Coup d’œil sur le Week-End des Jeunes Réalisateurs.

Comme chaque fois certainement, j’ai trouvé que ces journées étaient les meilleures que j’avais vues. Mais qu’il me suffise de revenir seulement un an en arrière pour m’apercevoir de l’illusion rétrospective.  Nous présentions alors  des films tels que « jusqu’à la garde »de Xavier Legrand qui un an plus tard allait rafler tous les Césars !  Ou encore « Makala»d’Emmanuel Gras ce documentariste  qui fait une œuvre originale et superbe.

La réalité  c’est que ces journées nous donnent chaque fois l’occasion de voir des merveilles et qu’elles appartiennent aux jours de fêtes de nos vies d’amateurs de cinéma.

Voici quelques brèves (et moins brèves)  notes sur ces films. 

Samedi 14 h30-Avec les Drapeaux de Papierde Nathan Ambrosini, nous commencions bien. Ce garçon de 30 ans, (Guillaume Gouix) relâché de prison qui débarque chez sa sœur (Noémie Merlant) , avec tout ce qu’il est, son traumatisme carcéral, ses colères et violences infantiles,  et qui va bouleverser sa vie. Il y a dans ce film une tension permanente, une imprévisibilité,  on est à chaque plan en attente d’un clash. Souvent filmé de dos, boule à zéro, ce jeune homme donne l’impression d’un boxeur qui va rentrer sur un ring. Qui va de manque d’amour en amour manqué.  Mais toute la beauté du film est de montrer que cette vie qui rend malade peut être aussi une vie qui soigne. Le tandem d’acteurs est remarquable nous connaissions Guillaume Gouix et découvrions Noémie Merlant (une actrice à suivre).

Suit « l’ordre des médecins »que je n’ai pas revu mais dont beaucoup de spectateurs ont dit le plus grand bien et sûr que ce film aura un beau succès.

Puis « L’amour debout » clos cette journée, avec la présence  pour le débat de Michaël Dacheux- Très beau film et superbe débat !  Un film d’un réalisateur qui aime le réel et les gens. Et cela se traduit par son attention bienveillante portée au public comme dans le choix de ses acteurs, dans l’importance qu’il donne à la vraisemblance des personnages. C’est un film qui ausculte une société de gens cultivés,  qui vivent chichement, dans  ce qu’on a entendu appeler le « précariat contemporain ». Dont le souci n’est pas d’être riches mais de vivre de ce qu’ils aiment et de ce en quoi ils croient, pour le meilleur et le pire. Des gens modestes qu’on ne montre pas habituellement car ils ne sont symboliques de rien. Et parmi eux Martin qui veut faire du cinéma, qui est homosexuel, qui est mal de l’être. Mal parce qu’il sépare sa sexualité de ses sentiments. Et parmi eux encore Léa la guide parisienne à son compte,  qui hésite à aimer après avoir aimé Martin, mais qui aime tout de même, « un vieux » de deux fois son âge…Musicien, compositeur et qui ne peut pas faire autrement que de l’être. On pense à Marcel Proust voit bien ce qui pourrait séparer le réalisateur d’un Marcel Proust. Il y a pourtant quelques choses qui le rapprocheraient de la recherche : La question de l’effet du temps, de la séparation et des retrouvailles. Il y a aussi ce goût immodéré pour les arts et les sciences,  le 7èmeles rassemblant tous, et il ne s’en prive pas, avec une l’architecture d’un Paris peu connu, la musique de Schuman et Ravel, la qualité littéraire des dialogues, les livres etc…  

Micahël Dacheux  nous fait découvrir son univers avec finesse, par touches légères, il a la modestie et la profondeur de quelqu’un qui fait et fera une œuvre authentique et originale. 

