présenté par Henri
Soirée débat mardi 19 mars 2019
La Favorite, par sa brutalité, son parler cash, sa modernité, sa mise en scène cadencée, son rythme, sa lumière sombre, m’a emportée.
Séduite, je l’ai été aussi par ses actrices et particulièrement Rachel Weisz, le double effet Sarah.
Sarah émeut à mort. Si violente, elle subjugue par son intelligence, captive par son assurance et sa beauté. Elle est reine et surnage avec tout ce « beau monde » dans ce grand bocal d’eaux troubles, regardant cette petite sardine prendre le risque de se jeter à l’eau, n’y prenant d’abord pas garde. Or, le petit poisson prend des forces.
L’effet bocal est rendu par le fish eye* qui, occasionnellement et opportunément nous ramène toujours dans le bocal quand, par inadvertance, on en était sorti pour prendre l’air, un air rare et dévastateur.
Par exemple pour une partie de « canard trap », un des nombreux sports où l’élève dépasse vite le maître, ou bien dans la chevauchée sauvage finissant en supplice de Sarah, empoisonnée, croupissant, pour un temps, dans un autre bocal nauséabond. Sarah si solide.
Sarah, la guerrière, manipulant consciemment et avec dextérité la reine sur le grand échiquier de ce qu’elle sait être l’Histoire, devra pourtant rendre les armes. Faite échec et mat par Abigail, sa jeune cousine incontournable.
A part d’être atteinte, en plus, du mal suprème, Abigail, ne pouvait pas à son arrivée au château se présenter plus mal, être tombée plus bas. Mais le grand coup de pieds qui fait remonter à la surface, elle saura le donner, sourdement, mais de toutes ses forces.
De sorte qu’elle pourra à son tour prendre la place de favorite auprès de Anne, reine vieillissante, passablement libidineuse et dont il faut calmer tantôt les ardeurs, tantôt les jambes putréfiées. Il faut vraiment avoir faim !
Abigail a très faim.
La reine, dans un sursaut de lucidité, un instinct de survie, provoqués par le cri d’un de ses lapins maltraités par le petit pied chaussé de soie de sa nouvelle favorite, finira de prendre conscience de s’être fourvoyée et, dans un effort extrême, traînant son gros corps douloureux à terre jusqu’à la porte de sortie de son alcôve secrète, réussira à se remettre debout.
La faisant plier, à ses genoux, la reine appuie sur la tête de la favorite de tout le poids de ses enfants morts.
Et il y a la musique, les costumes, les décors tout ce qui fait que le film ait mérité tant de prestigieuses récompenses.
Sacré bonhomme ce Yorgos Lanthimos. Sacré film.
Marie-No
*Un objectif fisheye, ou objectif hypergone, est un objectif photographique ayant pour particularité une distance focale très courte et donc un angle de champ très grand, Il introduit par son principe même une distorsion qui courbe fortement toutes les lignes droites qui ne passent pas par le centre.