Pascal Thomas est une figure familière du cinéma dont la carrière débute d’une manière fulgurante avec les Zozos dans les années 70 suivi d’ une série de films à petit budget. Nous sommes en 2019, il est égal à lui-même après 24 films et séries tournées. Léger et profond. À propos de « A cause des filles », Michel Ciment dit : « J’ai vu une méchante critique disant : « C’est un film désuet ». (Thomas Sotinel) Mais Pascal Thomas a toujours été désuet ! C’est ça, sa grandeur ! C’est quelqu’un qui n’est pas de son époque. Quand Les Zozos (1973) sont sortis, ce n’était pas du tout le cinéma qu’on faisait à l’époque ! Il a une sorte de nostalgie pour un art de vivre que Pascal Thomas aime et qui est en train de disparaître ».
Et j’ajouterai, que Pascal Thomas a de l’humour, ce qu’on ne lui pardonne pas toujours.
Selon l’art et la manière de Pascal Thomas, le film commence vite et fort par la scène du Mariage. Dès les premiers plans sur fond de musique austère, une femme sort de sa voiture décapotable, tourne le dos au public en s’appuyant contre la portière et regarde, caméra subjective, travelling avant, une église. Dans l’église contraste, c’est la joie de la célébration. Puis, sortie joyeuse de l’église, baiser des mariés… Puis fuite du marié avec la jeune femme inconnue dans la voiture décapotable derrière laquelle sont accrochées quatre casseroles…Une scène folle, une scène de cinéma. C’est Victoria Olloqui La mariée et Fréderic Beigbeder… (Le marié) et Alexandra Stewart (la mère du marié) et c’est une mère qui apprécie son fils à sa valeur, et là aussi c’est autant une belle trouvaille du scénario qu’un numéro d’artiste.
Ensuite il faut tenir le rythme c’est toute la question, et quand on a vu ce film, on a la réponse. Enchaînements, invention, drôlerie, et en même temps quelque chose d’indicible dont nous toucherons un mot tout à l’heure.
Le synopsis dans sa discrétion dit quelque chose comme : « A cause des Filles », est un film choral un film à sketches, où toutes les générations sont présentes. Le départ du film est cocasse, ça se passe dans le bassin d’arcachon, une noce tourne mal. Ce qui amène tous les convives de la noce à remonter le moral de la femme abandonnée. Tous ont alors leur mot à dire sur l’inconstance, les surprises de la vie conjugale, les péripéties inattendues et les amours malheureuses…
Cette présentation n’est que partiellement vraie, nombre d’histoires sont racontées hors de la présence de la mariée. Et c’est tout le charme des films de Pascal Thomas de vouloir aussi montrer avec humour, comment les invités cherchent à effacer l’incongruité de cette scène initiale, à demeurer ensemble, à être ce qu’ils doivent être, des convives…conviviaux. Pascal Thomas est un maître dans l’art de montrer simultannément une chose et son contraire, bref à montrer nos inclinations ce qui pulse en nous et nous pousse du bon côté.
Le choix d’une forme chorale ne doit rien au hasard, Pascal Thomas aime les acteurs, il aime les histoires et les gens qui les racontent. Des histoires ? Il aime parfois en chercher aussi, ainsi sa réplique : « Le chasseur français est fait pour les chasseurs et les cahiers du cinéma pour les gens qui regardent des films »…Lui permet d’obtenir et de conforter( ?) le mépris des « Cahiers » pour son cinéma en général et ce dernier film…
Pour tous ceux qui se rappellent des sketches, voici un petit mémento succinct de la galerie des acteurs qui leur correspondent :
José Garcia et Valérie Decobert (un père de famille),
Pierre Richard et Marie-Agnès Gillot (le veil homme et la mort)
Audrey Fleurot et Louis-Do de Lancquesaing (les saucissonés)
Rossi de Palma et François Morel (le peintre)
Barbara Schulz et Arthur Teboul (le tatoué) …
Irène Jacob et Laurent lucas (la veillée funèbre)
Marie Josée Croze (Béatrice, la prof de français)
et Victoria Lafaurie, (la chanteuse)…
Certains sketches rappellent le cinéma italien et il est sûr que Pascal Thomas aime ce cinéma depuis toujours. Certains dialogues ceux de Woody Allen, un curieux Woody qui n’aimerait pas Freud !
…et revenons à l’ambiance générale du film, l’image est belle, chatoyante par instants, on se souvient du passage le « parfum de la femme en noir » qui rappelait E.Hoper, les décors y participent. La musique « A cause des Filles » qui ouvre et ferme le film, très réussie, et Victoria Lafaurie est une chanteuse à suivre.
Et sur l’ambiance générale, la nostalgie, le passage du temps et notre finitude, et simultanément la gratitude, le bonheur de vivre. Tels ceux de la mariée qui conclut le film dans un élan de résilience, de dépassement, de confiance et d’humour!