« Adieu Mandalay » de Midi Z (2)

Grand Prix au Festival International du Film d’Amiens

Du 7 au 13 juin 2017Soirée-débat mardi 13 à 20h30

Présenté par Laurence Guyon

Film birman (vo, mai 2017, 1h43) de Midi Z avec Kai Ko, Wu Ke-Xi, Wang Shin-Hong
Distributeur : Les Acacias

 

De Lashio, pour rejoindre la Thailande, clandestinement, il faut payer. Cher. Plus ou moins selon le « confort souhaité » … Dans le coffre du pick-up c’est 8000, le moins cher, un enfer (les passeurs ont prévu les cachets pour éviter de nettoyer leur outil de travail à l’arrivée !).
Liangqing paie 8000 kyats. Guo échange avec elle sa place à 10000. Il s’auto-promeut chevalier servant, ange gardien, il en fait sa muse, son idéal. Il fait une véritable fixation sur elle et ne la lâchera plus.
Ce n’est pas une rencontre, c’est un kidnapping. Il y a maldonne. Ces deux-là n’auraient pas dû se rencontrer. Alors Liangqing aurait tracé sa route, contre vents et marées, solide, déterminée. Mais son chemin a croisé celui de Guo, personnage sans envergure, qui prend possession de sa destinée, l’empêche de vivre sa vie. La scène de la chambre, filmée du dessus, nous éclaire sur leur relation. Ils sont allongés, séparément, elle en haut, lui en bas. Elle laisse pendre sa main. Il ne s’en saisit pas. Il l’approche, la frôle, n’ose pas. Ose peut-être. La scène s’arrête là et on se demande si, pour finir, ils se sont (ré)unis. Non.
Il continue à la dévisager, elle le voit à peine, à peine une fois repose-t-elle sa tête sur son épaule sur le scooter, découragée de s’être faite arnaquée par les faussaires.
Les scènes d’usine sont magnifiques. On voit Liangqing tendre les fils, les séparer, les réunir en boisseaux. On dirait une déesse, gracieuse joueuse de harpe et on sait la musique que ces gestes lui jouent. Musique d’affranchissement, possibilité de liberté.
Et Guo, inlassablement, à contre courant, la débarrasse de tous les petits fils restés collés à sa peau, visibles de lui seul. Il l’immacule.
Quand apprenant qu’il l’a trahie en lui cachant l’intervention de Wiangang pour lui faire obtenir des papiers, Liangqing décide de partir et Guo perd la raison cf les scènes magnifiques de sueur et de feu, scènes de tragédie. Liangqing a décidé de gagner vite les 300000 baht nécessaires à l’obtention de ses papiers. La scène de prostitution est stupéfiante. On est horrifié par la laideur et la brutalité de ce gros client éructant, de cet énorme varan battant de la queue dans le cou de Liangqing.
Guo, fou de douleur viendra la saigner dans son sommeil et, puisqu’il était dit que leurs fluides ne se mêleraient pas, s’éloignera un peu pour faire jaillir le bouillonnement de son propre sang, éclaboussant Bouddha dans son cadre.
Mais c’est vrai, au fait : et Bouddha dans tout ça ?

Marie-Noël

NB : Ou bien, Guo symbolise la conscience de Liangqing, son moi, son éducation, son chemin tracé, qui l’encombrent et dont elle sera débarrassée, dans un bain de sang, après être devenue une autre. Alors elle pourra tracer sa route, contre vents et marées etc … Armée de ses papiers,  réfléchie et courageuse elle fuira la médiocrité, et sa vie se présentera sous de meilleures auspices, à Taïwan ou ailleurs, plus jamais Liangqing et sans retour à Lashio.

Le titre français « Adieu Mandalay » n’a rien à voir avec le film.
Le titre anglais « The road to Mandalay » fait référence au poème de Kipling « Mandalay » (189o, Kipling a 24 ans), évocateur d’orient romantique et lumineux, mirage d’alors aujourd’hui plus que disparu, et qu’on aime sans le connaître.
Pour rester dans le thème »rien à voir avec le film « , Sinatra l’a chanté. Très bien.

https://youtu.be/7T0fArVS7P4

Laisser un commentaire