcel. Il se souvient qu’en 1961, à ce même moment, elle jouait Andromaque de Racine, mis en scène par Marguerite Jamois au Théâtre des Célestins. Il y a dans ce film deux dédicaces visibles, celle à sa sœur et comédienne disparue, Sonia Saviange, une autre à Douglas Sirk et puis il y a celle-ci, invisible, intime. Un soupçon d’amour est placé sous le signe d’Andromaque et commence à un détail près par sa répétition… Marianne Basler, Geneviève dans le film en est l’interprète. Elle est sans doute pour Paul Vecchiali l’égale de Danielle Darrieux et Nicole Courcel une grande actrice. D’ailleurs, pour ce « soupçon d’amour », c’était elle ou personne.

Tout comme Henri, voir l’article ci-dessous, nous sommes intrigués par le titre du film. Ce soupçon, est-il un doute (soupçonner) ou un ajout, comme on ajoute un soupçon d’épices ou de vanille ?

De même que le titre du film cache son signifiant, le film cache son suspens.

Pour le spectateur, à mesure que le film avance, ce soupçon d’amour mutera en « Un soupçon de mort ». Jusqu’au moment où dans une très belle scène, celle de la certitude où André (Jean-Philippe Puymartin, son époux pour le film et pour la vie) rappelle à Geneviève que son enfant Jérôme, (Ferdinand Leclere) est mort il y a vingt ans.

Et nous sommes à ce moment pris dans une sorte de va-et-vient rétrospectifs, nous nous rappelons alors cette toute première image, un transat vide, sur une pelouse.
Puis la douleur de Geneviève durant la répétition d’Andromaque (Rendre un fils à sa mère), elle craque et quitte la scène …c’est une artiste dit André, elle va se ressourcer!
Et cette considération de Geneviève sur Andromaque : « Je trouve cette pièce assez ampoulée, avec cet enfant de tous les débats et qu’on ne voit jamais ! »
On se rappelle cet autre moment clé : « N’oublie pas que je t’aime » de Geneviève à André
Et encore Jérôme, cet enfant si aimant, si éthéré, presque un ange
Ce faux triangle amoureux et de vraies confidentes. (Isabelle (Fabienne Babe) Geneviève, André)

« Un soupçon d’amour » si aimable se transfigure alors, et chaque passage du film est à revisiter, les scènes et les mots prennent d’autres valeurs, d’autres significations. Geneviève devient une Andromaque qui n’a pas pu protéger son enfant contre l’adversité, et qui pourtant ne cesse de le faire et le fera toujours. Un deuil impossible, une tragédie !

Et on mesure aussi la part personnelle de Paul Vecchiali dans cette histoire, qui se souvient de cette manière de la perte d’êtres chers et doit leur dire quelque chose comme « vous êtes toujours avec moi » ou encore « je suis toujours avec vous », et en même temps, son attitude dans la vie, celle d’un homme qui affirme, dans une interview à « A voix nue » France Culture, ignorer la peur. Un homme qui ces dix dernières années a réalisé 9 longs-métrages, 3 courts, fait de la mise en scène, écrit l’Encinéclopédie un ouvrage de 1700 pages sur le cinéma des années trente ! Bien droit avec ses 91 ans, préparant un autre film, avec un budget deux fois plus élevé que pour « Un soupçon d’amour »…400 000 euros, mazette! Une somme pour ce recalé des avances sur recettes!

Laisser un commentaire