ACUSADA de Gonzalo TOBAL

Pour ce deuxième long-métrage Gonzalo Tobal nous montre à la fois une histoire policière  et le processus qui se met en place autour du   « présumé coupable » :  sa famille, ses avocats, les médias  face à un fait divers complexe et violent. Un processus donc, qui est pour une part intime et pour l’autre publique, avec ses implications   juridiques, médiatiques,  familiales, sociales.

La jeune Lali Esposito qui joue Dolorès Dreir est une interpréte principale très honorable, d’autant que c’est son premier film pour le grand écran et à l’international. 

La distribution secondaire  est constituée d’acteurs que nous connaissons à l’image de Leonardo Sbaraglia( rôle du père)  que les cramés de la Bobine ont pu voir dans Douleur et Gloire d’Almodovar et dans les nouveaux  sauvages  de Damian Szyfron  

Ou encore  d’Inès Estévez qui interprète Bétina, la mère de Dolorès, qui  jouait dans Félicidad projeté  à sa sortie aux Cramés.  Soulignons au passage qu’elle est aussi  une remarquable chanteuse de Jazz( cf. youtube). Soit dit en apparté, on peut aussi espérer que cette remarquable actrice ait fait un procès à son chirurgien plastique ou que ce professionnel soit conduit à se recycler.

Ce film n’est certainement  pas inoubliable, il présente de nombreux défauts. Sa musique est trop appuyée, les mouvements de caméra le sont parfois un peu aussi,  par exemple, cet effet de zoom  avant  vers la fin du film : lors  de cet instant de solitude  ou l’on peut voir Dolorès seule avec elle- même, observant  au loin sur les toits. Suit un plan fixe, elle observe  ce puma imaginaire ou réel. Ce puma qui comme elle a été livré, tel un monstre du Loch ness,  à l’intérêt zappant et fugace d’une population gavée d’événements -Une population passionnelle prompte à se déchainer-. 

Et puis il y a dans le scénario un abus de scènes  providentielles un peu faciles :

La mère intervient à temps quand Dolorès sa fille veut rendre visite à la mère de Camilla, l’assassinée. L’avocat rentre dans le café au moment où sa cliente risquait de parler avec les témoins. Le père arrive en voiture à l’hacienda au moment où sa fille est assise sur la margelle du puits … 

Mais on ne peut enlever à ce film, ni son côté palpitant, ni le côté touchant, fort et fragile de Lali Esposito dans l’incarnation de son rôle.  Et puis ce film est aussi une chronique du jeu social, judiciaire et médiatique devant une affaire « indécidable ». Une affaire où une fois la justice passée, coupable ou innocent, il ne restera que des décombres fumants. 

On remarque  la faculté d’auto-illusion, d’autojustification  des personnages, (qui aussi la nôtre) qu’il nous montre : La construction d’un récit collectif qui conduit à l’acquittement est un tissu de vérités tronquées et de mensonges délibérés, brefs de petits arrangements avec le réel. L’amie de Dolorès essaie de disssuader un témoin.  Le père  fait disparaître un sac à dos qui peut-être aurait été à charge. Plus loin il dit, « après tout ce que j’ai fait, si tu es condamnée, tu n’es plus ma fille ». Qu’elle soit innocente ou coupable ne rentre pas dans son calcul.  Le grand avocat ami de la famille qui pille méthodiquement (et de bon droit)  son ami pour défendre sa fille avec une stratégie qui  ne repose que sur le doute. La mère qui n’aime rien tant que le silence. La fille qui seule sait mais se prête (à l’exception de l’interview) a tous les scénarios prévus pour elle, fussent-ils faux. On pourrait ainsi dérouler l’ensemble du film qui de ce point de vue est parfaitement réussi. 

Il y a un autre aspect bien traité, c’est celui de l’innocence et de la culpabilité. Qu’un innoncent se sente et se manifeste comme un coupable dans une telle situation, le pire pour lui est à craindre! Qu’un coupable se sente ou se prétende innocent et se défende comme tel, alors il augmentera ses chances de  se sauver : « Messieurs, n’avouez jamais » a dit  Davinain, au pied de l’échafaud. Le plus souvent la culpabilité et l’innocence cohabitent intimement autant chez l’accusée que chez ses intimes. La prééminence du jeu social sur la vérité est bien montrée dans Acusada. Deux illustrations me viennent  à propos de ce jeu avec la culpabilité :

Dolorès est avec son ami (celui qu’elle a rencontré pour le service sexuel), elle lui dit  quelque chose comme : « tu ne t’imagines pas que je vais te dire si je suis coupable ou innoncente alors que 40 millions de personnes attendent »… elle ajoute après un court mais pesant silence « mais je suis innocente ».  Lorsque Dolorès  est assise sur la margelle du puits, son père démontre qu’il la pensait coupable… « mais je ne l’ai pas fait papa !  » 

Et pour nous Français, cette justice argentine qui ressemble à l’américaine, recèle un mystère attrayant, on peut y attendre son procès ailleurs qu’en prison… et répulsif à la fois, si l’on en juge par l’exemple des USA avec sa politique d’enfermement et ses erreurs tragiques pour ne pas dire cyniques. 

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