Dimanche 11 heures,   Pearl d’Elsa Amiel, avec une actrice peu commune (Julia Föry). Le monde du Body-Building féminin, c’est-à-dire de l’auto-construction un peu monstrueuse de son corps, un corps mû par une volonté venue d’ailleurs, un coach (Peter Mullan). Cette femme  a fait un enfant à un homme, un homme joueur, un peu marginal, pas terrible. Il revient dans sa vie alors qu’elle prépare un concours crucial pour son coach par elle-même interposée. Ce film  mixe des choses vues mille fois, le renoncement à être mère, le renoncement à être soi-même pour être championne !  Mais, il y a quelque chose de troublant et de fascinant dans ce monde hors norme où l’on prend des potions magiques comme on prendrait un café. Où l’exploitation de l’homme par l’homme est réduite à sa plus simple expression et il faut bien avouer, si les thèmes sont connus, voir ces femmes étranges est assez rare.

« Un violent désir de bonheur » de Clément Schneider en présence du réalisateur, Encore un film original, ça commence par un portefaix, un colporteur qui court et annonce la nouvelle : les révolutionnaires approchent. Nous sommes en 1792 et ils réquisitionnent les bâtiments d’église. Un monastère, des moines, et l’irruption des révolutionnaires hirsutes, et parmi eux, étonnante, une femme noire, Marianne, (Grace Sery).On est rapidement captivé par ce film car un moine (Quentin Dolmaire) les questionne sur leurs fins, et son sang-froid est grand et sa langue exquise. Avec ce vent des hommes de la liberté souffle aussi celui d’une autre liberté, de l’émancipation de notre moine sous l’effet de Marianne la grace, le bonheur et la liberté souveraine dans un monde soi-disant libre. Au demeurant elle est à  l’image du réalisateur qui quitte 1792  à la fin de son film par une chanson de Marianne Faithfull. Je n’ai hélas pas entendu le réalisateur, mais je suis prêt à parier que nous le reverrons pour une autre oeuvre,  et ses acteurs  ont de l’avenir, parce qu’ils sont formidables.

PS : Nous avionsvu Grace Sery à Prades dans un court-métrage, « le bleu, blanc rouge de mes cheveux ! »

« L’époque » en présence de Matthieu Bareyre son réalisateur,un documentaire. On croit d’abord qu’on va être dans le prolongement des documentaires sociologiques dans la lignée de « Chronique d’un été » de Jean Rouch ou encore de « le Joli mai » de Chris Marker,  mais M.B ne se positionne pas en élève. Il tourne juste après le massacre de Charlie,  après « Je suis Charlie » et son unité opportuniste. Derrière cette unité il y a le  bouillonnement passionnel des jeunes. Et les mots pour le dire des jeunes qu’on peut résumer par impasse, oppression,  fureur, colère et désespérence. On est tantôt Place de la République à Paris, tantôt ailleurs, non loin. La colonne vertébrale du film c’est Rose, une jeune femme, française  et noire (avec les dicriminations d’usage !), noctambule, intellectuelle « surdiplômée »,  (il faut bien être maintenant pour inventer un tel mot !).On peut parier sur le succès de ce documentaire car il est construit comme la musique qu’il utilise : La follia de la sonate n°12 de Vivaldi par Il Giardino Armonico, musique folle et  impétueuse. Impétueuse, comme l’est cette jeunesse pour laquelle les parents n’ont pas prévu d’avenir, si ce n’est pathétiquement le leur. 

Lune de Miel d’Elise Otzenberger, le synopsis annonçait  du compliqué, conjuguer le souvenir de l’extermination des juifs de Pologne avec le désir de descendants juifs polonais de retourner sur la terre de leurs ancêtres Polonais pour une commémoration ! En faire une comédie. On suspectait que ça allait grincer. Sortant de la salle, j’ai immédiatement dit que ce film était loupé ! Et je regrette ma stupidité. Je pense que j’irai le revoir. L’humour est toujours une tentative de civilisation. Et le choix de la fiction est judicieux, faire un documentaire est une chose, montrer le regard d’un couple d’origine juive sur « le présent du passé » en est une autre ! J’ajouterai mon bon souvenir sur le kitsch de Cracovie et « les juifs » en plastique.  Ce kitsch là,  la marque des antisémites reconvertis.

Et au Total : On aurait bien aimé que la salle 4 soit toujours  comble, mais on a aussi eu le  bonheur de voir un public heureux pour cette 8èmeet superbe édition. A l’année prochaine ! 

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